Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Grenoble
Thématique : Preuve et Validité des Signatures Électroniques dans les Contrats de Crédit
→ RésuméLe 22 août 2019, la Caisse de Crédit Mutuel de Valence Technoparc a accordé un crédit renouvelable de 25.000€ à M. [Y] et Mme [W], débloqué le 5 septembre 2019. Les remboursements ont cessé le 5 septembre 2020. En février 2021, le Crédit Mutuel a mis en demeure les emprunteurs de régler les mensualités impayées, puis a notifié la déchéance du terme en mai 2021, réclamant 24.197,75€. En mars 2022, le Crédit Mutuel a assigné M. [Y] et Mme [W] en justice pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal a débouté le Crédit Mutuel le 17 novembre 2022, arguant que la signature électronique des emprunteurs n’était pas fiable. Le Crédit Mutuel a interjeté appel le 18 janvier 2023, soutenant que les preuves de signature étaient valides et que la procédure de signature respectait les normes. L’appel a été signifié aux emprunteurs, qui n’ont pas constitué avocat, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.
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N° RG 23/00333
N° Portalis DBVM-V-B7H-LVMF
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 24 SEPTEMBRE 2024
Appel d’une décision (N° RG 22/00159)
rendue par le Tribunal judiciaire de Valence
en date du 17 novembre 2022
suivant déclaration d’appel du 18 janvier 2023
APPELANT :
LE CREDIT MUTUEL DE VALENCE TECHNOPARC Caisse de Crédit Mutuel immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 779 466 200 dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [H] [Y]
né le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Mme [I] [W]
née le [Date naissance 7] 1983 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
non représentés
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, Présidente,
Mme Joëlle Blatry, Conseiller,
Mme Véronique Lamoine, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 juin 2024 madame Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de madame Blatry, conseiller, assistées de Anne Burel, greffier, en présence de [E] [F], greffier stagiaire, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant offre préalable acceptée par signature électronique le 22 août 2019, la Caisse de Crédit Mutuel de Valence Technoparc (le Crédit Mutuel) a consenti à M. [H] [Y] et Mme [I] [W] un crédit renouvelable type «’Passeport Crédit’»n°00020800102 pour un montant maximal de 25.000€ au taux effectif global de 5,75’%.
Une somme de 25.000€ (sous compte [XXXXXXXXXX03]) a été débloquée le 5 septembre 2019.
Le remboursement n’étant plus honoré à partir du 5 septembre 2020, le Crédit Mutuel, par lettres recommandées avec AR du 17 février 2021, a vainement mis en demeure M. [Y] et Mme [W] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.
Suivant lettres recommandées avec AR du 10 mai 2021, le Crédit Mutuel leur a notifié la déchéance du terme, et les a mis en demeure de procéder au règlement de la somme de 24.197,75€.
Par acte extrajudiciaire du 1er mars 2022 (instance RG 22/00159), le Crédit Mutuel a assigné M. [Y] et Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valence afin d’obtenir sous le bénéfice de l’exécution provisoire leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes’:
24.197,75€ au titre de l’utilisation de crédit renouvelable n°000’208’001 03 outre les intérêts au taux conventionnel de 2,79% l’an sur la somme de 21.150,58€ à compter du 10 mai 2021, date de déchéance de terme, et au taux légal sur le surplus, jusqu’à parfait règlement’;
500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Le 23 juin 2022, le Crédit Mutuel a fait délivrer une seconde assignation aux mêmes fins aux mêmes parties (RG 22/00276)
Par jugement réputé contradictoire du 17 novembre 2022, le tribunal précité a’:
ordonné la jonction des procédures enregistrées sous le numéro RG 22/00159 et sous le numéro RG 22/00276,
débouté le Crédit Mutuel de l’ensemble de ses demandes,
condamné le Crédit Mutuel aux dépens.
La juridiction a retenu en substance que’:
le Crédit Mutuel ne produit pas l’attestation de fiabilité des pratiques délivrée par l’ANSSI ou un organisme habilité par l’ANSSI au tiers certifiant les étapes du processus de signature électronique utilisé’; il ne justifie pas que cet organisme était un tiers digne de confiance habilité à authentifier des signatures si bien qu’il faut considérer que le procédé utilisé ne garantit pas la fiabilité de la signature imputée à M. [Y] et Mme [W],
la signature imputée à M. [Y] et Mme [W] ne figure pas sur l’acte de prêt qui leur est opposé mais uniquement la mention «’signé électroniquement par M. [Y] et Mme [W]’», en l’absence de certitude sur l’identité du signataire, que ce soit par écrit ou par voie électronique, l’acte fondant la demande ne saurait valablement être opposé à M. [Y] et Mme [W].
Par déclaration déposée le 18 janvier 2023, le Crédit Mutuel a relevé appel.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 février 2024 sur le fondement des articles 1103 et suivants et 1366 et suivants du code civil, des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation et de l’article 700 du code de procédure civile le Crédit Mutuel demande à la cour de’:
le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
infirmer le jugement déféré,
statuant à nouveau’:
condamner solidairement M. [Y] et Mme [W] à lui payer la somme de 24.197,75€ au titre de l’utilisation de crédit renouvelable n°000’208’001 03 outre les intérêts au taux conventionnel de 2,79% l’an sur la somme de 21.150,58€ à compter du 10 mai 2021, date de déchéance de terme, et au taux légal sur le surplus, jusqu’à parfait règlement,
condamner solidairement M. [Y] et Mme [W] à lui payer la somme de 1.000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelant fait valoir en substance que’:
les blocs de signature du contrat de crédit conclu attestent clairement de la date et de l’heure de signature de chacun des co-emprunteurs et attestent que ce sont bien les emprunteurs qui ont conclu le contrat,
le fichier de preuve versé aux débats permet de démontrer que les deux co-emprunteurs ont signé ce contrat et émanent de la société DocuSign France, leader sur le marché français,
aucun texte n’impose l’obligation pour l’utilisateur d’un service de signature électronique de produire l’attestation de fiabilité des pratiques délivrée par l’ANSSI ou un organisme habilité certifiant les étapes du processus de signature électronique,
même si la signature électronique devait être considérée non qualifiée, sa force probante serait la même que celle d’un écrit sur support papier dès lors que l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache est démontré, en l’état de la jurisprudence qui admet cette démonstration par la production d’une enveloppe de preuve et d’un fichier de preuve DocuSign,
les informations contenues dans le fichier de preuve correspondent aux données affichées dans le contrat de crédit conclu par signature électronique, conformément aux dispositions du règlement européen n° 910/2014 et justifient ainsi de l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel il s’attache,
la remise de leur pièce d’identité par les emprunteurs et de plusieurs documents de justificatifs de ressource et charges vient aussi confirmer l’identité des signataires du contrat.
La déclaration d’appel a été signifiée dans les formes des articles 656 et 658 du code de procédure civile à M. [Y] et Mme [W] qui n’ont pas constitué avocat’; l’arrêt sera rendu par défaut.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mai 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau, et ajoutant,
Condamne solidairement M. [H] [Y] et Mme [I] [W] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] Technoparc, au titre du crédit renouvelable Passeport Crédit n°00020800102 (sous compte [XXXXXXXXXX03]), la somme de 22.505,70€ avec intérêts au taux conventionnel de 2,79% et celle de 1.422,96€ au taux d’intérêt légal, l’ensemble de ces intérêts courant à compter du 10 mai 2021 jusqu’à parfait règlement,
Condamne in solidum M. [H] [Y] et Mme [I] [W] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] Technoparc une indemnité de procédure de 1.000€,
Condamne in solidum M. [H] [Y] et Mme [I] [W] aux dépens de première instance et d’appel,
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de la procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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