→ RésuméFilmer des personnes en milieu psychiatrique requiert leur consentement écrit ou celui de leurs tuteurs. Dans le documentaire « 12 jours » de Raymond Depardon, l’atteinte au droit à l’image d’un patient n’a pas été retenue. Le film, qui traite de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement, montre des audiences publiques où le juge décide de la poursuite de l’hospitalisation. Parmi les 72 patients filmés, 10 ont été sélectionnés, mais des objections ont été soulevées par la famille d’un patient, qui craignait des railleries. Toutefois, le tribunal a jugé que le tournage respectait les droits des patients et ne portait pas atteinte à leur dignité. |
Filmer des personnes en milieu psychiatrique nécessite d’obtenir leur accord préalable et écrit ou celui de leurs tuteurs légaux. Filmer en milieu psychiatriqueL’atteinte au droit à l’image d’un patient filmé dans le cadre du film documentaire « 12 jours », n’a pas été retenue. Le film documentaire réalisé par Raymond Depardon porte sur l’hospitalisation psychiatrique sans consentement et filme des audiences publiques présidées par un juge des libertés et de la détention, à l’issue desquelles ce dernier est appelé à se prononcer sur la poursuite ou non de l’hospitalisation sous contrainte au-delà de 12 jours. Le film, destiné à une diffusion en salle, dans les médias et sur supports numérique, montre le déroulement de l’audience au cours de laquelle s’instaurent des échanges entre le patient atteint de pathologie(s) psychiatrique(s) et le magistrat. Droit à l’image des patientsParmi les 72 patients ayant accepté d’être filmés, directement ou avec l’assistance de leur tuteur ou curateur pour ceux bénéficiant d’une procédure de protection, 10 ont été sélectionnés pour paraître dans le film. Le père de l’un d’entre eux s’est rapproché de la société de production du film, la SAS Palmeraie et Désert, pour lui faire connaître son opposition à la présence de son fils dans ce documentaire, qui selon lui «était exposé aux railleries des personnes qui ne connaissaient pas sa maladie, et l’absence de consultation de ses parents préalablement à toute diffusion». Dans ce cadre, une offre financière compensatoire a été formalisée par la SAS Palmeraie et Désert qui n’a pas été acceptée par la famille. La famille du patient s’est également plainte des conditions dans lesquelles sont intervenues les prises de vue et la diffusion du film, en invoquant des effets négatifs pour leur fils. Absence d’urgenceLa juridiction a considéré que la chronologie des faits militait très largement en faveur de l’absence d’urgence. En effet, l’assignation a été délivrée 30 mois après le tournage et 16 mois après le refus d’un arrangement financier amiable. Or, l’impact médiatique du documentaire était déjà limité dès sa sortie, eu égard à la particularité de son sujet assez confidentiel et au seul intérêt d’un public averti. Même si des DVD restaient à la vente, l’impact médiatique initialement limité était objectivement retombé. Le trouble manifestement illiciteL’article 809 ancien (devenu 835 nouveau) du code de procédure civile dispose « Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». En l’espèce, l’objet du documentaire était informatif et éducatif, et le film ne possédait aucune dimension récréative. Le tournage de la séquence incriminée n’était intervenu qu’après accord écrit exprès du patient lui-même et l’accord de son avocat et après avis médicaux. Au jour des faits ni postérieurement, le patient ne faisait pas l’objet d’une mesure de protection (absence de tuteur ou curateur dans les actes de procédure). Ceci témoignait bien de la capacité juridique du patient à consentir à être filmé, même si son état médical l’empêchait de consentir à une mesure de soin, ce qui ne se situait pas sur le même plan. Pas d’atteinte à la dignité humaineDans la séquence incriminée, l’image proposée au public était celle d’une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique, filmée fidèlement et présentée sans artifice ni commentaire. Cette séquence ne présentait aucunement un caractère ridicule ou donnant une image indigne du patient. De plus, le nom de ce dernier a été volontairement modifié dans le film et seuls ses proches, nécessairement au courant de sa maladie, ont pu l’identifier. Quant à l’impact de la diffusion, le tournage a été précédé d’une phase de préparation de plusieurs mois au cours desquels ont été consultés la direction de l’établissement de soins psychiatriques, les équipes médicales, les magistrats du Tribunal judiciaire et le barreau de Lyon. Un protocole a été mis en place préalablement au tournage afin que les dispositions légales soient respectées. S’agissant de l’impact négatif du film sur l’état de santé du patient, aucune preuve ne l’établissait. L’ensemble de ces éléments permettait de conclure à l’absence de trouble présentant un caractère manifestement illicite. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quelles sont les conditions pour filmer des personnes en milieu psychiatrique ?Filmer des personnes en milieu psychiatrique nécessite d’obtenir leur accord préalable et écrit, ou celui de leurs tuteurs légaux. Cette exigence vise à protéger les droits des patients, notamment leur droit à l’image, qui est un aspect fondamental de la dignité humaine. L’accord est essentiel, car les patients peuvent être dans des situations vulnérables, et leur consentement doit être éclairé. Cela signifie qu’ils doivent comprendre pleinement ce à quoi ils consentent, ce qui peut être compliqué dans un contexte psychiatrique.Quel est le sujet du film documentaire « 12 jours » ?Le film documentaire « 12 jours », réalisé par Raymond Depardon, traite de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement. Il filme des audiences publiques où un juge des libertés et de la détention décide de la poursuite ou non de l’hospitalisation sous contrainte au-delà de 12 jours. Ce documentaire met en lumière les échanges entre les patients et le magistrat, offrant un aperçu des procédures judiciaires entourant l’hospitalisation psychiatrique. Il vise à sensibiliser le public sur les enjeux de la santé mentale et les droits des patients.Comment a été géré le droit à l’image des patients dans le film ?Parmi les 72 patients ayant accepté d’être filmés, 10 ont été sélectionnés pour apparaître dans le film. Cependant, des préoccupations ont été soulevées par la famille d’un patient, qui a exprimé son opposition à la diffusion de l’image de son fils, craignant des railleries et un manque de consultation préalable. La société de production a proposé une compensation financière, mais celle-ci a été refusée par la famille. Cela soulève des questions sur la gestion du droit à l’image et le respect des souhaits des familles dans des contextes sensibles comme celui-ci.Quelles ont été les conclusions de la juridiction concernant l’urgence de la situation ?La juridiction a conclu qu’il n’y avait pas d’urgence dans cette affaire, car l’assignation a été délivrée 30 mois après le tournage et 16 mois après le refus d’un arrangement amiable. L’impact médiatique du documentaire était déjà limité, ce qui a renforcé l’argument de l’absence d’urgence. Cette décision souligne l’importance de la chronologie des événements dans les affaires juridiques, ainsi que la nécessité d’évaluer l’impact médiatique d’un projet avant de revendiquer des atteintes aux droits des individus.Quelles sont les implications de l’article 809 du code de procédure civile dans ce contexte ?L’article 809 ancien (devenu 835 nouveau) du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire de prescrire des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas du film « 12 jours », la juridiction a estimé que le documentaire avait un objectif informatif et éducatif, et que le tournage avait été réalisé avec le consentement éclairé du patient. Cela a conduit à la conclusion qu’il n’y avait pas de trouble manifestement illicite.Comment le film a-t-il respecté la dignité humaine des patients ?La séquence incriminée dans le film montrait un patient atteint d’une pathologie psychiatrique de manière fidèle, sans artifice ni commentaire dégradant. Le nom du patient a été modifié pour protéger son identité, et seuls ses proches ont pu l’identifier. De plus, un protocole a été mis en place avant le tournage, impliquant des consultations avec les équipes médicales et les magistrats, afin de garantir le respect des dispositions légales. Cela témoigne d’un effort pour respecter la dignité humaine des patients tout en abordant des sujets sensibles.Quelles preuves ont été présentées concernant l’impact du film sur la santé du patient ?Aucune preuve n’a été fournie pour établir que le film avait un impact négatif sur l’état de santé du patient. Les éléments présentés dans le cadre de l’affaire ont permis de conclure à l’absence de trouble manifestement illicite. Cela souligne l’importance de la preuve dans les affaires juridiques, en particulier lorsqu’il s’agit de revendiquer des atteintes aux droits des individus. Les décisions doivent être basées sur des faits concrets et vérifiables, plutôt que sur des suppositions ou des craintes non fondées. |
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