Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Relations amoureuses au travail : attention aux conflits d’intérêts
→ RésuméLes relations amoureuses au travail peuvent engendrer des conflits d’intérêts, surtout lorsque l’un des partenaires occupe un poste de direction. Dans une affaire jugée, un salarié a été licencié pour avoir dissimulé sa relation avec une collègue, ce qui a été considéré comme un acte de déloyauté. L’employeur a invoqué des difficultés liées aux fonctions respectives des deux salariés, soulignant que cette situation créait un conflit d’intérêts. La cour a confirmé que la dissimulation de cette relation constituait une faute grave, justifiant ainsi le licenciement sans préavis ni indemnité.
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La dissimulation à l’employeur par le salarié d’une relation amoureuse susceptible de générer un conflit d’intérêts est fautive.
Conflit d’intérêt et relations amoureuses
En l’espèce, le conflit d’intérêt invoqué par l’employeur dans la lettre de rupture était fondé sur la déloyauté du salarié qui ne l’a pas informé de sa relation avec une collègue. Il ne s’agissait pas de remettre en cause ladite relation, mais d’invoquer les difficultés liées aux fonctions de l’un et de l’autre, de direction pour le premier, et de représentante syndicale pour la seconde.
Preuve par correspondance privée
Par ailleurs, concernant la preuve de l’existence de ladite relation, la correspondance entre les intéressés a été jugée recevable. Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, une messagerie instantanée sur internet est, selon elle, une forme de communication faisant partie de l’exercice d’une vie privée sociale et la notion de correspondance s’applique à l’envoi et à la réception de messages, même depuis l’ordinateur de l’employeur (CEDH, 5 sept. 2017, no 61496/08).
Les conditions d’accès de l’employeur aux courriels envoyés ou reçus par le salarié sur sa messagerie professionnelle sont alignées sur celles applicables aux fichiers et aux dossiers stockés sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise.
Messages présumés avoir un caractère professionnel
Ces messages sont présumés avoir un caractère professionnel, dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme personnels. L’employeur ne peut, sans violation du secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.
La juridiction s’attache au contenu du message : si ce dernier est en rapport avec l’activité professionnelle des salariés, le caractère privé sera écarté. En l’espèce, les courriels produits par l’employeur et échangés entre le couple concernaient l’entreprise, en lien avec leur relation amicale dans un premier temps, puis amoureuse dans un second temps, de sorte que la cour n’a pas retenu le caractère privé de ces correspondances.
Ces messages, qui étaient en rapport avec l’activité professionnelle des salariés concernés, ne revêtaient pas un caractère privé et pouvaient être invoqués au soutien d’une procédure disciplinaire.
Périmètre de la faute grave
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
Le contrat de travail doit faire l’objet d’une exécution loyale. La déloyauté du salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations, des événements le touchant, en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 15 MARS 2022
N° RG 18/03365 – N° Portalis DBVH-V-B7C-HDGI
APPELANT :
Monsieur C Z
né le […] à
[…]
[…]
Représenté par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SA Y
[…]
07000 ST A EN ST ALBAN
Représentée par Me F LEMAN de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Juin 2021
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Marie-Lucie GODARD, Vice présidente placée
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l’audience publique du 16 Décembre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Mars 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
A r r ê t c o n t r a d i c t o i r e , p r o n o n c é p u b l i q u e m e n t e t s i g n é p a r M o n s i e u r Y v e s ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Mars 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. C Z a été embauché par la SA Y le 29 avril 2002 et occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de la production des fils et responsable de site en qualité de cadre coefficient 400 au sens de la convention collective nationale de l’industrie textile.
Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2014 ainsi libellée :
« ’ en date du 4 septembre dernier, nous avons appris officiellement de la part de Madame E X que vous étiez le compagnon de celle-ci et cela depuis manifestement plusieurs années. Vous avez d’ailleurs reconnu ces faits lors de l’entretien que nous avons eu le 5 septembre. Ayant eu connaissance de rumeurs à ce sujet avant notre fermeture estivale, je m’en étais ouvert très rapidement à vous dès le 28 août dernier sans qu’à aucun moment vous n’ayez confirmé celles-ci. Il n’est évidemment nullement dans notre intention de nous immiscer dans votre vie privée. Néanmoins, en votre qualité de responsable de la production des fils et responsable de site, vous êtes amené depuis de nombreuses années à représenter la Direction de l’entreprise et donc à participer à certaines de ses décisions, à les mettre à exécution, et à même de prendre seul un certain nombre de décisions. Comme vous le savez, Madame X, avant son départ intervenu en avril 2013 a occupé différents mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel au sein de notre entreprise. Or, en votre qualité de responsable de la production des fils et de responsable de site, vous avez notamment été amené à présider des comités d’établissement, des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail où Madame X était présente, mais également à prendre un certain nombre de décisions en matière de gestion du personnel. Vous avez été amené à assister la Direction lors de pratiquement toutes les réunions du comité central d’entreprise où Madame X était présente et plus encore à participer aux côtés de la Direction de la société à l’élaboration de décisions de gestion et à participer à des négociations salariales avec les syndicats, mais aussi à celles qui ont eu lieu dans des conditions dont vous devez vous rappeler le caractère particulièrement difficultueux à l’occasion des projets de licenciements collectifs pour motif économique engagés en 2010, 2011,2012 et en 2013. Lors de ces discussions et négociations, vous étiez donc aux côtés de la Direction pour répondre aux revendications présentées notamment par Madame X. Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer, puisque nous avons échangés à ce sujet à plusieurs reprises, que Madame X a engagé contre l’entreprise une action prud’homale suite à son départ. Vous étiez ainsi placé dans une situation manifeste de conflit d’intérêt entre la défense des intérêts de l’entreprise et les légitimes intérêts que vous portez à votre conjointe. Or, à aucun moment, vous ne nous avez donné une telle information qui, si nous l’avions eu, nous aurait placés immédiatement dans la nécessité de vous préserver d’une telle situation de conflit d’intérêts en évitant, sans remise en cause de vos actions et attributions, de telles situations. Le fait de nous avoir cachée cette situation constitue un acte de déloyauté à l’égard de l’entreprise, qui conduit à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnité.»
M. C Z a alors saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Aubenas afin de solliciter sa réintégration dans l’entreprise, laquelle fut ordonnée par ordonnance du 13 novembre 2014.
Après infirmation par la cour d’appel de Nîmes par arrêt du 30 juin 2015, la cour de cassation, sur pourvoi de M. C Z, a, par arrêt du 1er juin 2017, rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt de la cour d’appel.
Le 5 mai 2017, M. C Z a saisi le conseil de prud’hommes d’Aubenas afin de voir prononcer la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de l’employeur à diverses sommes à caractère indemnitaire, lequel, par jugement contradictoire du 5 septembre 2018, a débouté le salarié de toutes ses demandes.
Par acte du 12 septembre 2018, M. C Z a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant, en date du 6 novembre 2018, il demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes d’Aubenas en date du 5 septembre 2018, et statuant à nouveau,
Le déclarer recevable et bien fondé dans toutes ses demandes, fins et prétentions et,
A titre principal,
Dire et juger le licenciement pour faute grave nul en raison de son caractère attentatoire à la vie privée et discriminatoire, en conséquence,
Condamner la SA Y à lui verser les sommes suivantes :
• 190.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul incluant l’indemnité de non réintégration, 15.588,52 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,•
16.662,33 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,• 1.666,23 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,•
• 20.000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral résultant d’une atteinte à la vie privée et familiale,
A titre subsidiaire,
Dire et juger le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse, en conséquence,
Condamner la SA Y à lui verser les sommes suivantes :
• 130.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
15.588,52 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,•
16.662,33 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,• 1.666,23 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,•
• 20.000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral résultant d’une atteinte à la vie privée et familiale,
En tout état de cause,
Condamner la SA Y au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
• son licenciement doit être déclaré nul car il est attentatoire au droit fondamental au respect de la vie privée. Les fautes qui lui sont reprochées sont basées sur des événements relevant exclusivement de sa vie privée. Il a également été victime d’une discrimination du fait de sa situation de famille, sa compagne ayant exercé des activités syndicales au sein de la SA Y,
• la production de correspondances privées constituent également une atteinte à sa vie privée,
• subsidiairement, son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Les griefs de conflits d’intérêts et d’acte de déloyauté tels qu’ils sont formulés dans la lettre de rupture sont particulièrement vagues. De plus, ils sont insuffisants à caractériser une faute grave.
Dans le dernier état de ses conclusions récapitulatives en date du 23 janvier 2019, la SA Y demande à la cour de :
Constater le manquement de M. C Z à son obligation de loyauté pour ne pas avoir informé son employeur qu’il était placé dans une situation de conflit d’intérêt,
Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. C Z est justifié,
Débouter en conséquence M. C Z de toutes ses demandes, Condamner M. C Z au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les dépens.
La SA Y fait valoir que :
Le licenciement de M. C Z est motivé par un acte de déloyauté à l’égard• de son employeur résidant dans le fait d’avoir caché à ce dernier qu’il était dans une situation de conflit d’intérêts,
• L’appelant représentait en permanence la direction de l’entreprise et se retrouvait en relation et/ou en conflit avec sa conjointe, Mme E X, représentante syndicale, cette dernière ayant par ailleurs mené des actions contre la société, d’où un conflit d’intérêt manifeste et une atteinte à l’obligation de loyauté de la part de M. C Z, Il n’est en aucun cas reproché au salarié sa relation avec Mme E X.•
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures,
Par ordonnance en date du 19 mars 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet du 2 juin 2021.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
M. Y fonde sa demande de nullité du licenciement sur une atteinte à sa vie privée et discriminatoire par association.
Le contrat de travail signé entre les parties prévoit que :
– M. Z est embauché en qualité de responsable de la production des fils et est à ce titre responsable des établissements de Saint A en Saint Alban et de Berrias. Il relève du statut cadre.
– Outre la responsabilité des établissements susvisés, M. Z est également responsable de l’atelier CGF de l’établissement des Vans. ‘A ce titre, il est notamment chargé des missions suivantes :
… permettre un bon climat social, par une gestion juste et rigoureuse des ressources humaines, …
– Pour effectuer ses missions, il se voit ‘déléguer par M. F Y, président du directoire de la société, de façon effective et permanente, les pouvoirs suivants :
1 – délégation en matière d’hygiène et de sécurité :
Monsieur C Z devra assurer la sécurité des salariés des sites de production de Saint A en Saint Alban et Berrias. Il sera responsable du respect des règles notamment réglementaires et conventionnelles spécifiques à l’activité de l’entreprise en matière d’hygiène et de sécurité du travail, et de la bonne exécution et de la surveillance du travail des salariés de l’entreprise. Il devra s’assurer du respect de la réglementation en matière de médecine du travail.
Monsieur C Z devra proposer à la direction générale tout investissement nécessaire pour assurer le respect des dispositions légales, conventionnelles et réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité des salariés.
… Monsieur C Z est directement responsable du recrutement du personnel de production des sites qu’il dirige. Il assurera le suivi de la gestion du personnel desdits sites, tant sur le plan administratif que disciplinaire..
…
3 – délégation en matière de représentation du personnel
Monsieur C Z se voit déléguer l’organisation et la présidence des réunions du CHSCT constitué au sein de chacun des établissements qu’il dirige. Il devra veiller au strict respect des prérogatives et attributions de cette instance représentative du personnel, dont l’inobservation constitue un délit d’entrave sanctionné pénalement.
Monsieur C Z est investi officiellement de l’autorité nécessaire à l’exercice de ces responsabilités et dispose de l’aide des conseils spécialisés de la société pour tout problème de réglementation.
Monsieur C Z déclare avoir mesuré la portée des responsabilités qui lui sont confiées et les avoir acceptées.’
L’employeur produit en outre une délégation de pouvoir signée aux termes de laquelle il délègue à M. Z ‘tous pouvoirs de façon effective et permanente pour présider, en mes lieux et place, les différentes institutions représentatives du personnel constituées au sein de l’établissement de Saint A, soit à ce jour : les délégués du personnel, le comité d’établissement et le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail.’
Il est reconnu par les parties que, pendant la relation de travail, M. Z entretenait une relation avec Mme X G, laquelle a occupé, jusqu’à son départ, différents mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel en qualité de déléguée syndicale, de déléguée syndicale centrale, de membre du comité central d’entreprise, de membre du comité d’établissement de Saint A en Saint Alban, de membre du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, déléguée du personnel du même établissement.
Le dossier de l’employeur comporte ainsi des procès-verbaux de réunions dans lesquelles M. Z et Mme X étaient présents conjointement.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. Z un conflit d’intérêt et un acte de déloyauté pour avoir caché à son employeur sa relation avec Mme X, sans remettre en cause ladite relation, mais en invoquant les difficultés liées aux fonctions de l’un et de l’autre, de direction pour le premier, et de représentante syndicale pour la seconde.
Le salarié estime que les accusations fondant le licenciement sont basées sur des événements relevant exclusivement de sa vie privée.
Or, la simple lecture de la lettre de rupture ne permet en aucun cas de retenir l’argumentation de M. Z. La procédure disciplinaire ne repose pas sur les agissements d’ordre privé du salarié, mais sur le grief tenant à un conflit d’intérêt et à des actes de déloyauté tels que repris supra, lesquels sont liés à sa relation étroite avec Mme X, ladite relation n’étant en aucune manière remise en cause par l’employeur. En effet, ce dernier termine son propos ainsi :
‘Vous étiez ainsi placé dans une situation manifeste de conflit d’intérêt entre la défense des intérêts de l’entreprise et les légitimes intérêts que vous portez à votre conjointe. Or, à aucun moment, vous ne nous avez donné une telle information qui, si nous l’avions eue, nous aurait placés immédiatement dans la nécessité de vous préserver d’une telle situation de conflit d’intérêts en évitant, sans remise en cause de vos actions et attributions, de telles situations. Le fait de nous avoir caché cette situation constitue un acte de déloyauté à l’égard de l’entreprise, qui conduit à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnité.’
Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, une messagerie instantanée sur internet est, selon elle, une forme de communication faisant partie de l’exercice d’une vie privée sociale et la notion de correspondance s’applique à l’envoi et à la réception de messages, même depuis l’ordinateur de l’employeur (CEDH, 5 sept. 2017, no 61496/08).
Les conditions d’accès de l’employeur aux courriels envoyés ou reçus par le salarié sur sa messagerie professionnelle sont alignées sur celles applicables aux fichiers et aux dossiers stockés sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise.
Ces messages sont présumés avoir un caractère professionnel, dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme personnels.
L’employeur ne peut, sans violation du secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail
Il convient dès lors de s’attacher au contenu du message : si ce dernier est en rapport avec l’activité professionnelle des salariés, le caractère privé sera écarté.
En l’espèce, les courriels produits par l’employeur et échangés entre M. Z et Mme X concernent l’entreprise, en lien avec leur relation amicale dans un premier temps, puis amoureuse dans un second temps, de sorte que la cour ne saurait retenir le caractère privé de ces correspondances.
Ces messages, qui étaient en rapport avec l’activité professionnelle des salariés concernés, ne revêtent donc pas un caractère privé et peuvent être invoqués au soutien d’une procédure disciplinaire contre M. Z.
Il en sera de même concernant la discrimination par association, M. Z ne démontrant aucun lien entre la rupture de son contrat de travail et les activités syndicales de Mme X.
Par conséquent, le salarié sera débouté de sa demande de nullité du licenciement pour atteinte à une liberté fondamentale et de sa demande de dommages et intérêts afférente, justifiant ainsi la confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur les motifs du licenciement
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
Le contrat de travail doit faire l’objet d’une exécution loyale.
La déloyauté du salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations, des événements le touchant, en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci.
Le conflit d’intérêt invoqué par l’employeur dans la lettre de rupture est fondé sur la déloyauté de M. Z qui ne l’a pas informé de sa relation avec Mme X.
Les pièces produites par l’employeur démontrent que la relation entre les deux salariés a commencé à prendre une tournure autre qu’amicale à la fin de l’année 2008.
L’employeur démontre à suffisance la participation de M. Z et de Mme X à des réunions conjointes, avant et après le mois de décembre 2008, et notamment le 4 mai 2019 où a été évoqué le projet de départ volontaire de 9 salariés maximum sur les sites de Saint A en Saint Alban et Berrias.
Il s’avère à ce titre que les représentants syndicaux s’interrogent sur la nécessité de ces départs et ont émis un avis défavorable.
Il en sera de même pour les réunions du 9 juillet 2012, 18 octobre 2012, 23 novembre 2012 et 9 janvier 2013 où ont été abordés les projets de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique, le plan de sauvegarde de l’emploi et les critères pour fixer l’ordre des licenciements du site de Saint A en Saint Alban.
Il s’agit de toute évidence de sujets sensibles engageant M. Z eu égard aux fonctions qui lui ont été attribuées et détaillées supra, ainsi que Mme X du fait de ses fonctions syndicales.
L’employeur démontre enfin l’investissement de Mme X en 2009 et 2010 lors du premier plan social, avec des mouvements de grève et occupation de l’usine de Saint A en Saint Alban.
Le manquement de M. Z à son obligation de loyauté est démontré tenant le conflit d’intérêt démontré supra, justifiant la rupture immédiate du contrat de travail du salarié.
Le jugement déféré sera dans ces circonstances confirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
La confirmation de la décision critiquée s’impose également sur le rejet des demandes formées par les parties au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. C Z à payer à la SA Y la somme de 3.000 euros à ce titre.
Sur les dépens
M. C Z sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2018 par le conseil de prud’hommes d’Aubenas en toutes ses dispositions,
Condamne M. C Z à payer à la SA Y la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. C Z aux dépens d’appel,
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Mme BERGERAS, Greffier.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
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