Cour d’appel de Douai, 27 août 2023, N° RG 23/01481
Cour d’appel de Douai, 27 août 2023, N° RG 23/01481

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Rétention administrative et contrôle d’identité : analyse d’une ordonnance de la Cour d’appel de Douai

Résumé

Le 27 août 2023, la Cour d’appel de Douai a examiné l’appel de M. [S] [Z] [V], ressortissant soudanais, contre une décision de placement en rétention administrative. L’appelant, assisté de son avocate, a contesté la régularité de cette mesure, arguant de son statut de réfugié en Allemagne et de l’irrégularité de son interpellation. La cour a confirmé l’ordonnance du juge des libertés, soulignant que l’absence de moyens soulevés lors de la première instance limitait son examen. La décision a été notifiée à l’intéressé et aux parties concernées, laissant les dépens à la charge de l’État.

27 août 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
23/01481

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 23/01481 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VCKH

N° de Minute : 1487

Ordonnance du dimanche 27 août 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [S] [Z] [V]

né le 1er Janvier 1991 à [Localité 4] (SOUDAN)

de nationalité Soudanaise

Actuellement retenu au Centre de Rétention de [Localité 3]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Dalila BEN DERRADJI, avocat au barreau de DOUAI, avocate commise d’office et de M. [K] [J] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS

représenté par Maître FAUGERAS, avocat au barreau du Val de Marne

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Sylvie KARAS, Présidente de Chambre à la cour d’appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Julie KALUZNY, Greffière

DÉBATS : à l’audience publique du dimanche 27 août 2023 à 13 h 00

Les parties comparantes ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 27 août 2023 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l’aricle L 743-8 du CESEDA ;

Vu la demande de l’autorité administrative proposant que l’audience se déroule avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;

Vu l’accord du magistrat délégué ;

Vu l’ordonnance rendue le 26 août 2023 par le juge des libertés et de la détention de Boulogne sur mer prolongeant la rétention administrative de M. [S] [Z] [V] ;

Vu l’appel motivé interjeté par M. [S] [Z] [V] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 26 août 2023 ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [Z] [V], ressortissant soudanais, a fait l’objet d’une mesure de placement en rétention administrative prononcée par M. le préfet du Pas-de-Calais commencée le 24 août 2023 ainsi qu’un arrêté de remise aux autorités allemandes.

Par requête en date du 25 août 2023, M. [Z] [V] a contesté la régularité de cette décision de placement en rétention administrative.

En outre, par requête en date du 25 août 2023, M. le préfet du Pas-de-Calais a saisi le juge des libertés et de la détention de Boulogne-sur-Mer aux fins de prolongation de la mesure de rétention au delà du délai de 48 heures, pour une durée de 28 jours.

Par ordonnance du 26 août 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :

ordonné la jonction des deux procédures ;

constaté que le recours en annulation de M. [Z] [V] n’est pas soutenu ;

autorisé l’autorité administrative à retenir M. [Z] [V] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une prolongation du placement en rétention administrative d’une durée maximale de 28 jours, soit jusqu’au 23 septembre 2023.

L’intéressé a formé appel de cette ordonnance dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquables.

M. [Z] [V] n’avait développé aucun moyen devant le premier juge, que ce soit au soutien de son recours formé à l’encontre du placement en rétention qu’à l’encontre du recours de la préfecture aux fins de prolongation, son avocate ayant indiqué « ne pas pouvoir soutenir le recours de l’association qu’elle ne comprenait pas » ; il avait été simplement invoqué que M. [Z] [V] disposait de documents de voyage lui permettant de circuler en France et qu’il comptait retourner par ses propres moyens en Allemagne, pays au sein duquel il invoquait avoir le statut de réfugié.

Devant la cour, l’intéressé soulève, s’agissant de la décision de placement en rétention, qu’en vertu de l’arrêt rendu le 8 novembre 2022 par la Cour de justice de l’Union européenne sous le numéro C-704/20 le juge des libertés et de la détention aurait dû statuer sur les conditions de légalité du placement en rétention administrative même si aucun moyen n’a été soulevé à cette fin. Dans ce cadre, il soutient l’absence de nécessité de la rétention au regard de son statut de réfugié en Allemagne.

Sue la requête de la préfecture aux fins de prolongation de la mesure, il soulève le nouveau moyen suivant : le caractère irrégulier de son interpellation en ce que, d’une part, aucun élément objectif ne permet de présumer de son extranéité et, d’autre part, aucune infraction n’est caractérisée.

Lors de l’audience de ce jour, le conseil de l’étranger soulève une exception de nullité complémentaire non mentionnée dans la déclaration d’appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire pour répondre à l’exception soulevée à l’audience, il sera considéré que cette exception est irrecevable, faute d’avoir été mentionnée dans la déclaration et d’avoir fait l’objet d’une déclaration d’appel complémentaire déposée dans le délai des 24 heures du délai d’appel.

De manière surabondante et par excès de précaution, il sera rappelé qu’aucun fonctionnaire de police ne peut accéder au fichier des personnes recherchées s’il ne possède pas un identifiant personnel doublé d’un code secret spécifique, ce qui implicitement mais nécessairement sous-entend son habilitation.

Il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d’éloignement de l’étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l’étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu’à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l’administration pour l’exécution de l’expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur le moyen soulevé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention

L’obligation de soulever d’office les moyens imposée par l’arrêt de la CJUE du 8 novembre 2022 ne peut s’entendre que lorsque la juridiction est régulièrement saisie d’une instance en annulation du placement en rétention, introduite et soutenue dans les conditions de l’article 741-10 du CESEDA.

Dès lors, le conseil de M. [Z] [V] ayant expressément renoncé à soutenir le recours de celui-ci devant le juge des libertés et de la détention, la juridiction d’appel ne saurait être considérée comme saisie de l’ensemble des prétentions ayant pour l’objet l’annulation de l’arrêté préfectoral de placement en rétention.

Il s’ensuit que ce moyen sera écarté.

Sur le moyen soulevé à l’encontre de la requête en prolongation

Il ressort des dispositions des articles 78-2, 78-2-2 du code de procédure pénale et des articles L.812-1 et L.812-2 du CESEDA que les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire agissant sous les ordres de ceux ci peuvent procéder à un contrôle d’identité ou de titre dés lors notamment qu’une des conditions alternatives ci dessous mentionnées est caractérisée :

‘ Il existe une des causes visées par l’alinéa 1er du dit article 78-2 du code de procédure pénale

‘ Le contrôle est effectué dans les limites spatiales et temporelles des réquisitions du procureur de la République (78-2 ou 78-2-2)

‘ Il existe un risque caractérisé d’atteinte à l’ordre public, la sécurité des biens et des personnes

‘ Le contrôle s’effectue dans une zone de 20 km en deçà des frontières des États Schengen ou dans un rayon de 10 km autour des ports et aéroports constituant un point de passage frontalier

‘ Des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger.

Sur la base et dans les limites de ces réquisitions, l’article 78-2 al 6 du code de procédure pénale autorise les agents de la force publique à contrôler l’identité de toute personne sans justifier d’un élément visible et objectif à l’origine du contrôle.

Les critères ciblés prescrits dans les réquisitions pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière limités dans le temps et l’espace suffisent à garantir le caractère non systématique des opérations.

La seule présence de l’appelant dans un lieu et dans une période de temps visés par le procureur de la République dans ses réquisitions, suffit pour qu’il soit invité à justifier de son identité par tout moyen.

L’article 78-2-2 du code de procédure pénale n’exige pas que, pour prendre ses réquisitions le procureur de la République démontre l’existence d’indices de commission ou de risque de commission des infractions visées par le dit article ou un risque d’atteinte à l’ordre public.

(Cass civ 2ème 19 février 2004 n° 03-50.025)

La compatibilité de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale avec le principe de liberté d’aller et de venir impose que le juge judiciaire puisse, à la lecture des réquisitions du procureur de la République, déterminer les éléments permettant de faire le lien entre les lieux choisis pour les contrôles d’identité et les infractions visées dans les réquisitions.

Ce lien peut être fait par le juge judiciaire au moyen des réquisitions elles-mêmes ou de tout autre élément objectif de la procédure.

En l’espèce, il ressort de la lecture du procès-verbal de saisine des services de la police aux frontières que M. [Z] [V] a fait l’objet d’un contrôle d’identité le 23 août à 16 heures [Adresse 1] sur la commune de [Localité 2] dans le cadre d’une mission d’opération en application des réquisition du procureur de la république de Boulogne-sur-Mer du même jour leur demandant de bien vouloir faire procéder en application des dispositions de l’article 78-2 du code de procédure pénale à des contrôles d’identité. Les réquisitions précitées figurant au dossier mentionnent que cette opération sur la commune de [Localité 2] et celle de [U] devait avoir lieu de 7 heures à 17 heures, ce qui a été le cas.

Dans ces conditions, le contrôle identité de M. [Z] [V] ayant été effectué par les services de police dans les circonstances de temps et de lieux mentionnées dans les réquisitions précitées, le moyen soulevé sera écarté, aucun élément d’extranéité ou infraction n’étant imposé.

Il s’ensuit que l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur la notification de la décision à M. [S] [Z] [V]

En application de l’article R. 743-19 al 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l’étranger et à son conseil, s’il en a un, ainsi qu’à l’autorité qui a prononcé la rétention.

Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.

En l’absence de M. [S] [Z] [V] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d’un interprète.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONSTATE l’irrecevabilité de l’exception de nullité soulevée à l’audience ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise ;

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [S] [Z] [V] par l’intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d’un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l’autorité administrative ;

LAISSE les dépens à la charge de l’État.

Julie KALUZNY, Greffière

Sylvie KARAS, Présidente de Chambre

A l’attention du centre de rétention, le dimanche 27 août 2023

Bien vouloir procéder à la notification de l’ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l’interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [K] [J]

Le greffier

N° RG 23/01481 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VCKH

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 27 Août 2023 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l’intéressé au greffe de la cour d’appel de Douai par courriel – libertes.ca-douai@justice.fr) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

– M. [S] [Z] [V]

– par truchement téléphonique d’un interprète en tant que de besoin

– nom de l’interprète (à renseigner) :

– décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [S] [Z] [V] le dimanche 27 août 2023

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Dalila BEN DERRADJI le dimanche 27 août 2023

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général

– copie au

Le greffier, le dimanche 27 août 2023

N° RG 23/01481 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VCKH

 


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