Cour d’appel de Lyon, 20 janvier 2025, RG n° 24/00201
Cour d’appel de Lyon, 20 janvier 2025, RG n° 24/00201

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Suspension de l’exécution provisoire : enjeux financiers et conséquences imprévues

Résumé

Contexte du litige

La S.A.S. Tôlerie de la Loire a conclu un contrat de distribution avec la S.A.S. Haas + Sohn France le 8 juin 2018, lui permettant de vendre des poêles à bois et accessoires en France. Ce contrat concernait des produits importés d’Autriche, fabriqués par Haas + Sohn Ofnentechnik GMBH. Les relations commerciales se sont détériorées en raison de retards de livraison et de problèmes de qualité signalés par les clients.

Procédures judiciaires

Le 19 mai 2022, la société Tôlerie de la Loire a assigné Haas + Sohn France devant le tribunal de commerce de Lyon. Le 28 mai 2024, la société Haas + Sohn France a été placée en liquidation judiciaire, et le tribunal a condamné Tôlerie de la Loire à payer des sommes importantes pour des factures impayées. Tôlerie de la Loire a interjeté appel le 31 juillet 2024 et a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement.

Arguments de Tôlerie de la Loire

Dans son assignation, Tôlerie de la Loire a évoqué un risque de conséquences manifestement excessives suite à la liquidation judiciaire de Haas + Sohn France. Elle a soulevé des manquements concernant la qualité des poêles, notamment des bruits anormaux, et a critiqué le non-respect des délais de livraison. Elle a également fait valoir que le tribunal n’avait pas pris en compte ses arguments sur les préjudices subis.

Réponse de Koch & Associés

La société Koch & Associés, liquidateur de Haas + Sohn France, a demandé la déclaration d’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Elle a soutenu que Tôlerie de la Loire avait reconnu devoir les sommes en question et n’avait pas prouvé les conséquences excessives de l’exécution. Koch & Associés a également souligné que Tôlerie de la Loire n’avait pas respecté ses obligations contractuelles.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que Tôlerie de la Loire n’avait pas démontré des conséquences manifestement excessives révélées après la première instance. Il a noté que la situation financière précaire de Tôlerie de la Loire était antérieure à la condamnation et que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire était irrecevable. Tôlerie de la Loire a été condamnée aux dépens et à verser une indemnité à Koch & Associés.

N° R.G. Cour : N° RG 24/00201 – N° Portalis DBVX-V-B7I-P53F

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 20 Janvier 2025

DEMANDERESSE :

S.A.S. TOLERIE DE LA LOIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Lamia SEBAOUI de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON (TOQUE 938)

DEFENDERESSES :

S.A.S. HAAS + SOHN FRANCE prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

avocat postulant : Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1102)

avocat plaidant : Me Oliver WIESIKE de la SELAS VALORIS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

(toque 2846)

S.A.S. KOCH & ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la société HAAS + SOHN France, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 5]

avocat postulant : Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1102)

avocat plaidant : Me Oliver WIESIKE de la SELAS VALORIS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

(toque 2846)

Audience de plaidoiries du 06 Janvier 2025

DEBATS : audience publique du 06 Janvier 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 septembre 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée le 20 Janvier 2025 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 » »

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Tôlerie de la Loire et la S.A.S. Haas + Sohn France ont signé, le 8 juin 2018, un contrat de distribution de poêles à bois et accessoires, permettant ainsi à la société Tôlerie de la Loire de vendre sur le marché français des produits importés par la société Haas + Sohn France fabriqués par la société Haas + Sohn Ofnentechnik GMBH en Autriche.

Les relations se sont tendues quand les délais de livraison se sont allongés et que des désordres sur les poêles ont été signalés par des clients.

Par acte du 19 mai 2022, la société Tôlerie de la Loire a assigné la société Haas + Sohn France devant le tribunal de commerce de Lyon.

La S.A.S. Koch & Associés a été désignée liquidateur judiciaire de la société Haas + Sohn France par jugement de liquidation judiciaire du 28 mai 2024.

Par jugement contradictoire du 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Lyon a notamment condamné la société Tôlerie de la Loire à payer à la société Haas + Sohn France la somme de 412 712,80 € au titre des factures de produits livrés restées impayées, la somme de 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement, et la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Tôlerie de la Loire a interjeté appel de la décision le 31 juillet 2024.

Par acte du 3 octobre 2024, la société Tôlerie de la Loire a assigné en référé devant le premier président la société Haas + Sohn France et la société Koch & Associés afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire et la condamnation des deux sociétés aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’audience du 6 janvier 2025 devant le délégué du premier président, les parties, comparantes et régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs écritures qu’elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Tôlerie de la Loire soutient au visa de l’article 514-3 l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement. Elle fait valoir que le risque de conséquences manifestement excessives résultant de la liquidation judiciaire de la société Haas + Sohn France s’est révélé postérieurement à l’audience du 18 décembre 2023 puisque le jugement de liquidation judiciaire est intervenu le 28 mai 2024 et qu’en cas d’infirmation du jugement critiqué, elle n’aura d’autre choix que de déclarer sa créance qui a peu de chance d’être payée au regard du caractère chirographaire de sa créance.

Elle soulève deux moyens sérieux de réformation du jugement, l’un relatif aux manquements de la société Haas + Sohn France et l’autre relatif au non-respect des délais de livraison par la société Haas + Sohn France.

D’une part, elle fait état d’un défaut de conformité des poêles de la société Haas + Sohn France en raison des bruits particulièrement désagréables observés par certains clients alors que ces poêles sont définis comme étant « parmi les plus silencieux du marché ». Elle relève que leur qualité sonore rentre dans le champ contractuel car elle a été déterminante pour son consentement. Elle reproche au tribunal de ne pas avoir pris en compte les diverses plaintes des clients et d’avoir indiqué dans le jugement qu’elle a refusé la tenue d’une expertise judiciaire alors qu’aucune demande n’a été formulée par la société Haas + Sohn France en ce sens.

Elle fait état ensuite du non-respect de l’obligation de garantie de la société Haas + Sohn France, bien que le contrat de distribution stipule que cette dernière garantit le fonctionnement de l’objet livré pendant deux ans. Elle explique que 41 commandes défectueuses restent dans l’attente d’une prise en charge par la société Haas + Sohn France. Elle reproche au tribunal de commerce d’avoir limité l’obligation de garantie de la société Haas + Sohn France à la seule qualité de chauffage des appareils, et ce sans aucun fondement légal, contractuel ou jurisprudentiel.

D’autre part, elle invoque le non-respect des délais de livraison par la société Haas + Sohn France puisque, si l’annexe 3 attaché au contrat précise que les délais de livraison sont en règle générale de 7 à 10 jours ouvrables, au regard de l’historique des relations commerciales entre les sociétés, les délais de livraison se sont étalés plutôt entre 1 mois et demi à 4 mois, certaines commandes n’ayant même jamais été livrées depuis décembre 2021. Elle critique le jugement du tribunal de commerce qui n’a même pas répondu à ses arguments concernant le préjudice subi à cause des retards de la société Haas + Sohn France au mépris de l’article 455 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions envoyées au greffe par RPVA le 22 octobre 2024, la société Koch & Associés, liquidateur de la société Haas + Sohn France, demande au délégué du premier président de :

– à titre principal, déclarer irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 juillet 2024 formée par la société Tôlerie de la Loire,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Tôlerie de la Loire,

– à titre subsidiaire, débouter la société Tôlerie de la Loire de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 10 juillet 2024,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Tôlerie de la Loire,

– à titre infiniment subsidiaire, subordonner l’exécution provisoire au placement sous séquestre des sommes à verser auprès du compte CARPA du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Lyon au plus tard dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision,

– en tout état de cause, condamner la société Tôlerie de la Loire au paiement d’une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Koch & Associés soulève à titre principal l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire en indiquant que la société Tôlerie de la Loire a rappelé l’exécution provisoire de droit en première instance et que la procédure de liquidation a été prononcée le 28 mai 2024 soit avant la décision de première instance rendue le 10 juillet 2024. Selon elle, retenir la date de l’audience de plaidoiries serait dénaturer la formulation claire de l’article 514-3 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle souhaite le rejet de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire car la société Tôlerie de la Loire a reconnu devoir les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée.

Elle relève que non seulement la société Tôlerie de la Loire ne s’est jamais engagée contractuellement à livrer des poêles silencieux mais qu’en plus elle n’a apporté aucune preuve concernant le bruit que feraient les poêles, sachant qu’aucune expertise indépendante au contradictoire des parties n’a été menée. Elle considère également qu’il n’y a pas lieu de mobiliser la garantie, les poêles accomplissant bien leur fonction de réchauffer un espace et les notices de montage et d’utilisation des poêles excluant de manière claire toute garantie de la défenderesse au titre des bruits qui pourraient être émis par les poêles livrés.

S’agissant des délais de livraison, elle argue ne s’être jamais engagée à respecter des délais de livraison définis et que ses conditions générales de vente l’autorisent à cesser les livraisons dans le cas où la société Tôlerie de la Loire n’exécuterait pas ses obligations contractuelles à son égard.

S’agissant des conséquences manifestement excessives soulevées par la partie adverse, la société Koch & Associés souligne que non seulement les sommes ne sont pas contestées par la société Tôlerie de la Loire mais que cette dernière ayant précipité les difficultés financières de la société Haas + Sohn France en ne procédant pas au règlement des poêles livrés, elle ne peut s’en prévaloir aujourd’hui.

Enfin, la société Koch & Associés demande à titre infiniment subsidiaire la consignation des sommes dues dans la mesure où il n’est pas garanti qu’à l’issue de la procédure d’appel, la société Tôlerie de la Loire puisse verser ces sommes car la crise du marché des poêles ayant fortement contribué à la déconfiture du groupe Haas + Sohn France l’affecte très certainement aussi en tant que distributeur spécialisé de ce type de produits, ce que semble confirmer l’absence de publication de ses comptes annuels de l’exercice 2023.

Dans ses conclusions envoyées au greffe le 3 janvier 2025, la société Tôlerie de la Loire maintient les demandes contenues dans son assignation.

Elle indique que la société Haas + Sohn France avait l’obligation de l’informer de l’ouverture de sa liquidation judiciaire dans les dix jours suivant celle-ci, soit au plus tard le 8 juin 2024, ce qu’elle n’a pas fait et que cette information lui aurait permis d’avoir connaissance de la procédure collective et de solliciter éventuellement la réouverture des débats afin de formuler des observations sur l’exécution provisoire qui pourrait lui être préjudiciable en raison de la liquidation judiciaire.

Elle estime que les conséquences manifestement excessives liées au prononcé de la liquidation judiciaire se sont nécessairement révélées après le jugement du tribunal de commerce de Lyon, au plus tôt au moment de la déclaration d’appel effectuée le 31 juillet 2024 et que sa demande est recevable même en l’absence de formulation d’observations sur l’exécution provisoire.

Elle ajoute ne pas disposer de liquidités suffisantes pour s’acquitter immédiatement des sommes mises à sa charge par le jugement du tribunal de commerce et sera contrainte dans pareil cas à solliciter l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire impliquant notamment le licenciement de ses 53 salariés.

Dans ses conclusions envoyées au greffe le 6 janvier 2025, la société Koch & Associés, maintient ses demandes contenues dans ses précédentes conclusions.

Elle fait valoir que le dirigeant de la société Tôlerie de la Loire a bien été informé de la procédure collective par courriel du 6 juin 2024.

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l’exposé des moyens à l’énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d’appel du 31 juillet 2024,

Déclarons la S.A.S. Tôlerie de la Loire irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire,

Condamnons la S.A.S. Tôlerie de la Loire aux dépens de ce référé et à verser à la S.A.S. Koch & Associés, liquidateur judiciaire de la société Haas + Sohn France une indemnité de 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

 


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