Cour d’appel de Montpellier, 8 janvier 2025, RG n° 21/07009
Cour d’appel de Montpellier, 8 janvier 2025, RG n° 21/07009

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Thématique : Engagement et responsabilité en matière de travail dissimulé et de sécurité au travail

Résumé

Accident du travail de M. [G]

Le 21 octobre 2016, M. [G] a subi un grave accident du travail alors qu’il fendait du bois de chauffage pour l’Earl [C]. Cet accident a entraîné des blessures à sa main droite, le contraignant à un arrêt de travail prolongé jusqu’au 31 octobre 2017.

Engagement et déclaration d’embauche

Le même jour, à 15h34, l’employeur a déclaré M. [G] embauché auprès de la MSA en tant qu’ouvrier agricole sous un contrat à durée déterminée saisonnier. Cependant, M. [G] a affirmé avoir été engagé sans contrat écrit ni déclaration auprès des organismes sociaux depuis le 25 juillet 2016, travaillant 40 heures par semaine et étant payé en espèces ou par chèques.

Procédures judiciaires

Le 3 août 2017, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne pour réclamer des rappels de salaire et une indemnisation pour travail dissimulé et manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Le conseil a ordonné un sursis à statuer en attendant l’issue d’une procédure pénale.

Jugement du tribunal correctionnel

Le 12 février 2020, le tribunal correctionnel de Carcassonne a déclaré l’Earl [C] coupable de plusieurs infractions, notamment la mise à disposition d’équipements de travail non sécurisés et l’exécution d’un travail dissimulé entre le 25 juillet et le 21 octobre 2016.

Décisions des prud’hommes

Le 23 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a déclaré M. [G] victime de travail dissimulé et a condamné l’Earl [C] à verser plusieurs indemnités, y compris pour la requalification de son contrat, le travail dissimulé, et le manquement à l’obligation de sécurité. L’employeur a été condamné à verser un total de 1 466,64 euros pour la requalification, 8 799,89 euros pour le travail dissimulé, et d’autres indemnités.

Appel de l’employeur

Le 2 décembre 2021, l’Earl [C] a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, l’employeur a demandé l’infirmation du jugement et a soutenu l’irrecevabilité des demandes de M. [G].

Demandes de M. [G]

M. [G] a également formulé des demandes additionnelles, incluant la confirmation de la nullité de la rupture de son contrat de travail et des indemnités pour licenciement nul, ainsi que des montants révisés pour les indemnités de requalification et de travail dissimulé.

Motivations du jugement

Le tribunal a examiné la recevabilité des demandes additionnelles et a statué sur la prescription des actions. Il a confirmé que la rupture du contrat de travail était intervenue en raison de l’accident et a jugé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.

Indemnisation et conclusions finales

Le tribunal a infirmé certaines décisions antérieures, notamment celles concernant la requalification du contrat, tout en confirmant d’autres, comme la nullité du licenciement. L’Earl [C] a été condamné à verser des indemnités pour licenciement nul, travail dissimulé, et congés payés, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 08 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général :

F N° RG 21/07009 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PHL5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 NOVEMBRE 2021

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE – N° RG F 21/00060

APPELANTE :

E.A.R.L [C]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien LEGUAY de la SELARL SEBASTIEN LEGUAY, substitué sur l’audience par Me Sarah FAIDI, avocats au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur [J] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Chloe DEMERET, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat non plaidant

Ordonnance de clôture du 23 Septembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseillère

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 octobre 2016 à 15h25, M. [G] a été victime d’un accident du travail alors qu’il travaillait à fendre du bois de chauffage pour l’ Earl [C]. Le salarié grièvement blessé à la main droite était placé continûment en arrêt de travail du 21 octobre 2016 au 31 octobre 2017.

Le 21 octobre 2016, à 15h34, l’employeur a procédé à sa déclaration d’embauche auprès de la MSA moyennant un ‘titre emploi simplifié agricole’, en qualité d’ouvrier agricole, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée ‘saisonnier’ pour des travaux de coupe de bois.

Exposant avoir été en réalité engagé, sans contrat écrit et sans être déclaré auprès des organismes sociaux, à compter du 25 juillet 2016 par l’Earl [C] et d’avoir ainsi travaillé du lundi au vendredi à raison de 8 heures par jour en étant rémunéré en espèces ou en chèques, M. [G] a saisi, le 3 août 2017, le conseil de prud’hommes de Carcassonne aux fins de solliciter des rappels de salaire pour la période du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016 et une indemnisation pour, d’une part, travail dissimulé et, d’autre part, manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Par jugement du 27 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Carcassonne a ordonné le sursis à statuer jusqu’à l’aboutissement de la procédure pénale parallèle et reservé les dépens.

Par jugement du 12 février 2020, le tribunal correctionnel de Carcassonne a déclaré l’entreprise [C] coupable des infractions suivantes :

– Mise à disposition à un travailleur d’un équipement de travail sans information ou formation,

– Mise à disposition à un travailleur d’un équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité,

– emploi de travailleur sans veiller à l’utilisation effective d’équipement de protection individuelle,

– Exécution d’un travail dissimulé commis du 25 juillet 2016 au 21 octobre 2016

– Blessures involontaires par personne morale avec incapacité n’excédant pas 3 mois causé par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.

Le 17 février 2020, l’affaire a été réinscrite au rôle du 26 mai 2020 et le salarié a formulé des demandes additionnelles.

Par jugement du 26 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Carcassonne a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’aboutissement de la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Carcassonne et, dans l’attente, a prononcé la radiation adminstrative du dossier.

Par jugement du 18 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne a jugé que l’accident du travail était la conséquence d’une faute inexcusable de l’employeur.

Par jugement du 23 novembre 2021, le conseil a statué comme suit :

Déclare recevable les demandes additionnelles de M. [G],

Dit qu’il a été victime de travail dissimulé,

Condamne l’Earl [C] à lui verser les sommes suivantes :  

– 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,

– 8 799,89 euros brut à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– 2 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour manquement de son obligation d’hygiène et de sécurité,

– 439,98 euros brut à titre d’indemnité de congés payés,

– 8 799,84 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 146,66 euros brut de congés payés y afférents,

Ordonne l’exécution provisoire du jugement pour le paiement des indemnités de congés payés, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité de requalification du CDD en CDI,

Déboute M. [G] de sa demande de dommages-intérêts de licenciement,

Déboute M. [G] de ses autres demandes d’exécution provisoire et les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société à verser au salarié la somme de 1 250 euros brut au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Dit que les sommes porteront intérêts à taux légal à compter de la notification du jugement,

Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier devront être supportées par la société défenderesse.

Le 2 décembre 2021, l’ Earl [C] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 23 septembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 octobre 2024.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 avril 2022, la société [C] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :

Constater l’irrecevabilité et la prescription des demandes de M. [G] relatives à la requalification et la rupture de son contrat de travail et l’en débouter avant tout examen au fond,

Débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes,

Laisser à chacune des parties la charge de ses frais et dépens.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 14 mars 2022, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que ses demandes additionnelles ont un lien suffisant avec la demande initiale, en ce qu’il a condamné la société au paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé et pour manquement à l’obligation de sécurité, ainsi qu’à un rappel de congés payés, en ce qu’il a requalifié le CDD en CDI et en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une indemnité à ce titre, mais de réformer de ces chefs les montants alloués et de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

– 1 727,17 euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 10 363 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 504,80 euros nets à titre d’indemnité de congés payés.

M. [G] demande en outre à la cour de :

A titre principal,

Sur la rupture du contrat de travail :

Confirmer le jugement dont appel sur la nullité de la rupture du contrat à durée indéterminée,

Réformer le jugement et condamner la yy à lui payer la somme de 539,74 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement.

Confirmer le jugement sur la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et réformer le jugement sur le quantum en condamnant l’Earl [C] à lui verser la somme de 1 727,17 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 172,71 euros bruts à titre de congés payés y afférents.

Confirmer le jugement dont appel sur la condamnation de l’Earl [C] au titre de l’indemnité pour licenciement nul et réformer le jugement sur le quantum en condamnant la société à lui verser la somme de 10 363,02 euros nets.

A titre subsidiaire :

Sur la continuité du contrat de travail, dire et juger que le contrat à durée indéterminée n’a pas été rompu du fait de la suspension de son contrat de travail pendant ses arrêts de travail pour accident du travail et qu’il est toujours en vigueur,

Sur le préjudice financier des indemnités journalières du fait de l’absence de déclaration de son emploi, réformer le jugement dont appel et condamner l’Earl [C] à lui payer la somme de 15 591,93 euros à titre de préjudice financier de perte d’indemnités journalières d’accident du travail.

Condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

I – Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande additionnelle formée par M.[G] tendant à la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu’il a condamné la société [C] à verser à M. [G] la somme de 1 466,64 euros brut à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare irrecevables les demandes en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de l’indemnité de requalification,

II – Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société [C] à verser à M. Martinez Molina une somme au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Rejette la demande de M. [G] en paiement de la somme de 5 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité et de celle de 15 591, 93 euros au titre du préjudice financier de perte d’indemnités journalières d’accident du travail,

III – Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes en contestation de la rupture et en paiement des indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement nul,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes portant sur la rupture du contrat de travail,

IV – Confirme le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement nul, mais le réformant sur l’indemnisation et y ajoutant,

Fixe la date de la rupture du contrat de travail au 21 octobre 2016,

Condamne la société [C] à verser à M. Martinez Molina les sommes suivantes :

– 10 363,02 euros d’indemnité pour licenciement nul,

– 10 363 euros d’indemnité pour travail dissimulé,

– 504,80 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,

Déboute M. [G] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité légale de licenciement.

Condamne la société [C] à verser à M. [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Mme Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon