Cour d’appel de Montpellier, 13 octobre 2021
Cour d’appel de Montpellier, 13 octobre 2021

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Thématique : La baisse du volume de piges validée par les juges

Résumé

Un journaliste pigiste, Monsieur Z Y, a signalé à Wolters Kluwer France une baisse significative de son volume de piges depuis 2009, demandant une compensation pour retrouver son salaire antérieur. La société a répondu que la nature de son contrat de pigiste ne garantissait pas une quantité fixe de travail. Les juges ont constaté que Monsieur Y n’avait pas prouvé qu’il tirait l’essentiel de ses ressources de son activité journalistique, et que ses bulletins de paie ne suffisaient pas à établir un contrat de travail. En conséquence, la cour a confirmé le jugement rejetant ses demandes.

Un journaliste rédacteur a alerté son employeur, la société Wolters Kluwer France, sur la baisse de son volume de piges depuis 2009 et demandait à cette société de compenser la baisse de salaire cumulée depuis cette date pour retrouver le niveau équivalent à celui enregistré entre (45 000 euros).

La société Wolters Kluwer France répondait au rédacteur que sa qualité de pigiste ne lui garantissait pas une quantité constante de piges mais la fourniture d’un travail régulier, et que si la quantité de piges pouvait varier, la rémunération qui en dépendait le pouvait également sans que cela n’impliquât à une rupture du contrat de travail.

En l’espèce, l’examen des bulletins de paie du pigiste démontrait n’avait pas communiqué tous ses avis d’imposition, si bien que tandis que la société Wolters Kluwer France établissait que depuis 2014 au moins son principal lieu d’établissement était fixé à Barcelone où il était l’auteur de différents ouvrages, il n’était justifié en aucune manière que le pigiste ait tiré l’essentiel de ses ressources de son activité journalistique.

La délivrance de bulletins de paie a été jugée indifférente, cette formalité étant rendue nécessaire par l’obligation faite à l’entreprise de presse de prélever diverses cotisations liées au statut de journaliste pigiste, ces seuls éléments ne suffisent pas à déterminer que l’intéressé ait pu bénéficier d’un contrat de travail apparent nonobstant la mention sur les bulletins de paie d’une prime d’ancienneté octroyée dans les conditions définies par l’accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige, et se limitant à une prise en compte de la durée de détention effective de la carte professionnelle pour déterminer les critères d’attribution de cet élément de rémunération.

Ensuite, et tandis que les rares échanges de courriels produits entre la société Wolters Kluwer France et le pigiste se limitaient à des collaborations ponctuels, il n’était justifié à aucun moment d’une quelconque directive qu’il aurait pu recevoir.

Les conditions effectives d’exécution des prestations du pigiste au profit de la société Kluwer France établissaient qu’il avait bénéficié d’une totale indépendance dans l’exercice de ses prestations, si bien que la qualité de collaborateur permanent lié à la société par un contrat de travail de droit commun ne pouvait lui être reconnue. Partant, l’existence d’un contrat de travail entre le pigiste et la société Wolters Kluwer France n’a pas été reconnue.

Pour rappel, selon l’article L.7111-3 du code du travail, alinéa 1er: « Est journaliste toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources’.

L’article L.7111-4 du code du travail dispose: ‘assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle’.

Et selon l’article L.7112-1 du code du travail, ‘Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties…’

_____________________________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 13 OCTOBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00540 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NVHD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 AVRIL 2018

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F 17/00445

APPELANT :

Monsieur Z Y

[…]

[…]

Représenté par Me Morgane BEAUVIRONNET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. WOLTERS KLUWER FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Lionel SEBILLE, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 25 Mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 JUIN 2021, en audience publique, M. MASIA ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur B C, X

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Z Y débutait sa collaboration avec la société Groupe Liaisons SA en qualité de journaliste pigiste à compter du 1er avril 2002.

Le 1er juin 2007, la société Groupe Liaisons SA faisait l’objet d’une fusion acquisition au bénéfice de la société Wolters Kluwer France et Monsieur Y poursuivait sa collaboration avec la société absorbante.

Le 5 décembre 2015, Monsieur Z Y alertait la société Wolters Kluwer France relativement à une baisse de son volume de piges depuis 2009 et demandait à cette société de compenser la baisse de salaire cumulée depuis cette date pour retrouver le niveau équivalent à celui enregistré entre 2004 et 2008, le volume des commandes passant de 9666 ‘ par an à 3367 ‘ par an, soit une perte cumulée de 44 089 ‘.

La société Wolters Kluwer France répondait à Monsieur Y que sa qualité de pigiste ne lui garantissait pas une quantité constante de piges mais la fourniture d’un travail régulier, et que si la quantité de piges pouvait varier, la rémunération qui en dépendait le pouvait également sans que cela n’impliquât à une rupture du contrat de travail.

Le 21 juin 2016, Monsieur Z Y prenait acte de la rupture de contrat au motif qu’il n’avait pas reçu de commande d’articles depuis le 9 octobre 2015. Il demandait que la perte cumulée de 42 543 ‘ depuis 2009 soit compensée et réclamait l’envoi par la société Wolters Kluwer France de son certificat de travail.

Le 1er juillet 2016 la société Wolters Kluwer France finalisait la cession de son unité organisationnelle de presse en France à la société Info6TM.

Les 12 mai 2017 et 19 janvier 2010, Monsieur Z Y, mettait en demeure la société Wolters Kluwer France de procéder au paiement d’une indemnité afin de compenser le préjudice résultant de la réduction de son volume de piges au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015.

Par requête du 20 octobre 2017, Monsieur Z Y, soutenant que la société Wolters Kluwer France aurait dû lui fournir régulièrement une prestation de travail, conformément aux statuts des journalistes professionnels rémunérés à la pige, et conformément aux obligations essentielles découlant d’un contrat de travail, a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers aux fins de condamnation de la société Wolters Kluwer France à lui payer un rappel de salaire de 3833,12 ‘ au titre des années 2015-2016 ainsi que différentes sommes au titre de la prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail au 21 juin 2016 produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme de 3000 ‘ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 avril 2018 le conseil de prud’hommes de Béziers déboutait Monsieur Z Y de l’ensemble de ses demandes.

Monsieur Z Y a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 16 mai 2018.

Aux termes de ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 6 mai 2021, Monsieur Z Y conclut à l’infirmation du jugement attaqué et il sollicite la condamnation de la société Wolters Kluwer France à lui payer les sommes suivantes:

‘622,75 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 62,27 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

‘4411,12 euros à titre d’indemnité licenciement,

‘5000 ‘ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘6031,68 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2015 et 2016, outre une somme de 603,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

‘3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande également la condamnation de la société Wolters Kluwer France à lui remettre les documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de huit jours de la notification de la décision à intervenir.

Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 21 avril 2021, la société Wolters Kluwer France, contestant à titre principal l’existence d’un contrat de travail et considérant qu’il est démontré que Monsieur Y n’était qu’un pigiste occasionnel soutient par ailleurs l’inapplicabilité des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail à son égard et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Béziers le 12 avril 2018, au débouté de Monsieur Z Y de l’ensemble de ses demandes ainsi qu’à sa condamnation à lui payer une somme de 1500 ‘ titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture était rendue le 25 mai 2021.

SUR QUOI

Selon l’article L.7111-3 du code du travail, alinéa 1er: « Est journaliste toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources’.

L’article L.7111-4 du code du travail dispose: ‘assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle’.

Et selon l’article L.7112-1 du code du travail, ‘Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties…’

En l’espèce, contrairement à ce qu’il soutient, l’examen des bulletins de paie de Monsieur Z Y démontre, qu’entre 2002 et 2015, l’intéressé était payé irrégulièrement à la pige. De plus, il s’est limité à répondre très partiellement à la sommation de communiquer ses avis d’imposition sur la période en ne versant aux débats que les seuls avis d’imposition 2014 à 2016, si bien que tandis que la société Wolters Kluwer France établit que depuis 2014 au moins son principal lieu d’établissement était fixé à Barcelone où il était l’auteur de différents ouvrages, il n’est justifié en aucune manière que monsieur Y ait tiré l’essentiel de ses ressources de son activité journalistique.

En l’absence de toute convention écrite, Monsieur Y se prévaut d’une carte de journaliste pigiste professionnel 2017 valable jusqu’au 31 mars 2018 et de bulletins de paie 2002 à 2015 visant la convention collective des journalistes. Toutefois, l’établissement de bulletins de salaire étant rendu nécessaire par l’obligation faite à l’entreprise de presse de prélever diverses cotisations liées au statut de journaliste pigiste, ces seuls éléments ne suffisent pas à déterminer que l’intéressé ait pu bénéficier d’un contrat de travail apparent nonobstant la mention sur les bulletins de paie d’une prime d’ancienneté octroyée dans les conditions définies par l’accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige, et se limitant à une prise en compte de la durée de détention effective de la carte professionnelle pour déterminer les critères d’attribution de cet élément de rémunération.

Ensuite, et tandis que les rares échanges de courriels produits entre la société Wolters Kluwer France et Monsieur Y se limitent à des de collaboration ou de couverture d’événements qu’il adressait à cette société sans qu’il ne soit justifié à aucun moment d’une quelconque directive qu’il aurait pu recevoir, les conditions effectives d’exécution de ses prestations au profit de la société Kluwer France établissent qu’il avait bénéficié d’une totale indépendance dans l’exercice de ses prestations, si bien que la qualité de collaborateur permanent lié à la société par un contrat de travail de droit commun ne pouvait lui être reconnue.

Partant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur Z Y visant à voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail entre lui-même et la société Wolters Kluwer France.

Compte tenu de ce qui précède, il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur Z Y tant de ses demandes de rappel de salaire que de rupture abusive d’un contrat de travail et de remise des documents sociaux qui en découlent.

Compte tenu de la solution apportée au litige, l’appelant restera tenu des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles.

En considération de l’équité il convient de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Béziers le 12 avril 2018;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur Z Y aux dépens;

Le greffier, Le président,

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon