Cour d’appel de Montpellier, 26 septembre 2024, RG n° 22/04096
Cour d’appel de Montpellier, 26 septembre 2024, RG n° 22/04096

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

La SCEA Cellier de la Dona, après le décès de son fondateur en 2013, a été impliquée dans un litige avec M. [U] [C] concernant la gestion de son vin. Alors que la SCEA prétendait avoir géré l’ensemble du vignoble, M. [U] [C] contestait cette affirmation, ne reconnaissant que la réception de 85,65 hectolitres de vin en 2019, avec une qualité dégradée. Suite à une assignation en paiement, le tribunal a jugé la SCEA responsable de la détérioration du vin, condamnant celle-ci à verser des dommages-intérêts, tout en statuant sur des factures impayées. L’affaire a été portée en appel.

La SCEA Cellier de la Dona, créée par M. [W] [C] et ses fils, a connu des conflits après le décès de M. [W] [C] en 2013. M. [U] [C], propriétaire d’un vignoble, a conclu un contrat oral avec la SCEA pour la gestion de son vin. Les parties s’opposent sur l’étendue des prestations : la SCEA prétend avoir géré entièrement le vignoble, tandis que M. [U] [C] soutient avoir seulement déposé 116 hectolitres de vin, dont il a récupéré 85,65 hectolitres en 2019, avec une perte de qualité. En 2015, la SCEA a facturé M. [U] [C] pour des prestations, entraînant une assignation en paiement. M. [U] [C] a ensuite assigné la SCEA pour perte et détérioration de son vin, demandant des dommages-intérêts. Le tribunal a rendu un jugement en juillet 2022, déclarant la SCEA responsable et condamnant à des paiements. La SCEA a fait appel, demandant la réformation du jugement, tandis que M. [U] [C] a également demandé la confirmation de la décision initiale et des indemnités pour préjudices.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/04096
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04096 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQJA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 juillet 2022

Tribunal judiciaire de PERPIGNAN – N° RG 16/03407

APPELANTE :

Société Cellier de la Dona prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric NEGRE substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substituant sur l’audience Me Olivier COHEN, avocat au barreau des PYRÉNÉES-ORIENTALES

INTIME :

Monsieur [U] [C]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Fabien LARGE-JAEGER, avocat au barreau de PYRÉNÉES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société civile d’exploitation agricole (SCEA) Cellier de la Dona a été créée par M. [W] [C] et ses trois fils, M.[U] [C], M. [H] [C] et M. [K] [C].

A la suite du décès de M. [W] [C] en 2013, une mésentente est apparue entre les associés.

M. [U] [C] est propriétaire d’un vignoble situé à [Localité 5] (Pyrénées-Orientales).

M. [U] [C] a conclu avec la SCEA Cellier de la Dona un contrat oral pour la prise en charge du vin issu de son vignoble.

Les parties s’opposent sur l’ampleur des prestations convenues entre elles :

D’un côté, la SCEA Cellier de la Dona affirme avoir reçu une mission complète de s’occuper des terres viticoles de M.[U] [C], entre les années 2008 et 2013, consistant à la taille, à la récolte, à la vinification et au stockage de son vin ; elle précise qu’en 2013, comme M. [U] [C] ne la payait pas, elle a exercé son « droit de rétention » et a refusé de lui restituer le vin qui était dans l’une de ses cuves;

De l’autre, M. [U] [C] rétorque avoir seulement confié 116 hectolitres de son vin AOC [Localité 5] à la SCEA Cellier de la Dona dans le cadre d’un contrat de dépôt ; il précise que lorsqu’il a enfin récupéré son vin en 2019, la cuve ne contenait plus que 85,65 hectolitres de vin, soit 30,35 hectolitres de moins, et que le vin ne répondait plus aux critères d’appellation d’origine contrôlée (AOC) [Localité 5].

Le 21 octobre 2015, la SCEA Cellier de la Dona a adressé à M. [U] [C] deux factures d’un montant de 12 738 € concernant des prestations réalisées en 2012.

C’est dans ce contexte que par acte du 22 août 2016, la SCEA Cellier de la Dona a assigné M. [C], sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, en paiement desdites factures.

Le 15 mars 2018, le tribunal judiciaire de Perpignan a ordonné une médiation qui n’a pas abouti.

A l’occasion d’un contrôle du service des douanes de [Localité 6] le 22 novembre 2019, M. [U] [C] a récupéré 85,65 hectolitres de son vin dans les cuves de la SCEA Cellier de la Dona.

Par acte du 6 mai 2020, M. [U] [C] a assigné, à son tour, la SCEA Cellier de la Dona sur le fondement des articles 1231-1, 1915, 1927 et 1930 du code civil aux fins de la déclarer responsable de la perte et de la détérioration de son vin et de la condamner à lui payer la somme de 50 705 € à titre de dommages-intérêts.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

– Rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

– Déclaré irrecevables les conclusions récapitulatives n°5 notifiées le 18 mars 2022 par M. [U] [C] et ses deux nouvelles pièces n°18 et n°19 ;

– Déclaré irrecevables les conclusions n°7 notifiées le 25 mars 2022 sans nouvelle pièce par la SCEA Cellier de la Dona ;

– Condamné M. [U] [C] à rembourser à la SCEA Cellier de la Dona prise en la personne de son représentant la somme de 873,50 € en exécution de la transaction qu’il a conclue avec la direction régionale des douanes le 26 mai 2021 ;

– Débouté la SCEA Cellier de la Dona de toutes ses autres demandes contre M. [C] ;

– Déclaré engagée la responsabilité de la SCEA Cellier de la Dona en qualité de dépositaire du vin confié par M. [C] ;

– Condamné la SCEA Cellier de la Dona à payer à M. [C] la somme de 7 612,70 € à titre de dommages et intérêts ;

– Débouté M. [C] de toutes ses autres demandes contre la SCEA Cellier de la Dona ;

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

– Condamné la SCEA Cellier de la Dona à payer à M. [C] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la SCEA Cellier de la Dona aux dépens ;

– Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.

Le 27 juillet 2022, la SCEA Cellier de la Dona a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 février 2023, la SCEA Cellier de la Dona demande à la cour, sur le fondement des articles 1915 et suivants du code civil, 1317 et 1353 du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile, de l’article 32-1 du code de procédure civile, de l’article 1240 du code civil, de :

Réformer le jugement dont appel en ce :

qu’il l’a déboutée de ses demandes et fait droit à celle de M. [C] ;

qu’il a retenu sa responsabilité en qualité de dépositaire du vin de M. [C] ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté de ses demandes M. [C] ;

Statuant à nouveau,

Condamner M. [C] à lui payer la somme de 56 438 € en remboursement des factures impayées pour le traitement (récolte, vinification) et / ou le stockage de son vin entre 2008 et 2018 ;

Condamner M. [C] à lui payer la somme de 176683,64€ en remboursement du solde débiteur de son compte courant d’associé au 31 décembre 2021 ;

Condamner M. [C] à lui payer la somme de 1 747 € en remboursement de l’amende douanière transigée, avancée pour son compte pour éviter un litige administratif supplémentaire ;

Subsidiairement sur ce point, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [C] au paiement de la somme de 873,50 € ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes notamment au titre des pertes et détériorations;

Débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes ;

Ordonné l’exécution provisoire ;

Condamner M. [C] à lui verser la somme de 2 000 € pour procédure abusive ;

Condamner M. [C] à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec droit de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 23 janvier 2023, M. [U] [C] demande à la cour de :

Confirmer la décision entreprise par adoption des motifs du premier juge en ce qu’elle a débouté la SCEA Cellier de la Dona de ses demandes ;

Réformer la décision entreprise en ce qui concerne l’évaluation de son préjudice ;

Débouter la SCEA Cellier de la Dona de l’ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

Condamner la SCEA Cellier de la Dona à lui payer les sommes suivantes :

Sur le préjudice matériel et économique : 5787 € au titre de la taxation des douanes relatives aux 30,35 hectolitres manquants, en application de l’article 302 DI, 1, IO et 2° du code général des impôts ;

Sur la perte d’exploitation : 38 418 € ;

Sur le préjudice moral : 5 000 € ;

Confirmer la décision pour le surplus ;

Condamner la SCEA Cellier de la Dona aux dépens dont distraction au profit de Me Fabien Large avocat sur son offre de droit et à lui payer la somme de 5 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 28 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

I. Sur les demandes de la SCEA Cellier de la Dona

Sur les factures et leur quantum

La SCEA Cellier de la Dona réclame le paiement de quatre catégories de factures à M. [U] [C] qu’il est possible de regrouper comme suit :

1/ La facturation d’exploitation et de taille pour les années 2008 à 2011 (une facture chaque année, pour des montants oscillant entre 6 416 et 9 000 euros HT) ;

2/ La facturation d’exploitation et de taille pour l’année 2012 d’un montant de 9 000 euros HT ;

3/ La facturation de la taille de l’année 2013 d’un montant de 1 615 euros HT ;

4/ La facturation de stockage pour les années 2013 à 2018, d’un montant de 500 euros HT chaque année.

C’est en 2013 au décès de M. [W] [C], père des principaux protagonistes du dossier, qu’une mésentente est apparue et que la SCEA Cellier de la Dona a réclamé le paiement d’un certain nombre de prestations à M. [U] [C].

Aucun écrit n’a jamais été établi entre les parties, que ce soit pour décrire les prestations convenues ou pour fixer un prix.

Il est singulier de relever que les factures réclamées par la SCEA Cellier de la Dona ont, pour la plupart, été éditées bien après l’exécution des prestations réclamées (parfois plusieurs années après).

Les quatre groupes de factures feront l’objet d’un examen successif, en commençant par l’année 2012.

– Sur la facturation de l’exploitation et de la taille de l’année 2012

La SCEA Cellier de la Dona revendique avoir procédé à la taille, à la récolte, à la vinification et au stockage du vin de M.[U] [C] en 2012. Elle a, ainsi, établi la facture n° 5F123 du 21 octobre 2015 de 9 000 euros HT, soit 10 800 euros TTC, «En remplacement de la facture N° 2F256 pour cause de changement de destinataire » pour les « Frais de taille, d’exploitation, vendanges, vinification, stockages vignes de [Localité 5] pour l’exercice 2012 Frais par hectares ».

M. [U] [C] en refuse le paiement et rétorque qu’il s’est contenté de déposer son vin dans une cuve de la SCEA Cellier de la Dona.

Toutefois, dans le cadre de l’instance en référé qu’il a engagée en 2015 pour contraindre la SCEA Cellier de la Dona à lui restituer son vin, il écrivait, dans ses conclusions du 14 décembre 2015, qu’il « a confié par fermage à la SCEA CELLIER DE LA DONA le soin de cultiver et récolter ses terres viticoles » (pièce n°32).

L’utilisation du mot « fermage » n’est pas insignifiante. Elle démontre que M. [U] [C] reconnaissait en 2015 que la SCEA Cellier de la Dona ne s’était pas contentée de « stocker » son vin, mais qu’elle l’avait également cultivé et récolté.

La thèse du « simple dépôt » est d’autant moins crédible qu’il est constant que toutes les années antérieures à l’année 2012 (soit les années 2008, 2009, 2010 et 2011), M. [U] [C] avait confié la récolte de ses vignes à la SCEA Cellier de la Dona.

En outre, l’argument formaliste opposé par M. [U] [C] selon lequel il ne devrait rien car le véritable débiteur serait l’une de ses anciennes sociétés ne peut davantage convaincre. En effet, M. [C] ne peut à la fois, sans se contredire, soutenir que les factures doivent être établies au nom d’une société aujourd’hui liquidée, et réclamer dans le même temps des réparations à titre personnel pour le vin manquant et la perte d’exploitation. Si la facture n° 5F123 a dans un premier temps été établie au nom de la SARL A2B Maison Destavel, aujourd’hui liquidée (pièce n° 36), il résulte de la chronologie du dossier que le vin appartient en propre à M. [U] [C], étant observé que cette personne morale n’a jamais rien réclamé, pas plus que son liquidateur judiciaire.

Même si la SCEA Cellier de la Dona n’est pas en mesure de verser au débat une preuve écrite du prix convenu entre les parties, le montant qu’elle réclame de 9 000 euros HT (soit 10 800 euros TTC) apparaît cohérent avec :

Le coût moyen de d’exploitation sur le secteur de l’Agly dans les Pyrénées-Orientales qui est de 4 127 euros par hectare selon une synthèse du centre de gestion agréé (CER) versée au débat, alors que la surface détenue par M. [U] [C] est de 3 hectares (pièce n° 30) ;

La demande de M. [U] [C] dans le cadre de la présente instance qui évalue sa perte d’exploitation en raison de la prétendue faute qu’aurait commise la SCEA concernant la perte de 116 hl de vin AOP [Localité 5] à la somme de 38 418 euros, soit plus de trois fois le montant réclamé.

– Sur la facturation du stockage pour les années 2013 à 2018

L’article 1948 du code civil dispose que : « Le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt ».

L’article 2286 du code civil ajoute encore que « peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose ».

En l’espèce, M. [U] [C] n’a pas réglé la somme légitimement réclamée en 2013 par la SCEA Cellier de la Dona. C’est donc à juste titre que cette société lui a opposé son droit de rétention de dépositaire, sur le fondement de l’article 1948 du code civil.

En conséquence, la SCEA Cellier de la Dona est bien fondée à réclamer le paiement des frais de stockage du vin entre 2012 et 2019, correspondant aux factures suivantes :

Facture n° 7F011 du 25 janvier 2017 d’un montant de 2 000 euros HT, soit 2 400 euros TTC, pour les « Frais stockage (annuel) vin AOP [Localité 5] Doux pour les exercices de 2013, 2014, 2015, 2016 » ;

Facture n° 7F122 du 20 décembre 2017 d’un montant de 500 euros HT, soit 600 euros TTC pour les frais de stockage pour l’exercice de 2017 ;

Facture n° 8F103 du 20 décembre 2018 d’un montant de 500 euros HT, soit 600 euros TTC pour les frais stockage pour l’exercice de 2018.

– Sur la facturation d’exploitations et de taille pour les années 2008 à 2011

La SCEA Cellier de la Dona échoue à rapporter la preuve que les prestations de taille, d’exploitation, de vendanges, de vinification, de stockages des vignes de [Localité 5] ont été réalisées pour les années 2008 à 2011 sans être payées.

En effet, les factures relatives à ces années-là ont été éditées le 31 décembre 2016, soit entre 4 et 8 ans après les prestations revendiquées.

Il est peu crédible que la SCEA Cellier de la Dona ait mis autant de temps pour réclamer le paiement de ces prestations anciennes, d’autant plus qu’elle n’en demandait même pas le paiement dans le cadre de son acte introductif d’instance du 22 août 2016.

Ainsi, ces factures tardives établies le 31 décembre 2016 ne peuvent donner lieu à paiement dès lors qu’aucun élément extérieur ne démontre que ces prestations ont été réalisées sans être payées, étant observé que l’historique du traitement des vignes entre 2008 et 2012 n’est d’aucun secours au sujet de la réalité du paiement.

– Sur la facturation de la taille pour l’année 2013

Quant à la facture correspondant à la taille des mois de février et mars 2013, la SCEA Cellier de la Dona sera également déboutée de sa demande, aucun élément du dossier ne permettant de s’assurer de la réalité de cette taille.

Au regard des développements qui précédent, il y a donc lieu d’infirmer le jugement et de condamner M. [U] [C] à payer à la SCEA Cellier de la Dona la somme de 10 800 + 2 400 + 600 + 600, soit 14 400 euros en remboursement des factures impayées pour le traitement (récolte, vinification) et le stockage de son vin.

Sur le compte courant associé

Il y a lieu de rejeter la demande en paiement de la SCEA Cellier de la Dona concernant le compte courant associé, qui n’est nullement justifiée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement de la somme acquittée en vertu de la transaction avec la direction régionale des douanes

La SCEA Cellier de la Dona sollicite le remboursement de la somme de 1 747 euros acquittée en vertu de la transaction avec la direction régionale des douanes du 26 mai 2021.

Aux termes de cette transaction entre, d’une part, le directeur régional des douanes à [Localité 6], d’autre part, [U] [C], récoltant en nom propre et associé de la SCEA Cellier de la Dona, et [H] [C], gérant de la SCEA Cellier de la Dona, l’administration des douanes a consenti à n’exercer aucune poursuite à raison du procès-verbal dressé le 5 mars 2020 ; en contrepartie, [U] [C] et [H] [C] se sont engagés à régler « la somme de 1 447 euros au titre des droits fraudés » et 300 euros à titre de pénalité dans le délai d’un mois après réception de l’accord transactionnel par courrier, le cachet de la poste faisant foi.

La SCEA Cellier de la Dona produit la copie du chèque en paiement de la somme de 1 747 euros émis le 26 mai 2021 au profit du Trésor public.

Le premier juge a jugé que [U] [C] était redevable de la moitié de cette somme et l’a condamné à payer à la SCEA Cellier de la Dona la somme de 873,50 euros.

Le procès-verbal du 5 mars 2020 vise une infraction douanière pour [U] [C], en vertu des articles 302 D et 1791 du code général des impôts, et pour M. [H] [C], solidaire en tant que dernier détenteur du produit, selon les articles 1799 et 1799 A du code général des impôts (pièce n° 8). Dès lors que la transaction du 26 mai 2021 a été signée par les deux parties, il convient d’approuver le partage opéré par le premier juge consistant à imputer à chacun d’entre eux le paiement de la moitié de la somme transigée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II. Sur les demandes reconventionnelles de M. [C]

L’article 1927 du code civil dispose que le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

Sur le fondement de ce texte, il est jugé qu’il incombe au déposant de prouver que les choses restituées ont été altérées (Civ. 1ère, 26 septembre 2012, n° 11-12.890).

En l’espèce, M. [U] [C] soutient que la SCEA Cellier de la Dona a manqué à ses obligations de dépositaire, puisqu’elle a, selon lui, perdu 30,35 hectolitres de vin et que le vin restitué n’a pas pu être vendu comme étant du vin doux naturel (VDN) [Localité 5]. Il ajoute n’avoir pas pu commercialiser son vin.

Toutefois, M. [U] [C] échoue à démontrer que la chose restituée n’était pas identique à celle reçue par la SCEA Cellier de la Dona.

En effet, il n’est pas établi que la perte des 30,35 hectolitres de vin soit imputable à un manquement de la SCEA Cellier de la Dona pour les raisons suivantes :

La quantité déclarée de 116 hectolitres n’est constatée dans aucun document officiel, si ce n’est les déclarations de [O] [C], salarié de la SCEA Cellier de la Dona, au service des douanes qui expose avoir donné le chiffre qui lui avait été communiqué par son oncle [U] [C] ;

Il est possible qu’une partie du vin (la « consume ») se soit évaporée durant les 5 ans où ce vin était stocké dans la cuve de la SCEA Cellier de la Dona ;

Il n’est pas établi que M. [U] [C] ne pouvait accéder à la cuve, les parties ayant des affirmations contraires sur ce point.

Par ailleurs, il ne résulte d’aucune pièce du dossier que le vin restitué a définitivement perdu son appellation AOC [Localité 5]. Il n’est pas davantage établi qu’il n’était plus commercialisable, y compris sous une autre forme (vinaigre ou mélange avec une autre récolte). Même si l’appellation [Localité 5] a été perdue (ce qui n’est pas démontré), le vin a nécessairement été vendu à un prix réduit mais non nul, ce dont M. [U] [C] ne justifie pas.

Dès lors que ni la perte ni la détérioration du vin confié ne sont établies, il y a lieu de juger que c’est à tort que le premier juge a considéré que la SCEA Cellier de la Dona, dépositaire, devait assumer les préjudices évoqués par M. [U] [C].

En conséquence, l’amende douanière doit rester à la charge de [U] [C] qui est nommément visé par le procès-verbal des douanes. Il sera débouté de sa demande au titre du préjudice financier résultant de la taxation douanière. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Par ailleurs, M. [U] [C] ne démontre aucune perte d’exploitation. Le jugement sera donc approuvé en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.

Le coût de contrôle du vin (1 739,20 euros) doit par ailleurs rester à la charge de M. [U] [C].

Quant au prétendu préjudice moral de M. [U] [C], il n’est pas démontré dès lors que la rétention du vin n’est pas fautive. Sa demande de dommages-intérêts sera donc rejetée et le jugement réformé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. Par ailleurs, pour prononcer une condamnation sur ce fondement, il serait nécessaire d’apprécier un préjudice qui ne serait pas déjà réparé par les condamnations sur les dépens ou au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En l’espèce, aucun élément de la procédure ne permet de déterminer un abus de son droit d’agir en justice de la part de M.[U] [C].

En conséquence, la SCEA Cellier de la Dona sera déboutée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Succombant pour l’essentiel dans ses prétentions, M. [U] [C] supportera les dépens de première instance et d’appel, distraits au profit des avocats en ayant fait la demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– Débouté la SCEA Cellier de la Dona de toutes ses autres demandes contre M. [C] ;

– Déclaré engagée la responsabilité de la SCEA Cellier de la Dona en qualité de dépositaire du vin confié par M. [C] ;

– Condamné la SCEA Cellier de la Dona à payer à M. [C] la somme de 7 612,70 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne M. [U] [C] à payer à la SCEA Cellier de la Dona la somme de 14 400 euros en remboursement des factures impayées pour le traitement (récolte, vinification) et le stockage de son vin ;

Déboute la SCEA Cellier de la Dona de sa demande au titre du compte courant d’associé ;

Déboute M. [U] [C] de ses différentes demandes au titre du préjudice matériel et économique, de la perte d’exploitation et du préjudice moral ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute la SCEA Cellier de la Dona de sa demande au titre de la procédure abusive ;

Condamne M. [U] [C] aux dépens de première instance et d’appel, distraits au profit des avocats en ayant fait la demande ;

Condamne M. [U] [C] à payer à la SCEA Cellier de la Dona la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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