Cour d’appel de Douai, 23 décembre 2022, N° RG 22/02298
Cour d’appel de Douai, 23 décembre 2022, N° RG 22/02298

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Rétention administrative et appel : analyse de la décision de la Cour d’appel de Douai

Résumé

Le 23 décembre 2022, la Cour d’appel de Douai a examiné l’appel de M. [F] [O], ressortissant congolais, contre sa rétention administrative. L’appelant contestait la régularité de son placement, arguant d’un défaut de loyauté lors de son interpellation et d’une erreur d’appréciation quant au risque de fuite. La cour a jugé que la convocation reçue par M. [F] [O] l’informait clairement des conséquences possibles, rendant son placement en rétention non déloyal. De plus, son refus d’embarquer pour la Croatie a été interprété comme un risque de fuite, justifiant ainsi la décision de maintien en rétention.

23 décembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/02298

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/02298 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UU34

N° de Minute :

Ordonnance du vendredi 23 décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [F] [O]

né le 19 Octobre 1988 à [Localité 1] – RDC

de nationalité Congolaise

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Maxence DENIS, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d’office et de Mme [P] [Z] interprète assermenté en langue lingualla, tout au long de la procédure devant la cour

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Frédéric BURNIER, conseiller à la cour d’appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l’audience publique du vendredi 23 décembre 2022 à 13 h 00

les parties ayant été avisée que la décison serait rendue à l’issue de l’audience et communiquée au centre de rétention de [Localité 2] pour notification

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe, le vendredi 23 décembre 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance rendue le 20 décembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [F] [O] ;

Vu l’appel interjeté par M. [F] [O] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 22 décembre 2022sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative  ;

Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [O], né le 19 octobre 1988 à [Localité 1], ressortissant congolais a fait l’objet d’un arrêté d’une décision de remise aux autorités croates, au visa du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, en date du 11 août 2022.

.

Par décision administrative du 19 décembre 2022, il a été placé en rétention administrative.

Par requête du 19 décembre 2022, M. [F] [O] a contesté la régularité de la décision de placement en détention.

Le lendemain, l’autorité administrative a sollicité la prolongation judiciaire de la mesure de rétention administrative.

Par ordonnance du 21 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a déclaré régulier le placement en détention de M. [F] [O] et a ordonné sa prolongation.

Au titre des moyens soutenus en appel M. [F] [O] soulève le caractère déloyal de son interpellation et une erreur d’appréciation quant au risque de fuite.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appel de M. [F] [O] ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Sur le moyen tiré du défaut de loyauté

Il ressort des pièces versées au dossier que, par courrier daté du 2 décembre 2022, la préfecture du Nord a convoqué M. [F] [O] à se présenter en ses locaux le 19 décembre suivant. Cette convocation, sous le titre ‘Demande d’asile – Procédure Dublin’, porte les mentions suivantes : ‘J’appelle votre attention sur le fait qu’au cours de l’instruction de votre demande d’asile peuvent vous être notifiés un arrêté portant transfert auprès des autorités responsables de l’examen de votre demande d’asile et/ou un arrêté d’assignation à résidence et/ou un arrêté de placement en centre de rétention administrative. Vous pourrez également faire l’objet d’une reconduite à la frontière. Il vous sera également délivré un laissez-passer et vos titres de transport.

(…) J’appelle votre attention sur le fait que vous devez obligatoirement vous présenter, avec votre famille au complet (adultes et enfants concernés) et vos effets personnels.

En cas d’absence à cette convocation, vous pouvez être déclaré en fuite. Dans ces circonstances, le versement de l’allocation pour demandeur d’asile ainsi que vos droits de demandeur d’asile (retrait de l’attestation de demandeur d’asile et du droit au logement) peuvent être suspendus ; il sera mis fin à votre demande d’asile en France et vous serez inscrit au fichier des personnes recherchées et considéré comme étranger en situation irrégulière en France’.

M. [F] [O] était informé de l’arrêté du 11 août 2022(qui lui a été notifié le jour-même) portant transfert du demandeur d’asile aux autorités croates responsables de l’examen de sa demande d’asile.

Il était donc en capacité de comprendre que la convocation du 2 décembre 2022 s’inscrivait dans ce cadre.

Il s’ensuit que le placement en rétention administrative de l’appelant alors qu’il venait de répondre à cette convocation des services préfectoraux n’apparaît pas déloyal, dans la mesure où, notamment, cette convocation faisait état d’un éventuel placement en centre de rétention administrative.

Le moyen tiré du défaut de loyauté ne saurait donc prospérer.

Sur le moyen tiré de l’erreur d’appréciation quant au risque de fuite

Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l’article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :

1) Lorsque, de manière générale, l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l’application du titre d’éloignement dans les cas prévus par l’article L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

2) Lorsque, dans le cas spécifique d’un étranger faisant l’objet d’une prise ou d’une reprise en charge par un autre pays de l’Union Européenne selon la procédure dite ‘DUBLIN III’, il existe ‘un risque non négligeable de fuite’ tel que défini par l’article L 751-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.

3) Lorsque, s’agissant d’un étranger qui a déposé une demande d’asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale.

En refusant d’embarquer sur le vol qui avait été réservé le 20 décembre 2022 pour assurer son transfert vers la Croatie, M. [F] [O] a explicitement manifesté son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert.

Nonobstant le fait que M. [F] [O] ait répondu à la convocation, ce refus suffit à caractériser un risque non négligeable de fuite, rendant la restriction de liberté proportionnée audit risque, conformément aux dispositions de l’article L.751-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La décision de placement en rétention administrative apparaît dès lors fondée.

Sur la notification de la décision à M. [F] [O]

En application de l’article R. 743-19 al 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l’étranger et à son conseil, s’il en a un, ainsi qu’à l’autorité qui a prononcé la rétention.

Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.

En l’absence de M. [F] [O] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d’un interprète.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l’appel recevable ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative ;

LAISSE les dépens à la charge de l’Etat.

Véronique THÉRY,

greffière

Frédéric BURNIER,

conseiller

N° RG 22/02298 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UU34

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 23 Décembre 2022 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le vendredi 23 décembre 2022 :

– M. [F] [O]

– l’interprète

– l’avocat de M. [F] [O]

– l’avocat de M. LE PREFET DU NORD

– décision notifiée à M. [F] [O] le vendredi 23 décembre 2022

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Maxence DENIS le vendredi 23 décembre 2022

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie à l’escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le vendredi 23 décembre 2022

N° RG 22/02298 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UU34

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon