Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Montpellier
→ RésuméL’affaire oppose la SCA Arterris, vendeur de semences, à l’EARL Lescaragot Jap, agriculteur ayant acheté des semences de blé. En juin 2014, l’EARL déclare un sinistre suite à des problèmes de culture, entraînant une expertise judiciaire. Après un jugement en 2019 condamnant la SCA Arterris à verser des dommages-intérêts, celle-ci conteste la décision en appel, invoquant la prescription et l’absence de vice caché. La cour d’appel de Montpellier confirme le jugement, soulignant la responsabilité de la SCA Arterris en tant que vendeur professionnel, et ordonne le paiement de frais supplémentaires à l’EARL.
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Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 11 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04493 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 JUIN 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE / FRANCE
N° RG 16/01142
APPELANTE :
SCA Arterris
[Adresse 2] / FRANCE
Représentée par Me DE ARAUJO Christophe pour Me Valéry-pierre BREUIL de la SCP MARTY – BENEDETTI-BALMIGERE – BREUIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
INTIMEES :
EARL Lescaragot Jap
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 1]
Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
S.A.S. Ragt Semmences
Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au dit siège social
[Adresse 3]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Me Anne-Sophie MONESTIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport et M. Frédéric DENJEAN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant facture en date du 30 novembre 2013, l’EARL Lescaragot Jap a acheté à la SCA Arterris six tonnes de semence de blé Atoudur pour un montant de 4.635,24€ TTC.
Le 21 juin 2014, une déclaration de sinistre a été effectuée par l’EARL Lescaragot Jap à son assureur Gan Assurances en raison d’un phénomène de cassure de la tige d’une partie des blés semés, entraînant un dessèchement immédiat des plantes atteintes.
Une expertise amiable a été diligentée par le Cabinet Polyexpert le 21 juillet 2014 à l’initiative de Groupama, assureur protection juridique de l’EARL, à la suite de laquelle aucun accord n’a été trouvé, puis par ordonnance de référé du 2 juillet 2015, l’EARL Lescaragot a obtenu la désignation de M. [K] en qualité d’expert judiciaire, ce dernier ayant déposé son rapport le 12 avril 2016.
Par exploit d’huissier délivré le 20 juillet 2016, l’EARL Lescaragot Jap a fait assigner la SCA Arterris aux fins de voir engagée sa responsabilité en qualité de vendeur professionnel d’une chose affectée d’un vice caché, puis le 18 janvier 2017, la SCA Arterris a fait délivrer assignation d’appel en cause à la SAS Ragt Semences.
Par jugement contradictoire en date du 06 juin 2019, le tribunal de grande instance de Carcassonne a, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil et du rapport du 12 avril 2016 :
Débouté la SAS Ragt Semences de ses moyens d’irrecevabilité de l’action.
Jugé que la semence Atoudur lot n° F1965TB03l51 vendue par la SCA Arterris a l’EARL Lescaragot Jap suivant facture en date du 30/1 1/2013 est affectée d’un vice caché la rendant impropre à l’usage auquel on la destine.
Jugé que la SCA Arterris, en sa qualité de professionnel de la commercialisation de semences est présumée connaître le vice et qu’elle ne démontre pas son ignorance invincible ou le vice indécelable.
Constaté que l’EARL Lescaragot Jap n’exerce pas l’action rédhibitoire ou estimatoire mais uniquement l’action en dédommagement de ses préjudices.
Condamné la SCA Arterris à payer à l’EARL Lescaragot Jap la somme de 32.245,36€ à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices en lien avec le vice affectant la semence.
Débouté l’EARL Lescaragot Jap du surplus de ses demandes indemnitaires.
Débouté la SCA Arterris de son appel en garantie à l’encontre de la SAS Ragt Semences.
Condamné la SCA Arterris payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
– à l’EARL Lescaragot Jap la somme de 3.000 €,
– à la SAS Ragt Semences la somme de 2.000 €,
Dit n’y avoir lieu de faire droit à la demande tendant à mettre à la charge du débiteur le montant des sommes prévues par l’article 10 du décret du 12 décembre 1996, cet article ayant été abrogé par le décret du 26 février 2016.
Prononcé l’exécution provisoire du jugement.
Condamné la SCA Arterris aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Vu la déclaration d’appel par la SCA Arterris en date 28 juin 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par dernières conclusions déposées via le RPVA le 03 mars 2020, la SCA Arterris demande à la cour, au visa de la loi du 8 Juillet 1907 notamment son article 2, des articles 1641 anciens et suivants du Code Civil, des articles 1240 et suivants du Code Civil,
Réformant la décision entreprise, de :
Au principal,
Déclarer irrecevables comme prescrites l’action et les demandes de l’EARL Lescaragot.
Débouter par voie de conséquence l’EARL Lescaragot de l’intégralité de ses demandes.
Au subsidiaire,
Débouter l’EARL Lescaragot de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la SCA Arterris.
Dans ces deux hypothèses, condamner l’EARL Lescaragot à payer et à rembourser à la SCA Arterris, la somme de 35.245,36€ réglée le 8 Juillet 2019 avec intérêts de droit à compter de cette date.
Plus subsidiairement, si la Cour devait déclarer l’action recevable et retenir le principe et le montant des condamnations retenues par les premiers juges à l’encontre de la SCA Arterris :
Condamner la SAS Ragt Semences à relever et garantir indemne la SCA Arterris de l’intégralité de ses condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais, dépens, article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE .
Dire et juger que le montant des sommes arbitrées au bénéfice de l’EARL LESCARAGOT ne saurait être supérieur au montant retenu par les premiers juges à savoir 32.245,36 €.
Condamner la SAS Ragt Semences à payer et à rembourser à la SCA Arterris la somme de 2.000€ réglée le 12 Juillet 2019 avec intérêts de droit à compter de cette date.
Condamner le ou les succombants au paiement de la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu’aux entiers dépens, de première instance et d’appel.
Plus subsidiairement encore, si la Cour devait confirmer le principe d’une condamnation de la SCA Arterris au bénéfice de l’EARL Lescaragot,
Débouter l’EARL Lescaragot de sa demande au titre de l’augmentation du préjudice au regard du quantum retenu par le jugement déféré.
La débouter également de sa demande au titre de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE et des dépens.
Constater dans cette hypothèse très subsidiaire que le règlement des causes du Jugement dont appel a déjà été réglé par notifications officielles des 08/07/2019 (P.2).
Débouter la SAS Ragt Semences de ses demandes, la débouter de sa demande au titre de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE et des dépens.
Condamner la SAS Ragt Semences à payer et à rembourser à la SCA Arterris la somme de 2.000€ réglée le 12.07.2019 (P.3) avec intérêts de droit à compter de cette date, la condamner au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE .
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
A titre liminaire, qu’il convient de réformer la décision entreprise en ce qu’elle a écarté le moyen d’irrecevabilité de l’action principale au regard de la prescription car conformément à la loi du 8 juillet 1907, texte spécial par rapport aux dispositions générales de l’article 1641 du Code civil, toute contestation d’une vente de semences doit intervenir dans le délai de 40 jours à compter de la date de la livraison.
Si la cour devait confirmer la recevabilité de l’action, qu’elle a respecté son obligation de conseil et d’information, que l’expert n’attribue aucune responsabilité à la société Arterris, qu’il n’y a aucun vice caché qui puisse lui être opposé puisque le vice était pour elle indécelable. Au subsidiaire, elle sollicite la garantie de la SAS Ragt Semences puisqu’elle n’est qu’un intermédiaire et que c’est la variété des graines qui est en cause.
Par dernières conclusions déposées via le RPVA le 09 décembre 2019, l’EARL Lescaragot Jap demande à la cour, au visa des articles 1641 et 1645 du code civil et du rapport d’expertise judiciaire du 12 avril 2016, de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
Rejeté le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’action pour tardiveté.
Jugé que la semence Atoudur lot n°F 1965TB03151 vendue par la SCA Arterris à l’EARL Lescaragot suivant facture en date du 30/11/2013 est affectée d’un vice cache la rendant impropre à l’usage auquel on la destine
Jugé que la SCA Arterris en qualité de professionnel de commercialisation de semences est présumée connaitre le vice et qu’elle ne démontre pas son ignorance invincible ou le vice indécelable.
Constaté que l’EARL Lescaragot n’exerce pas l’action rédhibitoire ou estimatoire mais uniquement l’action en dédommagement de ses préjudices
Le réformant sur le quantum de la réparation :
Condamner la coopérative Arterris à payer à l’EARL Lescaragot la somme de 46.000€ en réparation de son préjudice subi du fait de la casse d’environ une tige sur deux sur 42,62 hectares semés, avec intérêts au taux légal depuis le 14 août 2014, date de la première mise en demeure.
Condamner la coopérative Arterris à payer à l’EARL Lescaragot Jap la somme de 1.500€ en réparation de son préjudice découlant du temps et de l’énergie dépensés par son gérant pour traiter ce dossier à l’amiable puis au contentieux.
Condamner la SCA Arterris à verser à l’EARL Lescaragot Jap une somme de 5.000€ au titre des frais irrépétibles sur la base de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la coopérative Arterris aux entiers dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire taxés à 4.708,64€.
Au soutien de ses prétentions, elle expose :
Sur le moyen tiré de la prescription, que le délai de prescription de la loi du 08 juillet 1907 vise les engrais et l’action de l’acheteur de semences en réduction du prix et dommages et intérêts pour lésion et non l’action de l’acheteur envers son vendeur pour vice caché de la chose vendue, de sorte que conformément à l’article 1648 du Code civil, l’action se prescrit par deux ans à compter de la découverte du vice, le vice s’étant révélé en mai 2014 et l’assignation en référé expertise ayant été délivrée le 24 mars 2015 interrompant le délai, le délai a recommencé à courir à la date du dépôt du rapport le 12 avril 2016 et a été utilement interrompu par l’assignation au fond du 20 juillet 2016, de sorte que l’action en garantie des vices cachés a été introduite dans les délais.
Sur la garantie due par la SCA Arterris au titre des défauts de la chose vendue, qu’il y a bien un vice caché car il résulte du rapport d’expertise que les problèmes rencontrés dans la culture des graines sont inhérents à la variété elle-même, et qu’en raison de leur problème de cassure, elles sont impropres à leur destination. En tant que vendeur professionnel, la société Arterris est réputée avoir eu connaissance du vice de la chose vendue. Le fait de ne pas avoir pu récolter la totalité du blé entraîne un préjudice certain et direct en raison du manque à gagner pour l’exploitation agricole qu’il convient d’indemniser.
Par dernières conclusions déposées via le RPVA le 06 avril 2020, la SAS Ragt Semences demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, des dispositions de la loi du 8 juillet 1907, des dispositions de l’article 32 du Code de Procédure Civile,
A titre liminaire,
D’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la SAS Ragt Semences de ses moyens d’irrecevabilité de l’action.
Statuant à nouveau sur la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Ragt Semences, de déclarer irrecevables tant l’action principale tendant à faire dire et juger que les semences Atoudur seraient atteintes d’un vice cache que l’appel en garantie car atteints par la prescription, et en conséquence, mettre hors de cause la SAS RAGT SEMENCE.
Au fond,
Sur l’absence de vice caché :
D’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé que la semence Atoudur lot n°F 1965TB03151 vendue par la SCA Arterris a l’EARL Lescaragot Jap suivant facture en date du 30/11/2013 est affectée d’un vice caché la rendant impropre à l’usage auquel on la destine.
Statuant à nouveau sur ce point, dire et juger que c’est l’utilisation inadaptée de la semence Atoudur par l’EARL Lescaragot qui a pris le risque délibéré de procéder à un semis tardif, clair et en sol profond qui est à l’origine des problèmes de verse de la tige, et en conséquence,
Constater l’absence de vice caché imputable à la vente au sens des articles 1641 et suivants du Code civil.
Débouter l’EARL Lescaragot de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
Sur le rejet de l’appel en garantie :
Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la SCA Arterris de son appel en garantie à l’encontre de la SAS Ragt Semences,
En conséquence,
Déclarer irrecevable et/ou débouter la SCA Arterris de son appel en garantie à l’encontre de la SAS Ragt Semences.
Débouter la SCA Arterris de sa demande formulée au titre de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE à l’égard de la SAS Ragt Semences ainsi que de sa demande de remboursement de la somme de 2.000€ assortie des intérêts telle que réglée en application du Jugement de première instance.
Mettre hors de cause la SAS Ragt Semences.
Et à ce titre,
Dire et juger qu’il n’existe aucun lien contractuel entre Ia SAS Ragt Semences et la SCA Arterris, de sorte que cette dernière ne peut fonder son recours sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.
Dire et juger qu’aucune faute ne peut être imputée à la SAS Ragt Semences puisque le matériel génétique de la semence G3 vendue par cette dernière n’a jamais été remis en cause.
En tout état de cause :
Condamner la SCA Arterris à porter et payer à la SAS Ragt Semences la somme de 5.000€ en application des dispositions de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE .
Condamner SCA Arterris aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Me Christine Auche-Hedou.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
A titre liminaire, sur l’irrecevabilité de l’action principale tirée de la prescription, qu’il résulte de la loi du 8 juillet 1907, texte spécial qui déroge donc à l’article 1648 du Code civil, que la prescription de l’action relative aux vices cachés concernant la vente des engrais et semences est de 40 jours à compter de la livraison, de sorte qu’en l’absence d’événement interruptif de ce délai, l’action de l’EARL est prescrite.
Au fond, sur l’absence de vice caché et sur le rejet des demandes de l’EARL Lescaragot, qu’il résulte de l’expertise qu’aucun vice des semences ne peut être imputable à la SAS Ragt Semences car si les semences étaient affectées d’un problème génétique, le cas de l’EARL ne serait pas un cas isolé et que les difficultés rencontrées par cette dernières sont en réalité la conséquence du non-respect des prescriptions d’utilisation de semence, faute de l’acquéreur qui est une cause d’exonération de la responsabilité du vendeur, d’autant que la société Ragt Semences a vendu à la société Semence du Sud qui elle-même a vendu une semence dupliquée après traitement et conditionnement à la société Arterris puis à l’EARL Lescaragot de sorte que si un vice doit être recherché, c’est bien dans ce processus de duplication, traitement et conditionnement.
Sur le rejet de l’appel en garantie de la SCA Arterris à l’encontre de la SAS Ragt Semences, que d’une part, il n’y a pas de lien contractuel entre la SAS Ragt Semences et la SCA Arterris, ainsi qu’avec l’EARL Lescaragot Jap, et que d’autre part, il n’y a pas de faute de la part de la SAS Ragt Semences puisque la semence vendue par la SCA Arterris à l’EARL Lescaragot Jap n’est pas la graine vendue par la SAS Ragt Semences.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 février 2022.
MOTIFS
Sur la prescription de l’action
La SCA Arterris et la SAS Ragt Semences reprennent en cause d’appel leur moyen d’irrecevabilité tenant l’existence de l’article 2 de la loi du 8 juillet 1907 concernant la vente d’engrais, estimant l’action de L’EARL Lescaragot Jap enfermée dans un bref délai de 40 jours à dater de la livraison.
Le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a justement écarté cette fin de non-recevoir, inapplicable au cas d’espèce puisque l’action est une action en garantie des vices cachés fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil et non une action en réduction du prix et dommages et intérêts pour lésion de plus du quart dans l’achat.
Sur l’action en garantie des vices cachés engagée par L’EARL Lescaragot Jap
La SCA Arterris soutient comme en première instance que sa responsabilité de simple intermédiaire ne peut être recherchée ni sur le fondement d’un manquement à son devoir de conseil et d’information ni sur le fondement du vice caché inexistant en l’espèce. Elle critique le jugement en ce qu’il a écarté la notion de vice indécelable alors que l’expertise a révélé que ce n’est qu’à la suite des plantations que le problème affectant les graines, qui avaient bonne réputation, est apparu entraînant la casse de tiges.
C’est cependant par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, après avoir analysé les éléments techniques du dossier tels qu’ils ressortent du rapport de l’expert [K], a très exactement retenu que les semences de blé Atoudur acquises par L’EARL Lescaragot Jap auprès de la SCA Arterris, sont affectées d’un vice caché en ce sens que dans certaines conditions de sol et de climat, la tige présente une fragilité intrinsèque pouvant entraîner une cassure et la perte consécutive de la récolte ; que la SCA Arterris est responsable de plein droit en sa qualité de vendeur des vices affectant la chose vendue et ce quand bien même elle aurait ignoré leur existence, aucune clause exclusive de la garantie des vices cachés n’étant en l’espèce alléguée.
Il sera ajouté qu’en sa qualité de vendeur professionnel de semences, elle est présumée connaître le vice affectant la chose, peu important qu’il n’ait pas été documenté précédemment et qu’elle ne peut en conséquence s’exonérer de sa responsabilité en soulignant que le vice était indécelable pour elle puisque telle est l’essence même de l’action en garantie des vices cachés, seule l’intensité de la réparation variant en fonction de la connaissance du vice par le vendeur.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu l’acquisition de la garantie des vices cachés puisque les conditions culturales ne sont pas mises en cause par l’expert, contrairement à ce que soutient la SAS Ragt Semences.
Sur le préjudice
L’expert a procédé à une estimation des divers préjudices subis par L’EARL Lescaragot Jap sur la base d’une moyenne de production effectivement réalisée dans les années 2010 à 2013, exactement quantifiable, contrairement à la méthode proposée par L’EARL Lescaragot Jap qui repose sur une estimation d’un rendement espéré.
Les éléments d’évaluation des préjudices retenus par le premier juge seront confirmés par la cour.
Sur l’appel en garantie de la société Ragt Semences
La SCA Arterris reprend devant la cour les moyens qu’elle soulevait en première instance, sans élément de droit ni de fait nouveaux.
C’est une fois encore par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge après retenu le fondement délictuel de l’action de la SCA Arterris à l’encontre de la SAS Ragt Semences en l’absence de lien contractuel a justement considéré que la SCA Arterris ne démontrait aucune faute imputable à la société Ragt Semences et très exactement souligné qu’en outre la semence a subi des transformations et surtout une démultiplication entre le moment où elle a été vendue par la société Ragt Semences et celui où elle a été commercialisée par Arterris, de sorte qu’il ne peut être jugé que la semence était dès l’origine affectée d’un vice.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
La SCA Arterris, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne la SCA Arterris à payer à L’EARL Lescaragot Jap la somme de 2000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCA Arterris à payer à la SAS Ragt Semences la somme de 2000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCA Arterris aux dépens d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
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