Cour d’appel de Montpellier, 24 janvier 2023, N° RG 21/07535
Cour d’appel de Montpellier, 24 janvier 2023, N° RG 21/07535

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

Le 8 septembre 2011, [D] [C] a signé un bail à ferme avec [X] [P] pour 5 hectares 72 ares 18 centiares, avec un fermage de 20 % du chiffre d’affaires des vignes. En 2015, un effondrement de talus a eu lieu sur la parcelle, entraînant une proposition d’achat par [X] [P] pour 55 800 euros, annulée le 31 décembre 2015 en raison de l’absence de réparations. Le tribunal a confirmé que [X] [P] n’avait pas prouvé l’impact de l’incident sur l’exploitation et l’a condamné à verser 5 688,04 euros de fermages pour 2015 à 2018, ainsi qu’à payer les dépens.

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 septembre 2011, [D] [C] a donné à bail à ferme à [X] [P] des parcelles situées sur la commune de [Localité 5], d’une contenance totale de 5 hectares 72 ares 18 centiares, pour 9 années à compter du 15 octobre 2011. Le montant du fermage a été fixé à 20 % du chiffre d’affaires généré par les 4 hectares 02 ares et 30 centiares de vignes apportés à la coopérative Anne de Joyeuse. Courant 2015, un talus de terre s’est effondré sur une zone exploitée par [X] [P]. Au cours des discussions relatives à la réparation du talus, [X] [P] a accepté de se porter acquéreur des parcelles pour 55 800 euros, le vendeur prenant à sa charge les honoraires de l’agence immobilière et la réparation du talus, selon condition suspensive contenue dans un acte sous seing privé du 16 octobre 2015. L’acte est arrivé à caducité le 31 décembre 2015, faute de réparation du talus et [X] [P] a retenu une partie des fermages postérieurs.

MOTIFS

1. Sur la demande de résiliation du bail rural : [X] [P] soutient qu’il existe un motif légitime à l’inexécution du paiement du fermage en le fait de l’effondrement d’un talus qui aurait affecté son exploitation. Cependant, il n’a pas réussi à démontrer que cet effondrement avait réellement impacté son exploitation, et le jugement en première instance est confirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur la demande en paiement des fermages : [X] [P] est condamné à payer à [D] [C] et aux consorts [F] la somme totale de 5 688,04 euros correspondant au paiement des fermages des années 2015, 2016, 2017 et 2018, dûment justifiés.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables : [X] [P] est condamné aux dépens de l’instance, ainsi qu’à payer à [D] [C] et aux consorts [F] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour confirme le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Carcassonne et condamne [X] [P] aux dépens de l’instance.


Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 24 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07535 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PJMC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 NOVEMBRE 2021

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE CARCASSONNE

N° RG51.20.5

APPELANT :

Monsieur [X], [S], [K] [P]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean-Paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant

assisté de Me Chloé GUERRIC, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

INTIMEES :

Madame [D] [C] veuve [F]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Ségolène ZICKLER, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3166 du 30/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER), avocat postulant et plaidant

Madame [J] [F]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Ségolène ZICKLER, avocat au barreau de CARCASSONNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3165 du 30/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER), avocat postulant et plaidant

Madame [T] [F] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Ségolène ZICKLER, avocat au barreau de CARCASSONNE avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3168 du 30/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 DECEMBRE 2022,en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

– Contradictoire.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 septembre 2011, [D] [C] a donné à bail à ferme à [X] [P] des parcelles situées sur la commune de [Localité 5], d’une contenance totale de 5 hectares 72 ares 18 centiares, pour 9 années à compter du 15 octobre 2011.

Le montant du fermage a été fixé à 20 % du chiffre d’affaires généré par les 4 hectares 02 ares et 30 centiares de vignes apportés à la coopérative Anne de Joyeuse.

Courant 2015, un talus de terre s’est effondré sur une zone exploitée par [X] [P]. Au cours des discussions relatives à la réparation du talus, [X] [P] a accepté de se porter acquéreur des parcelles pour 55 800 euros, le vendeur prenant à sa charge les honoraires de l’agence immobilière et la réparation du talus, selon condition suspensive contenue dans un acte sous seing privé du 16 octobre 2015.

L’acte est arrivé à caducité le 31 décembre 2015, faute de réparation du talus et [X] [P] a retenu une partie des fermages postérieurs.

Le 22 octobre 2019, [D] [C] a mis en demeure [X] [P] de payer la somme de 5 688,04 euros au titre des fermages 2015, 2016, 2017 et 2018.

Le 4 décembre 2019, [D] [C], [J] [F] et [T] [F], ses filles, ont fait signifier au fermier un commandement de payer la somme de 5 688,04 euros, en se prévalant des dispositions des articles L. 411-31 et L. 411-53 du code rural.

Le 15 octobre 2020, [D] [C] et les consorts [F] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Carcassonne d’une demande en résiliation du bail à ferme.

[X] [P] a comparu à l’audience de conciliation mais pas à l’audience de jugement.

Le jugement rendu le 8 novembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Carcassonne énonce dans son dispositif :

Déclare [D] [C] et les consorts [F] bien fondés en leur demande en résiliation de bail formée à l’encontre de [X] [P] ;

Prononce la résiliation du bail à ferme du 8 septembre 2011 ;

Condamne [X] [P] aux dépens.

Le jugement expose que le commandement de payer le fermage a été régulièrement signifié au preneur et reproduit les dispositions de l’article L. 411-31 du code rural. Il constate que [X] [P] n’oppose aucune force majeure ou raisons sérieuses et légitimes justifiant le défaut de paiement des fermages.

[X] [P] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe envoyée le 6 décembre 2021 et reçue le 8 décembre 2021.

[X] [P] demande à la cour de :

Infirmer la décision frappée d’appel en toutes ses dispositions ;

Rejeter les demandes formulées par [D] [C] et les consorts [F] ;

Condamner solidairement ces dernières au paiement de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamner solidairement [D] [C] et les consorts [F] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

[X] [P] fait valoir que l’article L. 411-31 du code rural prévoit que le défaut de paiement de deux fermages ne peut permettre la résiliation du bail si le preneur dispose de raisons sérieuses et légitimes. Il explique que l’effondrement du talus sur sa parcelle a affecté l’exploitation normale de la production viticole et mis en péril la jouissance paisible que le bailleur doit garantir. Les désordres provoqués sont importants, comme le démontre l’acte de vente sous condition suspensive conclu le 16 octobre 2015, qui prévoit que le vendeur devra faire effectuer à ses frais les travaux nécessaires à la remise en état à cet endroit. [X] [P] soutient que depuis cette date, les travaux n’ont pas été réalisés. Le coût des travaux est supérieur à 10 000 euros tandis qu’il a retenu un montant inférieur à 6 000 euros au titre des fermages. Selon lui, le motif légitime d’inexécution du paiement du fermage se justifie tant par la violation de l’obligation de délivrance conforme que par celle de l’obligation de jouissance paisible.

[D] [C] et les consorts [F] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement rendu ;

Ordonner la résiliation du bail ;

Condamner [X] [P] à régler aux concluantes la somme de 5 688,04 euros correspondant au paiement des fermages des années 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

Condamner [X] [P] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[D] [C] et les consorts [F] avancent que [X] [P] invoque pour la première fois en cause d’appel l’effondrement du talus et ce, sans apporter la moindre preuve. Elles font valoir que si l’effondrement de ce talus avait dû l’empêcher d’exploiter réellement les vignes louées, il n’aurait pas attendu tant d’années pour le faire valoir. Or il ne les a jamais informées de cet élément. Elles affirment que seule une infime partie du talus a été ravinée lors d’un orage et que l’exploitation des vignes n’en a nullement été affectée. [D] [C] et les consorts [F] soutiennent qu’il est possible d’observer des traces d’engin agricole sur le sol devant le talus et que les vignes sont bien entretenues sur cette zone.

[D] [C] et les consorts [F] soutiennent que [X] [P] est un mauvais payeur. Elles font valoir qu’il était prévu qu’il rachète les parcelles en 2015 mais qu’il n’a pas donné suite, en s’abstenant de déposer un dossier de prêt auprès du banquier. Elles ajoutent que lors de l’audience de conciliation, il a de nouveau voulu faire croire qu’il allait acheter les vignes, sans que ses paroles ne soient suivies d’effet.

[D] [C] et les consorts [F] versent aux débats le décompte des fermages dus en précisant qu’elles ne peuvent fixer le prix des fermages postérieurs à 2018 puisque [X] [P] n’a jamais transmis les justificatifs du chiffre d’affaires généré.

MOTIFS

1. Sur la demande de résiliation du bail rural

Au visa des articles L. 411-31 et L. 415-4 du code rural, [X] [P] soutient qu’il existe un motif légitime à l’inexécution du paiement du fermage en le fait de effondrement d’un talus qui aurait affecté son exploitation.

Pour en rapporter la preuve, il se fonde uniquement sur l’acte de vente sous conditions suspensives conclu le 16 octobre 2015, lequel stipule dans les conditions particulières à la charge du vendeur que celui-ci devra faire effectuer à ses frais, avant signature de l’acte authentique, les travaux nécessaires à la remise dans son état initial de la rive qui s’est effondrée dans une des parcelles vendues.

Or, il résulte des pièces versées au débat, notamment des photos dont la réalité n’est pas contestée par l’appelant, que l’effondrement du talus est intervenu en limite de parcelle, sur une largeur manifestement inférieure à deux mètres, que des traces de passage d’un engin agricole sont parfaitement visibles sur le sol, que les vignes apparaissent entretenues à proximité, de sorte que [X] [P] échoue à démontrer que cet effondrement aurait affecté son exploitation pour se prévaloir d’une exception d’inexécution.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur la demande en paiement des fermages

Au surplus, [X] [P] sera condamné à payer à [D] [C] et aux consorts [F] la somme totale de 5 688,04 euros correspondant au paiement des fermages des années 2015, 2016, 2017 et 2018, dûment justifiés, les intimées indiquant que pour les fermages postérieurs à l’année 2018, elles ont été dans l’incapacité de fixer le prix au motif que [X] [P] n’a jamais transmis les justificatifs du chiffre d’affaires généré par les 4 hectares 2 ares 30 centiares de vignes apportés à la cave coopérative Anne de Joyeuses.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

[X] [P] sera condamné aux dépens de l’instance, soit de première instance et d’appel.

[X] [P], qui échoue en son appel, sera au surplus condamné à payer à [D] [C] et aux consorts [F] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 novembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Carcassonne, en toutes ses dispositions ;

Au surplus,

CONDAMNE [X] [P] à payer à [D] [C], [J] [F] et [T] [F] la somme de 5 688,04 euros au titre des fermages des années 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

CONDAMNE [X] [P] à payer à [D] [C], [J] [F] et [T] [F] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d’appel ;

CONDAMNE [X] [P] aux dépens de l’instance.

Le greffier, Le président,

 


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