Cour d’appel de Limoges, 12 septembre 2024, RG n° 24/00095
Cour d’appel de Limoges, 12 septembre 2024, RG n° 24/00095

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Limoges

Résumé

Mme [B] [S] a conclu un bail rural avec M. [K] [G] le 1er novembre 2008 pour une propriété de 10 hectares, avec un fermage annuel de 625 €. Après plusieurs mises en demeure pour le paiement du fermage de 2021, Mme [S] a saisi le tribunal en avril 2023. Bien que M. [G] ait finalement réglé ses dettes en 2023, le tribunal a prononcé la résiliation du bail en janvier 2024. M. [G] a fait appel, mais la cour d’appel a confirmé la décision, condamnant M. [G] à verser 1 000 € à Mme [S] pour indemnité.

Mme [B] [S] a donné à bail rural une propriété agricole à M. [K] [G] le 1er novembre 2008, avec un fermage annuel de 625 €. En juillet et novembre 2022, Mme [S] a mis en demeure M. [G] de payer le fermage de 2021, soit 604,40 €, sans succès. Elle a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Limoges le 21 avril 2023 pour demander la résiliation du bail, l’expulsion de M. [G] et une indemnité d’occupation. M. [G] a réglé le fermage de 2021 en juillet 2023 et celui de 2022 en octobre 2023. Le tribunal a prononcé la résiliation du bail aux torts de M. [G] le 11 janvier 2024, ordonné son expulsion et condamné à une indemnité d’occupation. M. [G] a interjeté appel le 8 février 2024, arguant avoir réglé les fermages dus et contestant la résiliation. Mme [S] a demandé la confirmation du jugement et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour a confirmé le jugement du tribunal et condamné M. [G] à verser 1000 € à Mme [S] ainsi qu’aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Limoges
RG n°
24/00095
ARRET N° .

N° RG 24/00095 – N° Portalis DBV6-V-B7I-BIRCZ

AFFAIRE :

M. [K] [G]

C/

Mme [B] [S]

GV/MS

Autres demandes relatives à un bail rural

TPBR

Grosse délivrée à Me Mathieu BOYER, Me Christine DUMONT, le 12-09-2024.

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

—==oOo==—

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

—==oOo==—

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX

Le douze Septembre deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [K] [G]

né le 30 Mai 1982 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]/FRANCE

comparant en personne, assisté de Me Mathieu BOYER de la SELARL DUDOGNON BOYER, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 11 JANVIER 2024 par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE LIMOGES

ET :

Madame [B] [S]

née le 14 Septembre 1932 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]/FRANCE

représentée par Me Christine DUMONT, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

—==oO§Oo==—

Suivant avis de fixation du Président de chambre, l’affaire a été fixée à l’audience du 10 Juin 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus oralement au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, et d’elle même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

La mise à disposition de cette décision a été avancée au 12 Septembre 2024, les avocats des parties en ayant été régulièrement informés.

—==oO§Oo==—

LA COUR

—==oO§Oo==—

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er novembre 2008, Mme [B] [S] a donné à bail rural à M. [K] [G] une propriété agricole sise sur la commune de [Localité 4] (87), d’une surface de 10 hectares, 40 ares et 9 centiares, moyennant un fermage annuel de 625€, payable à terme échu le 1er novembre de chaque année.

Par lettres recommandées avec accusé réception des 27 juillet 2022 et 2 novembre 2022, Mme [S] a mis en demeure M. [K] [G] de lui payer le fermage de l’année 2021, soit la somme restant due de 604,40 €.

Faute de règlement, Mme [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Limoges le 21 avril 2023 afin de voir prononcer la résiliation du bail, l’expulsion de M. [G] et sa condamnation à lui payer une indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux.

M. [G] a réglé à Mme [S] le fermage de l’année 2021 le 4 juillet 2023 et le fermage de l’année 2022 le 10 octobre 2023.

Par jugement du 11 janvier 2024, le tribunal paritaire des baux ruraux de Limoges a :

– prononcé la résiliation du bail rural aux torts de M. [G] à effet à la date du jugement ;

– ordonné son expulsion de la propriété objet du bail ;

– condamné M. [G] à payer à Mme [S] une indemnité d’occupation égale au montant du fermage, à compter de la date du jugement ;

– écarté l’exécution provisoire du jugement.

Le 8 février 2024, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 9 avril 2024 réitérées à l’audience, M. [K] [G] demande à la cour de :

réformer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 11 janvier 2024 ;

débouter Mme [S] de l’intégralité de ses demandes ;

statuer ce que de droit sur les dépens.

M. [G] fait valoir qu’il a réglé les fermages des années 2021 et 2022, ce qui rend les demandes de Mme [S] sans fondement. En outre, elle n’a réclamé le paiement, par mises en demeure, que du seul fermage de l’année 2021, alors que l’article L. 411’31 du code rural exige deux défauts de paiement de fermage pour voir prononcer la résiliation du bail rural.

Il soutient en outre avoir été blessé lors d’une rixe le 3 mai 2020, ce qui a entraîné d’importantes répercussions sur son activité professionnelle et qui constitue une raison légitime et sérieuse de nature à voir débouter Mme [S] de sa demande tendant à la résiliation du bail rural.

Aux termes de ses dernières écritures du 29 mai 2024 réitérées à l’audience, Mme [B] [S] demande à la cour de :

déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par M. [G] ;

confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 11 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;

condamner M. [G] à verser une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de Mme [S] ;

condamner le même aux entiers dépens.

Mme [S] soutient que les conditions d’application de l’article L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime sont réunies dans la mesure où il suffit qu’une seule échéance de fermage ne soit pas réglée trois mois après deux mises en demeure par lettres recommandées avec accusé réception restées infructueuses, le défaut de paiement devant être apprécié au jour de la demande en justice.

Sur les raisons médicales avancées par M. [G] pour justifier son défaut de paiement, elle fait valoir que le rapport de l’association Solidarité Paysans, sur lequel il se fonde, n’est étayé par aucun justificatif des pertes alléguées. En outre, c’est à bon droit que le tribunal a retenu l’absence de lien de causalité entre la rixe invoquée en date du 3 mai 2020 et le défaut de paiement du fermage en novembre 2021, eu égard à leur date éloignée.

Enfin, elle souligne que le fermage 2023 n’a pas été réglé à ce jour malgré deux courriers officiels à M. [G] des 31 janvier 2024 et 15 avril 2024.

SUR CE,

L’article L. 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime dispose que ‘-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition’.

Les motifs de résiliation judiciaire doivent s’apprécier au jour de la demande en justice, en l’espèce le 21 avril 2023, date de la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux par Mme [S].

– Elle a mis en demeure M. [G] de lui payer le fermage de l’année 2021 par lettres recommandées avec accusé réception du 27 juillet 2022, puis du 2 novembre 2022, rappelant les termes de l’article L. 411-31 I 1°.

M. [G] n’ayant réglé le fermage que le 4 juillet 2023, les conditions d’application de l’article L. 411-31 I 1° ci-dessus énoncé sont remplies.

En effet, il n’est pas nécessaire que les deux mises en demeure prévues par cette disposition portent sur des échéances de fermage différentes (Cour de cassation 3ème chambre civile 12 octobre 2004 n° 03-14.929). Il n’était donc pas nécessaire que Mme [S] appelle le fermage de l’année 2022 pour que la résiliation soit encourue.

– Néanmoins, l’article L. 411-31 I in fine prévoit que ‘Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes’.

M. [G] a été blessé lors d’une rixe dans le cadre d’un conflit de voisinage le 3 mai 2020.

Le rapport du docteur [E] en date du 13 septembre 2021 indique qu’il a subi de ce fait une fracture au niveau du tibia gauche, des contusions multiples ainsi qu’un traumatisme crânien sans séquelles.

Il a connu un déficit fonctionnel du 3 mai 2020 au 2 mai 2021, date de la consolidation (niveau 3 et 4 du 3 mai 2020 au 14 septembre 2020). Il a gardé un déficit fonctionnel permanent à hauteur de 2 %, soit une fatigabilité à l’effort, une impossibilité de courir, des douleurs persistantes et une boiterie en fin de journée.

Le docteur [E] évoque également une incidence professionnelle, c’est à dire une pénibilité accrue, une impossibilité de courir après les bovins, ainsi que des douleurs en descendant du tracteur.

Dans un rapport du 18 octobre 2022, l’association Solidarité Paysans du Limousin a estimé à la somme de 29’078,50 € la perte économique et financière causée par l’incapacité de M. [G] à travailler du fait de la rixe du 3 mai 2020.

Néanmoins, sans minimiser les conséquences physiques et économiques de cette agression, c’est à juste titre que le tribunal a constaté que la date de l’agression, le 3 mai 2020, était éloignée de plus d’une année de la date d’échéance du paiement du fermage, le 1er novembre 2021. De plus, le déficit fonctionnel temporaire en son niveau 2 (déficit de 25 %) a cessé le 14 novembre 2020, pour se réduire au niveau 1 (déficit de 10 %) jusqu’au 2 mai 2021.

M. [G] était donc en état de travailler en 2021, le taux du déficit fonctionnel permanent subsistant n’étant que de 2 %.

En outre, Mme [S] justifie que M. [G] a payé avec un an de retard le fermage 2022 et n’a pas encore réglé le fermage de l’année 2023.

Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, M. [G] ne démontre pas de raisons sérieuses et légitimes l’ayant empêché de régler le fermage de l’année 2021.

C’est donc à bon droit que le tribunal paritaire des baux ruraux a prononcé la résiliation du bail rural du 1er novembre 2008 aux torts de M. [K] [G] à effet à la date du jugement ainsi que son expulsion, en le condamnant à payer à la bailleresse une indemnité d’occupation égale au montant du fermage.

Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [G] succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens d’appel.

Il est équitable en outre de le condamner à payer à Mme [S] la somme de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

—==oO§Oo==—

PAR CES MOTIFS

—==oO§Oo==—

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par la tribunal paritaire des baux ruraux de Limoges le 11 janvier 2004 ;

CONDAMNE M. [K] [G] à payer à Mme [B] [S] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [G] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon