→ RésuméDans le cadre de la signification d’un acte, l’huissier n’est pas tenu d’utiliser les réseaux sociaux pour retrouver l’adresse du destinataire. Selon l’article 659 du Code de procédure civile, lorsque le domicile ou le lieu de travail du destinataire est inconnu, l’huissier doit dresser un procès-verbal des diligences effectuées. En l’espèce, l’huissier a réalisé les vérifications nécessaires, mais il n’est pas exigé qu’il effectue des recherches approfondies sur des plateformes comme LinkedIn. La profession de contrôleur de gestion, non réglementée, ne facilite pas davantage ces recherches. L’irrecevabilité de l’appel a donc été confirmée. |
Dans le cadre de sa recherche du destinataire d’une signification d’acte, l’huissier n’a pas l’obligation d’utiliser les réseaux sociaux pour trouver l’adresse du destinataire.
L’article 659 du Code de procédure civile dispose notamment que lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce, l’irrecevabilité de l’appel a été confirmée : l’huissier a effectué les vérifications et diligences utiles afin de tenter de retrouver la nouvelle adresse du plaignant. S’agissant des recherches plus avancées qu’il aurait dû entreprendre sur le site Linkedin, plus généralement sur Internet, il ne peut être exigé de l’huissier d’aller au-delà d’une recherche sur l’annuaire Internet et notamment d’effectuer des recherches plus poussées sur un réseau social, au demeurant non directement accessible, pour tenter de retrouver l’adresse professionnelle du destinataire, étant précisé que la profession déclarée par la requérante, de contrôleur de gestion, ne fait pas partie d’une profession réglementée constituée en ordre, ce qui aurait pu faciliter les recherches.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 06 AVRIL 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05361 – N° Portalis
DBVK-V-B7E-OYUM
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 NOVEMBRE 2020
APPELANTES :
Madame B A
née le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentée par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Philippe NESE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
Madame Z A
née le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Philippe NESE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
INTIMEE :
Madame D E-F épouse X
née le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentée par Me Sarah HUOT de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- K N O E P F F L E R – H U O T – P I R E T – J O U B E S , a v o c a t a u b a r r e a u d e s PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et Me Raymond ESCALE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2021,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre et M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller
Madame Nathalie LECLERC-PETIT Conseillère désignée en remplacement du conseiller empêché par ordonnance du Premier Président en date du 8 février 2021
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL
ARRET :
— contradictoire ,
— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;
— signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier.
*
*EXPOSÉ DU LITIGE
Dans un litige relatif à un bail commercial opposant Z A et B A à D E-F épouse X, le tribunal de grande instance de Perpignan a, par jugement en date du 16 avril 2019, au principal, dit que le motif de sous-location non autorisée invoqué par mesdames A à l’encontre de leur locataire, D X, ne saurait être retenu comme une faute aux obligations contractuelles pouvant constituer un juste motif au sens de l’article L.145-17 du Code de commerce en l’état de l’autorisation donnée par le précédent bailleur, dit que le congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d’éviction n’est pas fondé, dit que, subsidiairement, la résiliation judiciaire du bail n’est pas plus fondée en l’absence de manquement contractuel du preneur, débouté mesdames A de leur demande d’expulsion de D X, dit que le preneur est en droit de prétendre à une indemnité d’éviction et, avant dire droit, sur l’indemnité d’éviction, ordonné une expertise.
Z A et B A ont relevé appel du jugement par une déclaration au greffe du 30 octobre 2019.
Par une requête au magistrat chargé de la mise en état déposée au greffe en date du 27 janvier 2020, D X a demandé de déclarer l’appel formé le 30 octobre 2020 irrecevable, comme tardif, par application de l’article 538 du Code de procédure civile, au motif que le jugement frappé d’appel avait été signifié à Z A le 10 mai 2019 et à B A le 17 juillet 2019, si bien que l’appel interjeté le 30 octobre 2019, soit plus d’un mois après la signification du jugement querellé, était manifestement tardif, ajoutant en réponse aux arguments développés par B A que l’huissier de justice avait effectué les diligences nécessaires et, qu’en particulier, le lieu de travail du destinataire de l’acte lui était inconnu et qu’il n’avait pas pour mission de faire des recherches sur divers réseaux sociaux pour connaître l’éventuel employeur et trouver son adresse.
Par une ordonnance rendue le 24 novembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel formé par Z A et par B A, par déclaration au greffe de la Cour le 30 octobre 2019, du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan le 16 avril 2019, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Z A et B A aux dépens.
Le magistrat chargé de la mise en état a considéré, concernant Z A, qu’il n’était pas contesté qu’elle s’était vu signifier par huissier de justice à son domicile, le 10 mai 2019, le jugement dont appel et qu’il n’était formé aucune critique sur la validité de l’acte de signification. Cette dernière disposait donc d’un délai d’un mois à compter du 10 mai 2019 pour interjeter appel et sa déclaration d’appel en date du 30 octobre 2019 était manifestement hors délais. Par conséquent, l’appel interjeté par Z A a été déclaré irrecevable.
Concernant B A, le magistrat chargé de la mise en état a relevé que l’acte de signification en date du 17 juillet 2019, conformément aux dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile, mentionnait qu’aucune personne répondant à l’identification du destinataire n’avait son domicile, sa résidence ou son établissement à l’adresse connue au 77, […].
Le magistrat chargé de la mise en état a en outre relevé que l’huissier, comme la loi le prévoit, avait énuméré ensuite les diligences effectuées à savoir :
• rencontré le gardien de l’immeuble qui lui avait indiqué que B A était partie sans laisser d’adresse,
• constaté que le nom ne figurait ni sur les interphones, ni sur les boîtes aux lettres, ni sur la liste des occupants de l’immeuble,
• le lieu de travail éventuel du destinataire de l’acte était inconnu,
• la consultation des pages blanches sur internet avait permis de trouver un abonnement avec le nom et l’adresse à Paris mais le numéro de téléphone correspondant, plusieurs fois composé, avait raccroché.
Il résultait ainsi de ces mentions que l’huissier instrumentaire avait effectué les diligences nécessaires et sérieuses pour connaître le nouveau domicile, la résidence ou le lieu de travail de B A.
Le magistrat chargé de la mise en état a retenu qu’il n’était pas établi par les pièces produites par B A que son adversaire et l’huissier de justice en charge de la signification du jugement connaissaient son lieu de travail et si une recherche sur Google aurait permis éventuellement, en tapant le nom B A, d’associer ce nom à la profession de Contrôleur de gestion – Laboratoires Omega Pharma, cela ne permettait pas de connaître son lieu de travail et il n’appartenait pas au titre des diligences exigées par le Code de procédure civile, à un huissier de justice, de se rendre sur les réseaux sociaux dont aurait été membre B A pour y rechercher son adresse professionnelle.
Le magistrat chargé de la mise en état a retenu a en outre retenu que D X avait démontré avoir tenté de retrouver la nouvelle adresse de B A, en vain, puisque le 21 mai 2019, après une première tentative de signification infructueuse du jugement, son conseil avait écrit à celui de B A pour lui faire part des difficultés rencontrées et obtenir des informations pour permettre de signifier l’acte. Aucune information ne sera donnée, le conseil de B A écrivant seulement le 2 juillet 2019 pour savoir s’il avait pu être procédé à la signification.
En conséquence, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré l’appel formé par B A le 30 octobre 2019 irrecevable, pour être hors délai.
B A a régularisé et formalisé une requête en déféré le 30 novembre 2020, par laquelle elle énonce :
• Prononcer la nullité l’acte de signification délivré à B A le 17 juillet 2019 ;
• Par voie de conséquence,
• Rejeter le moyen d’irrecevabilité tenant à la tardiveté de la déclaration d’appel ;
• Débouter D E-F épouse X de l’ensembe de ses demandes, fins et conclusions ;
• Condamner D E-F épouse X à payer à mesdemoiselles Z et B A la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour l’essentiel, B A soutient qu’en réalité, aucune diligence de recherche n’a été réalisée par l’huissier, qu’il aurait pu, au moyen de recherches rudimentaires sur Internet, notamment sur le site Linkedin, trouver son lieu de travail.
Elle considère que cette seule absence de mention des diligences effectuées pour rechercher son lieu de travail est suffisante pour prononcer la nullité des actes de signification.
D X, pour sa part, demande à la Cour par conclusions en date du 06 janvier 2021:
• Confirmer l’ordonnance sur requête en date du 24 novembre 2020, en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’appel formé par les consorts A le 30 octobre 2019 ;
• Constater que B A a refusé, par son mandataire, de fournir sa nouvelle adresse ;
• Constater dès lors la mauvaise foi de celle-ci et faire application du principe d’Estoppel ;
• Constater que plus d’un mois s’est écoulé depuis la signification du jugement rendu ;
• Déclarer irrecevable l’appel ainsi formé par les dames Z A et B A ;
• Condamner mesdames Z A et B A à verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
• Condamner mesdames Z A et B A aux entiers dépens.
Pour l’essentiel, D X souligne qu’il suffit d’interroger Google pour constater qu’aucun téléphone de B A ne figure sur ce moteur de recherche et qu’il ne peut être fait reproche à l’huissier de ne pas être membre du réseau social Linkedin, comme on ne peut l’obliger à aussi être membre des divers réseaux sociaux Facebook, Twitter…, précisant que les informations figurant sur ces sites ne sont pas nécessairement publiques et qu’il règne une certaine insécurité juridique, qu’en effet, il n’est pas possible de vérifier sur le site Linkedin les informations qui sont affichées publiquement ainsi que les dates portées.
MOTIFS
Sur la validité de l’acte de signification
L’article 659 du Code de procédure civile dispose notamment que lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce, la Cour constate que l’huissier a effectué les vérifications et diligences utiles afin de tenter de retrouver la nouvelle adresse de B A.
S’agissant des recherches plus avancées qu’il aurait dû entreprendre sur le site Linkedin, plus généralement sur Internet, il est rappelé qu’il ne peut être exigé de l’huissier d’aller au-delà d’une recherche sur l’annuaire Internet et notamment d’effectuer des recherches plus poussées sur un réseau social, au demeurant non directement accessible, pour tenter de retrouver l’adresse professionnelle du destinataire, étant précisé que la profession déclarée par la requérante, de contrôleur de gestion, ne fait pas partie d’une profession réglementée constituée en ordre, ce qui aurait pu faciliter les recherches.
En conséquence, l’ordonnance du magistrat chargé de la mise en état sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais non remboursables
Z A et B A, échouant dans leur action en déféré, seront condamnées à payer à D X la somme de 3000€ par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Z A et B A supporteront la charge des dépens du déféré.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant sur déféré , par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME l’ordonnance du magistrat chargé de la mise en état rendue le 24 novembre 2020, en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Z A et B A à payer à D E-F épouse X la somme de 3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés dans le cadre du déféré ;
CONDAMNE Z A et B A aux dépens du déféré.
Le greffier, Le président.
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