Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Grenoble
→ RésuméLe 18 mars 2019, la MSA Alpes du Nord a reçu la déclaration de radiation de Mme [P] pour cessation d’activité au 31 décembre 2018. Cependant, des constats de travail dissimulé ont été révélés, impliquant des salariées non déclarées entre 2016 et 2018. En novembre 2019, un redressement de 12.967,83 euros a été décidé, invalidant la radiation. Après une mise en demeure en février 2020 et une contestation, le tribunal a annulé le redressement en novembre 2021. Toutefois, lors de l’appel, la cour a infirmé ce jugement, validé la contrainte et condamné Mme [P] à verser 1.000 euros à la MSA.
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Le 18 mars 2019, la MSA Alpes du Nord a reçu une déclaration de radiation de Mme [Y] [P] pour cessation de son activité d’élevage au 31 décembre 2018. Le 3 juin 2019, la MSA a notifié à Mme [P] des constats de travail dissimulé, incluant des prestations non déclarées de deux salariées entre 2016 et 2018, ainsi que des déclarations de revenus incorrectes. Le 8 novembre 2019, la MSA a conclu à un redressement de 12.967,83 euros et a invalidé la radiation. En février 2020, Mme [P] a reçu une mise en demeure de payer 13.625,22 euros. Après avoir saisi la commission de recours amiable, qui n’a pas statué, Mme [P] a contesté le recouvrement de cotisations pour 2019. Le 18 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a jugé en faveur de Mme [P], annulant le redressement et la contrainte, et condamnant la MSA à lui verser 1.300 euros. La MSA a interjeté appel le 7 janvier 2022. Lors de l’audience du 4 avril 2023, l’affaire a été renvoyée pour mise en cause de deux salariées. Après réouverture des débats, la MSA a demandé l’infirmation du jugement et la validation de la contrainte. Mme [P] a demandé la confirmation du jugement initial. Le 15 décembre 2023, la cour a infirmé le jugement de 2021, validé la contrainte de 13.625,22 euros, débouté Mme [P] de ses demandes et condamné celle-ci aux dépens et à verser 1.000 euros à la MSA.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/00173
N° RG 22/00173
N° Portalis DBVM-V-B7G-LF5A
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d’une décision (N° RG 21/00003)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 18 novembre 2021
suivant déclaration d’appel du 07 janvier 2022
APPELANTE :
Organisme MSA DES ALPES DU NORD, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Marine RONK, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Mme [Y] [P]
née le 29 octobre 1975 à [Localité 18]
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Me Eïtan CARTA-LAG de la SELARL ACQUIS DE DROIT, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Maelys RODRIGUES, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [R] [U]
née le 23 avril 1955 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 3]
non comparante, ni représentée
Mme [W] [C]
née le 21 décembre 1997 à [Localité 18]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 avril 2024
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en charge du rapport et M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, ont entendu les représentants des parties en leurs observations et dépôts de dossier de plaidoirie, assistés de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 12 septembre 2024.
Le 18 mars 2019, la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord (MSA) a reçu une déclaration de radiation de Mme [Y] [P] avec cessation de son activité d’exercice d’une activité d’élevage à compter du 31 décembre 2018.
Le 3 juin 2019, la MSA Alpes du Nord a adressé à Mme [P] une notification concernant la lutte contre le travail dissimulé, à la suite d’un contrôle ayant entraîné des constats le 20 juin 2018 ainsi que des auditions, la caisse retenant des prestations de travail non déclarées de Mme [R] [U] entre septembre 2017 et avril 2018, et de Mme [W] [C] pendant un arrêt de travail de Mme [P] entre le 10 août 2016 et le 18 juin 2018. La MSA relevait également des déclarations de revenus incorrectes, des sous-évaluations et une situation de travail de Mme [P] durant son arrêt de travail.
Le 8 novembre 2019, la MSA a notifié un document de fin de contrôle à Mme [P], qui concluait à un redressement de 12.967,83 euros et à l’invalidation de la radiation déclarée, décisions maintenues par un courrier du 29 janvier 2020 en réponse aux observations de la cotisante du 25 novembre 2019.
Le 5 février 2020, Mme [P] a accusé réception d’une mise en demeure de payer, en date du 31 janvier 2020, une somme de 13.625,22 euros représentant 12.951,83 euros de cotisations et 673,39 euros de majorations au titre du 2e trimestre 2018.
Le 1er avril 2020, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable, qui n’a pas statué.
Le 16 juillet 2020, la MSA a adressé à Mme [P] un relevé de situation rectificatif lui notifiant un montant de cotisations dues pour l’année 2019 de 2.292 euros, outre 88,35 euros de majorations de retard.
Le 7 décembre 2020, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable contre ce recouvrement de cotisations pour 2019, et la commission a répondu par courrier du 24 février 2021 qu’elle classait le recours sans suite, les réponses sollicitées ayant déjà été apportées par ses services.
Le 18 décembre 2020, Mme [P] a accusé réception d’une contrainte de la MSA Alpes du Nord en date du 9 décembre 2020, visant la mise en demeure du 31 janvier 2020 et les sommes réclamées au titre du 2e trimestre 2018.
Par jugement du 18 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble saisi le 31 décembre 2020 d’une opposition à la contrainte du 9 décembre 2020 a :
– déclaré recevable et bien fondé le recours de Mme [P],
– dit que l’affiliation de Mme [P] ne peut pas être maintenue après la radiation de son entreprise le 31 décembre 2018,
– dit que Mme [P] n’a pas commis d’infraction de travail dissimulé,
– annulé le redressement opéré et la contrainte,
– condamné la MSA aux dépens et à verser à Mme [P] une somme de 1.300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 7 janvier 2022, la MSA des Alpes du Nord a relevé appel de cette décision.
Appelé à l’audience du 4 avril 2023, le dossier a été renvoyé à l’audience du 10 octobre 2023 pour la mise en cause de Mmes [R] [U] et [W] [C] par la MSA, qui a procédé le 30 juin 2023 à une citation par remise à l’étude concernant Mme [U], et à sa personne concernant Mme [C].
A la suite de l’audience du 10 octobre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2023, et par arrêt rendu à cette date, la cour a ordonné la réouverture des débats sur la question de l’affiliation de Mme [Y] [P] et plus particulièrement sur l’existence d’une décision de refus de radiation et d’un recours amiable préalable obligatoire.
Par conclusions récapitulatives après réouverture des débats communiquées le 16 février 2024 et reprises oralement à l’audience devant la cour, la MSA des Alpes du Nord demande :
– que l’appel soit déclaré recevable et bien fondé,
– l’infirmation du jugement,
– le débouté du recours de Mme [P],
– la validation de la contrainte pour son entier montant,
– la condamnation de Mme [P] au paiement de la contrainte pour un montant de 13.625,22 euros et des frais de notification,
– la condamnation de Mme [P] aux dépens et à payer à la caisse une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– et que soit écartée des débats la pièce n° 23 de l’intimée correspondant à une attestation de Mme [C].
Par conclusions déposées le 14 mars 2023 et reprises oralement à l’audience (outre un courriel du 12 mars 2024 à la suite de la réouverture des débats et prenant acte des conclusions de la MSA et du fait que les éléments demandés avaient déjà été transmis), Mme [P] demande :
– la confirmation du jugement,
– le débouté des demandes de la MSA,
– la condamnation de la MSA aux dépens et à lui verser 2.160 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mmes [U] et [C] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
1. ‘ Selon l’article L. 8221-1 du Code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008 : « Sont interdits : 1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ». Ce dernier disposait que : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».
L’article L. 8271-8, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008, précise que : « Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire ».
2. ‘ En l’espèce, la MSA Alpes du Nord a notifié à Mme [P] ses observations du 8 novembre 2020 relatives à des infractions aux interdictions du travail dissimulé, en application des dispositions de l’article R. 724-9 du Code rural et de la pêche maritime.
Il y était mentionné que :
– des passages inopinés ont été réalisés en vain les 3 et 17 mai 2018 ;
– à la suite d’un avis de passage mentionnant un déplacement au domicile de Mme [P], siège social de son activité, pour le 20 juin 2018, les contrôleurs de la MSA, de la Direction départementale de la protection des populations et de l’Institut français du cheval et de l’équitation ont été accueillis par Mme [C] et Mme [P], qui a expliqué ses activités (pension participative d’équidés, promotion et découverte d’activités équestres) en se présentant comme la présidente d’une association [11] qui n’avait pas d’existence légale à ce moment-là ; les documents comptables qui avaient été réclamés plusieurs fois n’ont pas été fournis ; des prestations de Mme [U] et la participation de Mme [C] ont été reconnues, sans formalisation de contrat ou d’embauche ;
– ces deux personnes n’ont fait l’objet d’aucune déclaration ;
– les contrats participatifs ont été prétextes à une utilisation abusive des propriétaires d’équidés dans l’entretien du parc et des tâches dépassant le cadre de leurs contrats ;
– des poneys ont été mis à la disposition de Mme [U] en sa qualité de monitrice équestre sans contrat, sans respect des formalités administratives et sans déclaration comme revenus professionnels des rétributions sur ces prestations à hauteur de 30 % des gains, outre une absence de déclaration des revenus provenant des pensions ;
– Mme [P] a participé à l’activité de sa structure pendant son arrêt de travail.
Sur la base de ces éléments retenus par la MSA, un redressement a donc été réalisé en ce qui concerne Mmes [U] et [C], basé sur un forfait de 25 % du plafond annuel de sécurité sociale en 2018.
Sur le travail dissimulé de Mme [U]
3. ‘ La MSA se fonde notamment sur l’audition par Mme [L] [G], agente de la caisse chargée du contrôle, de Mme [U] qui a confirmé le 7 août 2018 avoir travaillé pour Mme [P] d’août 2017 à avril 2018, en qualité d’autoentrepreneuse, pour assurer des cours et stages avec les poneys et les structures de Mme [P], sur la base de conventions orales, en étant rémunérée par les particuliers tout en rétribuant Mme [P] à hauteur de 30 %. Il est justifié de l’enregistrement d’une activité d’enseignement de discipline sportive et d’activités de loisirs depuis le 12 août 2017 exercée en qualité d’autoentrepreneur.
La MSA retient que Mme [U] appelle Mme [P] sa cliente, alors que si elle avait la qualité de monitrice indépendante, ce sont les cavaliers stagiaires qui seraient ses clients et non le prestataire lui louant ses poneys et ses installations. La MSA considère que Mme [U] était soumise aux consignes de Mme [P] en exécutant ses missions, en devant préparer les animaux et les infrastructures, participer gratuitement à des animations, sans disposer de liberté d’organisation de son activité de cours et de stages et sans développer de clientèle propre.
4. – Compte tenu des éléments produits par les parties (notamment les auditions de Mme [U] par l’enquêtrice de la MSA et la gendarmerie de [Localité 17]), et sans s’arrêter à la terminologie utilisée par Mmes [P] ou [U], il est établi que :
– cette dernière a reconnu avoir passé des accords sur la répartition de ses cours en tenant compte d’un autre emploi, et donc a admis ne pas avoir été libre de son organisation et de ses horaires de travail ;
– elle faisait en sorte que la structure soit propre, car il y avait des choses dangereuses au sol ;
– elle avait convenu avec Mme [P] des tarifs, sans par conséquent être libre de leur fixation en toute indépendance ;
– elle a déclaré que Mme [P] cherchait à développer son activité de centre équestre, mais si elle ajoute qu’il en allait de même pour son activité de monitrice indépendante qui débutait, il n’en reste pas moins que son inscription au registre du commerce et des sociétés est intervenue juste après qu’elle ait répondu le 3 août 2017 à l’annonce de Mme [P] passée sur Facebook pour trouver une monitrice ; en outre, sur les neufs flyers versés au débat, dont il est reconnu qu’ils étaient réalisés par Mme [P], tous sont au nom, expressément, de l’activité « [11] » ou « [14] » de Mme [P], sans aucune mention d’une activité de Mme [U] comme indépendante et en son nom propre, et les numéros de téléphone de « [R] » et « [Y] » étaient mentionnés sans distinction au nom de ces activités pour les réservations de stages ou de participation aux animations, à deux exceptions près : un flyer ne mentionnait que le numéro de Mme [U], mais toujours au nom de l’activité de Mme [P], et un autre distinguait les réservations de cours et balades montées auprès de « [R] » et les balades en main et animations auprès de « [Y] » ; mais jamais le nom de Mme [U] ne figurait sur ces publicités, qui en outre figuraient sur une page Facebook qui existait avant septembre 2017 et auquel Mme [P] a reconnu avoir donné l’accès à Mme [U], qui n’avait donc pas de page propre ;
– il est justifié de facture, devis et échanges de courriel avec un responsable de la commune de [Localité 19] dans lesquels Mme [U] contractait au nom des [14] et non en son nom propre pour des balades à poney et des animations de Noël, ce qui à la fois pouvait dépasser sa mission de monitrice, et démontrait également qu’elle s’effaçait derrière la structure de Mme [P] ;
– Mme [P] était présente lors des prestations de Mme [U], contrairement aux propos de celle-ci affirmant qu’elle était autonome, notamment lors de l’animation de la ville de [Localité 19] ainsi qu’en a attesté un adjoint administratif de la commune, et à deux autres animations selon les termes de l’audition de Mme [U] elle-même ;
– Mme [U] a décrit un stage à [Localité 12] en avril 2018 qui a été, selon ses termes, organisé par Mme [P] sans son aide, y compris dans la taille des groupes à gérer, et qui a donné lieu à une mésentente en l’absence de règlement direct, intervenu finalement plusieurs mois après ;
– tout le matériel utilisé par Mme [U] était fourni par Mme [P].
C’est donc en vain que Mme [P] affirme que Mme [U] réalisait elle-même ses flyers et sa propre publicité, sans d’ailleurs apporter le moindre élément pour contredire les constatations énumérées ci-dessus. De même, le fait que la relation contractuelle ait cessé en présence d’une mésentente ne suffit pas à signifier qu’il n’y avait pas de relation salariée, un salarié étant libre de mettre fin à la relation contractuelle comme un prestataire indépendant. Enfin, l’absence de rémunération n’est pas établie au regard des faits, et Mme [P] admet qu’à une reprise, même si elle qualifie cet épisode d’erreur, la rémunération d’un stage n’a pas été versée à Mme [U], mais à Mme [P] directement pour un stage en centre aéré au mois d’avril 2018.
5. – L’ensemble de ces éléments conduit à considérer que Mme [U] ne menait pas une activité de prestation de service autonome, indépendante, organisée de son seul chef et avec ses moyens ou équipements de travail, au nom d’une activité propre et pour développer sa clientèle, mais au contraire dépendait des moyens, équipements et outils de communication de Mme [P], de son accord en matière de tarifs et d’organisation, pour le compte de l’activité de l’entreprise [11]. Il est ainsi établi une relation de travail, avec des prestations réalisées sous un lien de subordination, et une rémunération récupérée directement auprès des clients de Mme [P]. Aucun document, notamment comptable, ne vient contredire ces constatations.
En l’absence de toute déclaration conforme aux obligations légales, le travail dissimulé de Mme [U] était donc bien caractérisé.
Sur le travail dissimulé de Mme [C]
6. ‘ La MSA se fonde principalement sur ce que Mme [C] a déclaré elle-même à la gendarmerie le 16 mars 2020 :
– elle avait mis en pension chez Mme [P] deux chevaux, en bénéficiant d’un prix avantageux en échange d’une participation à la clôture et aux parcelles de terrain ;
– elle déclarait : « j’étais son bras droit. Je faisais tout avec elle. Quand elle a eu son accident de travail, suite à une chute de poney, je l’ai largement remplacée, je faisais les tournées d’eau, les tournées de nourriture, vérification des parcs, clôture. Elle faisait des balades à poney sur [Localité 13] et donc j’assurais pendant qu’elle était en maladie. Elle a eu un second accident, elle s’est fait piétiner par un cheval. Elle m’appelait pour me dire ce qu’il y avait à faire. Elle m’a accompagné de temps en temps, j’étais passionnée et surtout mineure au début. Je l’ai déjà accompagné dans ses animations à [Localité 9] au camping, à [Localité 10] au salon de la femme, à [Localité 13]. Sur toutes ces prestations, elle me payait à manger en contrepartie sans me rémunérer ou 30 euros une fois. Je faisais des balades à [Localité 13] (‘) je lui ai ramené les chèques ou le liquide, mais elle ne me donnait rien (‘) je donnais des cours à un enfant pendant deux ou trois mois. [Y] me rémunérait 25 % des cours, leçons, pour 10 leçons autour de 140 euros. (‘) Je devais être là tous les jours ou tous les deux jours » ;
– Mme [C] reconnaissait avoir participé aux travaux de l’exploitation de Mme [P] pendant l’arrêt de travail de celle-ci, à savoir l’entretien, la nourriture, l’abreuvage de tous les équidés du 11 août 2016 au 18 juin 2018.
En outre, Mme [U] a elle-même déclaré que Mme [C] « donnait un coup de main, je suppose ». Mme [I] [E], entendue par les gendarmes, car elle avait pris la suite de Mme [U] dans la fonction de monitrice, a déclaré pour sa part le 16 mars 2020 que Mme [C] donnait un coup de main à Mme [P], et venait aider à préparer les poneys.
Il n’est pas contredit que pendant son arrêt maladie, Mme [P] était propriétaire de 10 à 13 équidés, ce qui représentait donc un véritable travail pour Mme [C], bien au-delà de la participation à l’entretien du terrain ou une partie des soins de ses chevaux.
C’est donc en vain que Mme [P] reproche à la MSA de procéder par voie d’affirmation, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et alors qu’elle-même procède par allégation en prétendant que les propos tenus par Mme [C] lors du contrôle étaient différents, sans aucune preuve pour contredire les déclarations des agents contrôleurs qui font foi jusqu’à preuve contraire, et alors que les déclarations les plus utiles au débat ont été tenues devant les gendarmes. De même, l’annexe aux contrats de pension participative de Mme [C] a été réalisée postérieurement au contrôle et à la suite des remarques de la MSA. Enfin, l’attestation de Mme [C] en date du 6 octobre 2023 (pièce n° 23), qui conteste toute relation salariée et affirme seulement une participation au titre de la pension de ses chevaux, n’a pas à être écartée des débats puisqu’elle a pu être contradictoirement débattue, et ne suffit pas à contredire les éléments précis et factuels qu’elle avait déclarés aux gendarmes.
7. – Mme [C] était donc bien dans une situation de travail salarié, sous un lien de subordination et rémunérée, sans avoir fait l’objet d’aucune déclaration par Mme [P].
8. ‘ Au final, le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il n’a pas retenu les situations de travail dissimulé de Mmes [U] et [C] et a annulé le redressement et la contrainte. Celle-ci sera donc validée, aucune contestation n’étant relevée sur les conditions de forme et le calcul forfaitaire des cotisations réclamées. Mme [P] sera condamnée au paiement de la somme recouvrée.
Sur l’affiliation de Mme [P]
9. ‘ Un contentieux lié à l’affiliation de Mme [P] à la MSA, postérieurement aux périodes de travail dissimulé objet du redressement, s’est greffé au contentieux ayant pour objet l’opposition à la contrainte découlant de ce redressement. La MSA a expliqué, à la suite de la réouverture des débats ordonnée le 15 décembre 2023, que la notification du redressement comportait en page 3 l’invalidation de la déclaration de radiation faite le 31 décembre 2018 et reçue par la MSA le 18 mars 2019, pour l’exercice d’une activité d’élevage avec une destination renseignée de l’activité par la mention : « cession ». La caisse considère donc que la contestation de cette notification et la saisine de la commission de recours amiable à la suite de la mise en demeure englobent ce contentieux sur l’affiliation de Mme [P] après 2018, qui a été poursuivi lors du recouvrement des cotisations pour l’année 2019 et une nouvelle saisine de la commission qui a été classée sans suite.
10. – L’article L. 722-1 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2014, dispose que : « Le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous :
1° Exploitations de culture et d’élevage de quelque nature qu’elles soient, exploitations de dressage, d’entraînement, haras ainsi qu’établissements de toute nature dirigés par l’exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou structures d’accueil touristique, précisées par décret, situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci, notamment d’hébergement et de restauration ».
L’article L. 722-4, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2023, prévoyait que : « Sont assujettis, dans les conditions fixées par le présent titre et le titre III du présent livre, au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles :
1° Les chefs d’exploitation ou d’entreprise mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 sous réserve qu’ils dirigent une exploitation ou une entreprise d’une importance au moins égale ou équivalente à celle définie à l’article L. 722-5, à l’exception des personnes exerçant la profession d’exploitant forestier négociant en bois achetant des coupes en vue de la revente du bois dans des conditions telles que cette activité comporte inscription au registre du commerce ou paiement d’une contribution économique territoriale en tant que commerçant. Sont assimilées à des chefs d’entreprise les personnes exerçant en qualité de non salariées l’activité mentionnée au 5° de l’article L. 722-1 ».
L’article L. 722-5 prévoit en effet des seuils d’assujettissement tenant à l’importance minimale de l’exploitation en termes soit de superficie exploitée, de temps de travail nécessaire à la conduite de l’activité ou encore de revenu professionnel. L’article L. 722-5-1 dernier alinéa précise que pour les productions hors sol, un arrêté du ministre chargé de l’agriculture fixe les coefficients d’équivalence sur la base de la surface minimale d’assujettissement prévue au deuxième alinéa. Un arrêté du 18 septembre 2015 du Ministère de l’Agriculture publié au journal officiel du 26 septembre pris en application de cet article L. 722-5-1 du code rural a fixé le coefficient d’équivalence pour les centres équestres à 5 équidés.
11. – Mme [Y] [P] a déclaré le 7 février 2012 à la MSA la création d’une activité d’élevage équin, sous la dénomination [11] et à compter du 1er février 2012 : elle a été affiliée à la MSA à ce titre.
Le 12 novembre 2018, la création de l’association [14] a été déclarée à la préfecture de l’Isère avec pour objet la balade en main de poneys, les baptêmes de poneys, le développement de la pratique de l’équitation de loisir ou de compétition, l’animation sur sites extérieurs (cours et stages), le sauvetage équin et tous objets similaires, connexes ou complémentaires.
12. ‘ La MSA soutient le refus de radiation sur la base de plusieurs éléments factuels :
– Mme [P] s’est présentée comme présidente de l’association [11] le 20 juin 2018 lors du contrôle, ce dont atteste l’enquêtrice de la DDPP présente, alors que cette association n’existait pas et que l’association des [14] n’était pas encore créée ;
– Mme [P] a déclaré le 14 octobre 2019 un cheptel de 7 équidés ;
– Mme [P] a déclaré aux gendarmes que le président de l’association était M. [S] [H], avec lequel elle a créé cette association, elle-même en étant la trésorière ; puis M. [H] est devenu trésorier et M. [D] [O] est devenu président, en sachant qu’il s’agit du compagnon de Mme [P] selon l’audition de Mme [C] par la gendarmerie ;
– les statuts de l’association ont été adoptés par une assemblée générale constitutive du 9 novembre 2018, date à laquelle un devis a été réalisé pour la commune de [Localité 19] en mentionnant les numéros de téléphone de Mme [P], et l’adresse personnelle de celle-ci à [Localité 16], alors que l’association était domiciliée à [Localité 15] ; il en allait de même pour la facture du 15 décembre 2019 correspondant à ce devis ; un adjoint de la commune de [Localité 19] a attesté que le versement du prix de cette facture a été versé sur le compte de Mme [P] ;
– les explications de Mme [P] sur une volonté de séparer les activités de pension et d’élevage par rapport aux activités d’animations et de stage, seules incluses dans l’objet de l’association, est contredit par l’utilisation du même vocable [11] pour ces deux types d’activités avant et après la création de l’association ;
– l’audition de Mme [I] [E], qui a pris la suite des activités de Mme [U], atteste que les activités sportives lucratives ont perduré selon les mêmes modalités sous la responsabilité de Mme [P] et sans jamais évoquer l’association.
13. – Il résulte de ces éléments que l’activité de Mme [P] n’a pas changé entre 2018 et 2019, puisqu’elle se présentait comme présidente d’une association inexistante en 2018, puis était omniprésente dans l’activité de l’association créée à la fin de l’année 2018, dans les mêmes rôles d’animatrice et d’organisatrice des activités d’élevage équin. La création de l’association « [14] », postérieure au contrôle, était donc artificielle puisque Mme [P] exerçait son activité auparavant sous ce même titre et a continué à exercer ses activités au nom de l’association ensuite, sans que puisse lui être reconnu le titre de bénévole dont elle se prévaut sans aucun justificatif.
Ainsi que le souligne la MSA, il ressort de l’audition de Mme [E] par les gendarmes, le 16 mars 2020, qu’elle a connu Mme [P] par l’intermédiaire de Facebook parce qu’elle cherchait un moniteur pour donner des cours de poneys en utilisant les siens, aux alentours de septembre 2018, pour commencer à travailler en octobre 2018 et encore au jour de l’audition, en encaissant les sommes versées par les stagiaires et en rétrocédant à Mme [P] 30 % de ces sommes, les équipements étant fournis par celle-ci ; à aucun moment il n’est fait allusion à l’association des [14].
Mme [C] avait déclaré également aux gendarmes qu’elle avait fait remarquer à Mme [P] qu’elle avait été radiée à la suite du contrôle, et celle-ci lui avait dit qu’elle était sous le statut d’une association à compter d’octobre 2019 et lui avait envoyé un nouveau contrat.
C’est en vain que Mme [P] fait valoir que sa déclaration de sept équidés du 14 octobre 2019 était faite en rapport avec un terrain utilisé uniquement à titre privé et pour des équidés à usage personnel, comme elle l’a écrit dans une lettre jointe à sa déclaration, compte tenu des déclarations de Mme [E] et de l’absence de tout élément permettant de confirmer les allégations de l’intimée. De même, rien ne vient confirmer son bénévolat et l’absence d’activité lucrative au regard des éléments réunis lors du contrôle de ses activités et de l’enquête pénale qui a été ensuite entreprise. A cet égard, le fait que le tribunal correctionnel n’ait pas retenu sa culpabilité au titre d’une infraction de travail dissimulé est sans effet sur le présent litige, puisqu’il a été seulement jugé par le tribunal que la période de la prévention poursuivie n’était pas celle des faits objets de l’enquête.
14. – Le refus par la MSA de prendre en compte la déclaration de radiation, ce qui a conduit à la réclamation de nouvelles cotisations, était donc légitime et le jugement sera donc intégralement infirmé.
Mme [P] sera déboutée de sa contestation relative au refus de prise en compte de sa déclaration de radiation du 31 décembre 2018.
15. ‘ Mme [P] sera condamnée aux dépens de la première instance et de la procédure d’appel.
L’équité et la situation des parties justifient que la MSA ne conserve pas l’intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et Mme [P] sera condamnée à lui payer une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, en sachant que la condamnation de la caisse à payer à l’intimée une indemnité au titre de ses frais irrépétibles en premier ressort est incluse dans l’infirmation du jugement entier, et devra de ce fait être restituée sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans le dispositif de l’arrêt.
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déboute la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord de sa demande tendant à voir écartée la pièce n° 23 de Mme [Y] [P],
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 18 novembre 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble (RG 21/3),
Et statuant à nouveau,
Valide la contrainte délivrée à Mme [Y] [P] par la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord en date du 9 décembre 2020 à hauteur de 13.625,22 euros et au titre des cotisations et majorations du 2e trimestre 2018,
Condamne à ce titre Mme [Y] [P] à payer la somme de 13.625,22 euros à la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord,
Déboute Mme [Y] [P] de ses demandes relatives à sa déclaration de radiation au 31 décembre 2018,
Y ajoutant,
Condamne Mme [Y] [P] aux dépens de la procédure d’appel et de première instance,
Condamne Mme [Y] [P] à payer à la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
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