Cour d’appel de fort de france, 21 octobre 2022
Cour d’appel de fort de france, 21 octobre 2022
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Fort-de-France Thématique : Décès du journaliste en mission : un accident professionnel

Résumé

Le décès d’un journaliste en mission a été qualifié d’accident du travail par la Cour d’appel de Fort-de-France. En effet, alors qu’il couvrait un match de football, il a été victime d’un accident de la circulation en rentrant chez lui. La juridiction a confirmé que, même après la mission, l’accident relevait de la législation professionnelle, rejetant ainsi la qualification d’accident de trajet. La décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, reconnaissant le caractère professionnel de l’accident, a été validée, soulignant l’importance de la protection des journalistes en mission.

L’accident d’un employé (journaliste) au cours d’une mission est dans tous les cas qualifié d’accident de travail et non d’accident de trajet (Cour de cassation 2ème civile 9 mai 2018 n° 17-17912).

Dès lors qu’un journaliste reporter était en mission pour le compte de sa chaine, afin de couvrir un match de football au stade municipal, et qu’il a été victime d’un accident de la circulation mortel en regagnant son domicile, c’est à bon droit que la juridiction a validé la qualification d’accident du travail.

 
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 21 OCTOBRE 2022
 
ARRET N° 22/224
 
R.G : N° RG 20/00213 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CF7M
 
Du 21/10/2022
 
S.A. [5]
 
C/
 
CAISSE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE DE LA MARTINIQUE
 
Décision déférée à la cour : jugement du Pôle social du Tribunal Judiciaire de FORT DE FRANCE, du 29 Octobre 2020, enregistrée sous le n° 18/01173
 
APPELANTE :
 
S.A. [5] représentée par son représentant légal en exercice domicilié audit siège, Madame [X] [W], Présidente du Conseil d’Administration
 
[Adresse 1]
 
[Localité 2]
 
Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de MARTINIQUE
 
INTIMEE :
 
CAISSE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE DE LA MARTI NIQUE
 
[Adresse 8]
 
[Localité 3]
 
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 mars 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
 
— Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
 
— Madame Anne FOUSSE, Conseillère
 
— Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiler
 
GREFFIER LORS DES DEBATS :
 
Madame Rose-Colette GERMANY,
 
DEBATS : A l’audience publique du 11 mars 2022,
 
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 17 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé aux 30 septembre 2022 et 21 octobre 2022.
 
ARRET : Contradictoire
 

 
EXPOSE DU LITIGE
 
M. [S] [Z], employé à la Société [5] depuis le 22 juin 1982 en qualité de journaliste reporter, a été victime d’un accident de la circulation le 9 février 2018.
 
Une déclaration d’accident du travail a été établie le 12 février 2018, puis le 15 février 2018 par l’employeur qui l’a transmise avec des réserves motivées sur l’état de santé de son salarié à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique.
 
Par courrier du 16 avril 2018, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique a reconnu le caractère professionnel de l’accident précité.
 
Par courrier recommandé en date du 15 juin 2018, l’employeur a saisi la commission de recours amiable de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, afin de voir prononcer l’annulation de cette décision ou à défaut, de voir déclarer cette décision inopposable à son encontre.
 
Par courrier recommandé adressé le 26 novembre 2018 et reçu le 28 novembre 2018 au secrétariat-greffe, la Société [5] a formé un recours contentieux devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Martinique devenu le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France afin de, selon ses dernières conclusions soutenues à l’audience du 17 septembre 2020 et auxquelles elle s’est oralement rapportée :
 
— dire et juger que l’accident mortel dont a été victime M. [S] [Z] ne relève pas de la législation professionnelle,
 
— annuler en conséquence, la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique du 16 avril 2018 ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident mortel de la circulation de M. [S] [Z], ainsi que la décision implicite de rejet née le 7 octobre 2018 de la commission de recours amiable,
 
— déclarer inopposable à la Société [5] la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique du 16 avril 2018 ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident mortel de la circulation dont a été victime M. [S] [Z] ainsi que la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 7 octobre 2018,
 
— condamner la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
 
Par jugement du 29 octobre 2020, le Tribunal judiciaire de Fort-de-France a :
 
— reçu le recours de la Société [5] ;
 
— dit que l’accident dont a été victime M. [S] [Z] est un accident du travail,
 
— dit que la décision de prise en charge du décès de M. [S] [Z] au titre de la législation sur les risques professionnels notifiée à la Société [5] le 16 avril 2018 est opposable à l’employeur,
 
— en conséquence,
 
— débouté la Société [5] de l’intégralité de ses prétentions y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
 
La Société [5] a interjeté appel de ce jugement le 11 décembre 2020 dans les délais impartis.
 
Aux termes de ces dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2021, auxquelles elle s’est référée lors des débats, la Société [5] demande à la Cour de :
 
— infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 29 octobre 2020 en ce qu’il a débouté la Société [5] de l’intégralité de ses prétentions y compris aux dépens et frais irrépétibles,
 
— annuler en conséquence la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique en date du 16 avril 2018 ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident mortel de la circulation dont M. [S] [Z] a été la victime, ainsi que la décision implicite de rejet née le 7 octobre 2018 de la commission de recours amiable,
 
— déclarer inopposable à la Société [5], la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique du 16 avril 2018 ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident mortel de la circulation dont a été victime M. [S] [Z], ainsi que la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 7 octobre 2018,
 
— condamner la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique aux entiers dépens de l’instance.
 
Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 avril 2021 aux quelles elle s’est référée lors des débats, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique demande à la Cour de confirmer en tout point le jugement rendu le 29 octobre 2020 par le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France et de condamner la Société [5] en cause d’appel au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
En application de l’article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
 
MOTIFS
 
— Sur la qualification de l’accident dont a été victime M. [S] [Z]
 
La Société [5] conteste la qualification d’accident du travail retenue par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique pour l’accident dont M. [S] [Z] journaliste grand reporter a été victime le 9 février 2018 à 22 heures, en quittant le stade de [Localité 9] après avoir couvert le match de football où il se déroulait.
 
Elle soutient que :
 
— M. [S] [Z] avait vocation à couvrir l’actualité sportive en Martinique et exerçait ses fonctions à l’extérieur de la rédaction de Martinique première située à [Localité 4],
 
— le 9 février 2018 il s’est rendu seul via l’utilisation d’une voiturette depuis la rédaction à [Localité 4] au Stade de [Localité 9] pour couvrir l’évènement et à l’issue du stage, a de nouveau fait usage de sa voiturette,
 
— nul ne sait à ce jour s’il se rendait ou non à son domicile situé au [Localité 6] ou s’il voulait vaquer à des occupations personnelles,
 
— il est certain qu’il ne retournait pas dans les locaux de Martinique Première ni ne se dirigeait vers aucun lieu professionnel,
 
— lors de l’accident il n’était plus dans l’exercice de ses fonctions et ne se trouvait plus sous la subordination juridique de l’employeur ;
 
— l’accident n’a aucun lien avec le travail et la qualification d’accident de travail est erroné,
 
— à titre subsidiaire si la Cour considérait que l’accident doit relever de la législation professionnelle, elle devra qualifier cet accident en accident de trajet,
 
— le tribunal a conclu à tort au visa de l’arrêt de la Cour de cassation 2ème civile 9 mai 2018 n° 17-17912 dit que «l’accident d’un employé au cours d’une mission est dans tous les cas qualifié d’accident de travail et non d’accident de trajet»; cette position du tribunal détourne la portée de l’arrêt précité qui établit une présomption simple d’accident du travail et l’employeur peut rapporter la preuve que l’accident du salarié entre le lieu de sa mission et son domicile est un accident de trajet, dès lors que le salarié n’est plus soumis aux instructions de son employeur,
 
— en l’espèce, au moment de son accident de la circulation, M. [S] [Z] n’était plus soumis à l’autorité de l’employeur,
 
Cependant c’est par des motifs détaillés, appropriés que la Cour approuve que le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France a considéré que M. [S] [Z] était en mission pour le compte de la chaine [7] (groupe [5]) pour couvrir un match de football au stade municipal de [Localité 9] et qu’il a été victime d’un accident de la circulation mortel en regagnant son domicile, et a validé la qualification d’accident du travail retenue par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique et non de trajet subsidiairement invoquée par l’employeur.
 
Le jugement est confirmé sur ce point.
 
— Sur l’opposabilité de la décision de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique à la Société [5]
 
La Société [5] soutient que la décision du 16 avril 2018 ne peut lui être opposable en raison de nombreuses irrégularités l’entachant notamment :
 
— le défaut de motivation,
 
— le non respect par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique des délais impartis,
 
— l’irrégularité du courrier de consultation du dossier du 23 mars 2018,
 
— l’absence d’information de l’employeur sur l’autopsie pratiquée,
 
— le non respect du principe du contradictoire par la CGSS dans le cadre de l’enquête diligentée,
 
— le défaut de pouvoir des signataires des courriers durant la procédure.
 
* a) sur le défaut de motivation et le défaut de pouvoir des signataires des courriers durant la procédure.
 
En l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la Cour estime que le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France par des motifs pertinents qu’elle approuve a dit que ces deux premiers moyens ne sont pas des motifs d’inopposabilité.
 
En conséquence, le jugement est confirmé sur ces points.
 
* b) le non respect par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique des délais impartis,
 
La Société [5] ne fait que reprendre devant la Cour ses moyens de première instance. Or la Cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle adopte, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.
 
* c) l’irrégularité du courrier de consultation du dossier du 23 mars 2018,
 
C’est encore par des des motifs pertinents que la Cour adopte expressément que le Pôle social a rejeté cette cause d’inopposabilité.
 
* d) l’absence d’information de l’employeur sur l’autopsie pratiquée
 
La cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a dit que ce moyen d’inopposabilité était dépourvu de fondement et l’a rejeté.
 
*e) l’enquête administrative diligentée par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique ne respectant pas le principe du contradictoire,
 
C’est encore par des motifs appropriés que la Cour adopte expressément que le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France a conclu qu’au regard des informations claires et précises, il ne saurait être reproché à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique un manquement à son obligation de respect du principe du contradictoire dans le cadre de l’enquête administrative menée après l’accident mortel de M. [S] [Z].
 
PAR CES MOTIFS
 
La Cour,
 
CONFIRME par adoption de motifs le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de Fort-de-France de Fort-de -France en date du 29 octobre 2020,
 
Y ajoutant,
 
CONDAMNE la Société [5] à payer à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique la somme de 1800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
CONDAMNE la Société [5] aux dépens de l’appel.
 
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
 
LE GREFFIER LE PRESIDENT  

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