Cour d’appel de Nîmes, 15 septembre 2022, N° de RG 21/02463
Cour d’appel de Nîmes, 15 septembre 2022, N° de RG 21/02463

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Nullité de contrat et responsabilité du prêteur dans le cadre d’un crédit affecté à une installation photovoltaïque

Résumé

L’arrêt du 15 septembre 2022 de la Cour d’appel de Nîmes confirme la nullité du bon de commande signé par les époux [G] pour une installation photovoltaïque, en raison de l’absence d’informations essentielles. La SA CA Consumer Finance, ayant financé l’opération, est également privée de son droit à restitution du capital prêté, en raison de fautes commises lors du déblocage des fonds. Les époux [G] sont condamnés à restituer 18 000 euros à la banque, tandis que celle-ci doit leur verser la même somme en dommages-intérêts, entraînant une compensation. La cour accorde également 1 500 euros aux époux au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

ARRÊT N°

N° RG 21/02463 – N°Portalis DBVH-V-B7F-IC6L

MPF-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

25 mai 2021 RG:11-19-1151

S.A. CA CONSUMER FINANCE

C/

[G]

[G]

[B]

Grosse délivrée

le 15/09/2022

à Me Emmanuelle VAJOU

à Me Philippe RECHE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A. CA CONSUMER FINANCE

poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité en son siège social

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Claire DE HAUT DE SIGY de l’AARPI COAT HAUT DE SIGY DE ROUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Madame [X] [G]

née le 19 Mars 1968 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Harry BENSIMON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [L] [G]

né le 18 Août 1968 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Harry BENSIMON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Maître [R] [B] ès qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS EASY CONFORT, immatriculée au RCS de Béziers sous le numéro 454 079 153

[Adresse 5]

[Localité 4]

Assigné à domicile le 17 septembre 2021,

sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, et Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l’audience publique du 31 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 Juillet 2022 et prorogé au 15 Septembre 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE:

A la suite d’un démarchage téléphonique d’un commercial de la société Easy Confort Sasu, [L] [G] et [X] [G] ont consenti à équiper leur maison d’une installation photovoltaïque afin de revente de l’électricité produite. Selon bon de commande du 26 janvier 2015, l’installation a été achetée au prix de 18 000 euros comprenant la fourniture, les démarches administratives et les aménagements techniques.

Pour le financement de cette opération, les époux [G] ont signé le 10 février 2015 une offre de crédit affecté auprès du CA Consumer Finance portant sur une somme de 18 000 euros remboursable en 120 mensualités de 211,95 euros chacune.

La mise en service est intervenue le 21 mars 2016.

Constatant qu’au regard des frais engagés leur installation ne serait pas rentable avant une vingtaine d’années, par actes des 4 juillet 2019, 15 juillet 2019 et 18 décembre 2019, les époux [G] ont assigné Maître [R] [B], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Easy Confort Sasu et la société Easy Confort Sasu devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de voir prononcer l’annulation de la vente et l’annulation du crédit affecté afférent.

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire du 25 mai 2021, a :

– annulé le contrat conclu selon bon de commande du 26 janvier 2015

– dit qu’il appartiendra à la société Easy Confort représentée par Maître [R] [B], mandataire liquidateur, de récupérer à ses frais le matériel fourni dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, et qu’à défaut, il sera définitivement acquis aux époux [G],

– annulé le contrat de crédit affecté au bon de commande consenti par le CA Consumer Finance,

– jugé que le CA Consumer Finance était privé de son droit à restitution du capital prêté du fait de ses fautes caractérisées ;

– condamné le CA Consumer Finance à payer à M. [L] [G] et Mme [X] [K] épouse [G] la somme de 25 434 euros en remboursement des sommes payées au titre du contrat de crédit affecté, principal et intérêt compris ;

– débouté le CA Consumer Finance de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société Easy Confort à lui rembourser les fonds perçus en exécution du contrat par inscription au passif ;

– débouté M. [L] [G] et Mme [X] [K] épouse [G] de leur demande d’indemnisation au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée ;

– débouté M. [L] [G] et Mme [X] [K] épouse [G] de leur demande d’indemnisation au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance ;

– débouté M. [L] [G] et Mme [X] [K] épouse [G] de leur demande d’indemnisation au titre de leur préjudice moral ;

– condamné in solidum la société Easy Confort et la société CA Consumer Finance à payer à M. [L] [G] et Mme [X] [K] épouse [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les sommes mises à la charge de la société Easy Confort représentée par Maître [R] [B], mandataire liquidateur, seront fixées au passif en l’état de sa liquidation judiciaire ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Par déclaration du 25 juin 2021, la société CA Consumer Finance a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, le Crédit agricole Consumer Finance demande à la cour d’infirmer la décision entreprise, sauf en ce qu’elle a débouté M. [L] [G] et Mme [X] [G] de leurs autres demandes indemnitaires et, statuant à nouveau, de:

A titre principal,

– dire n’y avoir lieu à annulation des contrats et débouter M. [L] [G] et Mme [X] [G] de l’ensemble de leurs prétentions ;

A titre plus subsidiaire, en cas d’annulation des contrats,

– juger qu’il n’a pas commis de faute ;

– ordonner la compensation des créances de restitution réciproques des parties ;

– dit n’y avoir lieu à restitution par lui à M. [L] [G] et Mme [X] [G] du montant du capital remboursé par les emprunteurs au titre du contrat de prêt, soit la somme de 18 000 euros ;

A titre plus subsidiaire, en cas de nullité du contrat et de restitution par lui à M. [L] [G] et Mme [X] [G] du montant du capital remboursé,

– condamner la société Easy Confort à lui restituer les fonds indûment perçus en exécution du contrat de prêt, soit la somme de 18 000 euros ;

– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Easy Confort sur le fondement de l’article L. 311-33 ancien du code de la consommation, la somme de 18 000 euros au titre de sa créance en garantie de restitution du capital prêté ;

Et, en tout état de cause,

– débouter M. [L] [G] et Mme [X] [G] et la société Easy Confort de toutes leurs demandes plus amples ou contraires et de tout appel incident ;

– condamner M. [L] [G] et Mme [X] [G] et la société Easy Confort à lui payer chacun la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux entiers dépens ;

– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Maître Emmanuelle Vajou conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelante fait essentiellement valoir que le bon de commande était valide et comportait l’ensemble des mentions imposées par la loi, de sorte que le consentement des époux [G] n’a pas été vicié. Il précise que les époux [G] échouent à apporter la double preuve de l’existence de manoeuvres ou d’une récitence dolosive de la part des défendeurs, dans l’intention de tromper leurs cocontractants et du caractère déterminant de l’erreur provoquée par ces manoeuvres, sans lesquelles ils n’auraient pas contracté. En outre, en l’absence de nullité du bon de commande ou compte tenu de la confirmation du contrat par les emprunteurs, le contrat de crédit affecté demeure valable. La SA CA Consumer Finance ajoute qu’elle s’est valablement libérée des fonds sur la foi d’une attestation de fin de travaux signée par M. [L] [G] le 20 février 2015, d’une demande de libération de fonds, de l’arrêté de non-opposition de la part de la municipalité du 20 février 2015 et d’une enquête téléphonique réalisée le 4 mars 2015, les époux [G] ayant confirmé leur consentement à l’occasion de chacun de ces actes.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, les époux [G] demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a débouté de leur demande d’indemnisation au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial, au titre de leur préjudice financier, de leur trouble de jouissance et de leur préjudice moral.

Les intimés demandent en conséquence à la cour de:

– condamner solidairement les sociétés Easy Confort et CA Consumer Finance à 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée ;

– condamner la société CA Consumer Finance à leur verser la somme de:

8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance ;

3 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

– juger qu’à défaut pour la société Easy Confort de récupérer le matériel fourni dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, celui-ci leur sera définitivement acquis ;

– condamner la société Easy Confort à les garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre ;

– déclarer qu’en toutes hypothèses, la société CA Consumer Finance ne pourra se faire restituer les fonds auprès d’eux mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Easy Confort, seule bénéficiaire des fonds débloqués ;

– condamner solidairement les sociétés Easy Confort et CA Consumer Finance au paiement des entiers dépens outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– fixer les créances au passif de la liquidation de la société Easy Confort.

Les intimés soutiennent que le contrat de vente les liant à la société Easy Confort est nul en raison du défaut des mentions obligatoires du bon de commande, et du dol commis par la société Easy Confort qui a usé de manoeuvres dolosives et manqué à son obligation d’information, ce dol privant en conséquence la banque de son droit à obtenir remboursement de sommes qu’elle n’aurait pas dû verser. Ils soulignent que le dol est caractérisé par divers agissements dans le cadre du démarchage , de la présentation de l’objet de l’ensemble contractuel et de la rentabilité attendue. Ils précisent qu’aucun acte ne révèle que postérieurement à la conclusion du contrat, ils auraient eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, la signature de l’attestation de fin de travaux portant ordre de libération des fonds étant insuffisante à caractériser la connaissance de l’irrégularité du bon de commande et leur renoncement à la nullité du contrat en résultant. Ils ajoutent que le contrat de crédit est nul sur le fondement de l’indivisibilité de l’ensemble contractuel, mais encore sur le fondement du dol, la banque ayant participé de façon délibérée au dol de son souscripteur en permettant la poursuite de la vente par son concours financier.

Les époux [G] estiment aussi que la banque a commis une faute en libérant les fonds en l’absence d’achèvement des travaux et de toute autorisation communale. Elle a également méconnu son devoir de mise en garde en ne leur indiquant pas que le financement octroyé était incompatible avec leur capacité financière. Les intimés considèrent aussi que ces fautes ont pour conséquence d’interdire à l’organisme de crédit de se prévaloir des effets de l’annulation pour réclamer remboursement des fonds fautivement versés.

Bien que régulièrement intimé par signification de la déclaration d’appel et des conclusions, M. [R] [B], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Easy Confort Sasu, n’a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 31 mars 2022, la procédure a été clôturée le 17 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 31 mai 2022.

MOTIFS :

La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante n’ont pas été signifiées à la personne de Maître [B], liquidateur de la Sasu Easy Confort: il sera en conséquence statué par arrêt de défaut.

Sur l’annulation du bon de commande du 26 janvier 2015:

Le bon de commande signé par les parties le 26 janvier 2015 vise dans le paragraphe « détail des prestations » une installation photovoltaïque de 18 modules de 40 KW, un onduleur, des accessoires de petites fournitures, les démarches administratives et l’aménagement technique.

Pour annuler le bon de commande du 26 janvier 2015, les premiers juges ont retenu que la marque et le modèle des produits vendus n’étaient pas mentionnés et que les indications les concernant étaient générales et basiques. Le produit acheté étant une installation de haute technologie destinée à la revente de l’énergie produite, ils ont considéré que la marque permettait de connaître des éléments déterminants pour le consommateur tels que l’origine et la fiabilité du produit ainsi que ses caractéristiques relatives à son rendement et à sa performance, outre le poids et la surface des panneaux solaires pour s’assurer de l’adaptabilité et de la sécurité de l’installation sur la toiture de leur maison.

Le tribunal a pareillement relevé l’absence d’autres éléments considérés comme essentiels: prix unitaire des matériels, coût de la main d’oeuvre, délai de livraison, délai prévisionnel d’exécution des démarches administratives et des prestations d’installation des panneaux et de raccordement et de mise en service de l’installation.

L’appelante estime que le bon de commande respecte en tous points le formalisme imposé par les articles L 121-21 à 121-33 du code de la consommation dans leur version applicable aux faits de l’espèce. Elle fait observer à la cour que si la loi exige la désignation précise du bien ou du service objet du contrat, elle n’exige pas l’indication de sa marque et que les éléments dont l’absence a été déplorée par les premiers juges ( dimension, poids, nom du fabricant…) ne sont pas des caractéristiques essentielles et déterminantes. Quant au délai de livraison, il est mentionné par le bon de commande qui stipule que la date limite d’exécution des travaux est fixée à 120 jours à compter de la date d’acceptation du dossier de financement. Le bon de commande comprenant toutes les mentions essentielles est donc selon l’établissement de crédit conforme aux dispositions légales et ne doit pas être annulé.

La SA Consumer Finance relève de surcroît que les époux [G] ne peuvent pas soulever la nullité du bon de commande, simple nullité relative, car ils l’ont couverte en confirmant leur engagement par l’exécution volontaire du contrat ‘ acceptation de la livraison de la marchandise, signature de l’attestation d’exécution des travaux et remboursement du crédit- laquelle emporte renonciation à en soulever la nullité.

Les intimés maintiennent que le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions des articles L 111-1 et L 121-7 du code de la consommation. Ils objectent que l’exécution volontaire du contrat ne vaut renonciation à en invoquer la nullité qu’à la condition que le contractant ait eu préalablement connaissance des vices de forme affectant le contrat, ce qui n’était pas le cas des époux [G].

L’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2020-105 du 10 février 2020, dispose :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1/ les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2/ le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

3/ en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4/ les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat. »

Le tribunal a relevé à juste titre que la seule mention imprimée en petits caractères dans le bon de commande que la date limite d’exécution des travaux était de 120 jours ouvrables à partir de la date d’acceptation n’était pas une indication du délai de livraison et d’exécution des prestations conforme aux exigences de l’article L 111-1 3° du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l’espèce. En effet, cette mention ne distingue pas entre le délai de pose des panneaux et celui de la réalisation des prestations à caractère administratif, un tel délai global ne permettant pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.

Le tribunal a pareillement jugé à bon droit, après avoir constaté que le bon de commande était rédigé comme suit: «  18 panneaux 240 wc, 1 onduleur, accessoires, petites fournitures, démarches administratives, aménagements techniques », que les acquéreurs n’avaient pas été informés de la marque et du modèle des panneaux et de l’onduleur achetés alors qu’il s’agit de caractéristiques essentielles leur permettant de connaître l’origine, la fiabilité et la sécurité des panneaux et de l’onduleur achetés.

En effet, la marque de matériels de haute technologie, tels les panneaux photovoltaïques et les onduleurs, est déterminante pour que le consentement du consommateur soit éclairé, les matériaux utilisés, leurs qualités, le sérieux de leur fabrication, à caractéristiques équivalentes, variant considérablement d’une marque à l’autre.

En revanche, le tribunal a retenu à tort que le poids et la dimension des panneaux étaient des caractéristiques essentielles et que le fournisseur avait l’obligation d’informer ses clients sur le prix unitaire de chaque matériel et le coût de la main d’oeuvre, la mention dans le bon de commande du prix global de 18 000 euros étant conforme aux dispositions de l’article L 111-1 2° lesquelles n’imposent pas au vendeur de mentionner en détail le prix de chaque élément du bien vendu et de la prestation fournie.

Le tribunal a estimé que la Sa Consumer Finance ne produisait aucun document démontrant que les époux [G] avaient exécuté en connaissance de cause le contrat et par là renoncé à se prévaloir de l’irrégularité entachant le bon de commande relativement à l’insuffisance de l’information.

Le 20 février 2015, les époux [G] ont signé le même jour un procès-verbal de réception de chantier sans réserve ainsi qu’une demande de déblocage de fonds attestant que la prestation financée avait été exécutée. Lors d’un échange téléphonique du 4 mars 2015, ils ont confirmé à l’établissement de crédit la livraison.

Pour l’appelante, ces deux documents et cet échange téléphonique attestent que les intimés ont confirmé à plusieurs reprises le contrat litigieux en l’exécutant volontairement durant quatre ans.

Les intimés contestent avoir eu connaissance des irrégularités du contrat de vente lors de la signature du procès-verbal de réception des travaux et de l’ordre de déblocage des fonds le 20 février 2020.

La renonciation à invoquer la nullité ne se présumant pas, il appartient au vendeur et au prêteur de rapporter la preuve de la volonté univoque des acquéreurs de ratifier le contrat en toute connaissance de cause.

Compte-tenu du délai très court ‘ moins d’un mois ‘ séparant la signature du bon de commande et celle du procès-verbal de réception des travaux et de l’ordre de déblocage des fonds, l’appelante ne justifie pas que les époux [G] ont manifesté de manière répétée et dénuée d’équivoque leur volonté de renoncer en toute connaissance à invoquer la nullité découlant de l’inexécution par leur cocontractant de son obligation précontractuelle d’information. Il n’est pas davantage établi qu’ils connaissaient les irrégularités affectant le bon de commande et ont eu l’intention de renoncer à s’en prévaloir en réglant les mensualités de leur crédit.

La cour observe par ailleurs que les acquéreurs ne pouvaient prendre connaissance des irrégularités du bon de commande à la lecture de ce dernier, lequel, dans son article 5, reproduit les dispositions des articles L 121-23, L 212-24, L 121-21, L 121-26 du code de la consommation, lesquelles étaient abrogées à la date du bon de commande, et non l’article L 111-1 du code de la consommation qui était applicable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du bon de commande pour absence d’information sur certaines caractéristiques essentielles du contrat et sur le délai de livraison et d’exécution des prestations.

Sur l’annulation du contrat de crédit affecté:

Les premiers juges ont estimé que l’annulation du contrat de vente entraînait celle du contrat de crédit affecté à cette vente lequel n’était que l’accessoire du contrat principal et suivait dès lors le sort de ce dernier.

En raison de l’indivisibilité des deux contrats susvisés, le jugement qui a retenu la nullité du contrat de crédit consenti par la SA Consumer Finance sera confirmé.

Sur les fautes de la SA CA Consumer Finance:

Le tribunal a estimé que la SA CA Consumer Finance était privée de son droit à obtenir restitution des fonds prêtés aux époux [G] au motif qu’elle avait commis une faute en libérant les fonds sur présentation du seul procès-verbal de réception du chantier le 20 février 2015, lequel ne portait que la signature de Mr [G] et non celle de la société Easy Confort et du conducteur de travaux. Les premiers juges ont ainsi considéré que le prêteur ne pouvait pas libérer les fonds sans s’assurer de l’autorisation de la mairie pour effectuer les travaux ainsi que de la livraison, de la pose et de la mise en service de l’installation, de sa conformité par le Consuel et de son raccordement au réseau ERDF.

L’appelante soutient cependant qu’elle a accompli toutes les diligences utiles avant de débloquer les fonds le 5 mars 2015 en recueillant l’attestation de fin de travaux du 20 février 2015, une demande de libération des fonds du même jour, un arrêté de non-opposition de la mairie en date du 20 février 2015 et enfin la confirmation par les emprunteurs de l’installation du matériel lors d’un entretien téléphonique du 4 mars 2015. La SA CA Consumer Finance fait par ailleurs observer à la cour que les époux [G] ne justifient d’aucun préjudice en lien avec la libération fautive des fonds qu’ils allèguent. Les emprunteurs ne démontrant pas que leur installation photovoltaïque ne fonctionne pas, ils ne sauraient selon l’appelante être exonérés de leur obligation de restituer les fonds prêtés.

Les intimés reprochent à la SA CA Consumer Finance de s’être abstenue de s’assurer de la régularité du contrat principal, d’une part, et de l’exécution complète de l’obligation, d’autre part, avant de libérer les fonds: ils estiment en conséquence qu’elle est privée de se prévaloir des conséquences de l’annulation du contrat de crédit affecté. Selon les époux [G], l’organisme de crédit a débloqué les fonds alors que le bon de commande était entaché de nullité pour ne pas être conforme aux dispositions protectrices du code de la consommation et alors que les travaux n’avaient pas été achevés. Ils exposent sur ce dernier point que les panneaux photovoltaïques ont été posés sur la toiture de leur maison le 20 février 2015 mais que l’installation n’a été mise en service qu’en mars 2016, que les fonds ont été débloqués avant que la mairie autorise les travaux, que le Consuel contrôle l’installation et que ERDF procède au raccordement de ladite installation au réseau.

Les époux [G], s’ils considèrent que l’existence d’un préjudice n’est pas une condition à la déchéance de la banque de son droit à la restitution du capital prêté, laquelle est une sanction du professionnel ayant manqué à ses obligations, soutiennent que la faute de la banque leur a causé un préjudice: le déblocage fautif des fonds a permis la réalisation d’une opération commerciale hasardeuse et l’annulation des contrats les place dans la situation de devoir restituer le capital emprunté sans perspective d’obtenir la restitution du prix de vente par le vendeur en liquidation judiciaire.

Le prêteur est tenu de contrôler la régularité formelle du contrat principal ou sa complète exécution avant de remettre les fonds. Les intimés établissent que la SA CA Consumer Finance a commis une faute en débloquant les fonds alors que le bon de commande n’était pas conforme aux dispositions des articles L 111-1 et L 121-7 du code de la consommation applicables dans leur rédaction applicable au présent litige.

Cependant, cette faute n’engage la responsabilité du prêteur qu’à la condition d’avoir causé un préjudice aux emprunteurs.

Les époux [G] exposent qu’ils se trouvent à la suite du déblocage fautif des fonds, tenus de rembourser le capital emprunté au prêteur sans pouvoir obtenir la restitution du prix par le vendeur en liquidation judiciaire.

Alors que l’annulation des contrats devrait aboutir à une remise en état des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant l’annulation des contrats, les époux [G] démontrent qu’en raison du déblocage fautif des fonds, l’annulation du contrat principal et celle, subséquente, du contrat de crédit affecté leur est préjudiciable, car ils se trouvent à la fois tenus de restituer le matériel au vendeur et de restituer le capital emprunté au prêteur alors qu’ils n’ont aucune assurance d’obtenir du vendeur en liquidation judiciaire le remboursement du prix.

L’appelante soutient à tort que les époux [G] ne justifiant pas du dysfonctionnement de leur installation, ils ne pourront être exonérés de l’obligation de restituer les fonds prêtés.

En effet, quel que soit l’état de fonctionnement de l’installation photovoltaïque fournie par la société Easy Confort, ils sont tenus à la suite de l’annulation du bon de commande de restituer au vendeur ladite installation sans perspective pourtant d’obtenir en contrepartie le remboursement du prix de vente.

La responsabilité du prêteur est donc engagée et il sera tenu de réparer le dommage subi par les emprunteurs à hauteur de 18 000 euros, montant du prix de vente dont ils affirment sans être contredits qu’ils ne pourront pas obtenir la restitution à la suite de la liquidation judiciaire du vendeur.

Le jugement qui a dit que la SA CA Consumer Finance est privée de son droit à restitution du capital emprunté sera donc confirmé, sauf à préciser qu’à la suite de l’annulation du contrat de crédit affecté, les époux [G] seront condamnés à restituer à la banque la somme de 18 000 euros au titre du capital emprunté, que la Sa CA Consumer Finance sera condamnée à payer aux époux [G] la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts et que la compensation entre ces deux sommes sera ordonnée.

Sur la garantie du vendeur:

L’appelante demande à la société Easy Confort de garantir le règlement du capital emprunté d’un montant de 18 000 euros en application de l’article L 311-33 du code de la consommation devenu l’article L 312-56.

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que la privation de la créance de restitution du prix était imputable aux propres manquements du prêteur.

De fait, l’appelante invoque à tort les dispositions précitées. En effet, les emprunteurs ont été condamnés à rembourser à l’appelante la somme de 18 000 euros au titre du capital emprunté et l’appelante a été condamnée à leur payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la libération fautive des fonds, et la compensation a été ordonnée.

La Sa CA Consumer Finance ne peut donc demander à la société Easy Confort de la garantir de l’indemnité destinée à réparer les conséquences dommageables de ses propres manquements.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les préjudices subis par les époux [G]:

Les intimés font enfin valoir qu’ils ont subi à la suite des fautes commises par le vendeur et le prêteur divers préjudices: ils font valoir qu’ils devront supporter des frais de remise en état de leur toiture à hauteur de 5000 euros à la suite de la dépose des panneaux photovoltaïques, un préjudice financier et un trouble de jouissance à hauteur de 8000 euros et un préjudice moral qu’ils évaluent à la somme de 3000 euros.

Le tribunal a rejeté leur demande contre le prêteur au motif que les préjudices sollicités étaient imputables aux manquements du vendeur et non de la SA CA Consumer Finance.

Le jugement sera confirmé: en effet, le préjudice subi à la suite du déblocage des fonds malgré la nullité du bon de commande n’est pas l’annulation du contrat principal en elle-même mais l’impossibilité d’obtenir du vendeur en liquidation judiciaire la restitution du prix de vente en contrepartie de la restitution du matériel.

La demande formée contre la société Easy Confort sera pareillement rejetée: en effet, le préjudice ne saurait être réparé avant qu’il ne survienne et à ce stade de la procédure, les intimés ne démontrent pas que la carence du vendeur les a conduits à exposer des frais pour déposer l’installation des panneaux photovoltaïques et remettre la toiture dans son état antérieur.

Le jugement qui a débouté les intimés de leur demande d’indemnisation des préjudices susvisés sera confirmé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Il est équitable de condamner la SA CA Consumer Finance à payer aux époux [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , par défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser:

Condamne les époux [G] à restituer à la banque la somme de 18 000 euros au titre du capital emprunté,

Condamne la Sa CA Consumer Finance à payer aux époux [G] la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Ordonne la compensation entre ces deux sommes,

Y ajoutant,

Condamne la SA CA Consumer Finance à payer aux époux [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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