Cour d’appel de Montpellier, 31 octobre 2017
Cour d’appel de Montpellier, 31 octobre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Thématique : Critique de produits : un droit du chroniqueur de presse

Résumé

La critique de produits, même virulente, se situe souvent à la frontière du dénigrement. Dans une affaire récente, une revue viticole a publié une chronique acerbe sur les vins d’un viticulteur, entraînant une poursuite pour dénigrement. Toutefois, l’éditeur avait pris soin de préciser que les propos étaient ceux d’un critique reconnu, sans appropriation personnelle. La liberté d’expression des chroniqueurs est ainsi protégée, tant qu’il n’y a pas d’outrance ou d’injure. En somme, la critique légitime d’un expert ne constitue pas une faute professionnelle, même si elle peut heurter la sensibilité des producteurs.

Chronique de presse virulente

La frontière entre critique (même virulente) de produits et dénigrement peut être mince. En présence de chroniques de tiers, les juridictions font primer la liberté d’expression du chroniqueur dès lors que l’éditeur a pris quelques précautions. Dans cette affaire, une revue viticole a publié une chronique « coup de gueule » mettant en cause la qualité des vins produits par un viticulteur. Le viticulteur, piqué dans son honneur, a poursuivi en dénigrement l’éditeur de la revue.

Liberté de ton des chroniqueurs

La chronique en cause était rédigée comme suit : « les performances très décevantes des Ducru-Beaucaillou (Saint-Julien) 2009, 2008, 2005, interrogent et inquiètent. Le nouveau style se cherche et manque de définition. Ces variations donnent une impression de cafouillage choquant dans une aussi belle marque. L’héritage est-il trop lourd à porter ? Pour l’instant je ne vois aucun intérêt pour les amateurs à posséder ce vin dans sa cave.  » C’est dit ! ».

Par précaution, l’article en cause informait sans ambiguïté le lecteur, que les propos tenus qui peuvent porter atteinte à la réputation du vin Château Ducru-Beaucaillou étaient ceux d’un critique dégustateur qu’il ne faisait que reproduire. L’éditeur a pris le soin de mettre entre guillemets les phrases exactement reproduites de l’article du critique, et les phrases d’accompagnement de l’éditeur ne caractérisaient à l’évidence qu’un commentaire de présentation du contenu reproduit.

La présentation dans une revue consacrée aux vins d’un article d’un critique dégustateur accompagné d’un commentaire certes accrocheur, mais sans indiquer d’aucune façon une appropriation personnelle par le journaliste de l’opinion du critique, s’inscrit naturellement dans la fonction du journal d’information des lecteurs, et ne caractérise donc pas une faute professionnelle de l’éditeur.

Droit de critique dans la presse

La chronique écrite par un professionnel, relève du sens normal de la notion de critique qui implique une liberté d’expression par nature subjective. L’éditeur n’avait aucun devoir de vérification de la qualité ni même de l’exactitude de la chronique reproduite, particulièrement alors qu’il est admis que le chroniqueur est un critique en œnologie reconnu dans le milieu averti des lecteurs de la revue spécialisée.

En bref, sauf outrance ou injure, la chronique d’un critique connu n’est pas de nature à caractériser un dénigrement, une volonté de nuire, un acharnement, qui seraient constitutifs de fautes ouvrant droit à dommages-intérêts. Précision procédurale intéressante : le refus de la revue de publier une mise au point sollicitée par le viticulteur, ne caractérise pas davantage une faute.

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