Cour d’appel de Chambéry, 31 décembre 2024, RG n° 21/02443
Cour d’appel de Chambéry, 31 décembre 2024, RG n° 21/02443

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Chambéry

Thématique : Garantie d’assurance et désordres de construction : enjeux de responsabilité et d’indemnisation

Résumé

Clôture de l’instruction et audience

Une ordonnance du 2 septembre 2024 a marqué la clôture de l’instruction de la procédure, suivie d’une audience qui s’est tenue le 8 octobre 2024.

Contexte de l’affaire

Le Sitom des [Adresse 8], en tant que maître d’ouvrage, a construit une usine d’incinération à Chedde 74, assurée par la société Axa France Iard. Après la réception de l’ouvrage en octobre 1995, un désordre a été constaté sur un pilier en 2000. Axa conteste la nature décennale du désordre et invoque un défaut d’exploitation imputable au Sitom.

Nature de la garantie dommage

La police d’assurance souscrite par le Sitom inclut des garanties dommage et responsabilité décennale. La garantie dommage couvre les travaux de réparation des dommages, même en cas de vice du sol, et est soumise à des plafonds spécifiques. L’assureur doit prouver l’existence d’un cas d’exclusion pour ne pas indemniser.

Existence d’un désordre de nature décennale

L’ouvrage, capable de traiter 56 000 tonnes de déchets par an, présente un pilier déformé, essentiel à la structure métallique supportant les ponts roulants. Les expertises concluent que cette déformation constitue un désordre de nature décennale, rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

Nullité du rapport d’expertise

Axa conteste la validité du rapport d’expertise judiciaire, mais la cour rejette cette demande, considérant que les critiques formulées ne démontrent pas de vice de forme. Les expertises ont été menées de manière contradictoire et ont pris en compte les observations des parties.

Causes du désordre

Axa soutient que le désordre est dû à l’accumulation de déchets contre le pilier. Cependant, les expertises judiciaires identifient plusieurs causes, dont des malfaçons et une conception insuffisante de la structure, rendant la responsabilité de l’exploitant non exclusive.

Montant des indemnités allouées

Axa conteste le montant des indemnités, arguant qu’elle n’a pas commis de faute. Le Sitom évalue son préjudice matériel et immatériel à des montants significatifs. La cour confirme les montants alloués par le premier juge, en précisant que les ponts roulants sont inclus dans la couverture d’assurance.

Responsabilité contractuelle d’Axa

La cour établit qu’Axa a manqué à ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas les réparations nécessaires, justifiant ainsi la mise en jeu de sa responsabilité. Le Sitom est indemnisé pour le préjudice immatériel subi en raison de ce manquement.

Mesures accessoires

Axa, ayant succombé, est condamnée aux dépens d’appel et à verser une indemnité procédurale au Sitom. La cour confirme le jugement en toutes ses dispositions, y compris le montant des indemnités et les intérêts à compter de l’assignation.

HP/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 31 Décemebre 2024

N° RG 21/02443 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G34N

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 03 Décembre 2021

Appelante

Société AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats plaidants au barreau de CHAMBERY

Intimées

G.I.E. CETEN APAVE, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par Me Marie luce BALME de la SELARL MLB AVOCATS, avocat au barreau de CHAMBERY

SYNDICAT INTERCOMMUNAL SITOM DES [Adresse 8], dont le siège social est situé ‘Les [Adresse 7]

Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELARL LEVANTI, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

S.P.A. SOCIETA GENERALE DI PARTECIPAZIONI – SOGEPA

dont le siège social est situé [Adresse 9] – ITALIE

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat au barreau de CHAMBERY

Société ENTREPRISE GENERALE ECM

dont le siège social est situé [Adresse 4]

Société NALDEO (BETURE ENVIRONNEMENT)

dont le siège social est situé [Adresse 2]

Sans avocats constitués

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Date de l’ordonnance de clôture : 02 Septembre 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 octobre 2024

Date de mise à disposition : 31 Décembre 2024

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Composition de la cour :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Le syndicat intercommunal Sitom des [Adresse 8] (ci-après désigné le Sitom des [Adresse 8]), propriétaire d’une usine d’incinération dédiée au traitement des déchets sur la commune de [Localité 6], dont les travaux de construction étaient réceptionnés le 27 mars 1997 à effet au 1er octobre 1995, a déclaré à la société Axa Courtage (désormais la société Axa France Iard) , assureur dommages ouvrages et responsabilité décennale, un sinistre lié à la déformation d’un pilier support d’un portique métallique sur lequel était installé un pont roulant d’un chariot élévateur.

Une expertise a été ordonnée en référé et l’expert désigné, M. [C], a déposé son rapport le 15 février 2005.

Par acte d’huissier du 6 avril 2016, le Sitom des [Adresse 8] a assigné la société Axa Courtage devant le tribunal de grande instance de Bonneville notamment aux fins d’être indemnisé et celle-ci a appelé en cause et en garantie la société Itisa-Ansaldo-Volund (Beture Environnement), la société ECM [Localité 5] et la société Cepen Apave. La société SOGEPA a été également en la cause.

Après de nombreuses procédures judiciaires au stade de la mise en état, par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal de grande instance de Bonneville, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :

– Rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire ;

– Dit que les désordres présentés par l’usine d’incinération de [Localité 6] à la fin de l’année 2000 étaient de nature décennale ;

– Dit que la société Axa Courtage devenue la société Axa France Iard avait commis une faute en refusant de préfinancer la réfection des désordres ;

– Dit que la société Axa France Iard devait réparer l’intégralité des préjudices subis par le Sitom des [Adresse 8], et ce sans plafond de garanties et exclusions ;

– Condamné la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] diverses sommes en réparation de son préjudice matériel d’un montant total de 377 230,87 euros HT avec indexation et diverses sommes en réparation de son préjudice immatériel d’un montant total de 3 496 097,14 euros TTC ;

– Débouté le Sitom des [Adresse 8] de ses autres demandes ;

– Constaté que la société Axa France Iard ne formulait plus de demandes contre la société Sogepa, la société Itisa-Ansaldo-Volund, la société ECM [Localité 5] ;

– Rappelé que la juridiction n’était pas compétente pour statuer sur le recours en garantie de la société Axa France Iard contre la société Cepen Apave ;

– Condamné la société Axa France Iard aux dépens et au paiement d’indemnités procédurales.

Au visa principalement des motifs suivants :

L’expertise n’est pas nulle dès lors qu’il n’est pas démontré que le rapport d’expertise n’a pas respecté le principe du contradictoire, que l’expert n’a pas rempli personnellement sa mission et un manquement à l’article 276 du code de procédure civile ;

La garantie dommages prévue par le contrat police unique par chantier est une garantie de préfinancement liée à la démonstration de l’existence de désordres de nature décennale et à l’absence d’une cause étrangère et d’un dommage provenant pour partie d’une exclusion de garantie, en l’occurrence un usage anormal des locaux ;

La construction est ensemble formant un tout qui, par sa conception, son ampleur et l’emprunt de ses éléments à la construction immobilière, constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil ;

Les désordres rendent l’ouvrage impropre à sa destination et relèvent de la garantie décennale et l’assureur Axa France Iard qui doit sa garantie dommages-ouvrage.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel du 17 décembre 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 28 décembre 2022, la conseillère de la mise en état a :

– Constaté le désistement de la société Axa France Iard de l’instance engagée en appel contre la société Cepen Apave, la société Sogepa, la société Naldéo et la société ECM [Localité 5] ;

– Dit qu’en conséquence, la cour est dessaisie de l’appel formé par la société Axa France Iard à l’encontre de la société Cepen Apave, la société Sogepa, la société Naldéo et la société ECM [Localité 5] ;

– Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Cepen Apave une indemnité procédurale de 1 000 euros ;

– Condamné la société Axa France Iard aux dépens du présent incident.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 8 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France Iard sollicite l’infirmation de la décision et demande à la cour de :

À titre subsidiaire,

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;

– Annuler le rapport d’expertise judiciaire de M. [C] ;

– Débouter le Sitom des [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

À titre plus subsidiaire,

Sur les préjudices matériels,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) en ce qu’il a débouté le Sitom des [Adresse 8] de ses réclamations dénommées « Études et maîtrise d »uvre pour réparations » pour 57 695 euros H.T., sur la réclamation relative aux dépenses préalables aux travaux pour vidage de la fosse, à hauteur de 181 316,50 euros H.T, et sur les réclamations dénommées « Étude pour diagnostic charpentes » à hauteur de 70 417 euros H.T ;

Pour le surplus,

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;

– Débouter le Sitom des [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Sur les préjudices immatériels,

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 (RG 18/01417) ;

– Limiter sa condamnation envers le Sitom des [Adresse 8] au plafond de garantie contractuel, et ainsi la contrepartie en euros de la somme de 2 000 000 Frs, soit 304 414 euros en principal, outre intérêts de droit au taux légal du 1er septembre 2007 au 28 février 2022, pour un montant total de 51 510,86 euros, soit au total en principal et intérêts la somme de 355 924,86 euros ;

En toute hypothèse,

– Rejeter toute demande formée en voie d’appel à titre d’appel incident par le Sitom des [Adresse 8] ;

– Condamner le Sitom des [Adresse 8] à lui verser une somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner le Sitom des [Adresse 8] en tous les dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire, de première Instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Grimaud, avocat, en exécution des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 17 juin 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le Sitom des [Adresse 8] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 3 décembre 2021 en ce qu’il a :

– rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise de M. [C],

– dit que les désordres présentés par l’usine d’incinération de [Localité 6] à partir de la fin de l’année 2000 sont de nature décennale,

– dit que la société Axa France Iard a commis une faute en refusant de préfinancer la réfection de ces désordres, alors que le contrat dommages-ouvrage souscrit par le Sitom des [Adresse 8], auprès de la société Axa France Iard venant aux droits de la société Axa Courtage venant, elle-même aux droits de la société UAP, était applicable,

– dit que ladite société devra réparer l’intégralité des préjudices subis par le Sitom des [Adresse 8], et ce, sans plafond de garanties ni exclusion, s’agissant de la mise en ‘uvre de la responsabilité contractuelle,

– constaté que la société Axa France ne formule plus aucune demande de condamnation à l’encontre des sociétés Sogepa, Naldeo et Entreprise Générale ECM et déclaré le présent jugement opposable auxdites sociétés,

– rappelé que la présente juridiction est incompétente pour statuer sur l’appel en garantie formé par la société Ceten Apave, comme l’a jugé la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 30 juin 2014 ;

– Infirmer le jugement rendu en première instance pour le surplus et,

Statuant de nouveau,

– Condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 699 350,22 euros au titre du préjudice matériel ;

– Dire que ces sommes devront être indexées sur la base de l’indice du coût de la construction en vigueur lors de l’estimation expertale et revalorisées selon l’indice en vigueur au jour du paiement des condamnations à intervenir ;

– Condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 5 436 580 euros au titre du préjudice immatériel, outre intérêts à taux légal à compter de l’assignation ;

– Condamner la société Axa France Iard à verser à l’intimé la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais des expertises, ainsi que ceux de première instance, avec application pour ceux d’appel, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bollonjeon, avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

Une ordonnance du 2 septembre 2024 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 8 octobre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la condamnation de la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] la somme de 3 496 097,14 euros TTC (plafond de garantie pour les préjudices immatériels et dommages-intérêts pour le surplus) produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation soit le 6 avril 2006,

Condamne la société Axa France Iard aux dépens d’appel,

Déboute la société Axa France Iard de sa demande d’indemnité procédurale,

Condamne la société Axa France Iard à payer au Sitom des [Adresse 8] une indemnité procédurale de 20 000 euros en cause d’appel.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 31 Décembre 2024

à

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY

la SELARL MLB AVOCATS

la SELARL BOLLONJEON

Me FILLARD

Copie exécutoire délivrée le 31 Décembre 2024

à

la SELARL BOLLONJEON

 


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