Cour d’appel de Douai, 5 avril 2018
Cour d’appel de Douai, 5 avril 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Originalité d’un logiciel : la preuve impossible ?

Résumé

Le conseil départemental de l’Eure a remporté une action en contrefaçon de logiciel, soulignant que l’absence d’originalité constitue une défense efficace. En lançant un appel d’offres pour une nouvelle solution de gestion de ses archives, le conseil a détaillé ses besoins, ce qui a conduit l’éditeur à l’accuser de divulguer des informations sensibles sur son logiciel. Cependant, pour qu’un logiciel soit protégé par le droit d’auteur, il doit démontrer un apport intellectuel et une structure individualisée. Dans ce cas, l’éditeur n’a pas réussi à prouver l’originalité de son produit, étant donné les contraintes du secteur et la nature du cahier des charges.

Action en contrefaçon

Le conseil départemental de l’Eure, poursuivi pour contrefaçon de logiciel, a obtenu gain de cause contre l’éditeur. L’absence de l’originalité d’un logiciel constitue désormais le moyen de défense le plus porteur contre une action en contrefaçon.

Appel d’offre sur un logiciel aux fonctionnalités similaires

Le conseil départemental avait conclu une licence d’utilisation du logiciel développé pour l’accès et la gestion de ses fonds d’archives. Souhaitant se doter d’une nouvelle solution globale, destinée à promouvoir son patrimoine archivistique, le conseil départemental avait lancé une procédure de marché public. Dans ce cadre, il avait détaillé ses besoins et attentes dans un cahier des clauses techniques particulières reprenant les fonctionnalités du logiciel en licence.

L’éditeur du logiciel avait alors poursuivi le conseil départemental lui reprochant d’avoir décrit, avec une extrême précision, l’architecture générale de son logiciel, la structure de ses données et de ses modes opératoires et d’avoir renseigné, ainsi, tous ses concurrents commerciaux sur son savoir-faire, tout en citant à de multiples reprises son logiciel et présentant même des captures d’écran de ce dernier.

Critères de l’absence d’originalité d’un logiciel

Pour être considéré comme original et bénéficier de la protection du droit d’auteur, un logiciel doit révéler un apport intellectuel propre et un effort personnalisé caractérisant les choix opérés par son concepteur, susceptible de l’affirmer comme une oeuvre de l’esprit. L’effort personnalisé, de l’auteur d’un logiciel, doit aller au-delà de la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante, la matérialisation de cet effort résidant dans une structure individualisée. Il  appartient donc à la partie qui invoque la protection du droit d’auteur, de rapporter la preuve des  éléments fondant le caractère original du logiciel. Les fonctionnalités d’un logiciel, même très précisément décrites, ne peuvent donner prise aux droits de propriété intellectuelle de l’éditeur.

En l’espèce, l’éditeur du logiciel appuyait essentiellement sa démonstration sur le rapport technique informatique amiable (ni daté, ni signé) d’un expert en informatique inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes. Or, ce rapport était établi de façon non contradictoire, par un expert qui n’avait pas été judiciairement désigné. De surcroît, i) le secteur des archives, contraint et codifié, ne laisse que peu de place au choix et au libre arbitre de l’auteur du logiciel, de sorte que la créativité s’en trouve forcément bridée, ii) l’éditeur avait entièrement refondu son logiciel afin que celui-ci soit conforme aux exigences apportées par une circulaire gouvernementale, ce qui apparaissait exclusif de toute originalité propre à une oeuvre de l’esprit protégeable. Enfin, le cahier des charges avait été rédigé par le conseil départemental et non l’éditeur, issu de l’expérience du conseil départemental en matière de gestion des archives.

Télécharger 

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon