Cour d’appel de limoges, 22 février 2024, N° RG 23/00129
Cour d’appel de limoges, 22 février 2024, N° RG 23/00129

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Limoges

Résumé

Le 14 mars 2017, le GAEC [T] [M] a acquis des semences de luzerne contaminées, entraînant des préjudices. En 2018, la société Semental a saisi le juge des référés, et en mars 2021, le GAEC a assigné la société AB en réparation. Le tribunal judiciaire de Guéret a condamné AB à verser 4 343 euros au GAEC pour vices cachés, avec une garantie de 75% de Semental. AB a fait appel, contestant sa responsabilité et demandant des dommages pour préjudice d’image. La cour d’appel a confirmé le jugement, rejetant la demande d’AB et l’obligeant à supporter les dépens.

ARRET N°77

N° RG 23/00129 – N° Portalis DBV6-V-B7H-BINJM

AFFAIRE :

S.A.S. A.B.DEVELOPPEMENT

C/

G.A.E.C. [T] [M], S.A.S. SEMENTAL, Compagnie d’assurance MMA IARD SA, Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

CB/LM

Grosse délivrée aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

—==oOo==—

ARRET DU 22 FEVRIER 2024

—===oOo===—

Le VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A.S. A.B.DEVELOPPEMENT, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Guillaume VIENNOIS de la SELARL GUILLAUME VIENNOIS, avocat au barreau de CREUSE

APPELANTE d’une décision rendue le 29 AOUT 2022 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE GUERET

ET :

G.A.E.C. [T] [M], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Lionel MAGNE de la SCP DAURIAC – PAULIAT-DEFAYE BOUCHERLE-MAGNE- MONS-BARIAUD, avocat au barreau de LIMOGES

S.A.S. SEMENTAL, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d’ANGERS, Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES

Compagnie d’assurance MMA IARD SA, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES

Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Carole GUILLOUT, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEES

—==oO§Oo==—

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 11 Janvier 2024. L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 décembre 2023.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 22 Février 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

—==oO§Oo==—

LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

Le 14 mars 2017, le GAEC [T] [M] (le GAEC) a acheté des semences de luzerne à la société AB développement, laquelle se fournit elle-même auprès de la société Semental, qui s’approvisionne auprès d’un producteur, la société italienne Eugenio Sementi Fabio &CRSL.

Ces semences s’étant révélées contaminées par un parasite (cuscute), l’assureur de protection juridique du GAEC a mandaté son expert.

Par actes des 25, 27 et 28 juin 2018, la société Semental a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Guéret qui le 9 octobre 2018 a ordonné une expertise confiée à M. [V] [H], lequel a déposé son rapport le 16 novembre 2020.

Le 23 mars 2021, le GAEC a assigné la société AB devant le tribunal judiciaire de Guéret en réparation de ses préjudices sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

La société AB a appelé en garantie la société Semental, et a formé une demande d’indemnisation de son propre préjudice.

Les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, assureurs de la société Semental, sont intervenues volontairement à l’instance.

Le tribunal judiciaire a ordonné la jonction des affaires.

Par jugement du 29 août 2022, le tribunal judiciaire a notamment:

– rejeté la demande de disjonction du GAEC,

– condamné la société AB à payer au GAEC la somme de 4 343 euros en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés,

– condamné la société Semental à garantir la société AB à concurrence de 75% de cette condamnation,

– rejeté le surplus des demandes.

La société AB a relevé appel de ce jugement, cet appel étant limité aux chefs de décision statuant sur son recours en garantie formé contre la société Semental et rejetant sa demande de dommages-intérêts, outre les dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société AB soutient qu’elle n’est pas à l’origine du vice affectant la semence de luzerne vendue et qu’elle n’a commis aucune faute lors du contrôle de cette marchandise. Elle demande à être intégralement garantie de toutes condamnations par la société Semental qui devra, en outre, lui payer 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’image.

La société Semental et ses assureurs concluent à la confirmation du jugement.

Le GAEC conclut à la confirmation du jugement.

MOTIFS

En cause d’appel, le litige se limite :

– au recours en garantie formé par la société AB à l’encontre de son fournisseur, la société Semental, étant ici observé que cette dernière ne formule aucune critique à l’encontre du chef de décision retenant sa garantie à concurrence de 75% des sommes mises à la charge de la société AB en réparation du préjudice subi par le GAEC du fait de la marchandise viciée,

– à la demande de dommages-intérêts formée par la société AB à l’encontre de la société Semental en réparation d’un préjudice d’image.

Sur le recours en garantie formé par la société AB à l’encontre de la société Semental.

La marchandise litigieuse, facturée par la société Semental le 5 août 2016, a été livrée à la société AB le lendemain, soit le 6 août 2016, avec pour numéro d’identification de traçabilité du lot : ITAB 13570201500001, cette livraison s’accompagnant du certificat italien établi par le Centre d’expérimentation et de certification des semences (CREA) du 22 avril 2016 garantissant l’absence totale de graine de cuscute (rapport d’expertise judiciaire p. 21 et 22).

Il résulte du rapport de l’expert judiciaire et du procès-verbal de constat dressé par la société Actumlex, huissier de justice, que les semences ont été emballées dans des sacs en papier fermés par une couture ficelle en partie haute, deux étiquettes de couleur rappelant le numéro d’identification du lot mais aussi un numéro distinct propre au sac, étant collées sur chacun d’eux (couleur orange pour le producteur italien et jaune pour le distributeur français, la société Semental). Les sacs ont été ensuite entassés sur des palettes de manutention, le tout étant recouvert d’un film plastique.

Toutes ces opérations d’emballage et d’étiquetage ont été réalisées en Italie, pays de la société productrice.

La marchandise est arrivée intacte, sur ses palettes, dans les entrepôts de la société Semental et les employés de cette entreprise ne sont pas intervenus sur les sacs et les palettes, en dehors de la manutention de ces dernières pour les besoins de leur livraison à la société AB en exécution de sa commande (rapport d’expertise p. 22).

Pour retenir une faute de la société AB justifiant que celle-ci ne soit garantie par la société Semental que dans la limite de 75% de sa condamnation à réparation du préjudice subi par le GAEC du fait du vice affectant les semences vendues, le tribunal judiciaire a retenu que la société AB, entreprise agréée pour la distribution des produits issus de l’agriculture biologique, avait été négligente dans le contrôle de la marchandise livrée, dont les sacs ne comportaient pas le scellé constitué par un ‘petit plomb’ qui permettait de garantir la pureté des semences qui lui étaient livrées, ce qui aurait dû l’alerter sur l’existence d’un risque quant à la qualité de cette marchandise.

Cependant, et même si la société italienne productrice fait état dans un dire de l’existence d’un scellé par plombage des sacs, un tel procédé n’est pas rendu obligatoire et la garantie de la qualité des semences peut résulter de l’étiquetage des sacs avec mention de la référence de certification du CREA.

Dès lors, et contrairement à l’opinion des premiers juges, l’absence de ‘petit plomb’ -non obligatoire- ne peut constituer une anomalie apparente qui aurait dû éveiller la méfiance de la société AB et l’inciter à contrôler la marchandise livrée.

En revanche, et même si la confiance doit présider dans les relations d’affaires, il n’en demeure pas moins que l’intérêt supérieur du respect des normes sanitaires devait conduire la société AB, professionnelle de la distribution de produits issus de l’agriculture biologique, à contrôler de manière scrupuleuse l’étiquetage des sacs de semences livrées pour vérifier notamment la certification du CREA garantissant la qualité de la marchandise.

Or, l’expertise judiciaire a mis en évidence (p. 25) que quatre des sacs de semence livrés à la société AB étaient dépourvus de l’étiquette orange autocollante comportant la certification du CREA, sans qu’il soit possible d’identifier sur la surface du sac une zone d’arrachement qui pourrait attester d’un étiquetage initial.

Ce défaut d’étiquetage -et l’absence de référence de certification CREA qui en résulte- constitue l’anomalie apparente, décelable par simple contrôle visuel, qui devait alerter la société AB et la conduire à contrôler la qualité sanitaire de la marchandise livrée.

La société AB ne justifie pas avoir procédé au contrôle visuel des sacs. Interrogée sur ce point par l’expert judiciaire, elle ne lui a fourni aucune réponse (rapport p. 25). Cette négligence dans l’accomplissement de son obligation professionnelle de contrôle justifie que 25% de la charge de la réparation du préjudice du GAEC soient laissés à sa charge. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société AB en réparation de son préjudice d’image.

Cette demande a été rejetée par le tribunal judiciaire, qui en l’état des éléments qui lui étaient soumis, a retenu, à juste titre que la société AB ne rapportait pas la preuve de ce préjudice.

En cause d’appel, la société AB ne produit aucun élément nouveau qui pourrait caractériser le préjudice qu’elle allègue. Le rejet de ce chef de demande sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour  d’appel statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de Guéret;

Vu l’équité, DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société AB développement aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon