Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
→ RésuméL’affaire oppose l’E.A.R.L. European Stallions Resort (société ESR) à Mme [L] [X], éleveuse de chevaux. En janvier 2019, un contrat a été signé pour l’hébergement d’un étalon et la production de semence congelée. La société ESR devait fournir des certificats sanitaires pour l’exportation, mais a manqué à cette obligation, causant un préjudice à Mme [X]. Après plusieurs relances, elle a assigné la société en justice, réclamant 18.300,50 euros. Le tribunal a condamné la société ESR à verser des indemnités, décision confirmée en partie par la cour d’appel, qui a ajusté les montants des indemnités.
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N° RG 20/02314 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M6AW
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 21 février 2020
RG : 2019010582
E.A.R.L. EUROPEAN STALLIONS RESORT
C/
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 09 Novembre 2023
APPELANTE :
E.A.R.L. EUROPEAN STALLIONS RESORT au capital de 7.500 €,
immatriculée au registre de commerce et des sociétés de BOURG EN BRESSE (01) sous le numéro 804 741 858, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Catherine FROMENT, avocat au barreau de LYON, toque : 1158
INTIMEE :
Mme [L] [X]
née le 01 Décembre 1969 à [Localité 5] (42)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Gaëlle MEILHAC de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, toque : 563
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 01 Avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Juin 2023
Date de mise à disposition : 05 Octobre 2023 prorogé au 09 Novembre 2023, les parties ayant été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Marianne LA-MESTA, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
L’Earl European Stallions Resort (ci-après « la société ESR ») exerce une activité agricole en relation avec la reproduction équine, l’achat, la valorisation et la vente de chevaux.
Mme [L] [X] a pour activité de faire naître des poulains, les élever, les dresser et les vendre. Elle est notamment propriétaire d’un étalon « quarter horse » de 2012.
Le 2 janvier 2019, Mme [X] a conclu avec la société ESR une convention d’hébergement pour le prélèvement de la semence de son étalon et la réalisation de 40 doses congelées pour le marché dans l’Union européenne. L’étalon a été confié le même jour à la société ESR et récupéré le 16 janvier 2019.
Le 31 janvier 2019, la société ESR a émis une facture de 1.321,45 euros HT. Cette facture a été réglée.
Par différents courriels de mars, avril et mai 2019, Mme [X] a demandé à la société ESR de lui communiquer divers documents sanitaires nécessaires pour l’exportation des semences.
Par courrier recommandé du 18 septembre 2019, Mme [X] a mis en demeure la société ESR de lui livrer le certificat médical complet puis par courrier recommandé du 16 octobre 2019, elle a mis en demeure la société ESR de lui adresser la somme de 18.300,50 euros en indemnisation de son préjudice.
Par acte d’huissier du 18 décembre 2019, Mme [X] a assigné la société ESR devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse
Par jugement réputé contradictoire du 21 février 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
– dit que la société ESR a manqué à ses obligations,
– condamné la société ESR à payer à Mme [X] les sommes de :
6.000 euros au titre du manque à gagner,
1.035 euros au titre des frais exposés,
6.000 euros au titre du préjudice d’image,
– condamné la société ESR à payer à Mme [X] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– rejeté toutes autres demandes comme injustifiées,
– mis les entiers dépens à la charge de la société ESR.
La société ESR a interjeté appel par acte du 2 avril 2020.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2021, la société ESR demande à la cour de :
– l’accueillir en son appel régulier en la forme,
et sur le fond, y faisant droit,
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [X] en tous les dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 février 2021 fondées sur l’article 1231-1 du code civil, Mme [X] demande à la cour de :
– rejeter toutes fins, demandes et conclusions contraires,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
dit que la société ESR a manqué à ses obligations,
condamné la société ESR à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de son préjudice d’image,
condamné la société ESR à lui payer une indemnité de procédure de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance,
y ajoutant,
– condamner la société ESR à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices et à lui payer :
20.424 euros pour le manque à gagner au titre des contrats,
12.000 euros pour le manque à gagner au titre des doses restantes inutilisables,
5.107,73 euros au titre du remboursement des frais exposés,
– condamner la société ESR à lui payer une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
– condamner la même aux dépens d’instance et d’appel avec droit de recouvrement.
***
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1 avril 2021, les débats étant fixés au 29 juin 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.
Sur l’exception d’inexécution
La société ESR fait valoir que :
– Mme [X] est entrepreneur, éleveuse de chevaux et commercialise de la semence d’étalon depuis au moins deux ans de sorte qu’elle connaît très bien l’activité ; elle a entendu se comporter en professionnelle et s’est présentée comme telle, de sorte qu’elle ne peut pas ignorer le cadre réglementaire de son activité ; le contrat qu’elle a signé stipule que l’information qui lui a été donnée était claire et parfaitement comprise ; par conséquent, il n’y a pas eu de la part de la société ESR de manquement à un devoir de conseil,
– elle n’était pas soumise à une obligation légale d’émission d’un certificat sanitaire dont l’établissement est même impossible pour les mouvements de centre à centre en France ; la réglementation en vigueur pour l’exportation intracommunautaire dispose que seul l’exportateur, et non le centre, a obligation de l’établir,
– la connaissance de la destination européenne de l’exportation ne suffit pas à fonder l’obligation d’établissement d’un certificat sanitaire par le centre, dès lors que Mme [X] n’a pas sollicité cette prestation,
– l’absence d’agrément de Mme [X] à la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) l’empêchant de solliciter elle-même la certification est indifférente car il n’appartient pas à la concluante de vérifier les agréments de sa cocontractante professionnelle ni de vérifier les agrément de Mme [U], professionnelle intervenue pour le retrait et le stockage, ou de M. [T], docteur vétérinaire auteur des analyses ; en outre, il était impossible de vérifier les conditions et destinataire de l’exportation prévue par Mme [X],
– l’accompagnement de la semence par le certificat sanitaire est une prestation qu’elle propose expressément ; Mme [X] n’a pas opté pour cette prestation, en faisant son affaire personnelle ; le contrat conclu entre les parties n’oblige donc pas la société ESR à fournir le certificat sanitaire d’exportation,
– l’établissement du certificat sanitaire pour une exportation lui était impossible car Mme [X] n’a pas d’une part communiqué la destination communautaire exacte et a d’autre part retiré la semence par transporteur privé, alors que l’éditeur du certificat doit être en possession de la semence dans un container réglementé et justifier de son absence de mouvement,
– les analyses initiales confiées par Mme [X] à M. [T] étaient incomplètes, ce qui ne relève pas de la responsabilité du centre ; de surcroît, elle n’avait pas à contrôler ces analyses en l’absence de demande d’édition d’un certificat,
– sa seule obligation lors de la remise des doses au transporteur est l’étiquetage, qui a bien été réalisé ; elle n’a pas obligation de remettre un bordereau de livraison ou autre ‘document’.
Mme [X] réplique que :
– elle n’a pas la qualité de professionnelle pour le contrat litigieux et l’activité d’élevage qu’elle exerce est totalement distincte de l’activité réglementée de centre spécialement agréé pour le prélèvement de semence,
– si l’envoi de semence en Italie sans le certificat adéquat constitue une infraction à la réglementation, la société ESR a commis une faute en lui transmettant un certificat TRACES inefficace d’une part, et en manquant à son obligation d’information d’autre part,
– la réglementation européenne oblige le centre à garantir l’historique sanitaire et les diagnostics par la production d’un certificat sanitaire complémentaire en cas d’exportation intracommunautaire, de sorte que son absence de production par la société ESR constitue une faute,
– l’établissement de ce certificat nécessite des analyses complémentaires réalisées sur l’étalon entre 14 et 90 jours après le prélèvement qui n’ont pas été réalisées par la société ESR,
– le contrat conclu en 2019 comportait bien la case cochée ‘pour le marché dans l’Union Européenne’ ; et ne prévoyait pas spécifiquement de stipulation relative à l’émission d’un certificat d’exploitation et les prestations d’analyses sanitaires postérieures au prélèvements ; la destination stipulée hors de France impliquait nécessairement ces prestations par l’effet de la réglementation, de sorte que ces prestations n’étaient pas exclues par les parties,
– dans son courriel du 28 mars, la société ESR a agi comme si elle était bien chargée de solliciter le certificat ; elle a transmis un numéro de suivi TRACES dont on ne sait pas à quoi il correspond ; elle a indiqué dans son courriel du 28 mai avoir été confrontée à un refus de la DDPP pour absence d’un test, alors que ce test avait bien été réalisé ; le manquement contractuel pour faute d’édition du certificat est donc caractérisé,
– la société ESR prétend que le certificat sanitaire implique un container scellé ; or, elle a elle-même remis au transporteur un container non scellé, entraînant la perte de certains prélèvements ; cette remise n’a pas été accompagnée d’un bordereau d’accompagnement alors que le centre a obligation de le fournir,
– elle ne pouvait pas elle-même solliciter le certificat sanitaire contrairement à la société ESR qui dispose des agréments et en a l’habitude,
– la société ESR est seule responsable par l’effet de la réglementation de l’admission d’un étalon dans son centre, des prélèvements avant réception des analyses préalables, ; elle n’a pas émis de réserve lors de l’admission et l’état de santé de l’animal est indifférent et non prouvé ; la lettre du 23 novembre 2019 qui n’a jamais été reçue par l’intimée,
– le retrait du stock de prélèvements est indifférent car ce n’est pas ce qui constitue la cause de l’absence d’établissement d’un certificat par la société ESR.
Sur ce,
L’article 1194 du code civil dispose que : ‘Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.’
L’article 7 de l’arrêté du 4 novembre 2010 fixant les conditions d’agrément sanitaire des centres de collecte de sperme d’équidés et les conditions sanitaires d’échanges intracommunautaires de sperme d’équidés dispose que : ‘Echanges intracommunautaires de sperme.
Le sperme destiné aux échanges intracommunautaires doit être accompagné d’un certificat sanitaire, conforme au modèle prévu par la décision 2010/470/UE du 26 août 2010 susvisée, établi par un vétérinaire officiel de la direction départementale en charge de la protection des populations.
L’original du certificat, établi en français et dans la langue de l’Etat membre de destination, doit :
– accompagner les doses de sperme jusqu’à leur destination finale ;
– être établi sur un seul feuillet ;
– être prévu pour un seul destinataire.’
Le règlement (UE) n°176/2010 de la commission du 2 mars 2010 modifiant l’annexe D de la directive 92/65/CEE du Conseil en ce qui concerne les centres de collecte et de stockage de sperme, les équipes de collecte et de production d’embryons et les conditions applicables aux animaux donneurs des espèces équine, ovine et caprine et au maniement des spermes, ovules et embryons de ces espèces dispose que :
‘[…] CHAPITRE II
Conditions applicables aux animaux donneurs
I. Conditions applicables aux étalons donneurs
1. Pour être affecté à la collecte de sperme, un étalon doit, à la satisfaction du vétérinaire de centre, remplir les conditions suivantes:
1.1. il ne présente aucun signe clinique de maladie infectieuse ou contagieuse au moment de l’admission et le jour de la collecte de sperme;
[…]
1.5. il est soumis aux tests suivants, effectués et certifiés dans un laboratoire reconnu par l’autorité compétente, conformément aux programmes établis au point 1.6:
a) un test d’immuno-diffusion en gélose (test de Coggins) ou un test ELISA pour la recherche de l’anémie infectieuse des équidés, avec un résultat négatif;
b) un test d’isolation du virus de l’artérite virale équine effectué sur une partie aliquote de sperme entier de l’étalon donneur, avec un résultat négatif, sauf en cas de résultat négatif obtenu à un test de dépistage de l’artérite virale équine par séroneutralisation à une dilution de 1/4;
c) un test de dépistage de la métrite contagieuse équine, effectué à deux reprises sur des échantillons prélevés à sept jours d’intervalle, par isolation du germe Taylorella equigenitalis sur des prélèvements de liquide pré éjaculatoire, ou un échantillon de sperme et sur des frottis génitaux provenant au moins de la fosse urétrale comprenant le sinus urétral et du pénis comprenant la fosse du gland, avec un résultat négatif dans chaque cas;
1.6. il est soumis à l’un des programmes de tests suivants:
[…]
c) si l’étalon donneur ne satisfait pas aux conditions fixées aux points a) et b) ou si le sperme est collecté en vue d’échanges de sperme congelé, les tests prescrits au point 1.5 sont effectués sur des échantillons prélevés sur l’étalon donneur de la façon suivante:
i) au moins une fois par an au début de la saison d’accouplement,
ii) au cours de la période de stockage prévue au chapitre III, point I 1.3 b) et avant que le sperme ne soit retiré du centre ou utilisé, sur des échantillons prélevés au plus tôt quatorze jours et au plus tard quatre-vingt-dix jours après la date de collecte du sperme.
[…]’
En l’espèce, il n’est pas contesté par Mme [X] que les parties ont été en relation en 2017 pour un prélèvement de semence sur l’étalon DC Masterspécial Nite, un tel prélèvement devant être effectué dans un centre agréé et il n’est pas justifié par l’appelante d’autres contrats les ayant liées avant le contrat litigieux.
Il résulte de la pièce 4 de l’intimée que les parties ont échangé divers SMS fin 2018 pour une remise de l’étalon le 2 janvier 2018 et la convention liant les parties dite ‘convention d’hébergement à European Stallions Resort’ précise en substance que :
– le centre est agréé pour l’exportation de semence CE.01.03.FR,
– le propriétaire de l’étalon l’a confié pour récolter sa semence et la conditionner en doses de semence, la case ‘congelée en doses de 8 paillettes’ ayant été cochée, pour 40 doses,
– selon le protocole sanitaire, les prélèvements sont effectués pour le marché dans l’Union européenne, la case adéquate étant cochée.
Il résulte d’autre part des productions que :
– en exécution du contrat, Mme [X] a adressé à l’intimée les analyses obligatoires préalables effectuées par son vétérinaire (p5),
– la société ESR a émis sa facture le 2 janvier 2019, laquelle a été intégralement réglée (p4),
– par mail du 21 février 2019, Mme [X] a réclamé les documents relatifs à la semence, puis SMS du 27 février 2019, elle s’est étonnée de ne pas avoir reçu les documents sanitaires obligatoires liés aux paillettes pour envoyer la semence en Europe, que le 27 mars 2019, elle adressé à nouveau les rapports d’analyse,
– le 28 mars 2019, M. [J] lui a répondu avoir ‘maintenant tous les documents nécessaires à l’édition du pré-certificat,
– par mails du 26 mars 2019, Mme [X] a avisé l’intimée de d’un problème rencontré sur les paillettes et déploré le gâchis de paillettes inutilisables, remettant en cause leur qualité, d’où un problème pour les exporter,
– M. [J] pour la société ESR a indiqué que ‘concernant les documents sanitaires, nous n’avons pas reçu la première batterie d’analyses, ce qui nous bloque pour le certificat auprès des services vétérinaires. Une fois en possession de ces analyses, (AVE, AIE, 3 MCE), nous pourrons effectuer le pré-certificat en bonne et due forme’ ; Mme [X] a adressé le 11 avril 2019 une attestation de transport de l’étalon et elle a réclamé à nouveau le certificat le 23 avril 2019, puis par courriel du 27 mai 2019 en sollicitant également en urgence le certificat du prélèvement de semences effectué en 2017,
– M. [J] a répondu le 28 mai en indiquant un numéro TRACE à fournir pour l’envoi en s’excusant du retard ; le 29 mai, il a confirmé par SMS le refus des autorités sanitaires motivé par l’absence de Coggins de début de cession, qui aurait dû être fait en même temps que l’artérite, provoquant l’étonnement de sa cliente, qui déplorait le lendemain l’absence de certificat TRACE pour les deux prélèvements.
Enfin, la pièce 47 de l’intimée rappelle les différentes étapes de la certification.
Il résulte sans équivoque des correspondances susvisées que suite aux premières réclamations, le responsable de la société ESR n’a jamais contesté devoir établir les certificats réclamés par Mme [X] qu’il n’a jamais répondu qu’il appartenait à cette dernière d’y procéder elle-même, qu’il n’a jamais invoqué l’absence de stipulations contractuelles privant sa cocontractante de la possibilité de réclamer ces pièces. Il en découle que la société appelante n’a jamais contesté son obligation à remise des certificats si ce n’est très tardivement et manifestement pour les besoins de la cause.
Par ailleurs, la mention sur le contrat liant les parties de ce que les prélèvements étaient destinés au marché dans l’Union européenne impliquait nécessairement la remise des certificats par le centre pour ce faire puisque Mme [X] n’est ni un opérateur agréé par la DDPP du département de l’Ain, ni un centre de collecte de semences (contrairement à son adversaire) pour solliciter le certificat sanitaire. La précision de la destination des prélèvements dans le contrat n’aurait aucun sens sinon.
Par ailleurs, aucune des productions ne révèle que Mme [X] aurait manqué à ses propres obligations de fournir différentes pièces pour l’élaboration des certificats, les productions démontrant au contraire son souci constant de répondre aux demandes adverses pour obtenir au plus vite les certificats.
Il découle de ce qui précède que la société ESR a manifestement manqué à ses obligations se fournir les certificats litigieux et qu’elle doit indemniser les préjudices de l’intimée résultant de ses carences.
Sur les préjudices
La société ESR fait valoir que :
– Mme [X] demande une indemnisation excessive au regard du coût de la prestation facturée 1.321,45 euros HT,
– il n’y a besoin d’aucun certificat pour des contrats de vente de semence équine en France, de sorte qu’il ne peut pas y avoir de préjudice consistant en l’échec de vente en France pour 6.000 euros,
– concernant les ventes intracommunautaires, il faut distinguer les ventes de paillettes des ventes d’embryons ; aucune pièce n’étaye l’échec des transactions concernant les ventes de paillettes évaluées par l’intimée à 6.000 euros ; concernant les ventes d’embryons, il n’est rien dit sur les frais autres que les frais gynécologiques évalués par l’intimée à 8.424 euros, tels que notamment les coûts de transport ou de stockage, de sorte qu’il est impossible d’évaluer le manque à gagner,
-l’intimée affirme à tort que le stock était inutilisable car des poulains issus de son étalon sont nés en 2019 vraisemblablement suite à un prélèvement identique ; de surcroît, Mme [X] ne démontre pas avoir été en mesure de vendre l’ensemble des doses ; aucun vice caché n’est établi ; les doses ont été détériorées pendant le transport, le stockage ou la manipulation,
– concernant le quantum, le calcul de Mme [X] est erroné, car 40 doses permettent 20 utilisations, et non 40 ; le prix de 1.200 euros s’entend par utilisation ; il resterait 8 utilisations, soit 9.600 euros ; le préjudice ne doit pas être de ce montant mais se limiter à la marge réalisée sur ces 8 utilisations,
– il n’est pas établi que les frais exposés par Mme [X], qu’elle évalue à 5.107,73 euros, aient été vains,
– le préjudice d’image de 20.000 euros résidant dans ‘un impact commercial négatif’ doit être qualifié de préjudice commercial ; les pièces produites à l’appui de cette demande sont insuffisantes.
Mme [X] réplique que :
– elle a subi un préjudice matériel dans la perte d’exploitation du fait des contrats qu’elle n’a pas pu honorer ; 10 commandes de saillies ont été annulées, à 1.200 euros par saillie, la marge sur ce type de contrat étant de 100% ; elle justifie de 5 des 10 contrats, mais il serait inapproprié de contacter les clients des 5 autres contrats dont la commande a été annulée pour obtenir un justificatif ; 2 contrats d’embryon dont le prix est de 5.000 euros chacun, auquel il faut soustraire 788 euros de frais gynécologiques et de transfert, la marge sur ce type de contrat étant de 84% ; le total de ce préjudice est donc de 20.424 euros,
– elle a subi un préjudice matériel dans les frais exposés par elle en pure perte dans la seule perspective du prélèvement de l’étalon ; elle justifie de diverses factures de frais d’analyses biologiques pour la réalisation du prélèvement et de frais de transports, pour un montant total de 5.107,73 euros,
– elle a subi un autre préjudice matériel car la totalité des doses prélevées est inutilisable en raison de la non conformité des paillettes, même pour une vente en France ; l’existence de poulains de l’étalon, nés en 2019 de prélèvement et insémination en 2017 et 2018, ne fait pas obstacle au caractère inutilisable des prélèvements litigieux datés de 2019 ; après soustraction des contrats non honorés, il reste 20 doses inutilisables, à raison de 2 doses par contrat ; ces contrats ont un prix unitaire de 1.200 euros avec une marge de 100%, de sorte que ce préjudice de manque à gagner est de 12.000 euros,
– elle a subi un préjudice d’image très important ; l’étalon a un important palmarès et d’excellentes performances en 2018 et 2019 ; les ventes de semence se font lorsque l’étalon est le plus performant ; le marché de l’équitation western se situe essentiellement en Allemagne et en Italie ; l’échec de la donation de semence pour la vente aux enchères en Italie pour un manquement réglementaire l’a discréditée auprès de la plus grande institution représentative de la discipline dans ce pays ; de même pour l’annulation des 12 commandes auprès des éleveurs allemands et italiens ; ce préjudice d’image est attesté par l’absence de commande d’Italie au second semestre 2019 en dépit des performances de l’étalon ; à défaut de saillie en 2019 et 2020, l’étalon n’engendrera pas de poulains dans les deux années à venir, ce qui affecte l’image de l’étalon et de sa lignée ; ce préjudice d’image avec conséquences commerciale est évalué à 6.000 euros.
Sur ce,
L’article 1231-1 du code civil dispose que : ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.’
Il convient de reprendre successivement les différents préjudices allégués.
Il est relevé de manière liminaire, en réponse aux affirmations de l’appelante, que le préjudice subi par Mme [X] du fait de la carence de son adversaire n’est pas nécessairement fonction du prix du contrat.
– le manque à gagner au titre des contrats (24.424 euros)
Le tribunal de commerce a accordé un montant de 6.000 euros correspondant à 5 contrats de saillie en rejetant les contrats d’embryons aux motifs qu’il ne pouvait établir la marge dégagée.
Mme [X] fait valoir un manque à gagner correspondant à 12 commandes auxquelles elle n’a pu donner suite pour un total de 22.000 euros (paillettes et embryons) suite aux annulations.
Elle fait état d’un taux de marge de 84% pour les saillies embryons, rectifiant sa demande en ce sens.
La première somme de 6.000 euros correspondant aux annulations de 5 contrats de saillie est justifiée par la production des contrats en cause qui mentionnent des ventes à destination de Italie ou de l’Allemagne et qui ne pouvaient prospérer en l’absence des certificats adéquats. Le jugement a donc, à juste titre retenu ce montant.
S’agissant des deux contrats d’embryons versés aux débats, le prix indiqué de 5.000 euros par contrat ne peut correspondre au taux de marge perdu, ce qui n’est pas contesté par l’intimée. Mme [X] justifie de tarifs correspondant aux frais nécessairement engagés pour justifier de son taux de marge et la société appelante se contente de contester sans donner le moindre élément concret sur les taux de marge qu’elle estimerait applicables en la matière. Il convient en conséquence de retenir à titre de préjudice sur les ventes d’embryon la somme de 8.424 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.
Mme [X] ne justifie pas, par contre, des autres contrats allégués pour lesquels elle soutient qu’il était difficile de solliciter des justificatifs auprès de clients pour des prestations non honorées. Toutefois, il appartient à l’intimée de faire la preuve de ces préjudices, ne serait-ce qu’en produisant des justificatifs de commandes de prélèvements mais elle échoue dans le rapport de la preuve et le tribunal de commerce a à juste titre rejeté la demande au titre de cinq contrats non produits. La marge à gagner totale est donc de 6.000 € + 8.424 € = 14.424 € et le jugement est réformé en ce sens.
– le manque à gagner au titre des doses restantes inutilisables (12.000 euros)
Il n’est pas contesté par l’intimée qu’elle pouvait vendre les doses restantes en France malgré le défaut de certificat sanitaire mais Mme [X] fait cependant valoir qu’elle est dans l’impossibilité d’utiliser les paillettes en raison de leur non conformité également pour les ventes en France puisque ces doses seraient inutilisables et qu’ainsi, 20 doses représentant 10 contrats sont inutilisables soit un préjudice de 10 x 1.200 euros.
Mme [X] ne procède cependant que par affirmations sur ce point et ne démontre nullement avoir été dans l’impossibilité de mettre en vente les paillettes concernées sur le marché français du fait d’un comportement fautif de son adversaire même si ce dernier ne rapporte pas la preuve que des ventes qu’ils mentionne dans ses conclusions proviendraient des prélèvements en cause.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.
– les frais exposés (5.107,73 euros)
Mme [X] donne le détail des frais réclamés qui sont justifiés comme suit :
– factures Terena Loire de 198,16 euros et 108,16 euros pour des rapports d’analyses fin 2018 : ces analyses également produites par l’adversaire ne sont pas contestables et la demande de remboursement est justifiée.
– la facture Labeo Franck Ducombe de 110,59 euros correspond à des analyses demandées par M. [J] qui est mentionné sur la facture et qui doivent être remboursées.
– la facture Lavallon de 174 euros ; il n’est pas justifié que cette facture se rapporte au litige en cause.
– la facture Inventio de 198,90 euros qui correspondrait une cuve de transport pour l’Italie ; il n’est pas démontré par ses termes que cette facture se rattache au litige en cause.
– la facture UPS de 149,33 euros de transport de la cuve pour Mme [Y] intercepté en cours d’acheminement, faute de validation du certificat : la seule production de cette facture ne justife pas son remboursement par l’appelante.
– la facture de 1.453,59 euros TTC pour la fabrication des doses : il n’est pas justifié que toutes les doses n’aient pu être utilisées et s’agissant de celles qui n’ont pu l’être, l’intimée a été indemnisée de son préjudice de sorte que Mme [X] ne peut prétendre obtenir remboursement de la facture.
– la facture IRHBA de 1.100 euros qui correspondrait à l’inscription à un programme : rien ne justifie qu’elle soit mise à la charge de l’appelante.
– la facture NRHA de 580 euros dont rien ne justifie non plus qu’elle soit mise à la charge de l’appelante.
– les factures du Docteur [W] de 345 euros et des d’analyse exposées par une cliente italienne : Mme [X] justifie uniquement d’un remboursement à hauteur de 690 euros, montant de son préjudice.
Il découle de ce qui précède un montant de frais justifiés de 1.106,91 euros.
– le préjudice d’image (6.000 euros)
Mme [X] se réfère dans ses dernières conclusions à ses pièces 39 à 45 constituées par des articles de presse sur sa notoriété dont certains rédigés en langue étrangère et donc inopérants.
Ces pièces sont insuffisantes à caractériser la réalité d’un préjudice d’image découlant de l’échec de quelques ventes. Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société appelante qui succombe sur ses prétentions en appel supportera les dépens d’appel et versera à son adversaire la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Les dépens de première instance et la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné l’EARL European Stallions resort à payer à Mme [L] [X] la somme de 6.000 euros au titre d’un préjudice d’images, la somme de 6.000 euros au titre du manque à gagner sur les contrats et la somme de 1.035 euros en remboursement de frais.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [L] [X] de sa demande au titre d’un préjudice d’image.
Condamne l’EARL European Stallions resort à payer à Mme [L] [X] la somme de 14.424 euros au titre du manque à gagner pour des contrats qui ont été conclus et celle de 1.106,91 euros en remboursement de frais.
Condamne l’EARL European Stallions resort aux dépens d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement, et à payer à Mme [L] [X] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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