Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Reconnaissance d’un accident du travail : enjeux de preuve et de déclaration dans le cadre professionnel
→ RésuméLa reconnaissance d’un accident du travail soulève des enjeux cruciaux de preuve et de déclaration. Dans le cas de M. [B], prothésiste dentaire, un accident survenu le 29 juin 2018 a été déclaré tardivement par son employeur, entraînant un refus de prise en charge par la CPAM. Malgré ses contestations et des témoignages, la cour a jugé que M. [B] n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour établir le caractère professionnel de l’accident. Cette décision souligne l’importance d’une déclaration rapide et précise des accidents du travail pour garantir les droits des salariés.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/03116
DOUBLE RAPPORTEUR
RG : N° RG 22/03116 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OIQQ
[B]
C/
CPAM DE L’AIN
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de BOURG EN BRESSE
du 28 Mars 2022
RG : 19/00380
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2024
APPELANT :
[R] [B]
né le 14 Novembre 1979 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Eric DEZ de la SELARL AVENIR JURISTES, avocat au barreau d’AIN
INTIMÉE :
CPAM DE L’AIN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [N] [T] (Membre de l’entrep.) en vertu d’un pouvoir général
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Septembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Christophe GARNAUD, greffier placé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente
– Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
– Anne BRUNNER, conseillère
ARRET : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement le 22 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [B] (le salarié) a été engagé par la société [5] (la société) en qualité de prothésiste dentaire hautement qualifié en céramique à compter du 31 août 2015, pour une durée indéterminée.
Le 31 août 2018, la société a déclaré un accident du travail survenu le 29 juin 2018 au préjudice de son salarié, en précisant qu’elle n’avait aucune information précise sur les circonstances de l’accident, indiquant : « selon ses dires, déchargement livraison de plâtre ».
Après enquête, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain (la CPAM) a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, le 29 juin 2018.
Le 4 février 2019, M. [B] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable.
Le 13 juin 2019, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement du 28 mars 2022, le tribunal :
– déclare le recours de M. [B] recevable,
– déboute M. [B] de l’intégralité de ses demandes,
– condamne M. [B] aux dépens de l’instance.
Par déclaration enregistrée le 29 avril 2022, M. [B] a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions reçues au greffe le 18 septembre 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, il demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré,
– annuler le refus de prise en charge de l’accident du travail du 29 juin 2018 et la décision de confirmation de la commission de recours amiable,
– juger qu’il a été victime d’un accident du travail le 29 juin 2018,
– condamner la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain à prendre en charge l’ensemble des conséquences de cet accident du travail,
– condamner la même à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Par ses écritures reçues à l’audience et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– rejeter toute demande de M. [B].
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
M. [B] prétend rapporter la preuve de la matérialité de l’accident allégué, au temps et au lieu du travail.
Il expose s’être blessé en réceptionnant un colis de 20kg, le 29 juin 2018, dans l’exercice de son activité professionnelle. Il indique avoir fait constater ses blessures le 2 juillet suivant, soit après le week-end, que son directeur technique a informé l’employeur le 3 juillet 2018, ajoutant l’avoir lui-même avisé le 3 août 2018 et lui avoir demandé de déclarer son accident du travail le 8 août 2018 suite à l’avis de son médecin traitant qui a alors estimé qu’il s’agissait d’un accident du travail. Il ajoute que l’employeur n’ayant fait aucune démarche, il l’a relancé, de sorte que la déclaration d’accident du travail a finalement été effectuée par ce dernier le 31 août 2018.
Il précise ensuite que les témoins entendus dans le cadre de l’enquête administrative sont revenus sur leurs déclarations ; que son responsable technique, M. [Y], et son collègue, M. [L], ont attesté de la date certaine de son accident, le 29 juin 2018 ; qu’en outre, les lésions corporelles constatées par l’ostéopathe et le médecin traitant dès le 2 juillet 2018 (les douleurs s’étant amplifiées durant le week-end) sont compatibles avec cet accident du travail et que la tardiveté de la déclaration résulte du seul fait de l’employeur qui a manqué à son obligation de déclaration dans les 48 heures à compter de la connaissance de l’accident.
En réponse, la CPAM fait valoir que la déclaration d’accident du travail a été effectuée tardivement et que la preuve d’un accident du travail n’est pas rapportée. Elle oppose l’absence de témoin direct, l’absence de précision sur l’heure de l’accident, les divergences de M. [B] concernant la date d’information de l’employeur et la production d’un certificat médical initial tardif (08/08/18) qui ne permet pas, selon elle, de relier la lésion déclarée à l’accident allégué.
Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.
En application de ce texte, l’accident qui s’est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.
Celui qui déclare avoir été victime d’un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c’est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l’autorité du chef d’entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d’un accident du travail dès lors qu’un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.
Il revient ensuite à l’employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d’imputabilité de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail ou que l’assuré n’était pas, au moment de l’accident, sous l’autorité de l’employeur.
Ici, en l’absence d’élément et de moyens nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
La cour ajoute simplement que si l’absence de témoin ne peut faire obstacle, à elle seule, à la reconnaissance d’un accident du travail, il résulte des éléments de l’espèce qu’un simple certificat médical de droit commun a été dressé 3 jours après les faits invoqués, et après un week-end, et que ce n’est que le 8 août 2018 qu’un certificat médical initial « accident du travail » a été établi ; qu’en outre, l’employeur a été averti le 3 juillet seulement. Quant aux témoignages produits, ils n’apportent aucun détail sur les circonstances précises de l’accident litigieux, ne permettant pas de caractériser un fait soudain ni de renseigner sur l’heure de sa survenance, étant relevé que ces personnes n’ont pas été mentionnées en tant que témoins directs des faits dans le cadre de l’enquête administrative diligentée par la caisse.
Il s’en déduit l’absence de présomptions graves et concordantes permettant de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations du salarié sur le lien de causalité direct et certain entre la lésion déclarée et le déchargement des cartons de plâtre dans le cadre de son activité professionnelle du 29 juin 2018 (fait matériel en soi non contesté).
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a écarté le caractère professionnel de l’accident déclaré.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
M. [B], qui succombe, supportera les dépens d’appel, sa demande formée au titre des frais irrépétibles étant subséquemment rejetée.
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [B],
Condamne M. [B] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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