Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Publireportage et déontologie du journaliste
→ RésuméLe publireportage imposé aux journalistes soulève des questions éthiques majeures. Selon la convention collective, un employeur ne peut exiger de publicité rédactionnelle, ce qui souligne l’importance de l’éthique professionnelle pour garantir une information de qualité au public. Des directives contraignantes, telles que l’interdiction de relayer certaines informations, portent atteinte à la liberté d’opinion des journalistes. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail, validée par le tribunal, démontre que ces pratiques peuvent justifier une cessation immédiate du contrat, entraînant des conséquences financières pour l’employeur en cas de violation des droits du salarié.
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Atteinte à la déontologie du journaliste
Le publireportage imposé au journaliste peut justifier une prise d’acte de ce dernier. En effet, la pratique du publireportage peut apparaître incompatible avec la déontologie. La convention collective des journalistes énonce en son article 5b qu’un employeur ne peut exiger d’un journaliste professionnel un travail de publicité rédactionnelle telle qu’elle résulte de l’article 10 de la loi du 1er août 1986. A ce titre, l’article 1er de la convention collective rappelle l’importance de l’éthique professionnelle du journaliste et l’intérêt que celle-ci représente pour une bonne information du public. Aux termes de la déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971, le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience.
Directives contraignantes de l’employeur
Pour établir que son employeur lui avait imposé des publireportages, un journaliste a présenté à titre de preuve des notes de service de la direction (emails), qui loin d’être dépourvues de tout caractère obligatoire, ont été prises en compte par le Tribunal. La plupart des emails produits contenaient des informations relatives à des spectacles musicaux de différents artistes ou des sorties de film, pour lesquels les journalistes destinataires « étaient vivement invités à piocher dedans, histoire de faire un peu monter la sauce à J-1 de cet événement très important pour la radio », à « relayer ou à trouver un peu de place dans les flashs d’information ou à l’occasion des matinales locales ».
D’autres emails faisaient état de « film à priver de toute communication à l’antenne ». Sur ce point précis, les juges ont relevé que cette directive éditoriale qui a clairement fait interdiction aux journalistes de traiter de la sortie cinématographique de films, au mépris de la liberté d’opinion et d’expression du journaliste, était en contravention aux principes de la déontologie.
Il importait peu qu’aucune sanction n’ait été prise à l’encontre des réfractaires à cette consigne ; la simple interdiction faite de façon très nette de relayer toute information relative à certains films a suffi à démontrer l’atteinte portée à la déontologie du journaliste.
Conditions de la prise d’acte du journaliste
La prise d’acte du journaliste a été validée. A noter que ce dernier sous la signature de l’intersyndicale NRJ group s’était aussi adressé, au CSA pour dénoncer les dérives de la direction des programmes de la radio NRJ imposant la diffusion de reportages promotionnels. Pour rappel, la prise d’acte du salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celle-ci entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d’acte en examinant l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire qu’à l’appui de la prise d’acte.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Dans le cas spécifique où la prise d’acte justifiée produit les effets d’un licenciement nul (exemple : violation du statut de salarié protégé), elle ouvre droit à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours, laquelle inclut la période instituée par le législateur à l’expiration de son mandat social et ce dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois (conformément aux articles L.2411-8 et L.2324-25 du code du travail). Cette indemnité se cumule avec les dommages-et-intérêts pour rupture illicite. En l’espèce, le salarié disposant également du statut de salarié protégé, a obtenu la somme de 68 000 euros correspondant à la limite de 30 mois de salaire.
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