Cour d’appel de Nîmes, 17 janvier 2025, RG n° 25/00054
Cour d’appel de Nîmes, 17 janvier 2025, RG n° 25/00054

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Prolongation de la rétention administrative : enjeux et procédures

Résumé

Contexte de l’affaire

M. X, de nationalité algérienne, a reçu un arrêté préfectoral le 5 août 2022 lui imposant une obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour pendant un an. Il a été interpellé le 16 décembre 2024 et placé en rétention administrative le 17 décembre 2024 pour exécuter cette mesure d’éloignement.

Prolongation de la rétention

Le 21 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Nîmes a prolongé la rétention de M. X pour une durée de 26 jours. Le 15 janvier 2025, le Préfet du Var a demandé une nouvelle prolongation de 30 jours, qui a été accordée le 16 janvier 2025. M. X a interjeté appel de cette décision le même jour.

Arguments de M. X

Lors de l’audience, M. X a déclaré ne pas posséder de documents d’identité et a exprimé son opposition à un retour en Algérie. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance et sa libération immédiate, soutenant que l’administration n’avait pas engagé les démarches nécessaires pour son départ.

Recevabilité de l’appel

L’appel de M. X a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les délais légaux. Les moyens soulevés par M. X ont également été considérés comme recevables, car ils ne constituaient pas des exceptions de procédure.

Éléments de fond

M. X a contesté la justification de sa rétention, arguant que l’administration n’avait pas démontré avoir pris les mesures nécessaires pour son éloignement. Cependant, il a été établi que le consulat d’Algérie avait été saisi pour l’identification et la délivrance d’un laissez-passer, ce qui a retardé le processus.

Situation personnelle de M. X

M. X, présent en France de manière irrégulière depuis 2018, ne dispose d’aucun document d’identité et n’a pas de revenus ni d’activité professionnelle. Il vit chez sa grand-mère à [Localité 2]. Son interpellation pour conduite sans permis et la mesure d’éloignement en cours compliquent sa situation.

Décision finale

La cour a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative, considérant que les conditions légales étaient remplies et que l’administration avait agi avec diligence. M. X a été informé de son droit de former un pourvoi en cassation.

Ordonnance N°52

N° RG 25/00054 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JOKP

Recours c/ déci TJ Nîmes

16 janvier 2025

[B]

C/

LE PREFET DU VAR

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 17 JANVIER 2025

(Au titre des articles L. 742-4 et L 742-5 du CESEDA)

Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d’Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 05 août 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 17 décembre 2024, notifiée le même jour à 14h40 concernant :

M. X SE DISANT [B] [H]

né le 1er Décembre 1991 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne

Vu l’ordonnance en date du 21 décembre 2024 rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 15 janvier 2025 à 16h53, enregistrée sous le N°RG 25/00276 présentée par M. le Préfet du Var ;

Vu l’ordonnance rendue le 16 Janvier 2025 à 11h30 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative sur seconde prolongation, à titre exceptionnel qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l’expiration du précédent délai de 26 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. X SE DISANT [H] [B] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 30 jours à compter du 20 janvier 2025 à 14h40 ;

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur X SE DISANT [H] [B] le 16 Janvier 2025 à 15h01 ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [V] [L], représentant le Préfet du Var, agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l’assistance de Monsieur [N] [X] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes ;

Vu la comparution de Monsieur X SE DISANT [H] [B], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Alexandre Rabih BARAKAT, avocat de Monsieur X SE DISANT [H] [B] qui a été entendu en sa plaidoirie ;

Déclare qu’il n’est titulaire d’aucun document d’identité, qu’il est arrivé en France irrégulièrement en 2018, qu’il réside à [Localité 2] chez sa grand-mère dont il s’occupe, qu’il est opposé à un retour en Algérie,

Sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée et sa remise en liberté immédiate.

Son avocat se rapporte à la déclaration d’appel.

Monsieur le Préfet requérant pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance critiquée.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté par Monsieur [S] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il est donc recevable.

SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL :

L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.

Pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège de la première instance dans les 4 jours du placement en rétention, conformément aux dispositions légales de l’article R.7413 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en outre que « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure ».

En l’espèce, tous les moyens soulevés sont recevables.

SUR LE FOND :

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [S] soutient que l’administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ, et qu’en conséquence sa rétention ne se justifie plus.

Selon l’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation de la rétention au-delà de la période de 30 jours dans les cas suivants :

« 1° en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

La prolongation de la rétention court alors « à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours ».

Ces dispositions doivent s’articuler avec celles de l’article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d’apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Monsieur [S] était dépourvu au moment de son interpellation de passeport en cours de validité ainsi que de tout document d’identité.

En l’espèce, le consulat d’Algérie dont Monsieur [S] se déclare ressortissant, a été saisi d’une première demande d’identification et de laissez-passer consulaire le 17 décembre 2024. Cette demande a été renouvelée le 20 décembre 2024, assortie de tous les éléments nécessaires à l’identification de M. [S].

La délivrance d’un laissez-passer ou tout autre document de voyage implique que la nationalité et donc l’identité de l’intéressé aient été formellement établies. En l’état d’une personne dépourvue de pièces d’identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l’origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d’autant la délivrance du titre de voyage.

Le Préfet n’ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le délai pris par celles-ci pour adresser leur réponse.

Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l’administration et sans qu’elle ait failli à ses obligations, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé.

Les circonstances et conditions exigées par l’article L742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] fondée en droit.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [S] :

Monsieur [S], présent irrégulièrement en France depuis 2018 selon ses déclarations, est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Il produit l’échéancier d’électricité daté du 29 juin 2024 portant mention du nom de M. [S] et de celui de sa grand-mère, chez laquelle il déclare habiter. Il produit une attestation d’hébergement rédigée par sa grand-mère.

Il a été interpellé le 16 décembre 2024 pour des faits de conduite sans permis de conduire. Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français. Il est opposé à un retour en Algérie.

La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L742-1 à L743-9 ; R741-3 et R.743-1 à L.743-19 et L.743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

DECLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur X SE DISANT [H] [B] ;

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,

Le 17 Janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. X SE DISANT [H] [B], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel à :

Monsieur X SE DISANT [H] [B], pour notification par le CRA,

Me Alexandre Rabih BARAKAT, avocat,

Le Préfet du Var,

Le Directeur du CRA de [Localité 3],

Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,

Le Magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.

 


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