Cour d’appel de Chambéry, 16 janvier 2025, RG n° 24/01087
Cour d’appel de Chambéry, 16 janvier 2025, RG n° 24/01087

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Chambéry

Thématique : Radiation pour non-exécution d’une décision provisoire

Résumé

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l’article 524 du code de procédure civile, le premier président ou le conseiller de la mise en état peut ordonner la radiation d’une affaire en cas d’appel, si l’appelant ne prouve pas avoir exécuté la décision contestée ou effectué la consignation requise. Cette demande doit être faite dans un délai précis, sous peine d’irrecevabilité. La radiation suspend les délais impartis à l’intimé, mais ne suspend pas ceux de l’appelant.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, le jugement contesté a été assorti d’une exécution provisoire et a été signifié aux appelants le 16 juillet 2024. La SCI les Gentianes a demandé la radiation de l’affaire dans le délai imparti, rendant ainsi sa demande recevable. Les appelants ont tenté de faire suspendre l’exécution provisoire, mais cette demande ne relève pas de la compétence du conseiller de la mise en état.

Arguments des appelants

M. et Mme [B] ne contestent pas leur non-exécution de la décision qui leur ordonne de libérer les lieux. Ils évoquent des difficultés de relogement et contestent le motif du congé pour vendre. Cependant, ils n’apportent pas de preuves suffisantes concernant leur recherche de logement ou leur situation financière.

Analyse de la situation

Le congé a été délivré le 30 mars 2023, offrant aux appelants près de deux ans pour trouver un nouveau logement, sans justifications de démarches infructueuses. De plus, la SCI les Gentianes a démontré que les appelants ne payaient pas régulièrement l’indemnité d’occupation, sans prouver qu’ils ne pouvaient pas s’acquitter de ces sommes.

Décision finale

La décision ordonne la radiation de l’affaire, avec possibilité de réinscription sur justification d’un commencement d’exécution de la décision contestée. Aucune équité ne justifie l’application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur d’une des parties. Les époux [B] sont condamnés aux dépens de l’incident.

N° Minute : 2C25/030

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

du 16 Janvier 2025

N° RG 24/01087 – N° Portalis DBVY-V-B7I-HRKN

Appelants

M. [I] [B]

né le 03 Janvier 1988 à [Localité 3],

et

Mme [M] [S] épouse [B]

née le 03 Février 1989 à [Localité 5] (MAROC),

demeurant ensemble [Adresse 2]

Représentés par Me Corentine VERON DELOR, avocat au barreau de BONNEVILLE

contre

Intimée

S.C.I. LES GENTIANES, dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP CHANTELOT XAVIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de BONNEVILLE

*

Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d’appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante le 16 Janvier 2025 après examen de l’affaire à notre audience du 12 Décembre 2024 et mise en délibéré :

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2017, [N] [E] [O], alors usufruitier, a donné en location à M. [I] [B] et Mme [M] [F], son épouse, un appartement situé à [Adresse 4].

A la suite du décès de l’usufruitier le 1er février 2023, la SCI les Gentianes, nue-propriétaire et devenue pleine propriétaire, a fait délivrer aux locataires un congé pour vendre par acte du 30 mars 2023, avec effet au 30 septembre 2023.

A la date d’effet du congé les locataires n’ont pas quitté les lieux. C’est dans ces conditions que la SCI les Gentianes a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville aux fins d’expulsion des preneurs.

M. et Mme [B] ont comparu en contestant la validité du congé qui leur a été délivré.

Par jugement contradictoire rendu le 3 juillet 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville a :

constaté que M. et Mme [B] sont déchus de leur titre d’occupation portant sur le logement situé [Adresse 2], depuis le 30 septembre 2023,

en conséquence, ordonné à M. et Mme [B] de libérer les lieux de leur personne, de leurs biens et de tous occupants de leur chef, dans le délai de huit jours à compter de la décision,

dit que faite par M. et Mme [B] de s’exécuter volontairement, il pourra être procédé à leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique,

débouté M. et Mme [B] de leur demande de délais pou quitter les lieux et sursis à l’expulsion,

condamné M. et Mme [B] à payer à la SCI les Gentianes la somme de 700 euros au titre du loyer et de la provision sur charges due pour le mois de février 2023,

condamné M. et Mme [B] à payer à la SCI les Gentianes une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au loyer et charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, soit la somme de 700 euros, à compter du 1er octobre 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux,

débouté la SCI les Gentianes de sa demande de revalorisation de l’indemnité d’occupation,

débouté la SCI les Gentianes de sa demande de dommages et intérêts,

condamné M. et Mme [B] à payer à la SCI les Gentianes la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. et Mme [B] aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût de l’assignation, mais pas celui du congé délivré le 30 mars 2023.

Ce jugement a été signifié à M. et Mme [B] par actes délivrés le 16 juillet 2024. Ils en ont interjeté appel par déclaration du 26 juillet 2024.

La SCI les Gentianes a constitué avocat devant la cour le 6 août 2024.

Les appelants ont conclu au fond le 25 octobre 2024.

Par conclusions notifiées le 6 septembre 2024, la SCI les Gentianes a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, faute pour M. et Mme [B] d’avoir exécuté le jugement déféré. Elle sollicite la condamnation des appelants à lui payer la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 10 décembre 2024, M. et Mme [B] demandent au conseiller de la mise en état de :

constater que l’exécution du jugement déféré entraînerait pour eux des conséquences manifestement excessives,

en conséquence, d’arrêter l’exécution provisoire du jugement,

et de débouter la SCI les Gentianes de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’incident a été retenu à l’audience du 12 décembre 2024 et mis en délibéré au 16 janvier 2025. Malgré un rappel par message électronique du 8 janvier 2025, le conseil des appelants n’a pas déposé les pièces figurant au bordereau annexé aux conclusions devant le conseiller de la mise en état. Il est donc statué sans ces pièces.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.

La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire.

La demande de radiation suspend les délais impartis à l’intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.

Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.

La décision de radiation n’emporte pas suspension des délais impartis à l’appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l’examen des appels principaux et incidents ou provoqués.

Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s’il constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sur justification de l’exécution de la décision attaquée.

En l’espèce, le jugement déféré est assorti de droit de l’exécution provisoire conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, il a été signifié aux appelants le 16 juillet 2024, et la demande de radiation a été faite par la SCI les Gentianes dans le délai dont elle disposait pour conclure. La demande est donc recevable.

Les appelants sollicitent l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré. Toutefois, l’arrêt de l’exécution provisoire relève des seuls pouvoirs du premier président de la cour d’appel, saisi en référé, dans les conditions prévues par l’article 514-3 du code de procédure civile, et non de ceux du conseiller de la mise en état. Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette demande.

Par ailleurs, les moyens sérieux de réformation ne font pas partie des critères permettant de s’opposer à la demande de radiation, le conseiller de la mise en état devant exclusivement examiner si l’exécution de la décision déférée est impossible pour les appelants ou entraînerait pour eux des conséquences manifestement excessives. Il leur appartient d’en rapporter la preuve.

M. et Mme [B] ne contestent pas n’avoir pas exécuté la décision déférée qui a leur a ordonné de libérer les lieux. Ils prétendent avoir des difficultés pour se reloger et contestent la réalité du motif du congé pour vendre validé par le premier juge.

Toutefois, force est de constater qu’ils ne justifient pas d’une autre demande de logement social que celle visée par le jugement déféré datée de février 2024, sans autre recherche véritable, étant souligné qu’ils ne produisent aucun élément sur leur situation financière qui permettrait de vérifier s’ils sont effectivement en difficultés pour obtenir un logement dans le secteur privé.

Le congé litigieux a été délivré aux appelants le 30 mars 2023, de sorte qu’ils ont disposé de près de deux ans à ce jour pour rechercher un nouveau logement, sans justifier de démarches effectives et infructueuses. Ils ne démontrent donc pas être dans l’impossibilité d’exécuter la décision déférée comme ils le prétendent.

De surcroît il résulte des pièces produites par la SCI les Gentianes que l’indemnité d’occupation fixée par le jugement n’est pas payée régulièrement par les appelants, et que l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas été payée. Les époux [B] ne justifient pas être dans l’impossibilité de payer ces sommes, ni que ce paiement aurait pour eux des conséquences manifestement excessives.

En conséquence il convient d’ordonner la radiation de l’affaire, la réinscription pouvant être sollicitée, sous réserve de la péremption, sur justification à tout le moins d’un commencement d’exécution de la décision déférée.

Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties.

M. et Mme [B] supporteront les dépens éventuels de l’incident.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon