Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Fort-de-France
Thématique : Propriété et droits indivis : enjeux de la contestation successorale.
→ RésuméLe 5 août 1958, une parcelle de 2 hectares et 19 ares à [Localité 27] a été vendue pour 200.000 francs. En mars 2009, [K] [B] a assigné [A] [T] en expulsion, entraînant un jugement en 2012 ordonnant son expulsion, mais la cour d’appel a infirmé cette décision en 2013, reconnaissant la copropriété de [K] [B] et [A] [T]. En 2019, [K] [MG] [U] [B] a formé une tierce opposition, déclarée irrecevable en 2021, mais cassée en 2023. En 2024, [A] [V] [T] a revendiqué la propriété par usucapion, tandis que la cour a débouté [K] [MG] [U] [B] de sa demande de propriété exclusive.
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ARRET N°
N° RG 23/00341
N°Portalis DBWA-V-B7H-CM3F
M. [K] [MG] [U] [B]
C/
Mme [A] [V] [T]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 5 avril 2012 après cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre en date du 6 mai 2013 et 26 mai 2021, par la Cour de cassation en date du 01 Juin 2023, enregistré sous le n° 378 F-D ;
APPELANT :
Monsieur [K] [MG] [U] [B] dit [U] [B]
Chez M. [G] [AG] – [Adresse 30]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Me Frédérique GOURLAT-ROUSSEAU, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me David FREREJACQUE, avocat plaidant, au barreau de PARIS
INTIMEE :
Madame [A] [V] [T]
[Adresse 17]
[Adresse 31]
[Localité 6]
Représentée par Me Lucien ALEXANDRINE, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 septembre 2024 sur le rapport de Monsieur Thierry PLUMENAIL, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 26 novembre 2024 ;
ARRÊT : contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 05 août 1958, [UU] [T] veuve [D], [CC] [BI], [S] [BI] et [DF] [M] [T] ont vendu à [K] [YN] [BS] [B] une parcelle de terre de 2 hectares, 19 ares sur la commune du [Localité 27] au prix de 200.000 francs.
Par acte d’huissier de justice du 23 mars 2009, [K] [B] a fait assigner [A] [T] épouse [Y] en expulsion, sous astreinte.
Par jugement contradictoire du 5 avril 2012, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
‘- ordonné l’expulsion de [A] [T], épouse [Y] de la parcelle d'[K] [B] d’une superficie de 2 ha 19 a située au Moule, section ou [Adresse 14] ou Beauséjour, de [Adresse 18] [Localité 8], rejeté la demande d’astreinte,
– dit qu’à défaut de libération spontanée des lieux, il pourra être procédé à l’expulsion d'[A] [T] épouse [Y] ainsi que de tous occupants de son chef, après signification de la présente et après commandement d’avoir à libérer les locaux, par application des articles 61 à 66 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 et 194 à 209 du décret du 31 juillet 1992, hors des lieux situés à [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, avec l’assistance de la force publique si besoin est, ainsi qu’au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel local qu’il plaira à [K] [B] aux frais et risques de [A] [T] épouse [Y],
– rejeté la demande en résolution de la vente d'[A] [T],
– condamné à payer à [B] la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.’
Par arrêt contradictoire en date du 6 mai 2013, la cour d’appel de Basse-Terre a :
‘- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau et y ajoutant,
– jugé qu'[K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise à [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 située section ou habitation [Adresse 11] avec les ayants droits de [Z] [T], dont [A] [T],
– rejeté la demande en expulsion de [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 a située au [Localité 27], section ou habitation [Adresse 11], de [Adresse 18] [Localité 8],
– rejeté le surplus de demande,
– condamné [K] [B] à payer à [A] [T] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [K] [B] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître [Localité 26].’
Suivant assignation en date du 18 juillet 2019, [K] [MG] [U] [B], né le [Date naissance 3] 1957, fils de [K] [YN] [BS] [B] et de son épouse [OM] [CL] [TG] [XA], décédée le [Date décès 4] 1998, a formé tierce opposition à l’encontre de cet arrêt en sollicitant de voir dire que son père est seul propriétaire de la parcelle litigieuse, qu'[I] [T] épouse [Y] est occupante sans droit ni titre et ordonner son expulsion.
Par arrêt rendu le 26 mai 2021, la cour d’appel de Basse-Terre a statué comme suit :
‘Déclare irrecevable la tierce opposition formée le 18 juillet 2019 à l’encontre de l’arrêt du 6 mai 2013,
Ajoutant,
Condamne [K] [MG] [U] [B] à payer à [A] [T] une somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne [K] [MG] [U] [B] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par André LETIN, avocat du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.’
La Cour de cassation a, par arrêt du 1er juin 2023, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, statué comme suit :
‘CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France.’
Le 07 août 2023, M. [K] [MG] [U] [B] a procédé à une déclaration de saisine.
Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] a constitué avocat.
Dans des conclusions récapitulatives n° 4 en date du 03 juillet 2024, M. [K] [MG] [U] [B] demande à la cour d’appel de:
‘Rejeter des débats les attestations produites en pièces adverses n° 12,14, 15, 22,25, 30,31, 33,36, 44,64.
Juger irrecevable et mal fondée la demande de nullité de la saisine de la cour de renvoi soulevée par Mme [A] [V] [T] divorcée [Y].
Juger irrecevable et mal fondée la demande d’irrecevabilité de la tierce opposition soulevée par Mme [A] [V] [T] divorcée [Y].
Juger irrecevable et mal fondée la demande de Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] tirée de l’absence d’objet de la tierce opposition qui est fondée sur un prétendu judiciaire de M. [K] [U] [B].
Débouter Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dont ses demandes d’expertise et d’indemnisation.
Juger que M. [K] [U] [B] est recevable en sa tierce opposition formée à l’encontre de l’arrêt n° 311 rendu par la cour d’appel de Basse-Terre le 6 mai 2013.
Juger M. [K] [U] [B] bien-fondé en la tierce opposition formée à l’encontre de l’arrêt n° 311 rendu par la cour d’appel de Basse-Terre le 6 mai 2013.
En conséquence,
Juger que les dispositions de l’arrêt n° 311 du 6 mai 2013 de la cour d’appel de Basse-Terre qui précisent que :
«M. [K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise au [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 ares située section [Adresse 10] [Adresse 9] avec les ayants droits de M. [Z] [T] dont Mme [A] [T] » ;
Et qui,
« Rejette la demande en expulsion de Mme [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 ares située au [Adresse 28], de la baie du [Localité 27] ».
Portent préjudice à M. [K] [U] [B] et fraudent ses droits.
Ordonner en conséquence la rétractation des dispositions suivantes de l’arrêt n° 311 du 6 mai 2013 de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Basse-Terre qui précisent que :
M. [K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise au [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 ares située section [Adresse 11] avec les ayants droits de M. [Z] [T] dont Mme [A] [T] »
Et qui,
« rejettent la demande en expulsion de Mme [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 ares située au Moule, Section ou habitation [Adresse 11], de la baie du [Localité 27]».
Faire défense à Mme [A] [T] de se prévaloir des dispositions rétractées de l’arrêt n° 311 rendu le 6 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre à l’encontre de M. [K] [U] [B] conformément à l’arrêt à intervenir.
En conséquence,
Juger que M. [U] [B] est seul propriétaire de la parcelle acquise en 1958 d’une superficie de 2 ha 19 ares située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de la baie du [Localité 27], bornée: au nord, par la route coloniale n° 5, aujourd’hui nationale, où elle a une façade de quarante-quatre mètres ; au sud, par un chemin de pénétration de charrettes, qui la sépare des palétuviers dits de [Localité 19], touchant aux terres d’un sieur [UA] dit [W], à l’est, par une portion de la même section, appartenant aujourd’hui à Monsieur [NT] [WG], et à l’ouest, par la propriété [M] [PG], et par celle des consorts [RA], le tout, ainsi qu’il résulte d’un plan avec procès-verbal dressé par Maître [J], ingénieur arpenteur, demeurant à [Localité 22], le 7 décembre 1950, dont l’original est annexé à la minute de l’acte de dépôt ci-après visé, avec lequel il a été enregistré le 30 juillet 1958 et qui correspond à la parcelle aujourd’hui cadastrée 000 AK [Cadastre 2] au lieu-dit [Adresse 21] à [Localité 24].
En conséquence,
Juger que Madame [A] [N] est occupante sans droit ni titre dudit terrain.
Ordonner l’expulsion de Madame [A] [T] divorcée [Y] de la propriété de sise d’une superficie de 2 ha 19 ares située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de la baie du [Localité 27], bornée: au nord, par la route coloniale n° 5, aujourd’hui nationale, où elle a une façade de quarante-quatre mètres ; au sud, par un chemin de pénétration de charrettes, qui la sépare des palétuviers dits de [Localité 19], touchant aux terres d’un sieur [UA] dit [W], à l’est, par une portion de la même section, appartenant aujourd’hui à Monsieur [NT] [WG], et à l’ouest, par la propriété [M] [PG], et par celle des consorts [RA], le tout, ainsi qu’il résulte d’un plan avec procès-verbal dressé par Maître [J], ingénieur arpenteur, demeurant à [Localité 22], le 7 décembre 1950, dont l’original est annexé à la
minute de l’acte de dépôt ci-après visé, avec lequel il a été enregistré le 30 juillet 1958 et qui correspond à la parcelle aujourd’hui cadastrée 000 AK [Cadastre 2] au lieu-dit [Adresse 21] à [Localité 24] ainsi que celle de tous les occupants de son chef avec, si besoin est, l’assistance de la force publique.
Ordonner que le sort des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux soit régi par les dispositions des articles L. 433-1 à L. 433-3 et R. 433-1 à R. 433-7 du code des procédures civiles d’exécution aux frais risques et périls de Madame [A] [T] divorcée [Y] en garantie des indemnités d’occupation et condamnations prononcées à son encontre par la cour.
La cour devra également condamner Madame [T] née [Y] à payer à Monsieur [K] [U] [B] une indemnité d’occupation d’un montant de 1500 € par mois à compter de la décision à intervenir et ce jusqu’à la libération complète des lieux.
Ordonner à Madame [A] [T] divorcée [Y] de procéder à la destruction des plantations, constructions et ouvrages qu’elle a édifiés la remise en état des lieux en l’état antérieur aux frais de cette dernière, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de l’arrêt prononcé par la cour.
Condamner Mme [A] [T] à la restitution des frais perçus de l’exploitation de la parcelle 000 AK [Cadastre 2] depuis son installation en 2010.
Condamner Madame [A] [T] divorcée [Y] à payer à Monsieur [B] la somme de 25’000 € à titre de dommages intérêts en réparation du trouble de jouissance que lui et son père ont subi depuis son intrusion dans les lieux et la construction des immeubles au mépris des décisions de justice rendues.
En tout état de cause,
Condamner Madame [A] [T] divorcée [Y] à payer à Monsieur [U] [B] la somme de 15’000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux dépens dont distraction est requise pour ceux qui la concernent au profit de Maître Frédérique Gourlat-Rousseau, avocat inscrit au barreau de la Martinique, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [K] [MG] [U] [B] dit [U] [B] expose que les demandes de nullité de la déclaration de la saisine de la cour ne sont pas reprises par Mme [T] dans le dispositif de ses conclusions. Il précise que Mme [T] n’a pas saisi le conseiller de la mise en état ou bien la cour par des conclusions d’incident conformément aux dispositions de l’article 914 du code de procédure civile, alors que les exceptions de nullité des actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel et trancher, à cette occasion, toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel. Il fait valoir également que la tierce-opposition qu’il a formée est recevable, dès lors que M. [K] [YN] [BS] [B] avait la qualité d’usufruitier lorsqu’il a exercé l’action en expulsion à l’encontre de Mme [T] et que M. [K] [U] [B] avait la nue-propriété de la part reçue de sa mère. M. [K] [MG] [U] [B] ajoute qu’il ne reconnaît nullement les droits indivis de Mme [T], les termes cités dans le dispositif de ses conclusions et repris par l’intimée ne constituant pas un aveu judiciaire mais que, au contraire, il demande à la cour de juger que les droits indivis de Mme [T] lui portent préjudice et lui sont inopposables.
Par ailleurs, M. [K] [MG] [U] [B] expose que, en déduisant de l’acte du 16 juillet 1958 l’existence d’un droit de propriété indivis de Mme [T], la cour d’appel de Basse-Terre a fait une inexacte appréciation des droits de M. [K] [YN] [B] qui a gravement préjudicié à ses droits, alors que Mme [A] [T] ne produit aucun document qui viendrait sérieusement remettre en cause les déclarations des cédants à l’acte notarié du 16 juillet 1958 et le fait que les cédants établissent être les seuls à disposer d’une propriété indivise sur la parcelle cédée, ce fait étant corroboré par l’attestation de Mme [KT] [D] qui est circonstanciée et digne de foi. M. [K] [MG] [U] [B] fait valoir également que, en 1986, Mme [A] [T] et sa mère n’occupaient pas la parcelle litigieuse puisqu’elles étaient domiciliées [Adresse 12], et que c’est en 2009 que Mme [T] a décidé de s’installer sur le terrain propriété de M. [K] [YN] [B] et de M. [K] [MG] [U] [B], engageant des travaux pour raccorder sa future habitation au réseau de distribution d’eau. Il prétend que les attestations produites par Mme [T] ne respectent pas les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et sont vagues, l’intimée ayant demandé à ses amis et relations de dire qu’elle habitait à l’Oranger à [Localité 23] depuis de nombreuses années, ce qui désigne un lieu-dit relativement vaste composé de plus d’une centaine de parcelles cadastrales, ne peut permettre à la cour de déterminer le moindre droit de propriété. M. [K] [MG] [U] [B] ajoute qu’aucune contestation n’a jamais été élevée à l’encontre du droit de propriété sur la parcelle 000 AK [Cadastre 2] des consorts [B] par voie d’action depuis 1958, de sorte que Mme [A] [T] ne peut plus revendiquer aucun droit sur cette propriété, le conflit qui a opposé M. [K] [YN] [B] à Mme [A] [T] étant survenu dans les années 2010, alors que la prescription a été définitivement acquise dès 1968 en application de l’article 2272 du code civil.
Enfin, M. [K] [MG] [U] [B] expose que Mme [A] [T] ne peut demander à la cour de renvoi de statuer à nouveau sur les dispositions de l’arrêt du 6 mai 2013 qui lui ont reconnu des droits indivis, l’arrêt du 6 mai 1013 étant définitif à son égard, de sorte qu’elle ne peut que solliciter de la cour de renvoi le rejet de la tierce-opposition et n’est pas recevable à présenter d’autres prétentions que celles tendant à faire écarter celles du tiers reposant. Il fait valoir également que, à supposer même que Mme [T] dispose de droits indivis, ce qui n’est d’évidence pas démontrée par son action par les documents qu’elle a produits, cette dernière ne pourrait revendiquer une quote-part de droits supérieurs à 1/6ème alors qu’elle entend s’approprier l’entier terrain. M. [K] [MG] [U] [B] ajoute que, ne supportant aucun impôt foncier ou taxe d’occupation relatif à cette parcelle, étant inconnue du centre des impôts fonciers de [Localité 29] et ayant mentionné dans ses écritures lors des instances précédentes l’ayant opposée à M. [K] [YN] [B] en 2010 et 2013 être domiciliée [Adresse 25] [Localité 27], il est clairement démontré que Mme [A] [T] n’habitait pas le terrain qu’elle revendique aujourd’hui avant l’année 2010.
Dans des conclusions en date du 21 mai 2024,Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] demande à la cour d’appel de :
‘- Rejeter la tierce opposition ;
– Vu l’absence de caractère probant et la fausseté de l’attestation produite au nom de Madame [E] [KT] ;
– Vu la tardiveté de la production de la dite attestation et des mentions y contenues ;
– Vu l’absence de possession ou en tout cas de jouissance du terrain Monsieur [B] ;
– Vu l’absence de prescription le concernant ;
– Vu l’absence de pièces justificatives tendant à la reconnaissance d’un quelconque droit au profit de Monsieur [B] ;
– Rejeter l’ensemble des moyens, fins et conclusions de Monsieur [B] [K] [MG] [U] et de Monsieur [B] [K] [BS], tendant à voir dire et juger qu’il serait seul propriétaire de la parcelle de terre litigieuse et de voir ordonner l’expulsion de la concluante ;
– Dire en tout cas, son action non fondée ;
– Vu la jurisprudence constante des cours d’appel et de cassation ;
– Rejeter la prescription soulevée par Messieurs [B] comme irrecevable et en tout cas non fondée ;
– Vu les articles 712 et suivants, 2258, 2261, 2272 du code civil ;
– Vu les pièces produites aux débats ;
– Vu l’ensemble des attestations circonstanciées émanant de la concluante, des photos des maisons en bois remontant à 1950 et
1960 ;
– Dire, constater et juger que Madame [A] [V] [T] est propriétaire de la parcelle de terre concernée pour avoir prescrit par usucapion à raison d’une possession trentenaire, continue, non interrompue, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire de la parcelle de terre située lieudit [Adresse 15], [Localité 23] ;
– Rejeter la demande d’expulsion lancée à son encontre ;
– Les condamner au paiement de la somme de 18 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Lucien ALEXANDRINE ;
– A titre subsidiaire, au cas où la cour ne ferait pas droit aux moyens soulevés par Madame [T], et ordonnerait l’expulsion, condamner Monsieur [B] au paiement de la somme de 900 000 €, à titre d’indemnité, outre 150 000 € au titre du préjudice moral ;
En tant que de besoin,
– Ordonner une expertise judiciaire pour fixer le montant de la dite indemnité portant sur la valeur du bien, avec pour mission de :
* convoquer les parties sur les lieux du litige, les entendre en leurs explications,
* se faire remettre tous les documents de la cause,
* faire une visite et une description du bien immobilier sur lequel est établie la maison (terrain + maison) situé [Adresse 16],
* évaluer la valeur actuelle du bien immobilier,
* faire toutes observations utiles à la résolution du litige,
* dire que l’expert peut s’adjoindre d’initiative, si besoin est, un technicien dans une autre spécialité que la sienne, dont le rapport sera joint au rapport (articles 278 et 282 du code de procédure civile) et/ou se faire assister par une personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité (article 278-1),
* Dire que l’expert devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise une prorogation de ce délai si celui-ci s’avère insuffisant ;
* Dire que l’expert devra déposer rapport de ses opérations au greffe de la cour d’appel de Fort de France dans un délai de TROIS mois, à compter du jour où il aura été avisé de la réalisation de la consignation sauf prorogation du délai dûment sollicitée en temps utile auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises ;
*Dire que l’expert devra procéder personnellement à ses opérations mais qu’il pourra recueillir l’avis d’un autre technicien d’une spécialité distincte de la sienne ;
Dire qu’en cas de difficulté, l’expert saisira le Président qui aura ordonné l’expertise ou le juge chargé du contrôle des expertises désigné pour surveiller les opérations d’expertises.’
Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] expose que, dans la déclaration de saisine, les chefs de réformation ne sont pas précisés, dès lors que M. [B] a sollicité que soit confirmé purement et simplement le jugement rendu le 5 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, et alors que dans ses conclusions notifiées par RPVA le 6 octobre 2023, M. [B] a demandé à ce que soit infirmé l’arrêt rendu le 6 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre en toutes ses dispositions. Elle fait valoir également que, lorsque M. [K] [U] [B] avait saisi la cour d’appel de Basse-Terre par assignation en date du 18 juillet 2019 il ne pouvait en aucun cas agir en lieu et place de son père, lequel était vivant pour
être décédé le [Date décès 1] 2021. Elle indique que l’arrêt rendu le 6 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre a été régulièrement signifié à M. [B] qui ne s’est pas pourvu en cassation, l’arrêt étant à son égard définitif, de sorte qu’il ne peut être demandé à la cour d’appel de renvoi d’infirmer l’arrêt du 6 mai 2013. Mme [A] [V] [T] ajoute que la cour n’est pas valablement saisie et que, à aucun moment, dans ses écritures, l’appelant ne demande qu’il soit statué de nouveau ni ne sollicite l’annulation ou en tout cas la rétractation de l’arrêt de la cour d’appel du 6 mai 2013. Elle précise que M. [K] [MG] [U] [B], héritier, continuateur de la personne de sa mère défunte, n’a pas plus de droit que cette dernière qui n’aurait pu former opposition aux décisions rendues à l’encontre de son époux ayant agi dans les limites de ses prérogatives, de sorte que la tierce opposition sera déclarée irrecevable.
Par ailleurs, Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] expose que l’appelant est dans l’incapacité de prouver que son père a occupé la parcelle litigieuse, alors que, contrairement à ce qu’indique le tiers opposant, elle a bien occupé la parcelle de terre avec sa mère, depuis sa tendre enfance, ce qui est acquis de manière définitive. Elle prétend que M. [K] [U] [B] admet aujourd’hui que l’intimée dispose bien de droits indivis dans la parcelle de terre concernée, ce qui constitue un aveu judiciaire, reconnaissant ainsi la validité de l’arrêt du 06 mai 2013, de sorte qu’il ne peut plus prétendre être seul propriétaire de la parcelle acquise en 1958. Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] précise que la cour d’appel a reconnu à M. [GZ] [BS] [B] la qualité de propriétaire indivis mais qu’elle revendique la propriété du bien pour avoir prescrit par usucapion. Elle fait valoir également que l’attestation émanant de Mme [KT] [D] au terme de laquelle est indiquée M. [GZ] [YN] [B] se serait toujours comporté en qualité de propriétaire, une attestation tardive et de pure complaisance, laquelle aurait été établie par M. [B] lui-même, lequel ne peut confectionner une prestation une preuve à soi-même. Elle ajoute que M. [B] n’a jamais été sur place, n’a jamais été éleveur de bovins et n’a jamais eu aucun contact avec la terre, de sorte qu’il ne rapporte pas la preuve d’une possession paisible, publique et non interrompue.
Enfin, Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] expose qu’elle démontre à travers pas moins de 35 attestations qu’elle est en possession de façon paisible, publique et non interrompue et à titre de propriétaire. Elle précise que, bien qu’étant présumée défenderesse en possession alors que le demandeur en revendication doit prouver son droit de propriété, elle rapporte la preuve par l’existence d’actes matériels de possession qu’elle est bien propriétaire d’une partie de la parcelle, et ce depuis plus de 30 ans, aucune contestation n’ayant été élevée par les consorts [B]. Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] valoir également que M. [B] n’a jamais été en
mesure, lors de la procédure dont était saisie la cour d’appel de Basse-Terre en quoi consistaient les actes de possession utile pour prescrire et que, devant la cour d’appel de Fort-de-France, il présente une attestation irrégulière tant en la forme qu’au fond. Elle ajoute que, au-delà des attestations faisant état des cultures vivrières sur le terrain de la case devenue vétuste, remplacée par une autre case, elle produit le permis de construire établi le 23 novembre 2010, auquel sont joints un plan de situation, de masse, en de morcellement, ainsi qu’une attestation de conformité et une demande de raccordement au réseau d’eau.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er août 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.
L’affaire a été plaidée le 27 septembre 2024. La décision a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.
Par note en délibéré en date du 18 octobre 2024, la cour a informé les parties qu’il ne résulte pas des pièces de la procédure que M. [K] [YN] [DZ] [B] ait été attrait dans l’instance en tierce opposition, alors que son décès est survenu postérieurement à la clôture des débats.
La cour a relevé également que l’arrêt du 06 mai 2013 a acquis l’autorité de la chose jugée à l’égard de M. [K] [YN] [DZ] [B].
Enfin, la cour a noté que, s’il est fait droit à la tierce opposition, il sera impossible d’exécuter en même temps les deux décisions, de sorte que se pose la question de la recevabilité de la tierce opposition.
Par courrier en date du 22 octobre 2024, le conseil de Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] expose que M. [GZ] [YN] [DZ] [B] n’a pas été appelé en la cause, alors qu’il était bien vivant lors de la mise en oeuvre de la procédure de tierce-opposition. Il fait valoir également que, l’arrêt du 13 mai 2013 ayant autorité de la chose jugée à l’égard de M. [K] [YN] [DZ] [B], la tierce-opposition est irrecevable.
Par courrier en date du 30 octobre 2024, le conseil de M. [K] [MG] [U] [B] expose que l’arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d’appel de Basse-Terre a été cassé le 1er juin 2023 en toutes ses dispositions par la Cour de cassation et que M. [U] [B] est de manière incontestable et incontestée l’unique héritier de son père M. [K] [YN] [DZ] [B] en sa qualité d’enfant unique. Il fait valoir également que, pour autant qu’une fin
de non-recevoir puisse être évoquée faute pour M. [K] [U] [B] d’avoir appelé de son vivant M. [K] [YN] [B] à la procédure, il y a lieu de considérer que cette fin de non-recevoir a disparu puisque M. [K] [H] [B] est le continuateur de la personne de son père décédé et qu’il le représente à l’instance. Il ajoute que le principe de la relativité des effets de la décision rendue sur tierce-opposition connaît exception en cas d’indivisibilité du jugement, si bien que la décision que la cour d’appel rendrait en faisant droit aux demandes de M. [K] [U] [B] produirait effet à l’égard de l’ensemble des autres parties au motif du caractère absolu et exclusif du droit de propriété.
MOTIFS
Sur la déclaration de saisine.
Force est de constater que, dans ses dernières conclusions, l’intimée, défenderesse à la tierce-opposition, n’a formé aucune prétention en ce sens.
Sur la cassation partielle.
Selon l’article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres. L’article 624 précise que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui le prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Aux termes de l’article 625 alinéa 1er du code de procédure civile, sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Le dispositif de l’arrêt de cassation du 1er août 2023 est un arrêt de cassation totale annulant en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre qui a notamment déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par M. [K] [MG] [U] [B] à l’encontre de l’arrêt rendu le 06 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre.
Dès lors, la cour d’appel de renvoi doit examiner la recevabilité de la tierce-opposition avant de statuer sur le bien fondé des demandes présentées par M. [K] [MG] [U] [B].
Sur la recevabilité de la tierce-opposition.
L’article 1441 du code civil dispose que la communauté se dissout par la mort de l’un des époux.
Force est de constater que la communauté de bien ayant existé entre M. [K] [YN] [DZ] [B] et Mme [OM] [XA] son épouse s’est dissoute au jour de son décès survenu le [Date décès 4] 1998, de sorte que, en saisissant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre par acte d’huissier en date du 23 mars 2009, M. [K] [YN] [DZ] [B] a agi, à tort, en qualité de propriétaire, alors que, n’étant plus administrateur des biens communs, il ne pouvait introduire son action qu’en qualité d’usufruitier.
Aux termes de l’article 583, alinéa 1er, du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque.
Il est de jurisprudence constante que que la communauté d’intérêts ne suffit pas à caractériser la représentation et que le nu-propriétaire n’est pas nécessairement représenté par un usufruitier (arrêt Cour de cassation, 2e Civ., 2 décembre 2010, pourvoi n° 09-68.094).
S’il n’est pas contesté que, de par les rapports de coïndivisaires que M. [U] [B] entretenait avec son père, M. [K] [B], il existait entre eux une communauté d’intérêts, il résulte de l’exposé des motifs et du dispositif du jugement rendu le 05 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre et de l’arrêt rendu le 06 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre que le nom de M. [U] [B], en sa qualité de nu-propriétaire, n’est pas mentionné et qu’il n’est pas précisé tant en première instance qu’en cause d’appel que M. [K] [YN] [DZ] [B] avait uniquement la qualité d’usufruitier.
La cour en déduit qu’aucun élément ne vient caractériser la représentation du nu-propriétaire par l’usufruitier.
La tierce opposition , qui n’est ouverte que contre le dispositif d’une décision et non contre ses motifs, remet en question, relativement à son auteur, les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Dans ses conclusions remises au greffe le 07 janvier 2020, M. [U] [B] a demandé à ce qu’il soit jugé qu'[K] [YN] [B] et lui-même sont les seuls propriétaires de la parcelle litigieuse, que Mme [A] [Y] est occupante sans droit ni titre et que l’arrêt du 6 mai 2013 sera réformé en toutes ses dispositions.
Dans des conclusions récapitulatives n° 4 en date du 03 juillet 2024, M. [K] [MG] [U] [B] demande notamment à la cour d’appel de juger que M. [U] [B] est seul propriétaire de la parcelle litigieuse aujourd’hui cadastrée 000 AK [Cadastre 2] au lieu-dit [Adresse 21] à Le Moule 97160 et que Mme [A] [N] est occupante sans droit ni titre dudit terrain et à ce qu’il soit ordonné l’expulsion de Mme [A] [T] divorcée [Y] de la propriété en cause.
La cour de renvoi relève que, dans son arrêt rendu le 06 mai 2013, la cour d’appel de Basse-Terre a notamment :
– jugé qu'[K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise à [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 située section ou habitation [Adresse 11] avec les ayants droits de [Z] [T], dont [A] [T],
– rejeté la demande en expulsion de [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 a située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de [Localité 20].
La cour en déduit que M. [K] [MG] [U] [B], qui n’a pas été attrait dans la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 06 mai 2013 a un intérêt légitime, actuel, direct et personnel à agir en contestation des chefs de jugement susvisés de l’arrêt qui lui font grief.
Toutefois, l’article 584 du code de procédure civile dispose que, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n’est recevable que si toutes ces parties ont été appelées à l’instance.
Il résulte des pièces de la procédure que M. [K] [YN] [DZ] [B] n’a pas été attrait dans l’instance en tierce opposition, alors que son décès est survenu postérieurement à la clôture des débats, ce qui constitue une fin de non-recevoir.
Pour autant, force est de constater que, devant la cour d’appel de renvoi, la situation donnant lieu à cette fin non-recevoir a été régularisée, M. [K] [MG] [U] [B] agissant en qualité d’unique héritier de M. [K] [YN] [DZ] [B].
En conséquence, la tierce-opposition sera déclarée recevable.
Sur le rejet des attestations n° 12, 14, 15, 22, 25, 30, 31, 33, 36, 44 et 64 produites par Mme [T].
La cour relève que le tiers opposant n’a pas précisé en quoi l’irrégularité constatée, pour chaque attestation, constituait l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public lui faisant grief.
En conséquence, M. [K] [MG] [U] [B] sera débouté de ce chef de demande.
Sur la prescription par usucapion.
Il résulte des articles 582 et 591 du code de procédure civile que la tierce opposition , qui n’est ouverte que contre le dispositif d’une décision et non contre ses motifs, remet en question, relativement à son auteur, les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Dès lors, l’effet dévolutif de la tierce opposition n’autorise pas Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] à former des demandes nouvelles.
En conséquence, Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] sera déclarée irrecevable en sa demande visant à dire, constater et juger qu’elle est propriétaire de la parcelle concernée pour avoir prescrit par usacapion.
En revanche, la cour rappelle que Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] est recevable à élever toute prétention tendant à faire écarter celles de M. [K] [MG] [U] [B].
Sur la revendication de propriété de la parcelle litigieuse.
L’article 2229 ancien, devenu l’article 2261, du code civil dispose :
Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
L’article 2272 du même code prévoit : » Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans « .
M. [K] [MG] [U] [B] expose que l’acte authentique de M. [K] [YN] [DZ] [B] en date du 16 juillet 1958 lui a permis d’acquérir la propriété immobilière par l’effet de la prescription au bout de dix années, soit le 17 juillet 1968.
Selon une jurisprudence ancienne et constante, les juges apprécient souverainement les caractères de la possession.
Une possession n’est utile que si elle est véritable, impliquant le corpus et l’animus domini, et qu’elle se fait à titre de véritable propriétaire. Elle n’est exempte de vices que si elle n’est ni violente, ni clandestine, ni discontinue, ni équivoque. En droit français, le corpus est l’élément fondamental de la possession et il appartient à celui qui invoque la prescription de faire état d’actes matériels desquels on puisse déduire, de sa part, une prise de possession et l’intention d’exercer la possession conforme au droit invoqué.
C’est sur le demandeur en revendication que pèse la charge de prouver la précarité de la possession du défendeur.
La Cour de cassation exige des juges du fond qu’ils caractérisent des actes matériels de possession, l’absence de vices ne suffisant pas. Elle contrôle le fait que les actes retenus par les juges du fond sont bien des actes matériels accomplis avec l’intention de prescrire et non juridiques, et que les actes de jouissance matériels relevés sont suffisants dans leur intensité ou dans leur étendue pour établir une usucapion.
Suffisent à caractériser des actes matériels de possession :
– l’édification d’une clôture (arrêt Cour de cassation, Civ 3ème, 19 février 1992, pourvoi n°90-12.435),
– la réalisation de travaux sur le terrain (arrêt Cour de cassation, Civ 3ème, 15 février 2000, pourvoi n° 97-18. 808),
– la réalisation d’une construction et la culture du terrain (arrêt Cour de cassation, Civ 3ème 19 mai 2004, pourvoi n° 02-19.800).
En revanche l’existence d’un acte de notoriété constatant une usucapion ne peut seul établir celle-ci (arrêt Cour de cassation, Civ 3ème, 04 octobre 2000, pourvoi n° 98-11.780) ; de même que le paiement des impôts (arrêt Cour de cassation, Civ 3ème, 30 juin 1999, pourvoi n° 97-11.388).
Il résulte des pièces de la procédure et en particulier de l’exposé des motifs de l’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre du 06 mai 2013 que M. [K] [YN] [DZ] [B] prétendait être le seul propriétaire de la parcelle litigieuse, alors que Mme [A] [T] divorcée [Y] faisait valoir que l’intimé n’était propriétaire que de 1 ha 20 ares de la parcelle litigieuse sur les 2 ha 19 ares de sa contenance.
Après avoir relevé que les parties sont en accord sur le fait que la parcelle objet du litige était la propriété de M. [LM] [T] et que les ayants droits de [Z], fils de [LM] ont été omis, dont Mme [A] [T] divorcée [Y], petite-fille de [Z] [T], lors de l’établissement de l’acte du 05 août 1958, la cour d’appel de Basse-Terre a jugé que qu'[K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise à Moule d’une superficie de 2 ha 19 située section ou habitation [Adresse 10] Beauséjour avec les ayants droits de [Z] [T], dont [A] [T], ce chef de jugement ayant l’autorité de la chose jugée à l’égard de M. [K] [YN] [DZ] [B] et de Mme [A] [V] [T] divorcée [Y].
La cour rappelle également que l’autorité de la chose jugée étant limitée au dispositif des décisions, la tierce opposition n’est, dès lors, pas ouverte contre les motifs des décisions.
La cour relève que, dans les motifs de la décision du 06 mai 2013, il n’est pas évoqué d’actes de possession accomplis par M. [K] [YN] [DZ] [B] aux fins d’établir une usucapion sur la parcelle litigieuse.
Dans ces conditions, il appartient au tiers-opposant, qui revendique la propriété de la parcelle litigieuse, de démontrer que les actes de jouissance matériels accomplis par M. [K] [YN] [DZ] [B] ont été suffisants dans leur intensité ou dans leur étendue pour établir une usucapion sans que puisse lui être opposée la qualité de propriétaire indivis dont se prévaut Mme [A] [V] [T] divorcée [Y].
Il ressort de l’attestation produite par le tiers-opposant et établie le 05 janvier 2020 par Mme [KT] [D], dont M. [K] [YN] [DZ] [B] est le cousin germain et le parrain, que l’entretien de la parcelle litigieuse avait été confié, au cours de la période 1966-1975, à M. [O] [R] [X] [D], oncle de M. [K] [YN] [DZ] [B], qui s’occupait de ses boeufs et de ceux de son oncle, avait fait construire un abreuvoir et faisait pousser des ignames et patates douces qu’il récoltait. Mme [KT] [D] a précisé que, par la suite, les animaux ont été conduits sur la propriété de M. [K] [YN] [DZ] [B] située à [Adresse 13] et que le terrain est resté en friche jusqu’en 1999. Elle a indiqué également dans son attestation que, munie de l’autorisation donnée par M. [K] [YN] [DZ] [B], elle a déposé une demande de permis de construire qui lui a été accordé le 22 janvier 1999 et a commencé les travaux de construction de sa maison le 19 janvier 2000. Elle a ajouté que Mme [T] a commencé à occuper une partie de la parcelle dans les années 2010.
La cour relève que l’attestation rédigée par Mme [KT] [D] n’est pas corroborée par d’autres attestations, les seuls actes matériels de possession dont il est justifié se rapportant aux travaux de construction entrepris sur la parcelle litigieuse par Mme [KT] [D]: ainsi, il n’est pas rapporté la preuve de l’élevage de b’ufs sur la parcelle litigieuse par M. [K] [YN] [DZ] [B], qui exerçait la profession de médecin.
Il n’est pas non plus démontré que des actes matériels de possession aient été accomplis par M. [K] [YN] [DZ] [B] entre 1958 et 1966.
Par ailleurs, il est justifié par Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] d’actes matériels accomplis en 2008 sur la parcelle litigieuse, en l’occurrence l’établissement d’un devis le 11 janvier 2008 pour effectuer le branchement de l’eau potable, les travaux étant achevés le 21 janvier 2008.
Force est de constater que, avant le 22 janvier 1999, aucune des parties ne rapporte la preuve d’actes matériels de possession.
Si M. [K] [MG] [U] [B] rapporte la preuve que des actes matériels de possession ont été accomplis par Mme [KT] [D] à compter de la délivrance du permis de construire en date du 22 janvier 1999, ce qui démontre qu’à compter de cette date M. [K] [YN] [DZ] [B] s’est comporté en véritable propriétaire, cette possession a été continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque jusqu’au 11 janvier 2008, date à laquelle Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] justifie que, ayant entrepris des travaux de branchement d’eau potable, elle a occupé une partie de la parcelle litigieuse.
La cour en déduit que le délai de prescription de 10 ans, dont se prévaut M. [K] [MG] [U] [B] et dont le point de départ sera fixé au 22 janvier 1999, a été interrompu le 11 janvier 2008.
Dans ces conditions et bien que se prévalant de l’acte authentique du 05 août 1958, M. [K] [MG] [U] [B] ne peut revendiquer être seul propriétaire de la parcelle litigieuse, échouant à démontrer qu’il a prescrit la propriété de l’immeuble en cause par dix ans.
Dès lors, le tiers-opposant sera débouté de sa demande visant à juger que M. [U] [B] est seul propriétaire de la parcelle acquise en 1958 d’une superficie de 2 ha 19 ares située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de la baie du [Localité 27], bornée: au nord, par la route coloniale n° 5, aujourd’hui nationale, où elle a une façade de quarante-quatre mètres ; au sud, par un chemin de pénétration de charrettes, qui la sépare des palétuviers dits de [Localité 19], touchant aux terres d’un sieur [UA] dit [F], à l’est, par une portion de la même section, appartenant aujourd’hui à M. [NT] [WG], et à l’ouest, par la propriété [M] [JZ], et par celle des consorts [RA], le tout, ainsi qu’il résulte d’un plan avec procès-verbal dressé par Me [J], ingénieur arpenteur, demeurant à [Localité 22], le 7 décembre 1950, dont l’original est annexé à la minute de l’acte de dépôt ci-après visé, avec lequel il a été enregistré le 30 juillet 1958 et qui correspond à la parcelle aujourd’hui cadastrée 000 AK [Cadastre 2] au lieu-dit [Adresse 21] à [Localité 24].
En conséquence, la cour dit n’y avoir lieu à rétractation des dispositions de l’arrêt n° 311 du 6 mai 2013 de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Basse-Terre en ce qu’il a :
– jugé qu'[K] [P] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise à [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 située section ou habitation [Adresse 11] avec les ayants droits de [Z] [C], dont [A] [T],
– rejeté la demande en expulsion de [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 a située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de [Localité 20].
La cour en déduit que la demande de M. [K] [MG] [U] [B], visant à faire défense à Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] de se prévaloir des dispositions rétractées de l’arrêt n° 311 rendu le 6 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre à l’encontre de M. [K] [U] [B] conformément à l’arrêt à intervenir, est devenue sans objet.
Sur les autres demandes.
Au regard des éléments qui précèdent, M. [K] [MG] [U] [B] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance allégué.
Il n’y a pas lieu non plus de statuer sur les demandes présentées à titre subsidiaire par Mme [A] [V] [T] divorcée [Y].
Sur les demandes accessoires.
M. [K] [MG] [U] [B] sera débouté de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera alloué à Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sucombant, M. [K] [MG] [U] [B] sera condamné aux dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Vu l’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la Cour de cassation,
Dans les limites de sa saisine,
DÉCLARE recevable la tierce-opposition formée par M. [K] [MG] [U] [B] ;
Statuant à nouveau dans la limite de sa saisine sur renvoi après cassation,
DÉBOUTE M. [K] [MG] [U] [B] de sa demande de rejet des débats des attestations n° 12, 14, 15, 22, 25, 30, 31, 33, 36, 44 et 64 produites par Mme [A] [V] [T] divorcée
[Y] ;
DÉCLARE Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] irrecevable en sa demande visant à dire, constater et juger qu’elle
est propriétaire de la parcelle concernée pour avoir prescrit par usucapion ;
RAPPELLE que Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] est recevable à élever toute prétention tendant à faire écarter celles de M. [K] [MG] [U] [B] ;
DÉBOUTE M. [K] [MG] [U] [B] de sa demande visant à juger qu’il est seul propriétaire de la parcelle acquise en 1958 d’une superficie de 2 ha 19 ares située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de la baie du [Localité 27], bornée: au nord, par la route coloniale n° 5, aujourd’hui nationale, où elle a une façade de quarante-quatre mètres ; au sud, par un chemin de pénétration de charrettes, qui la sépare des palétuviers dits de [Localité 19], touchant aux terres d’un sieur [UA] dit [F], à l’est, par une portion de la même section, appartenant aujourd’hui à M. [NT] [WG], et à l’ouest, par la propriété [M] [PG], et par celle des consorts [RA], le tout, ainsi qu’il résulte d’un plan avec procès-verbal dressé par Me [J], ingénieur arpenteur, demeurant à [Localité 22], le 7 décembre 1950, dont l’original est annexé à la minute de l’acte de dépôt ci-après visé, avec lequel il a été enregistré le 30 juillet 1958 et qui correspond à la parcelle aujourd’hui cadastrée 000 AK [Cadastre 2] au lieu-dit [Adresse 21] à [Localité 24] ;
DIT n’y avoir lieu à rétractation des dispositions de l’arrêt n° 311 du 6 mai 2013 de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Basse-Terre en ce qu’il a :
– jugé qu'[K] [B] est propriétaire indivis de l’entière parcelle sise à [Localité 27] d’une superficie de 2 ha 19 située section ou habitation [Adresse 11] avec les ayants droits de [Z] [T], dont [A] [T],
– rejeté la demande en expulsion de [A] [T] de la parcelle d’une superficie de 2 ha 19 a située au [Localité 27], section ou habitation [L] ou Beauséjour, de la Baie du Moule ;
DIT que la demande de M. [K] [MG] [U] [B], visant à faire défense à Mme [A] [V] [T] divorcée [Y] de se prévaloir des dispositions rétractées de l’arrêt n° 311 rendu le 6 mai 2013 par la cour d’appel de Basse-Terre à l’encontre de M. [K] [U] [B] conformément à l’arrêt à intervenir, est devenue sans objet ;
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [K] [MG] [U] [B] de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] [MG] [U] [B] à payer à Mme [A] [T] divorcée [Y] la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] [MG] [U] [B] aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Lucien Alexandrine, avocat.
Signé par Mme Nathalie Ramage, présidente de chambre et Mme Béatrice Pierre-Gabriel, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
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