Cour d’appel de Montpellier, 11 janvier 2024
Cour d’appel de Montpellier, 11 janvier 2024
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Montpellier Thématique : Immobilier : la Valeur contractuelle des documents publicitaires reconnue

Résumé

Les documents publicitaires peuvent revêtir une valeur contractuelle lorsqu’ils sont suffisamment précis et influencent le consentement des parties. Dans le cas des époux [T], la plaquette de commercialisation présentait un projet immobilier comme un investissement attractif, garantissant un rendement financier net de 4,5%. Cependant, cette promesse de rentabilité, mise en avant dans la documentation, a induit les acquéreurs en erreur. Ils ont été convaincus d’une garantie de paiement des loyers, sans être informés des risques réels liés à l’opération. Cette dissimulation a conduit à la nullité de l’acte de vente pour dol, en raison de l’erreur excusable des acquéreurs.

Les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant.

Plaquette de commercialisation de biens immobiliers

En l’espèce, la plaquette de commercialisation rédigée en anglais et comportant l’en-tête «’Les jardins de St Benoît – Vineyard Estate & Spa » avec le logo « Garrigae Investissements » et le numéro RCS 447’690’660 a présenté ce projet immobilier à [Localité 13] comme un investissement dans une résidence de tourisme située dans une région décrite «’comme la plus dynamique en France’».

Elle précise que «’le Languedoc connaît une rapide croissance dans le tourisme international’» et que la résidence sera gérée par une société dirigée par l’ancien «’directeur commercial du Club Méditerranée et PDG du Club Med Australie et USA’».

Vente d’un bien immobilier en état futur d’achèvement

Il a ainsi été proposé aux époux [T] différentes modalités d’investissement dans l’achat d’un bien immobilier en état futur d’achèvement avec quatre différentes «’options de leaseback’», dont celle appelée « pure invest » qui garantit un «’rendement financier net de 4,5%’» obtenue par la conclusion d’un bail commercial.

Cette plaquette commerciale vante «’une variété d’option offrant une garantie de rentabilité locative et des options fiscales attractives en cas de non utilisation’». Le document précise «’le gouvernement français accepte de rembourser la TVA à l’achat, ce qui représente une remise effective de 19,6%’».

Ce document met en exergue que «’le propriétaire a l’avantage de bénéficier d’un bien en pleine propriété avec un revenu garanti, sans les ennuis et incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien. Le revenu garanti est de l’ordre de 2.5% à 4,5% par an”».

Le bail signé par les époux [T] le 9 janvier 2007 avant la signature de l’acte authentique de vente du 27 juillet 2007 stipule un loyer annuel de 11 475 euros TTC.

Un rendement financier présenté comme certain

Il ressort de ces documents que contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de Saint Benoit et la SARL HPA Holding, l’élément essentiel qui a permis de convaincre les acquéreurs est la certitude d’un rendement financier garanti tel qu’il était présenté dans la documentation commerciale de l’investissement immobilier, et non la seule économie fiscale consistant en la récupération de TVA du fait de l’activité de location en meublé touristique.

Non seulement la documentation commerciale «’Les jardins de St Benoît – Vineyard Estate & Spa » mentionne dans son dernier paragraphe « résumé et points clés » que cette opération constitue une « opportunité unique d’acquérir une belle maison de vacances dans un complexe de luxe entièrement géré avec un revenu locatif garanti disponible » mais encore la mention expresse de’« revenu garanti’sans les ennuis et les incertitudes qui vont avec la location et l’entretien du bien » située dans le corps du texte achève de tromper l’investisseur étranger sur la réalité de la garantie promise.

A la lecture de ces documents commerciaux et du bail signé dès la réservation avec la garantie apportée d’un rendement net de 4,50% par an, les époux [T] pouvait légitiment croire à une véritable garantie de paiement de ces loyers et non à la garantie d’une seule rentabilité théorique.

Les acheteurs induits en erreur

En leur présentant un revenu et une rentabilité garantis, «’sans les ennuis et les incertitudes de la location’» tant sur la durée que dans son montant, les sociétés intimées ont induit les acquéreurs en erreur et les ont déterminé à acheter le bien immobilier litigieux.

Monsieur et Madame [T] n’auraient pas acheté ce bien à ce prix et dans ces conditions si ils n’avaient pas été assurés de cette garantie de paiement des loyers. La seule défiscalisation, bien qu’elle ait pu contribuer à leur décision, était insuffisante à elle seule au regard des risques importants inhérents à une opération réalisée à l’étranger portant sur une maison d’habitation située dans un ensemble immobilier situé à [Localité 13], lieu inconnu pour eux et au prix de 282 256 euros TTC.

En vendant à des investisseurs étrangers, éloignés géographiquement, une maison en VEFA louée en meublé dans une résidence para-hôtelière, située dans un secteur éloigné des sites touristiques réellement attractifs, le promoteur en sa qualité de vendeur professionnel devait informer ses acquéreurs, qui sont des simples consommateurs, de ce que la garantie annoncée concernait exclusivement la conclusion d’un bail commercial et non la perception effective des loyers.

Il devait également les avertir des risques éventuels d’impayés ou de révision à la baisse des loyers en cas de conjoncture défavorable et de la nécessité de couverture du risque par une assurance des loyers impayés si elle était possible, s’agissant d’une location commerciale.

Une volonté de tromper l’acquéreur

La volonté de tromper l’acquéreur est d’autant plus établie qu’au même moment, la SARL Garrigae Investissement justifiait par courrier du 27 octobre 2008 le licenciement économique de leur salariée responsable juridique Madame [A] par les difficultés que le groupe rencontrait ou craignait de rencontrer, du fait de la crise financière et des problèmes de commercialisation de leurs programmes, qui ont entraîné, directement ou indirectement, le défaut de paiement des loyers du second semestre 2011, après seulement deux années d’exploitation.

L’information loyale sur les risques réels de l’opération immobilière

Le promoteur n’a donc pas donné une information loyale sur les risques réels de l’opération immobilière aux acquéreurs lors de la signature de l’acte sous seing privé du 23 août 2006 et de l’acte authentique du 27 juillet 2007. Cette dissimulation des risques encourus a déterminé Monsieur et Madame [T] à contracter et les ont conduit à acheter le bien immobilier avec la croyance erronée qu’ils disposeraient d’un loyer garanti à hauteur de 11 475 euros TTC par an.

Contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Jardins de Saint Benoit et la SARL HPA Holding, le montage de l’opération n’a pas été clairement expliqué aux acquéreurs quant à la nature exacte de la garantie des loyers mise en exergue par le promoteur.

Cette garantie constituait un élément déterminant de l’opération, la conclusion du bail commercial avec la SARL Garrigae Hotels & Resorts constituant une obligation essentielle du contrat mentionnée dans le contrat de réservation, sans disponibilité du bien, qui se situait dans la résidence para-hôtelière du groupe et ne pouvait pas être géré seul.

Cette attitude du promoteur est à l’origine de l’erreur des acquéreurs, erreur toujours excusable en matière de dol, sur la garantie des loyers permettant de financer l’opération.

En l’espèce, le dol résulte des argumentaires commerciaux précis et détaillés s’appuyant sur des documents à caractère contractuel qui ont servi de base à l’établissement des actes préalables à l’acte de vente et de l’acte de vente lui-même.

Il se déduit des précédents développements que la SCI Les Jardins de Saint Benoit et la SARL HPA Holding ont sciemment provoqué l’erreur des époux [T] sur la garantie des loyers annoncée et commis un dol.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité pour dol de l’acte authentique reçu le 27 juillet 2007 par Me [F] [Z] aux termes duquel la SCI Les Jardins de Saint Benoît, ayant pour représentant légal la SARL Garrigae Développement, a vendu en état futur d’achèvement aux époux [T] une maison d’habitation située à [Localité 13] au prix de 282 256 euros TTC.

Identification du rédacteur de la plaquette publicitaire

La juridiction a relevé que la plaquette publicitaire, détaillant le projet d’investissement et la garantie des loyers, est établie sous le logo de la SARL HPA Holding accompagné de son propre numéro d’immatriculation au RCS 447 690 660 et non de celui de la SCI Les Jardins de Saint Benoit.

Il en résulte qu’en sa qualité de rédacteur de la plaquette publicitaire remise directement aux investisseurs, dans laquelle elle est identifiée sous son numéro RCS, la SARL HPA Holding a contrôlé directement le contenu de ce document et qu’elle en a ensuite fait le plus large usage pour promouvoir programme d’investissement «’Les Jardins de Saint Benoît » et procéder à la commercialisation des lots auprès des particuliers investisseurs.

Elle est donc intervenue en qualité de gérante de la société venderesse mais aussi comme représentante indépendante assurant la promotion du projet et agissant pour le compte de la SCI Les Jardins de Saint Benoit et de la SARL Garrigae Hotels & Resorts qui devait ensuite assurer l’exploitation du complexe immobilier.

La SARL HPA Holding a donc du répondre d’éventuels agissements de dol aux côtés de la SCI Les Jardins de Saint Benoît.

 

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