Cour d’appel de Montpellier, 24 septembre 2024, RG n° 22/05926
Cour d’appel de Montpellier, 24 septembre 2024, RG n° 22/05926

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

La SAS Disma International a vendu des tomates marocaines à Kesko Corporation pour 44’744,70 euros. Pendant le transport, des intrus ont détruit la cargaison, entraînant une demande d’indemnisation de 46’958,56 euros contre Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo, jugée irrecevable par le tribunal de commerce. En appel, Disma et ses assureurs ont soutenu la responsabilité d’Acciona pour les dommages. Le tribunal a finalement reconnu cette responsabilité, ordonnant à Acciona de verser 46’408,56 euros aux assureurs et 550 euros à Disma, ainsi que 3’000 euros pour les frais irrépétibles, avec des intérêts de 5 %.

La SAS Disma International a vendu des tomates en provenance du Maroc à la société finlandaise Kesko Corporation pour un montant de 44’744,70 euros. Le transport des marchandises a été pris en charge par la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo, qui a chargé 5’240 colis de tomates. Pendant le transport, des intrus se sont introduits dans la remorque, entraînant la destruction de la cargaison après expertise. Disma et ses assureurs ont tenté de récupérer 46’958,56 euros de la société Acciona, sans succès. Le tribunal de commerce de Perpignan a jugé la demande de Disma irrecevable pour défaut de preuve et a débouté les assureurs. Disma et ses assureurs ont interjeté appel, soutenant leur droit à indemnisation en raison de la responsabilité de Transmediterranea Cargo pour les dommages subis. Ils ont également fait valoir que la société Acciona n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. L’appel a été notifié à Acciona, qui n’a pas constitué avocat.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
22/05926
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/05926 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PT3Q

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 21 NOVEMBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2022j00005

APPELANTES :

S.A.S DISMA INTERNTIONAL (AZURA GROUP)

[Adresse 3]

BP 5434

[Localité 6]

TOKIO MARINE EUROPE SA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Localité 8]

CHUBB EUROPEAN GROUP SE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 20]

[Adresse 15]

[Localité 9]

S.A.S CINABRE

Immeuble [16]

[Adresse 11]

[Localité 4]

ERGO VERSICHERUNGAKTIENGESELLSCHAFT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat postulant du barreau de MONTPELLIER,

Représentés par Me Christophe NICOLAS, avocat plaidant, substitué à l’audience par Me Chistophe STAQUET, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES :

ACCIONA LOGISTICATRASMEDITERRANEA CARGO S.A.U agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

Avda. Ramon de Carranza 26 Y 27

2 Planta A

[Localité 1] ESPAGNE

TRASMEDITERRANEA CARGO agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 13]

5ème étage

[Localité 19] MAROC

Ordonnance de clôture du 13 Juin 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 JUILLET 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, Présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Jacqueline SEBA

ARRET :

– par défaut;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Jacqueline SEBA, greffière.

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SAS Société de distribution de produits maraîchers et horticoles de Maroc – Disma International (la société Disma), située à [Localité 18], exerce une activité de commercialisation en France et sur le marché européen de tous produits agro-alimentaires.

Elle a vendu le 15 janvier 2021 des tomates, en provenance du Maroc, pour une valeur de 44’744,70 euros à la société de droit finlandais Kesko Corporation ‘ Grocery Trade.

Par lettre de voiture CMR n°924200BCM en date du 22 janvier 2021, la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U. (la société Acciona Trasmediterranea Cargo), située à [Localité 14] en Espagne, a pris en charge, en qualité de transporteur, 5’240 colis de tomates auprès de la société [Localité 17] (expéditrice), exploitant le site de production à [Localité 10], à destination de [Localité 18].

Trois personnes s’étant introduites dans la remorque du véhicule pendant le transport au Maroc, celui-ci s’est arrêté à [Localité 19], et après une expertise du cabinet CL Surveys, sollicitée par la société Disma et réalisée sur le site de la société [Localité 17], la cargaison a été détruite.

Par courriel en date du 12 octobre 2021, la société Disma et ses assureurs, les SA Tokio Marine Europe, SE Chubb European Group, SAS Cinabre et SA Ergo Versicherung Aktiengesellschaft, ont mis en demeure, en vain, la société Acciona Trasmediterranea Cargo de leur rembourser la somme de 46’958,56 euros (comprenant le coût de l’expertise à hauteur de 1’898,10 euros).

Saisi par actes d’huissier en date des 24 novembre 2021 et 11 mai 2022, le tribunal de commerce de Perpignan, par jugement du 21 novembre 2022, a’:

– Dit la demande régulière,

– Déclaré les sociétés Tokio Marine Europe S.A., Chubb European Group SE, Cinabre et Ergo Versicherung Aktiengesellschaft, irrecevables en leurs demandes pour défaut de droit d’agir,

– Débouté la SAS Disma International (Azura Group) de sa demande faute de preuve,

– Débouté les sociétés Disma International (Azura Group) Tokio Marine Europe S.A., Chubb European Group SECinabre et Ergo Versicherung Aktiengesellschaft, de leur demande au titre des frais irrépétibles,

– Condamné la SAS Disma International (Azura Group) Ia société Tokio Marine Europe S.A., la société Chubb European Group SE, la SAS Cinabre, la société Ergo Versicherung Aktiengesellschaft aux dépens de l’instance.

Par déclaration reçue le 24 novembre 2022, la société Disma, la société Tokyo Marine Europe, la société Chubb European Group, la société Cinabre et la société Ergo Versicherung Aktiengesellschaft ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 10 février 2023, elles demandent à la cour au visa de de l’article 1346-1 et suivants du code civil, des articles 31, 472 et 684 du code de procédure civile, de la Convention du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), du règlement (CE) n°178/2002 du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et ‘xant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, du règlement (CE) n°852/2004 du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires et de la loi n°28-07 du 11 février 2010 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires au Maroc, de

– juger l’appel bien fonde, y faisant droit,

– infirmer 1e jugement déféré’;

– et statuant de nouveau : – sur la régularité de la demande :

– juger que les appelantes ont d’abord assigné Transmediterranea Cargo à l’adresse indiquée par cette dernière sur sa lettre de transport ;

– juger que le fait de cette adresse, située en Espagne, ne correspondait finalement à aucune entité existante, ne relève pas de la responsabilité des appelantes, mais bien de Transmediterranea Cargo qui l’a apposée sur sa lettre de voiture ;

– juger que les appelantes ont dont ensuite fait signifier une seconde assignation a Transmediterranea Cargo au Maroc, qui a bien été touchée par cette assignation ;

– juger en conséquence que la demande des appelantes, qui respecte l’ensemble des conditions de l’article 684 du code de procédure civile, est bien régulière même si Transmediterranea Cargo n’a pas comparu à la procédure ;

– sur la recevabilité :

-juger que Disma International (Azura Group) en tant que vendeur des marchandises endommagées, ayant indemnisé son client, et destinataire sur la lettre de voiture, a bien intérêt et qualité à agir à l’encontre du transporteur Transmediterranea Cargo (agissant également sous le nom Acciona logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U) ;

– juger que Disma International (Azura Group) n’a pas été entièrement indemnisée de son préjudice par ses assureurs ;

– juger en conséquence recevable la demande de Disma International (Azura Group) visant à se faire indemniser du préjudice subi étant reste a sa charge;

– juger que les assureurs Tokio Marine Europe SA, Chubb European Group SE, Cinabre et Ergo France (Ergo Versicherungaktiengesellschaft) ont indemnisé leur assureur Disma International (Azura Group) à hauteur de 44 560,46 euros ;

– juger que les assureurs sont bien subrogés dans les droits de Disma International (Azura Group) en vertu du principe de la subrogation conventionnelle ;

– juger en conséquence recevable la demande des assureurs Tokio Marine Europe SA, Chubb European Group SE, Cinabre, et Ergo France (Ergo Versicherung Aktiengesellschaft).

– sur le fond’:

– juger que les marchandises ont été endommagées lors de leur transport, dont Transmediterranea Cargo avait la charge, à la suite de l’intrusion de clandestins dans la remorque, ayant contamine la cargaison ;

– juger que Disma International était dans l’obligation de détruire l’ensemble de la cargaison des règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité des denrées alimentaires ;

– juger que Transmediterranea Cargo est donc bien responsable, en tant que transporteur CMR, de 1’entier préjudice subi par Disma International et ses assureurs ;

– sur le quantum du préjudice :

– juger que Disma International et ses assureurs Tokio Marine Europe SA, Chubb European Group SE, Cinabre et Ergo France (Ergo Versicherung Aktiengesellschaft) rapportent la preuve qui leur incombe de la réalité du préjudice dont ils se prévalent ;

– en conséquence :

– condamner Transmediterranea Cargo (agissant également sous le nom Acciona logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U) à payer aux assureurs Tokio Marine Europe SA, Chubb European Group SE, Cinabre SAS, et Ergo France (Ergo Versicherung Aktiengesellschaft) la somme de 44 560,46 euros, plus 1 898,10 euros de frais d’expertise, avec intérêt au taux CMR de 5% à compter de l’assignation en date du 24 novembre 2021 ;

– condamner Transmediterranea Cargo (agissant également sous le nom Acciona logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U) à payer à la société Disma International la somme de 550 euros, avec intérêts au taux CMR de 5% a compter de l’assignation en date du 24 novembre 2021 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner la société Transmediterranea Cargo (agissant également sous le nom Acciona logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U) à payer aux appelantes la somme de 10 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de leur appel, elles font essentiellement valoir que

– elles ont dû assigner la société intimée à deux adresses, la première figurant sur la lettre de transport étant erronée,

-la société Disma a intérêt et qualité à agir, ayant subi un préjudice (avoir au client, coût destruction produits et ensuite montant de la franchise) et selon l’article L. 132-8 du code de commerce, le destinataire de marchandise a toujours un intérêt à agir,

– les assureurs ont également intérêt à agir, étant subrogés dans les droits de leur assuré,

– la lettre de voiture émise par la société Acciona Trasmediterranea Cargo est soumise à la convention CMR, selon laquelle le transporteur est responsable de plein droit, dès lors que les marchandises sont endommagées,

– l’intrusion est survenue sur l’aire de [Localité 12], qui n’est pas une aire dédiée sécurisée autorisée par le cahier des charges, la société Acciona Trasmediterranea Cargo n’a pas respecté ses obligations contractuelles,

– elle devait en application du règlement UE du 28 janvier 2002, du règlement UE du 29 avril 2004, de la loi relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires au Maroc et de son propre cahier des charges, procéder à la destruction des marchandises,

– l’évaluation du dommage est conforme à la CMR, le coût de la destruction et des frais d’expertise est justifié.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 13 juin 2024.

La société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo a été destinataire, en Espagne, de la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante par actes d’huissier en date des 12 janvier et 1er mars 2023 en application du règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra-judiciaires en matière civile ou commerciale’; l’attestation de signification du 14 novembre 2023 indique qu’elle est inconnue à l’adresse indiquée. Elle n’a pas constitué avocat.

La société Trasmediterranea Cargo a été destinataire, au Maroc, de la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante par actes d’huissier en date des 18 janvier et 1er mars 2023 en application de la convention entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 d’entraide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition’; le procès-verbal des autorités marocaines en date du 5 août 2023 atteste de la remise de ces actes à la personne de M. [N] [E] [Y] [I], gérant de ladite société. Elle n’a pas constitué avocat.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur l’intérêt à agir des assureurs

Selon l’article 1346-1 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse. Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.

Selon l’article L. 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

L’assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l’assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur.

Par dérogation aux dispositions précédentes, l’assureur n’a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes.

La quittance subrogative, en date du 19 mai 2021, versée aux débats, établit que la société Disma, qui a reçu, déduction faite de la franchise, paiement de la somme de 44’560,46 euros, de la part des sociétés Tokio Marine Europe, Chubb European Group, Cinabre et Ergo Versicherung Aktiengesellschaft, assureurs, a accepté expressément qu’elles soient subrogées dans ses droits pour les dommages et pertes subis lors du transport de 26 palettes de tomates entre le Maroc et la France, effectué par la société Acciona Trasmediterranea Cargo selon la CMR 924200BCM du 22 janvier 2021.

Il en résulte que les sociétés Tokio Marine Europe, Chubb European Group, Cinabre et Ergo Versicherung Aktiengesellschaft ainsi que la société Disma, qui a établi un avoir, le 28 janvier 2021, au profit de son client, la société Kesko Corporation ‘ Grocery Trade (44’744 euros), et a conservé à sa charge le montant de la franchise (550 euros), ont intérêt à agir.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les sociétés Tokio Marine Europe, Chubb European Group, Cinabre et Ergo Versicherung Aktiengesellschaft dans leur action en paiement à l’encontre de la société Acciona Trasmediterranea Cargo.

2- sur la responsabilité du transporteur

La convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), applicable en l’espèce, dispose dans son article 17, relatif à la responsabilité du transporteur, que :

1. Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.

2. Le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l’ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.

3. Le transporteur ne peut exciper, pour se décharger de sa responsabilité, ni des défectuosités du véhicule dont il se sert pour effectuer le transport, ni de fautes de la personne dont il aurait loué le véhicule ou des préposés de celle-ci.

4. Compte tenu de l’article 18, paragraphes 2 à 5, le transporteur est déchargé de sa responsabilité

lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers inhérents à l’un des faits suivants ou à plusieurs d’entre eux :

a) Emploi de véhicules ouverts et non bâchés, lorsque cet emploi a été convenu d’une manière expresse et mentionné dans la lettre de voiture ;

b) Absence ou défectuosité de l’emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées ou sont mal emballées ;

c) Manutention, chargement, arrimage ou déchargement de la marchandise par l’expéditeur ou le destinataire ou des personnes agissant pour le compte de l’expéditeur ou du destinataire ;

d) Nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, soit à perte totale ou partielle, soit à avarie, notamment par bris, rouille, détérioration interne et spontanée, dessiccation, coulage, déchet normal ou action de la vermine et des rongeurs ;

e) Insuffisance ou imperfection des marques ou des numéros de colis ;

f) Transport d’animaux vivants.

5. Si, en vertu du présent article, le transporteur ne répond pas de certains des facteurs qui ont causé le dommage, sa responsabilité n’est engagée que dans la proportion où les facteurs dont il répond en vertu du présent article ont contribué au dommage.

L’article 18 suivant précise que :

1. La preuve que la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause un des faits prévus à l’article 17, paragraphe 2, incombe au transporteur.

2. Lorsque le transporteur établit que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l’avarie a pu résulter d’un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l’article 17, paragraphe 4, il y a présomption qu’elle en résulte.

L’ayant droit peut toutefois faire la preuve que le dommage n’a pas eu l’un de ces risques pour cause totale ou partielle.

3. La présomption visée ci-dessus n’est pas applicable dans le cas prévu à l’article 17, paragraphe 4, a, s’il y a manquant d’une importance anormale ou perte de colis.

4. Si le transport est effectué au moyen d’un véhicule aménagé en vue de soustraire les marchandises à l’influence de la chaleur, du froid, des variations de température ou de l’humidité de l’air, le transporteur ne peut invoquer le bénéfice de l’article 17, paragraphe 4, d, que s’il fournit la preuve que toutes les mesures lui incombant, compte tenu des circonstances, ont été prises en ce qui concerne le choix, l’entretien et l’emploi de ces aménagements et qu’il s’est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données.

5. Le transporteur ne peut invoquer le bénéfice de l’article 17, paragraphe 4, f, que s’il fournit la preuve que toutes les mesures lui incombant normalement, compte tenu des circonstances, ont été prises et qu’il s’est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données.

Il est établi que le transport des marchandises, confiées par la société Disma à la société Acciona Trasmediterranea Cargo, a dû être interrompu compte tenu de la présence de personnes clandestines dans la remorque contenant celles-ci.

Le rapport d’expertise, en date du 27 janvier 2021, du cabinet CL Surveys, expose que la société Disma a, le 23 janvier 2021, émis des réserves auprès de la société Acciona Trasmediterranea Cargo compte tenu de la présence de clandestins dans la remorque assurant le transport’; que le camion a été dépoté à [Localité 19] pour évacuer ces personnes’; et que lors des opérations d’expertise, il a été observé la présence de cartons endommagés et de différents « corps étrangers contaminants » sur le chargement.

La société Acciona Trasmediterranea Cargo, représentée par deux experts, M. [W] et M. [B], lors de ces opérations, n’a pas contesté sa responsabilité.

Au demeurant, si les clandestins se sont introduits dans la remorque lors de l’arrêt du camion sur l’aire de repos de [Localité 12] sur l’autoroute Casablanca-Tanger, cette aire ne fait pas partie des aires dédiées sécurisées admises par le cahier des charges liant les parties au contrat de transport.

La responsabilité de la société Acciona Trasmediterranea Cargo est, donc, établie.

Selon l’article 23 de la convention de Genève,

1. Quand, en vertu des dispositions de la convention, une indemnité pour perte totale ou partielle de la marchandise est mise à la charge du transporteur, cette indemnité est calculée d’après la valeur de la marchandise au lieu et à l’époque de la prise en charge.

2. La valeur de la marchandise est déterminée d’après le cours en bourse ou, à défaut, d’après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l’un et de l’autre, d’après la valeur usuelle des marchandises de même nature et qualité.

3. Toutefois, l’indemnité ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme du poids brut manquant.

4. Sont en outre remboursés le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l’occasion du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale, et au prorata en cas de perte partielle ; d’autres dommages-intérêts ne sont pas dus.

Le rapport d’expertise du 27 janvier 2021 considère que les produits n’étaient plus exportables au regard des délais de fraîcheur perdus (une semaine de retard au total) et que le risque sanitaire s’opposait à une vente locale en sauvetage, ce qui justifiait une destruction totale, évaluant le préjudice à la somme de 44 744,70 euros pour la cargaison, outre 315,76 euros au titre de frais de destruction.

La société Acciona Trasmediterranea Cargo, malgré les demandes du cabinet CL Surveys, n’a fourni aucun élément permettant de connaître les conditions dans lesquelles le dépotage a eu lieu à [Localité 19], ni même les enregistrements thermiques de la remorque

Aucune traçabilité de la cargaison, notamment, au regard du maintien des températures requises (8° C) n’est, ainsi, possible.

La date de durabilité minimale (DDM) des tomates vendues était de onze jours, soit au 2 février 2021, avec un chargement le 22 janvier 2021 et une livraison prévue à [Localité 18] le 25 janvier 2021. Or, le retour sur le site initial de [Localité 17] a eu lieu le 27 janvier 2021 et la durée du transit de ce site à [Localité 19] est de 8 heures environ.

Les tomates n’étaient, donc, plus exportables et ne pouvaient davantage être vendues sur le marché local eu égard à la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire en matière de sécurité alimentaire.

Il en résulte que le préjudice doit être évalué à la somme de 44 744,70 euros pour la cargaison, correspondant au prix d’achat, outre celles 315,76 euros au titre des frais de destruction et de 1’898,10 euros au titre de ceux d’expertise.

La société Acciona Trasmediterranea Cargo sera, en conséquence, condamnée à verser la somme de 46’408,56 euros aux assureurs et celle de 550 euros à l’assurée.

Ces sommes seront assorties des intérêts au taux de 5 % à compter du 24 novembre 2021, date de l’assignation introductive d’instance, conformément à l’article 27 de la convention de Genève CMR et ce, avec anatocisme.

Le jugement sera infirmé dans toutes ses dispositions.

3- sur les autres demandes

La société Acciona Trasmediterranea Cargo, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3’000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions’;

Et statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U. à verser à la SA Tokio Marine Europe, la SE Chubb European Group, la SAS Cinabre et la SA Ergo Versicherung Aktiengesellschaft la somme de 46 408,56 euros, avec intérêt au taux de 5% à compter du 24 novembre 2021′;

Condamne la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U. à verser à la SAS Société de distribution de produits maraîchers et horticoles de Maroc – Disma International la somme de 550 euros, avec intérêts au taux de 5% à compter du 24 novembre 2021′;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil’;

Condamne la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U. à payer à la SA Tokio Marine Europe, la SE Chubb European Group, la SAS Cinabre et la SA Ergo Versicherung Aktiengesellschaft et la SAS Société de distribution de produits maraîchers et horticoles de Maroc – Disma International la somme de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Acciona Logistica Trasmediterranea Cargo S.A.U. aux dépens de première instance et d’appel.

le greffier le président


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