Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Douai
Thématique : Se porter caution d’un film d’animation
→ RésuméSe porter caution pour un prêt bancaire engage fortement le garant, mais en cas de manquement de la banque à son obligation d’information annuelle, celle-ci perd son droit au paiement des intérêts et pénalités échus. Selon le code civil, le consentement à un cautionnement n’est valable que s’il n’est pas fondé sur une erreur substantielle. Les cautions doivent prouver une disproportion manifeste entre leur engagement et leurs ressources. La banque a une obligation de mise en garde envers les cautions non averties, mais si celles-ci sont considérées comme profanes, la banque doit démontrer qu’elles étaient conscientes des risques.
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Se porter caution, auprès d’une banque, pour la production d’un film d’animation, ne laisse que peu de possibilités de contester son engagement. Toutefois, en cas de manquement de la banque à son obligation annuelle d’information, celle-ci est déchue de son droit au paiement des intérêts échus, ainsi que des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la signature du contrat, et les paiements imputés en priorité sur le capital.
Nullité des cautionnements exclue
Aux termes des articles 1109 et 1110 du code civil, en leur
version applicable au litige, il n’y a point de consentement valable si le
consentement n’a été donné que par erreur. L’erreur n’est une cause de nullité
de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en
est l’objet. L’erreur sur la substance s’entend non seulement de celle qui
porte sur la matière même de la chose, mais aussi de celle qui a trait aux
qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté.
En l’occurrence, si les engagements de caution portaient
effectivement sur un montant supérieur à celui stipulé au prêt, il n’en demeurait
pas moins qu’ils ont été expressément acceptés par les cautions, étant observé
que le formalisme imposé par les articles L341-2 et L341-3 anciens du code de
la consommation a été parfaitement respecté.
Au surplus, les cautions ont renoncé expressément :
— au bénéfice de division prévu par l’article 2303 du code
civil, reconnaissait devoir s’acquitter des sommes dues sans pouvoir exiger que
le prêteur engage de quelconques poursuites préalables à l’encontre d’autres
personnes s’étant portées le cas échéant caution de la société (Butterfly
Animation) ;
— au bénéfice de l’article 2310 du code civil à l’égard des
organismes de caution mutuelle agissant en qualité de co-cautions, selon
lequel, en cas de pluralité de cautions, la caution qui a payé la dette a
recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion.
Les cautions ne rapportant aucune preuve d’une erreur sur la
substance de la chose ayant vicié leurs engagements de caution, elles ont été
déboutées de leur demande d’annulation des actes de cautionnement.
Question de la disproportion des cautionnements
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation,
devenu depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 l’article L 332-1 du code de la
consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de
cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de
sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins
que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui
permette de faire face à son obligation.
Selon ce texte, la proportionnalité de l’engagement de la
caution au regard de ses facultés contributives est évaluée en deux temps : au
jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, à supposer l’existence
d’une disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant
revenir à meilleure fortune.
C’est la situation financière globale de la caution,
c’est-à-dire ses ‘facultés contributives’, qui doit être appréhendée au jour de
l’engagement. L’exigence de proportionnalité impose au créancier de s’informer
sur la situation patrimoniale de la caution, c’est-à-dire l’état de ses
ressources, de son endettement, et de son patrimoine, ainsi que de sa situation
personnelle (régime matrimonial).
La disproportion s’apprécie lors de la conclusion du contrat
de cautionnement au regard du montant de l’engagement souscrit et des biens et
revenus de chaque caution, et en prenant en considération son endettement
global, y compris celui résultant d’engagements de caution.
Au sens de ce texte et de la jurisprudence subséquente, une
disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution, est
une ‘disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement
diligent’ entre les engagements de la caution et ses biens et revenus.
Le contrôle de l’établissement de crédit repose sur les
informations communiquées par les cautions sur une fiche de renseignement,
étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le débiteur. A noter que l’établissement
bancaire n’est pas tenu de vérifier, en l’absence d’anomalies apparentes,
l’exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement. La
communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge
pour les cautions de supporter les conséquences d’un comportement déloyal.
Il appartient à la caution qui entend opposer à la caisse
créancière les dispositions de l’article L. 332-1 du code de la consommation,
de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par
rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci.
C’est au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d’établir qu’au moment où il l’appelle le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation. Le caractère averti ou non du dirigeant est indifférent pour l’application de l’article L. 332-1 du code de la consommation.
En l’espèce, les cautions n’ont fait état d’aucun patrimoine
alors qu’ils avaient conclu avec le Crédit du Nord, un prêt immobilier de près
de 300000 euros. Les juges n’ont pas tenu compte de cette charge
supérieure à celle déclarée, compte tenu du principe de bonne foi auquel ils
étaient tenus.
Obligation de mise en garde de la banque
L’article 1147 du code civil dispose que le débiteur est
condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de
l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes
les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère
qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa
part. Le banquier est débiteur d’une obligation de mise en garde à l’égard de
la caution non avertie.
Le caractère averti de la caution s’évalue au regard des
aptitudes de celle-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le
risque inhérent à l’engagement et de son expérience dans les affaires, mais
aussi en fonction du niveau d’information sur la situation financière du
débiteur principal.
La banque ne peut se décharger de son obligation de mise en
garde par une clause contractuelle.
La banque, dans le cadre de son obligation de mise en garde
est soumise à une double obligation, à savoir, d’une part, attirer l’attention
de la caution sur le risque d’endettement né de l’octroi des prêts au débiteur
principal, notamment le risque de défaillance de l’emprunteur, d’autre part,
lui exposer les risques de l’opération en tenant compte de ses propres facultés
contributives.
Le banquier n’est débiteur de l’obligation de mise en garde
qu’à l’égard des cautions non averties et si l’opération envisagée comporte un
risque pour celle-ci. Celui qui se prévaut d’un manquement doit d’abord prouver
que l’opération présentait un risque.
La faute d’un établissement bancaire consistant à avoir
manqué à son obligation de mise en garde constitue une perte de chance, pour la
caution non avertie, de ne pas conclure le contrat et le préjudice résultant de
cette faute ne peut être évalué à l’intégralité des sommes engagées.
Le caractère averti de la caution s’évalue au regard des
aptitudes de celle-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le
risque inhérent à l’engagement et de son expérience dans les affaires, mais
aussi en fonction du niveau d’information sur la situation financière du
débiteur principal. Il appartient au banquier de démontrer que la caution était
avertie.
En l’espèce, les cautions ont été considérées comme des profanes
mais les deux prêts conclus consistaient
en des prêts classiques destinés à financer du matériel professionnel. Il ne
s’agissait donc pas d’opérations complexes.
Par ailleurs, aucune disproportion des cautionnements lors
des engagements souscrits n’a été retenue, et il n’était donc pas établi l’existence
d’un risque d’endettement des cautions au vu de leurs propres facultés
contributives.
Manquement de la banque à son obligation annuelle d’information
Aux termes des dispositions de l’article L.313-22 du code
monétaire et financier, les établissements de crédit ou les sociétés de
financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la
condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale,
sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à
la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et
accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de
l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.
Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de
révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est
exercée.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à
l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et
l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la
précédente information jusqu’à la date de la communication de la nouvelle
information. Les paiements effectués par le débiteur principal, sont réputés,
dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement
au règlement du principal de la dette.
Aux termes des dispositions de l’article L341-6 ancien du
code de la consommation, en sa rédaction applicable au présent litige, le
créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne
physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du
principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir
au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi
que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il
rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans
lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au
paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente
information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. L’information
donnée à la caution postérieurement à cette date ne satisfait pas aux exigences
légales. Elle est due jusqu’à l’extinction de la dette. Toutefois aucune forme
n’est imposée pour porter à la connaissance de la caution les informations
exigées. La charge de la preuve du respect de cette obligation pèse sur le
banquier.
L’information est un fait juridique qui peut être prouvée par tout moyen, le plus souvent par la production d’un document écrit. Une lettre simple est suffisante du moment qu’il est démontré que celle-ci contenait les informations exigées par la loi. En revanche, il n’incombe pas à l’établissement de crédit d’apporter la preuve que la caution a effectivement reçu l’information envoyée. En l’espèce, la banque ne justifiant pas de l’accomplissement de son obligation d’information annuelle des cautions, a été déchue de son droit aux intérêts. Télécharger la décision
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