Cour d’appel de Montpellier, 12 septembre 2024, RG n° 23/04299
Cour d’appel de Montpellier, 12 septembre 2024, RG n° 23/04299

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

Le litige concerne un patecq à Vidauban, utilisé collectivement par des propriétaires. Mme [C] [S] a réalisé des travaux non autorisés sur ce terrain, entraînant des poursuites pour construction illégale. Bien qu’elle ait été relaxée pour prescription, ses permis de construire ont été annulés pour fraude. La cour d’appel a confirmé que ses actions avaient violé les droits des autres propriétaires, entraînant des nuisances. Mme [S] et la SCI Heylan ont été condamnées à payer les dépens et des sommes aux autres parties, tandis que leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ont été rejetées.

Un patecq est un terrain à vocation agricole en Provence, utilisé collectivement par des propriétaires. Le litige concerne des propriétaires à Vidauban, avec un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan. La parcelle litigieuse, cadastrée BR n°[Cadastre 10], est affectée à l’usage collectif des propriétaires, appelés « communistes ». Mme [C] [S] a effectué des travaux non conformes sur ce terrain sans autorisation, entraînant des poursuites pour construction illégale. Bien qu’elle ait été relaxée pour prescription, des permis de construire obtenus par elle et la SCI Heylan ont été annulés pour fraude. Mme [S] a ensuite été condamnée à supprimer des aménagements réalisés sur le patecq. Des actions en justice ont suivi, avec des décisions successives concernant l’exécution des jugements et des demandes de désenclavement. La cour d’appel a finalement infirmé un jugement antérieur, déboutant Mme [S] et la SCI Heylan de leurs prétentions. La Cour de cassation a annulé cet arrêt, renvoyant l’affaire à la cour d’appel, qui a ensuite rejeté les demandes de Mme [S] et de la SCI, les condamnant à payer les dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/04299
ARRÊT n°

AFFAIRE :

[A]

[E]

[I]

C/

[S]

SCI SCI HEYLAN

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/04299 – N° Portalis DBVK-V-B7H-P55G

Décisions déférées à la Cour:

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS, en date du 15 Juin 2023, enregistrée sous le n° de pourvoi Q22-11.831

Arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, en date du 18 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 18/19932

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, en date du 11 Décembre 2018, enregistrée sous le n° 17/04973

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDEURS A LA SAISINE:

Madame [L] [A] épouse [E]

née le 14 Juillet 1969 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 17]

et

Monsieur [U] [E]

né le 08 Janvier 1968 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 17]

et

Monsieur [V] [I]

né le 03 Août 1952 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Elric HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSES A LA SAISINE

Madame [C] [S]

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 17]

et

SCI HEYLAN prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 22]

[Localité 17]

Représentées par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Angélique FERNANDES THOMANN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Ordonnance de clôture du 19 mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 mars 2024,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 805 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Fabrice DURAND, conseiller

Mme [L] WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 13 juin 2024, prorogée au 12 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

1. Un patecq est une institution de droit local connue en Provence consistant en un terrain à vocation originairement agricole dépendant de bâtiments à l’usage collectif desquels il reste attaché, et ce même après division de ces derniers.

2. Le présent litige oppose des propriétaires immobiliers sur la commune de Vidauban (Var) réunis dans un « patecq » » ainsi que l’a définitivement jugé la cour d’appel d’Aix-en-Provence aux termes de son arrêt du 26 mars 2015 rendu sur renvoi après cassation et confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 6 octobre 2010.

3. La parcelle [Cadastre 10] (anciennement cadastrée G n°[Cadastre 5]) sur la commune de [Localité 23] constitue le terrain du patecq litigieux.

4. Ce patecq est affecté à l’usage collectif des propriétaires suivants, aussi appelés « communistes » :

‘ M. [V] [I], propriétaire des parcelles BR n°[Cadastre 12] et [Cadastre 15] supportant chacune un bâtiment, aux termes d’un acte de partage familial intervenu le 24 août 2005 ;

‘ M. [U] [E] et Mme [L] [A] épouse [E] ayant acquis le 21 mars 2006 de M. [I] un droit indivis de 1/10e de la parcelle BR n°[Cadastre 12] (M. [I] restant propriétaire des 9/10e de cette parcelle BR n°[Cadastre 12]) ;

‘ Mme [C] [S], pour avoir acquis par acte notarié du 15 janvier 1999 les parcelles BR n°[Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] ainsi qu’un droit indivis sur la parcelle BR n°[Cadastre 10] à usage de patecq (parcelles anciennement cadastrées G n°[Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 5]) au prix de 41 161,23 euros ;

‘ La SCI Heylan, constituée le 2 novembre 2005 entre Mme [S] (10 parts) et M. [K] (10 parts), ayant reçu par acte notarié du 29 janvier 2007 la parcelle BR n°[Cadastre 4] issue de la division de la parcelle BR n°[Cadastre 11] dont le surplus cadastré BR n°[Cadastre 3] est resté propriété de Mme [S].

5. Mme [C] [S] a aussi acheté le 15 janvier 1999 un terrain cadastré BR n°[Cadastre 16] (anciennement G n°[Cadastre 9]), extérieur mais contigu à la parcelle [Cadastre 10] formant le patecq.

6. Mme [S] a alors procédé à des travaux non conformes au permis de construire n°8314899LC048 obtenu le 25 août 1999 (création de deux chambres d’hôte) et exécuté d’autres travaux sans avoir préalablement obtenu d’autorisation d’urbanisme (création de trois gîtes ruraux).

7. Mme [S] a été relaxée des délits de construction sans permis par arrêt rendu le 16 septembre 2008 par la chambre des appels correctionnels d’Aix-en-Provence au seul bénéfice de la prescription pénale des faits poursuivis.

8. Entre-temps, Mme [S] avait divisé le 23 novembre 2006 la parcelles BR n°[Cadastre 11] en deux parcelles BR n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] aux fins de vendre la parcelle BR n°[Cadastre 4] à la SCI Heylan dont elle est gérante.

9. Dans son jugement du 19 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a annulé les trois permis de construire obtenus par Mme [S] et la SCI Heylan au motif que Mme [S] avait frauduleusement divisé la parcelle BR n°[Cadastre 11] et en avait cédé une partie à une société complice qu’elle contrôlait, et ce aux seules fins de contourner la règle d’urbanisme limitant les constructions à usage d’habitation à 250 m² de surface par îlot de propriété.

10. Cette fraude commise par Mme [S] lui a ainsi permis d’obtenir une surface de plancher supplémentaire de 186 m² en violation du POS.

11. Le jugement du tribunal administratif motivait également l’annulation de ces trois permis de construire par le fait que le projet de Mme [S] positionnait les ouvrages d’assainissement et les emplacements de stationnement sur le patecq, terrain sur lequel Mme [S] ne disposait d’aucun titre l’habilitant à construire.

12. Ce jugement a été intégralement confirmé par arrêt rendu le 20 décembre 2011 par la cour administrative d’appel de Marseille.

13. Mme [C] [S] et la SCI Heylan ont rénové le bâtiment édifié sur les parcelles BR n°[Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] aux fins de l’exploiter à des fins d’hébergement touristique sous l’enseigne Bastide Einesi. Lors de cette opération, Mme [S] a installé divers ouvrages sur le patecq ainsi qu’une canalisation en tréfonds du patecq acheminant les eaux usées de son bâtiment dans la micro-station d’épuration construite sur sa parcelle BR n°[Cadastre 16] située hors du patecq.

14. Par acte d’huissier signifié le 5 juin 2007, les consorts [E] [I] ont assigné Mme [S] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d’obtenir la destruction de différents aménagements et de diverses constructions faites par Mme [S] sur l’emprise du patecq sans avoir préalablement obtenu l’accord unanime de tous les communistes.

15. Par jugement du 6 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

‘ déclaré recevable l’action des consorts [E] [I] ;

‘ dit que la parcelle BR n°[Cadastre 10] constituait un patecq commun et indivis aux propriétaires des parcelles cadastrées BR n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] (ancienne [Cadastre 11]), [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ;

‘ condamné Mme [S] sous astreinte à supprimer les aménagements et ouvrages suivants :

– un escalier d’accès creusé dans le sol du patecq et situé au nord de la parcelle BR n°[Cadastre 13] avec mur de soutènement, jardinière maçonnée et appentis toituré ;

– un escalier d’accès creusé dans le sol du patecq situé au nord de la parcelle BR n°[Cadastre 3] avec mur de soutènement et jardinière maçonnée ;

– des palissades installées au nord, entourant un tas de pierres, devant une des entrées de la parcelle [Cadastre 12] ;

– une extension de 12 m² à l’est de la parcelle [Cadastre 3] ;

– un muret en pierres perpendiculaire à la façade est de la parcelle BR n°[Cadastre 3] et au nord de l’extension de 12 m² ;

– un balcon surplombant le patecq construit sur la façade est de la parcelle BR n°[Cadastre 3] ;

– un muret en pierres, un talus, des plantations et une palissade en bois édifiées parallèlement à la façade est de la parcelle BR n°[Cadastre 3] ;

– une pergola, une terrasse de 25 m² et diverses plantations aménagées le long de la façade sud de la parcelle BR n°[Cadastre 3] ;

– une pagode, fixée sur des supports bétonnés ancrés dans le sol, et des plantations implantées dans le patecq au sud des parcelles BR n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] et à l’est de la parcelle [Cadastre 15] ;

– une jardinière maçonnée située à l’angle sud de la parcelle BR n°[Cadastre 4] et de la parcelle [Cadastre 12] ;

– des antennes hertziennes et paraboliques et leurs câbles situés dans le volume et à la verticale du sol de la parcelle BR n°[Cadastre 12] avec utilisation des génoises de la de la construction de cette parcelle pour le passage des câbles ;

– une palissade installée perpendiculairement à la façade sud de la parcelle BR n°[Cadastre 12] ;

– deux pierres à tonneaux placées sur la parcelle BR n°[Cadastre 10] entre les parcelles BR n°[Cadastre 15] et BR n°[Cadastre 12] et [Cadastre 4] ;

– une terrasse dont une partie est toiturée avec de gros piliers, construite le long de la façade ouest des parcelles BR n°[Cadastre 13] et [Cadastre 14] et au sud de la parcelle BR n°[Cadastre 13] et des plantations au même endroit ;

– une jardinière maçonnée en pierres le long de la façade ouest de la parcelle BR n°[Cadastre 13] ;

– l’ensemble des installations d’assainissement, canalisations et bacs à graisses réalisées sur la parcelle [Cadastre 10] ;

– les installations d’arrosage enterré ;

‘ dit que Mme [S] ne disposait d’aucun droit de stationnement sur la parcelle [Cadastre 10].

16. Par arrêt de renvoi confirmatif du 26 mars 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement déféré ayant retenu l’existence du patecq et condamné Mme [S] à supprimer les ouvrages réalisés sur ce patecq faute d’avoir obtenu l’autorisation des autres communistes.

17. Par jugement du 23 mai 2017, le juge de l’exécution a constaté que Mme [S] n’avait pas entièrement exécuté le jugement du 6 octobre 2010 et en conséquence a liquidé l’astreinte à hauteur de 6 080 euros sans toutefois prononcer de nouvelle astreinte aux fins d’exécution totale de ce jugement par Mme [S].

18. Ce jugement a été infirmé par arrêt du 21 mars 2019 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a liquidé l’astreinte à hauteur de 10 000 euros et a maintenu cette astreinte aux fins de contraindre Mme [S] à supprimer la terrasse de 25 m², l’escalier creusé dans le sol au nord de la parcelle [Cadastre 13] avec mur de soutènement, le talus et les plantations et les deux terrasses à l’ouest des parcelles BR n°[Cadastre 13] et [Cadastre 14] et au sud de la parcelle BR n°[Cadastre 13].

19. Par actes d’huissier signifiés les 20 et 26 juin 2017, Mme [S] et la SCI Heylan ont assigné M. et Mme [E] et M. [I] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir ordonner le désenclavement de leurs parcelles BR n°[Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] par la création d’une servitude de tréfonds.

20. Par jugement contradictoire du 11 décembre 2018 rectifié le 7 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

‘ débouté les consorts [E] [I] de leur fin de non-recevoir tiré de la chose jugée des décisions antérieures ;

‘ déclaré recevable l’action de Mme [S] et de la SCI Heylan au titre de l’article 544 du code civil ;

‘ ordonné la déchéance du droit des consorts [E] [I] de refuser l’usage que Mme [S] peut retirer du patecq pour assurer la desserte du réseau d’assainissement, et en conséquence,

‘ autorisé Mme [S] et la SCI Heylan à procéder dans le tréfonds du patecq cadastré BR n°[Cadastre 10], à l’endroit de leur choix, aux travaux nécessaires à la desserte de leur immeuble d’habitation inclus dans ce patecq, par la mise en place des viabilités indispensables : eau, électricité, télécommunications, évacuation des eaux vannes et usées ;

‘ débouté Mme [S] et la SCI Heylan de leur demande de désenclavement et de celle présentée au titre de l’article 815-9 du code civil ;

‘ déclaré sans objet la demande de « dire et juger » présentée par Mme [S] et la SCI Heylan ;

‘ condamné les consorts [E] [I] à payer à Mme [S] et à la SCI Heylan la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamné les consorts [E]-[I] aux entiers dépens et dit qu’ils ne comprendraient pas le droit proportionnel dégressif que l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 met à la charge du créancier ;

‘ débouté les consorts [E]-[I] de l’intégralité de leurs demandes ;

‘ ordonné l’exécution provisoire.

21. Par déclaration déposée au greffe le 18 décembre 2018, M. et Mme [E] et M. [I] ont relevé appel partiel de ce jugement en ses seules dispositions ayant :

‘ ordonné la déchéance du droit de MM. [I] et [E] et de Mme [A] de refuser l’usage que Mme [S] peut retirer du patecq pour assurer la desserte du réseau d’assainissement ;

‘ autorisé Mme [C] [G] [S] et la SCI Heylan à procéder dans le tréfonds du patecq cadastré section BR [Cadastre 10], à l’endroit de leurs choix, aux travaux nécessaires à la desserte de leur immeuble d’habitation inclus dans ce patecq, par la mise en place des viabilités indispensables : eau, électricité, télécommunications, évacuation des eaux vannes et usées ;

‘ condamné MM. [I] et [E] et Mme [A], in solidum, à payer à Mme [S] et à la SCI Heylan la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamné MM. [I] et [E] et Mme [A] aux entiers dépens ;

‘ débouté MM. [I] et [E], et Mme [A] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

22. Par arrêt contradictoire du 18 novembre 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

‘ infirmé le jugement déféré ;

‘ débouté Mme [S] et la SCI Heylan de l’ensemble de leurs prétentions ;

‘ condamné Mme [S] et la SCI Heylan à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel et à payer aux consorts [E] [I] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

23. Par arrêt du 15 juin 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 18 novembre 2021 sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle en désenclavement.

24. L’arrêt de cassation a relevé que la cour d’appel n’avait pas répondu aux conclusions de Mme [S] et de la SCI Heylan faisant valoir au soutien de leur demande que les autres propriétaires indivis, aux droits desquels il n’était porté aucune atteinte, disposaient eux-mêmes d’installations similaires réalisant une emprise sur le patecq.

25. Vu les dernières conclusions de M. et Mme [E] et de M. [I] déposées au greffe le 22 février 2024 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

‘ d’infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 11 décembre 2018 en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté Mme [S] et la SCI Heylan de leur demande au titre de l’article 815-9 du code civil et ayant déclaré leur de demande de « dire et juger » sans objet ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

‘ de déclarer irrecevables les demandes de Mme [S] et de la SCI Heylan en raison de l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 26 mars 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Subsidiairement,

‘ de constater l’absence d’abus de droit et de débouter en conséquence Mme [S] et la SCI Heylan de leur demande tendant à obtenir le droit d’installer des canalisations dans le tréfonds du patecq ;

Encore plus subsidiairement,

‘ de débouter Mme [S] et la SCI Heylan de leurs demandes tendant à se voir reconnaître un droit qui leur est dénié par les condamnations définitives à enlever les canalisations et autres installations posées dans le sous-sol du patecq ;

‘ de condamner Mme [S] et la SCI Heylan à payer à chacun des concluants la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

‘ de condamner Mme [S] et la SCI Heylan à supporter les entiers dépens et à payer à chacun des concluants 4 000 euros pour les frais de première instance et 6 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

26. Vu les dernières conclusions de Mme [S] et de la SCI Heylan déposées au greffe le 1er mars 2024 aux termes desquelles elles demandent à la cour :

‘ de déclarer irrecevable car contraire à l’autorité de la chose jugée attachée a jugement dont appel la prétention des consorts [E] [I] de déclarer irrecevable les demandes des concluantes ;

‘ de confirmer subsidiairement le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable leur demande ;

‘ de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [E] [I] de leur droit à s’opposer à leur demande ;

‘ de les autoriser à procéder dans le tréfonds du patecq cadastré BR n°[Cadastre 10] à l’endroit de leur choix aux travaux nécessaires à la desserte de leur immeuble inclus dans le patecq par la mise en place des viabilités indispensables (eau, électricité, télécommunications, eaux usées) ;

‘ subsidiairement sur le fondement de l’article 815-9 du code civil, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes alors qu’il aurait dû se déclarer incompétent au profit du président du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure accélérée au fond ;

En tout état de cause,

‘ de débouter les consorts [E] [I] de leurs demandes de dommages-intérêts ;

‘ de condamner in solidum les consorts [E] [I] à payer à Mme [S] la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts ainsi que 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ de condamner in solidum les consorts [E] [I] à payer à la SCI Heylan la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts ainsi que 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ de condamner les consorts [E] [I] aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

27. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

28. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 mars 2024.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la fin de non-recevoir opposée par les consorts [E] [I],

29. Les consorts [E] [I] soutiennent que les demandes formées par Mme [S] et la SCI Heylan sont irrecevables en raison de l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 26 mars 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

30. Mme [S] et la SCI Heylan concluent à l’irrecevabilité de cette fin de non-recevoir en faisant valoir que la cour d’appel n’est pas saisie du chef du jugement du 11 décembre 2018 ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [E] [I] sur le fondement de l’autorité de la chose jugée.

Appréciation de la cour

31. Lorsque la connaissance d’une affaire est renvoyée à une cour d’appel par la Cour de cassation, la cour d’appel de renvoi est investie de l’entier litige tel qu’il a été dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée.

32. Par ailleurs, l’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent.

33. En l’espèce, la déclaration d’appel déposée au greffe le 18 décembre 2018 par les consorts [E] [I] ne vise pas les deux dispositions du jugement frappé d’appel ayant « débouté MM. [E] et [I] et Mme [A] de leur fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée des décisions antérieures » et ayant « déclaré recevable l’action de Mme [S] et de la SCI Heylan au titre de l’article 544 du code civil ».

34. Ces deux chefs de demande n’ayant pas été dévolus à la cour d’appel, cette juridiction n’en est pas saisie et ne peut pas statuer à nouveau sur la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée soulevée en appel par les consorts [E] [I].

Sur l’abus de droit invoqué par Mme [S] et la SCI Heylan,

35. Les consorts [E] [I] sollicitent l’infirmation du jugement déféré et la condamnation de Mme [S] et de la SCI Heylan à supprimer les aménagements qu’elles ont réalisés sur l’emprise du patecq sans avoir préalablement obtenu l’accord unanime de tous les communistes.

36. Mme [S] et la SCI Heylan s’opposent à cette demande au motif que les demandeurs commettraient un abus de droit en refusant d’autoriser les aménagement litigieux.

Appréciation de la cour

37. Aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

38. La caractère absolu de ce droit de propriété rencontre toutefois une limite lorsque ses titulaires en abusent. Cet abus du droit de propriété est constitué lorsque l’action du propriétaire ne présente aucune utilité pour lui ou qu’elle est seulement guidée par l’intention de nuire à autrui.

39. Dans sa décision frappée d’appel, le tribunal a retenu l’abus de droit commis par les consorts [E] [I] aux motifs suivants :

« En l’espèce, les communistes s’opposent à la demande de Mme [S] en arguant de leurs droits de propriétaire de la chose commune. Néanmoins, il doit être souligné que si le refus n’a pas à être motivé, il ne peut être fondé uniquement sur la volonté de nuire aux autres propriétaires.

Ainsi il n’apparaît pas dans les écritures en défense d’arguments susceptibles de démontrer en quoi la pose d’une canalisation souterraine sur le fonds commun risque d’entraîner sa dénaturation ou affectée la jouissance des autres communistes. En outre, ceci ne démontre pas en quoi une telle installation affecterait leurs droits sur le patecq pour le futur.

Il convient ainsi de se référer à la destination même du patecq, qui est un terrain commun, appartenant à tous ceux habitant dans l’ancienne bastide. Ce terrain doit pouvoir être utilisé par tous, sans nuire aux droits des autres communistes.

Il en ressort dès lors que Mme [S] et la SCI Heylan doivent être autorisées à construire en sous-sol canalisations permettant l’écoulement des eaux usées. »

40. Ces motifs des premiers juges ne mettent pas en évidence l’intention malicieuse des consorts [E] [I] et ne montrent pas en quoi leur refus d’autoriser Mme [S] et la SCI à poser les canalisations litigieuses procéderait de la seule volonté de nuire à Mme [S].

41. En effet, il convient de rappeler que Mme [S] est engagée dans un patecq, institution régissant un terrain à vocation originairement agricole affecté à l’usage collectif de bâtiments auxquels il reste attaché et dont la nature juridique implique que soient prises à l’unanimité les décisions affectant le terrain commun, chaque communiste disposant d’un droit réel égal aux autres sur ce bien commun.

42. Le désaccord entre les parties est apparu lorsque Mme [S] a entrepris un vaste projet de réhabilitation à vocation touristique consistant à créer, outre son propre logement de quatre pièces principales, trois chambres d’hôtes, deux gîtes d’une chambre et un gîte de deux chambres, soit une capacité d’hébergement touristique de 15 personnes, sans compter la capacité du logement principal de Mme [S].

43. Les consorts [E] [I] ont reproché à Mme [S] de violer les règles d’urbanisme de forme et de fond en vigueur et de disposer de la parcelle à usage de patecq sans l’accord unanime des communistes.

44. La cour relève en premier lieu que les consorts [E] [I] ont toujours agi à l’égard de Mme [S] selon les voies procédurales qui leur étaient ouvertes et qu’ils ont obtenu gain de cause devant les juridictions tant administratives que judiciaires.

45. Il est établi par les pièces versées aux débats que Mme [S] a créé deux chambres d’hôtes et sans respecter son permis de construire obtenu le 25 août 1999 et qu’elle a créé pas moins de 3 autres gîtes ruraux sans aucune autorisation d’urbanisme.

46. C’est seulement au bénéficie de la prescription que Mme [S] a été relaxée des délits de construction sans permis par arrêt du 16 septembre 2008 de la chambre des appels correctionnels d’Aix-en-Provence.

47. Par jugement du 19 juin 2009, confirmé le 20 décembre 2011 par la cour administrative d’appel de Marseille, le tribunal administratif de Toulon a annulé les trois permis de construire de régularisation obtenus le 17 janvier 2007 par Mme [S] et la SCI Heylan en retenant que Mme [S] avait commis une fraude.

48. En divisant frauduleusement sa parcelle [Cadastre 11] avant cession partielle à la SCI Heylan créée pour les besoins de la cause, Mme [S] a contourné la règle d’urbanisme et construit une surface de plancher supplémentaire de 186 m² en violation du POS.

49. Le jugement du tribunal administratif motivait également l’annulation de ces trois permis de construire par le fait que le projet de Mme [S] n’avait obtenu aucune autorisation du patecq pour y installer ses ouvrages d’assainissement et ses emplacements de stationnement.

50. L’arrêt de la cour administrative d’appel du 20 décembre 2011 démontre le peu d’attention portée aux règles du patecq par Mme [S] et la SCI Heylan qui ont cherché à cacher à l’administration le véritable statut juridique de la parcelle commune BR n°[Cadastre 10] sur laquelle étaient installés des ouvrages rattachés à leur projet de construction.

51. En l’absence de toute autorisation donnée par les autres communistes en vue de de l’installation de ses ouvrages privatifs, Mme [S] a aussi été condamnée le 6 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Draguignan à enlever ses installations d’assainissement, canalisations et bacs à graisse réalisés sur la parcelle [Cadastre 10].

52. Par courrier adressé le 18 avril 2012, la communauté d’agglomération dracénoise a notifié à Mme [S] la non-conformité technique de sa filière d’assainissement autonome.

53. Le refus persistant de Mme [S] d’exécuter la décision de justice précitée a donné lieu à liquidation de l’astreinte à son égard.

54. Les actions judiciaires engagées par les consorts [E] [I] contre Mme [S] ne sont pas motivées par une quelconque intention de nuire à l’égard de cette dernière mais ont chaque fois été provoquées par les violations multiples, graves et renouvelées de la loi commises par Mme [S] au préjudice des autres communistes du patecq.

55. En premier lieu, Mme [S] s’est affranchie de la vocation agricole du patecq pour installer une structure d’hébergement touristique pouvant accueillir au moins 15 clients en régime hôtelier, en plus de la capacité de son propre logement.

56. L’installation des réseaux indispensables à une structure hôtelière de cette capacité n’est pas conforme à la destination du patecq qui est réservée à un usage domestique et agricole.

57. Chaque bâtiment d’habitation du patecq a été dans le passé, est encore aujourd’hui, ou devra être demain, connecté aux différents réseaux d’eau, électricité et assainissement nécessaires pour le rendre habitable conformément à sa destination d’habitation ou d’usage agricole.

58. Il est donc indifférent de déterminer si tel ou tel bâtiment du patecq a été (ou est encore) connecté à ces réseaux dès lors que tous ces bâtiments ont vocation à bénéficier de cette connexion, à condition toutefois de respecter la destination du patecq et d’obtenir toutes les autorisations administratives nécessaires.

59. Le présent litige trouve son origine dans la nature de l’opération entreprise par Mme [S] et la SCI Heylan qui dépassait largement le simple usage domestique ou agricole autorisé et visait à installer sur le patecq les réseaux nécessaires à l’accueil touristique d’au moins 15 personnes ainsi que les diverses installations nécessaires à ce qui est devenu un village de vacances.

60. Mme [S] a ainsi violé la règle principale du patecq dont elle rappelle elle-même la substance dans ses propres conclusions (page 20) : « Chacun des communistes peut utiliser la totalité du bien et en retirer tous les usages sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits égaux des autres, ni de nuire à sa destination, déterminée par l’usage auquel il est affecté, ni de faire aucun acte juridique sur la chose commune sans l’accord des autres propriétaires. »

61. Les consorts [E] [I] ne cherchent pas à empêcher Mme [S] et sa famille d’habiter sa propriété et de faire un usage normal du patecq.

62. En effet, la cour relève que Mme [S] n’a jamais demandé aux autres communistes du patecq l’autorisation de poser les réseaux strictement nécessaires à l’usage de son immeuble d’habitation et qu’une telle autorisation n’a jamais été refusée par les consorts [E] [I].

63. Ces derniers s’opposent seulement à l’installation de canalisations et d’équipements rendus nécessaires par l’usage commercial et agrotouristique développé par Mme [S] à partir de 1999 au mépris combiné des règles du patecq et des règles d’urbanisme.

64. En effet, un tel usage, étranger à la vocation domestique et agricole du patecq, génère d’importantes nuisances et dégrade objectivement les conditions de vie des habitants ou potentiels habitants de ce patecq. Cet usage commercial porte ainsi atteinte aux droits des autres communistes et nuit à la destination originale du patecq qui n’est pas de devenir un village de vacances et de séjour touristique.

65. Le fait que tout ou partie des bâtiments des consorts [E] [I] ne soient pas habitables aujourd’hui (de même que l’existence à ce jour de réseaux desservant ces mêmes bâtiments) est indifférent dès lors que ces bâtiments inclus dans le patecq ont tous vocation à être réhabilités et habités un jour par les appelants ou leurs futurs ayants droit.

66. Le risque de nuisances inhérent à la création de la structure d’hébergement touristique créée par Mme [S] a été accru par le fait que cette dernière a entrepris son projet en violation constante du droit de l’urbanisme.

67. Mme [S] n’a jamais sollicité des autres communistes une quelconque autorisation d’édifier ou d’enterrer des ouvrages.

68. Elle a construit et rénové des bâtiments sans respecter, et même sans solliciter, les autorisations d’urbanisme nécessaires. Elle a même créé la SCI Heylan spécialement pour créer frauduleusement 186 m² de surface de plancher en violation du règlement du POS alors en vigueur.

69. Les consorts [E] [I] sont d’autant plus légitimes à refuser l’installation des ouvrages en tréfonds du patecq à Mme [S] que cette dernière et sa société complice construisaient des ouvrages plus importants que ceux autorisés par le règlement d’urbanisme, générant donc des nuisances encore plus importantes pour les autres habitants du patecq.

70. Leur fermeté à défendre leur droit n’a pu qu’être encouragée par le comportement de Mme [S] qui a maintenu les constructions illicites en dépit de la décision du juge administratif ayant annulé les trois permis de construire qui les avaient autorisées, alors de surcroît que ces permis avaient eux-mêmes été accordés à titre de régularisation d’infractions commises antérieurement.

71. Il ressort des précédents développements que l’attitude procédurale des consorts [E] [I] d’opposition à l’installation irrégulières d’ouvrages sur le patecq par Mme [S] correspond à un comportement légitime visant à défendre leur droit de propriété.

72. La cour relève le paradoxe qui consiste pour Mme [S] à alléguer un abus de droit à l’encontre des autres membres du patecq alors que les éléments du dossier montrent que c’est Mme [S] elle-même qui a systématiquement et durablement violé non seulement les règles d’usage normal du patecq mais aussi le droit de l’urbanisme au préjudice des consorts [E] [I].

73. Il en résulte que l’abus du droit de propriété allégué par Mme [S] et par la SCI Heylan à l’égard des consorts [E] [I] n’est aucunement établi.

74. Le jugement déféré doit donc être infirmé en ses dispositions ayant retenu l’existence d’un abus de droit et autorisé Mme [S] et la SCI Heylan à conserver les canalisations litigieuses.

75. En conséquence, il y a lieu de rejeter l’ensemble des demandes de Mme [S] fondées sur l’abus de droit commis par les autres communistes.

Sur la demande subsidiaire de Mme [S] et de la SCI Heylan,

76. L’article 815-9 alinéa 1er du code civil dispose :

« Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. »

77. La cour relève en premier lieu que Mme [S] et la SCI Heylan reprochent au premier juge de ne pas s’être déclaré incompétent alors qu’elles ont elles-mêmes saisi ce juge de cette demande subsidiaire fondée sur l’article 815-9 du code civil. Ce moyen doit donc être rejeté.

78. L’institution du patecq obéit à ses règles propres qui ne sont pas contenues dans le code civil, de sorte que ce moyen soulevé par Mme [S] et la SCI Heylan afférent au régime général de l’indivision n’est pas opérant.

79. Surabondamment, la cour relève, dans l’hypothèse où l’article 815-9 du code civil serait déclaré applicable :

‘ que Mme [S] et la SCI Heylan n’ont jamais sollicité un quelconque accord des autres communistes du patecq mais leur ont imposé une situation de fait ;

‘ que la transformation unilatérale par Mme [S] et la SCI Heylan d’un patecq à vocation agricole en un ensemble d’unités d’hébergement touristique d’une capacité de 15 personnes, n’est manifestement pas conforme à la destination de ce patecq au sens de l’article 815-9 du code civil ;

‘ que la multiplication des infractions au droit de l’urbanisme est un comportement qui par nature n’est pas compatible avec le respect des droits des autres indivisaires.

80. En conséquence, la demande subsidiaire de Mme [S] et de la SCI Heylan fondée sur l’article 815-9 du code civil est rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts des consorts [E] [I],

81. Le jugement de première instance ayant fait droit à la demande présentée par Mme [S] et la SCI Heylan, la procédure engagée par ces dernières, même jugée mal fondée en appel, ne peut caractériser un abus dans l’exercice du droit d’agir en justice.

82. Les consorts [E] [I] doivent donc être déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, ce en quoi le jugement déféré sera donc confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [S] et de la SCI Heylan,

83. Mme [S] et la SCI Heylan succombent en appel en toutes leurs demandes de sorte que leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut qu’être rejetée.

Sur les demandes accessoires,

84. Le jugement déféré doit aussi être infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

85. Mme [S] et la SCI Heylan succombent intégralement en appel et doivent donc supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

86. L’équité commande en outre de condamner Mme [S] et la SCI Heylan à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à chacun des deux appelants la somme de 3 000 € pour les frais de premières instance et 5 000 € pour les frais d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel quant aux dispositions du jugement déféré ayant débouté les consorts [E] [I] de leur fin de non-recevoir fondée sur l’autorité de la chose jugée et ayant déclaré recevable l’action engagée par Mme [S] et la SCI Heylan sur le fondement de l’article 544 du code civil ;

En conséquence, dit n’y avoir lieu à statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [E] [I] fondée sur l’autorité de la chose jugée ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour à l’exception de celle ayant débouté les consorts [E] [I] de leur demande de dommages-intérêts contre Mme [S] et la SCI Heylan pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Rejette la demande formée par Mme [C] [S] et par la SCI Heylan visant à se voir autoriser à procéder dans le tréfonds du patecq cadastré BR n°[Cadastre 10] aux travaux nécessaires à la desserte (eau, électricité, télécommunications, eaux usées) de leurs immeubles inclus dans le patecq destinés à une activité commerciale d’hébergement touristique ;

Rejette la demande subsidiaire formée par Mme [C] [S] et par la SCI Heylan visant à se voir autoriser à procéder aux travaux précités sur le fondement de l’article 815-9 du code civil ;

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par Mme [S] et la SCI Heylan contre les consorts [E] [I] ;

Condamne à Mme [C] [S] et la SCI Heylan à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel ;

Condamne Mme [C] [S] et la SCI Heylan à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel :

‘ 8 000 € à M. [V] [I] ;

‘ 8 000 € à M. [U] [E] et Mme [L] [A] épouse [E].

Le greffier, Le président,


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