Cour d’appel de Nîmes, 18 octobre 2018
Cour d’appel de Nîmes, 18 octobre 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Préjudice record pour un illustrateur publicitaire

Résumé

Un ancien illustrateur publicitaire a obtenu près de 70 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon après avoir découvert que ses œuvres étaient utilisées sans autorisation par son ancien employeur. Les juges ont rehaussé le montant du préjudice, affirmant que l’existence d’un contrat de travail ne déroge pas aux droits de propriété intellectuelle de l’auteur. Selon l’article 1240 du code civil, la réparation doit être intégrale, prenant en compte les pertes économiques et le préjudice moral. La jurisprudence permet également d’évaluer le préjudice sur la base des redevances qui auraient dû être perçues.

Cession des droits patrimoniaux

La cession des droits patrimoniaux du salarié directeur artistique (et illustrateur publicitaire), doit être écrite et intégrale. L’ancien graphiste illustrateur publicitaire d’une agence de régie publicitaire, ayant découvert que son ancien donneur d’ordres présentait sur son site, certaines des oeuvres qu’il avait créées alors qu’il était directeur artistique (brochures, plaquettes, images publicitaires pour le compte de plusieurs annonceurs a obtenu près de 70 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon. Les juges d’appel ont revu à la hausse le montant du préjudice au visa du droit à réparation intégrale du préjudice.

L’existence d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit de propriété intellectuelle de l’auteur et à défaut de convention expresse conclue dans les conditions de la loi, le salarié auteur n’avait pas transmis à son employeur, du seul fait de la première publication rémunérée à titre de salaire, le droit de reproduire ses œuvres.

Réparation intégrale du préjudice de l’auteur

Le principe de la réparation intégrale du préjudice de l’auteur trouve son fondement dans l’article 1240 du code civil. La jurisprudence en déduit une stricte équivalence entre la réparation et le dommage, excluant toute idée de sanction et de profit. Ce droit à la réparation intégrale, figure également dans les dispositions du droit de l’Union Européenne en matière de droit d’auteur.

En effet, l’article 13 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle pose que « les États membres veillent à ce que, à la demande de la partie lésée, les autorités judiciaires compétentes ordonnent au contrevenant de verser au titulaire du droit des dommages-intérêts adaptés au préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l’atteinte. »

Ainsi les dommages et intérêts alloués doivent prendre en compte les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par l’auteur, les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte.

Toutefois, afin de faciliter l’évaluation du montant des dommages intérêts, le même article permet à l’autorité judiciaire, à titre d’alternative, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question.

En droit français, cette possibilité se trouve transposée au dernier alinéa de l’article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, dans les termes suivants : « la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »

L’article a été complété par la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon qui ajouté la phrase suivante : « Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » L’alternative de l’évaluation du préjudice patrimonial sur la base du montant des redevances ou droits qui auraient dû être perçus est intéressante, car elle dispense l’auteur de rapporter la preuve de l’étendue de son préjudice réel et évite ainsi d’avoir à appuyer son argumentation par des expertises financières coûteuses.

Préjudice de l’auteur et facturation du client

Pour revoir à la hausse le préjudice, la juridiction s’est appuyée sur les factures adressées aux clients du donneur d’ordres. Ce dernier ayant  également cédé à sa clientèle les droits d’exploitation et de reproduction des logos et plaquettes créés par l’illustrateur pour des sommes forfaitaires importantes.

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