Cour d’appel de caen, 19 décembre 2023, n° RG 23/01072
Cour d’appel de caen, 19 décembre 2023, n° RG 23/01072

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Résumé

L’affaire oppose la S.A.R.L. The Stallion Company (TSC) à la S.A.S. Groupe France Elevage (GFE) concernant la propriété des semences d’étalon, notamment celles de Kannan. Après l’acquisition de 70% de Kannan par GFE en 2009, des saisies conservatoires ont été ordonnées en 2020 sur des paillettes de semence détenues par TSC, en raison d’une créance de 305.000 euros. Le tribunal de commerce a débouté TSC, qui a interjeté appel. En janvier 2023, TSC a demandé la mainlevée des saisies, mais le juge a renvoyé l’affaire au tribunal de commerce de Laval, entraînant un nouvel appel de TSC.

AFFAIRE : N° RG 23/01072 –

N° Portalis DBVC-V-B7H-HGNX

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Juge de l’exécution de LISIEUX du 20 Avril 2023 – RG n° 23/00092

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2023

APPELANTE :

La S.A.R.L. THE STALLION COMPANY

N° SIRET : 494 075 781

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La S.A.S. GROUPE FRANCE ELEVAGE

N° SIRET : 444 738 561

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me Patrick EVENO, avocat au barreau de VANNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l’audience publique du 24 octobre 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 19 Décembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE

La société à responsabilité limitée (Sarl) The Stallion Company (ci-après dénommée société TSC) exerce une activité de diffusion de semences d’étalon et plus généralement, effectue toute opération concernant la production et la commercialisation de chevaux.

La société par actions simplifiée (Sas) Groupe France Elevage (la société GFE) exerce une activité d’achat, vente et courtage de produits et services se rapportant à l’élevage de chevaux ainsi qu’à leur reproduction.

Le 21 juillet 2009, la société GFE a acquis pour la somme de 280.000 euros HT 70% de la pleine propriété d’un cheval nommé Kannan auprès de la société TSC qui en a conservé 30%.

Le 2 juillet 2019, les deux sociétés ont signé un contrat de clôture de la copropriété de Kannan aux termes duquel la société GFE est devenue l’unique propriétaire du cheval.

Ce contrat autorisait également la société TSC à vendre la semence de l’étalon Kannan se trouvant en sa possession aux mêmes conditions que la société GFE, mais uniquement dans les pays suivants : Angleterre, Irlande, USA, Afrique du Sud et Nouvelle-Zélande. En cas de manquement à cette règle, le contrat stipulait que la totalité du chiffre d’affaires réalisé dans des pays non contractuellement autorisés devait être reversée à l’autre partie.

Par ordonnance du 22 avril 2020, le président du tribunal de commerce de Laval a autorisé la société Groupe France Elevage à procéder à la saisie conservatoire de 400 paillettes de semence congelée de l’étalon Kannan détenues dans les locaux de la société Equitechnic située à [Localité 7] (14) et de 332 paillettes de semence congelée du même étalon détenues dans les locaux de la société TSC situés à [Localité 4] ce, pour garantir une créance à son profit d’un montant évalué à 305.000 euros au préjudice de la société The Stallion Company.

Par ordonnance du 20 mai 2020, le président du tribunal de commerce de Laval a autorisé la société Groupe France Elevage à procéder à la saisie conservatoire de 236 paillettes de semence congelée de l’étalon Kannan détenues dans les locaux de la société Equitechnic pour garantir une créance à son profit d’un montant évalué à 305.000 euros au préjudice de la société The Stallion Company.

La société Groupe France Elevage a procédé à trois saisies conservatoires les 12,14 et 28 mai 2020.

Par acte du 2 juin 2020, la société GFE a assigné la société TSC devant le tribunal de commerce de Caen en paiement de dommages et intérêts pour les ventes non-autorisées de semences des étalons Gemini, Herald et Contendro, ainsi que pour la vente à l’unité et en dehors de son ressort contractuel des paillettes de semence congelée de l’étalon Kannan.

Par jugement contradictoire du 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Caen a :

– débouté la société TSC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamné la société TSC à fournir à la société GFE l’intégralité de ses factures de vente et ce, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, passé un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement ;

– condamné la société TSC à payer à la société GFE la somme de 270.200 euros pour les ventes non autorisées de la semence de Kannan, somme à compléter ou à parfaire ;

– débouté la société GFE de ses autres demandes ayant trait à Kannan ;

– condamné la société TSC à payer à la société GFE les sommes de :

*1.265 euros pour les ventes non autorisées de la semence de Gemini, somme à compléter ou à parfaire ;

*11.385 euros pour les ventes non autorisées de la semence de Contendro, somme à compléter ou à parfaire ;

*1.265 euros pour les ventes non autorisées de la semence de Herald, somme à compléter ou à parfaire ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– condamné la société TSC à payer à la société GFE la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné la société TSC aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 65,93 euros, dont TVA 10,99 euros.

Par déclaration du 9 février 2021, la société TSC a relevé appel de ce jugement.

Le 12 mars 2021, des mesures d’exécution du jugement du 6 janvier 2021 ont été entreprises par la société GFE :

– une saisie-attribution pratiquée le 12 mars 2021 entre les mains de la Banque Crédit Agricole Mayenne [Localité 6] à Mayenne, pour le paiement de la somme de 294.660,60 euros, dénoncée à la société TSC le 15 mars 2021 ;

– un procès-verbal d’indisponibilité de certificats d’immatriculation concernant quatre véhicules, signifié le 12 mars 2021 au préfet de la Mayenne et le 17 mars 2021 à la société TSC.

Par acte d’huissier du 7 avril 2021, la société TSC a fait assigner la société GFE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Laval, en contestation de ces mesures d’exécution.

Par arrêt du 4 octobre 2022, la cour d’appel d’Angers a infirmé le jugement rendu par le juge de l’exécution de Laval le 5 juillet 2021, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de délais de paiement, et statuant à nouveau et y ajoutant, a principalement dit que la saisie-attribution du 12 mars 2021 sera cantonnée à la somme de 7.732,57 euros et ordonné la mainlevée du procès-verbal d’indisponibilité des véhicules signifié le 12 mars 2021 au Préfet de la Mayenne et le 17 mars 2021 à la société The Stallion Company.

Par arrêt du 8 septembre 2022, la cour d’appel de Caen a principalement infirmé le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce de Caen le 6 janvier 2021 des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qu’il a débouté la société TSC de sa demande tendant à l’irrecevabilité des demandes de la société GFE et de sa demande reconventionnelle de livraison de 634 paillettes de Kannan. Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées, elle a en particulier débouté la société GFE de ses demandes relatives à la commercialisation de la semence de Kannan ainsi que de celles relatives à la commercialisation des semences de Gemini et de Herald III.

Pour confirmer le rejet de la demande présentée par la société TSC de remise de 634 paillettes de semence de Kannan, tel que décidé par le tribunal, la cour a rappelé que :

– le contrat du 2 juillet 2019 prévoit au paragraphe C que l’acheteur remettra au vendeur 600 paillettes de Kannan fabriquées pendant la période de copropriété ;

– le paragraphe D prévoit la remise de 600 paillettes supplémentaires issues de la semence récoltée en septembre 2019 ;

– il n’est pas discuté que seules 566 paillettes ont été remises à la société TSC ;

– le 12 mai 2020 un procès-verbal de saisie-conservatoire entre les mains d’un tiers a été dressé par huissier de justice à la demande de la société GFE ;

– ont été saisies 636 paillettes de Kannan détenues par la société Equitechnic qui a déclaré détenir ces biens appartenant au débiteur à savoir la société TSC. La société Equitechnic a précisé qu’elle détenait 636 paillettes « réservées à The Station Company » ;

– cette saisie a été pratiquée en vertu d’une ordonnance du président du tribunal de commerce de Laval du 22 avril 2020 et pour garantir le paiement d’une somme principale de 305.000 euros.

Elle en a ainsi déduit que si la saisie avait été faite par la société GFE sur ces 636 paillettes c’est bien parce qu’elle considérait qu’elles sont la propriété de la société TSC de sorte que la société TSC était mal fondée à réclamer qu’il soit enjoint sous astreinte à la société GFE de lui livrer les 634 paillettes en vertu du contrat du 2 juillet 2019.

L’arrêt a été communiqué aux avocats le 16 septembre 2022 et a été signifié à la société Groupe France Elevage le 14 octobre 2022.

La société GFE a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.

Par courrier du 14 septembre 2022, la société The Stallion Company a mis en demeure la société Groupe France Elevage de procéder à la mainlevée des saisies conservatoires sur les paillettes de Kannan, cette demande ayant été réitérée par deux mails ce, en vain.

Par acte du 23 janvier 2023, la société TSC a fait assigner la société GFE devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Lisieux aux fins de voir ordonner à titre principal la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 12 et 28 mai 2020 par la société GFE entre les mains de la société Equitechnic sur les paillettes de semence de Kannan lui appartenant et qu’elle détient pour son compte. En outre, elle sollicitait des dommages et intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait du maintien des saisies conservatoires.

Par jugement du 20 avril 2023 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Lisieux :

– s’est déclaré matériellement incompétent et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le président du tribunal de commerce de Laval pour se prononcer sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires réalisées les 12 et 18 mai 2020 par Me [G] [U] à la requête de la société Groupe France Elevage entre les mains de la société par actions simplifiée (Sas) Equitechnic sur les paillettes du cheval Kannan propriété de la société The Stallion Company ;

– dit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes au fond ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– laissé les dépens à la charge de la société The Stallion Company prise en la personne de ses gérants.

Pour statuer en ce sens, le juge de l’exécution a relevé au visa de l’article R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution, que la mesure de saisie n’avait pas été préalablement autorisée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Laval, que le litige opposant les parties était de nature commerciale et avait déjà fait l’objet d’une décision du président du tribunal de commerce de Laval et qu’il convenait dès lors de faire prévaloir la compétence de ce juge pour statuer sur la demande de mainlevée.

Par déclaration du 9 mai 2023, la société TSC a formé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 19 mai 2023, le président de la chambre, sur délégation de la première présidente, a autorisé la société TSC, à assigner la société GFE à l’audience du 24 octobre2023 à 14H, ce qui a été réalisé le 1er juin 2023.

Le 7 septembre 2023, Me [K] [V], commissaire de justice associé de la Scp [K] [V] a procédé, à la requête de la société GFE, autorisée par ordonnance du 6 juillet 2023 du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Rodez, à une saisie conservatoire entre les mains de la société Equitechnic située à [Localité 7] (14) des paillettes de semence de Kannan appartenant à la société TSC, la société Equitechnic, ayant déclaré, ‘détenir 636 paillettes du cheval Kannan. Ces paillettes sont déjà sous scellés pour avoir fait l’objet de deux saisies conservatoires du 28 mai 2020 et du 12 mai 2020, à la demande de la société GFE.’

Une nouvelle saisie conservatoire a été pratiquée le 5 octobre 2023 à la requête de la société GFE entre les mains de la société Equitechnic des paillettes de semence de Kannan appartenant à la société TSC, avec cette précision apportée sur le procès-verbal de saisie conservatoire que cet acte ‘annule et remplace l’acte du 7 septembre 2023″.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2023, la société The Stallion Company demande à la cour de :

– la déclarer recevable et fondée en son appel ainsi qu’en ses entières demandes ;

– infirmer le jugement rendu le 20 avril 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux en ce qu’il :

* s’est déclaré matériellement incompétent et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le président du tribunal de commerce de Laval pour se prononcer sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires réalisées les 12 et 18 mai 2020 par Me [G] [U] à la requête de la société Groupe France Elevage entre les mains de la société Equitechnic sur les paillettes du cheval Kannan sa propriété ;

* a dit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes au fond;

* l’a déboutée de ses demandes plus amples et contraires ;

* a laissé les dépens à sa charge, prise en la personne de ses gérants ;

Statuant à nouveau,

– rejeter l’exception d’incompétence rationae materiae soulevée par la société Groupe France Elevage ;

– déclarer le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux compétent pour se prononcer sur ses demandes tendant à voir :

* ordonner la mainlevée des saisies conservatoires réalisées les 12 et 28 mai 2020 par Me [G], huissier de justice associé de la Scp Varin Laforest [G] [U], à la requête de la société Groupe France Elevage, entre les mains de la société Equitechnic, sur les paillettes du cheval Kannan, sa propriété ;

* condamner la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis du fait des saisies conservatoires et des saisies-exécution (saisies des véhicules et saisies-attribution) régularisées à la requête de la société Groupe France Elevage, de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Caen rendu le 6 janvier 2021 dont s’est prévalue la société Groupe France Elevage et du comportement fautif de cette dernière dans le cadre des mesures d’exécution pratiquées ;

* à titre subsidiaire, condamner la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 230.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de commercialiser les paillettes de Kannan du fait des saisies conservatoires réalisées sur les paillettes du cheval Kannan et des préjudices qu’elle a subis du fait des saisies-exécutions (saisies des véhicules et saisies-attributions) régularisées à la requête de la société Groupe France Elevage, de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Caen rendu le 6 janvier 2021 dont s’est prévalue la société Groupe France Elevage et du comportement fautif de cette dernière dans le cadre des mesures d’exécution pratiquées ;

Statuant au fond en vertu de l’effet dévolutif de l’appel ou, le cas échéant, après avoir fait usage de son pouvoir d’évocation,

– ordonner la mainlevée des saisies conservatoires réalisées les 12 et 28 mai 2020 par Me [G], huissier de justice associé de la Scp Varin Laforest [G] [U], à la requête de la société Groupe France Elevage, entre les mains de la société Equitechnic, sur les paillettes du cheval Kannan sa propriété ;

– ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 septembre 2023 par Me [K] [V], commissaire de justice associé de la Scp [K] [V], agissant à la requête de la société GFE, entre les mains de la société Equitechnic, sur les paillettes de semence du cheval de Kannan lui appartenant ;

– ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 5 octobre 2023 par Me [K] [V], commissaire de justice associé de la Scp [K] [V], agissant à la requête de la société GFE, entre les mains de la société Equitechnic, sur les paillettes de semence du cheval de Kannan lui appartenant ;

– condamner la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subis du fait des saisies-conservatoires et des saisies-exécutions (saisies des véhicules et saisies-attributions) régularisées à la requête de la société Groupe France Elevage, de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Caen rendu le 6 janvier 2021 dont s’est prévalue la société Groupe France Elevage et du comportement fautif de cette dernière dans le cadre des mesures d’exécution pratiquées ;

A titre subsidiaire,

– condamner la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 230.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de commercialiser les paillettes de Kannan du fait des saisies-conservatoires réalisées sur ces paillettes et des préjudices qu’elle a subis du fait des saisies-exécutions (saisies des véhicules et saisies-attributions) régularisées à la requête de la société Groupe France Elevage, de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Caen rendu le 6 janvier 2021 dont s’est prévalue la société Groupe France Elevage et du comportement fautif de cette dernière dans le cadre des mesures d’exécution pratiquées ;

En tout état de cause,

– rejeter la société Groupe France Elevage de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

– condamner en sus la société Groupe France Elevage à lui payer la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

– condamner la société Groupe France Elevage aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

A titre subsidiaire, pour l’hypothèse où le jugement rendu le 20 avril 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux serait confirmé en ce qu’il s’est ‘déclaré matériellement incompétent et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le président du tribunal de commerce de Laval pour se prononcer sur la demande de mainlevée des saisies-conservatoires réalisées les 12 et 18 mai 2020 par Me [G] [U] à la requête de la société Groupe France Elevage entre les mains de la société Equitechnic sur les paillettes du cheval Kannan sa propriété’,

– réformer la décision entreprise pour le surplus en ce qu’elle :

* a dit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes au fond;

* l’a déboutée de ses demandes plus amples et contraires ;

* a laissé les dépens à sa charge ;

– surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires qu’elle a présentées jusqu’au prononcé de la décision qui sera rendue par le président du tribunal de commerce de Laval ‘sur la demande de mainlevée des saisies-conservatoires réalisées les 12 et 18 mai 2020 par Me [G] [U] à la requête de la société Groupe France Elevage entre les mains de la société Equitechnic sur les paillettes du cheval Kannan sa propriété’;

– réserver les dépens.

Au soutien de son appel, la société TSC fait valoir qu’en application des articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, L. 121-2 et R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution est seul compétent pour connaître de sa demande principale de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 12 et 28 mai 2020, nonobstant leur autorisation délivrée par le président du tribunal de commerce de Laval par ordonnances des 22 avril et 20 mai 2020.

Elle prétend en effet que sa demande de mainlevée n’a pas été présentée ‘avant tout procès’ ainsi que l’exige l’article R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution.

De surcroît, elle affirme que sa demande ne porte pas sur les conditions de l’autorisation donnée ni sur leur respect des articles R.511-1 à R.511-8, de sorte que les règles de compétence résultant des articles R.512-1 et R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution ne sauraient recevoir application.

Ainsi, rappelant que ce n’est pas l’irrégularité des conditions d’autorisation des saisies-conservatoires pratiquées qui fonde la demande de mainlevée mais bien leur maintien injustifié et abusif, elle considère que c’est à tort que le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent au visa de l’article R.512-2 précité.

Par ailleurs, la société TSC prétend que sa demande de dommages et intérêts relevait de la compétence exclusive du juge de l’exécution de sorte que celui-ci ne pouvait la débouter de ‘ses demandes plus amples et contraires’ ni dire ‘qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes au fond’, mais devait incontestablement surseoir à statuer sur cette demande dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Par conclusions du 23 octobre 2023, la SAS Groupe France Elevage demande à la cour de confirmer le jugement en soutenant que seul le président du tribunal de commerce de Laval demeure compétent pour statuer sur cette demande en mainlevée des mesures conservatoires pratiquées les 12 et 28 mai 2020 et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

– débouter la TSC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

– condamner la société TSC à communiquer sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans les quinze jours de la décision à intervenir l’intégralité des factures de vente des paillettes de semence congelée de Kannan émises du 1er janvier 2021 à ce jour :

* par la société TSC France ;

* ainsi que par toute autre société détenue ou gérée par M. [E] [B] ;

* par l’intégralité des agences des sociétés TSC France et TSC Ireland ;

– surseoir à statuer dans l’attente de la production des pièces susvisées ;

A titre plus subsidiaire :

– renvoyer les parties devant la cour d’appel d’Angers ;

– débouter la société TSC du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

– rejeter les entières demandes de la société TSC ;

– condamner la société TSC à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société GFE sollicite la confirmation du jugement rappelant que la juridiction compétente pour statuer est par principe celle qui a autorisé la mesure, en l’occurrence, soit le juge de l’exécution soit, lorsque la créance est commerciale et s’il a ordonné la mesure comme en l’espèce, le président du tribunal de commerce.

Elle relève au surplus que les demandes de la société TSC aux fins de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 7 septembre et 5 octobre2023 sur ordonnance du juge de l’exécution de Rodez sont nouvelles donc irrecevables, la cour d’appel de céans étant au surplus matériellement incompétente pour en connaître.

Enfin, la société GFE fait valoir que le juge de l’exécution n’est pas davantage compétent pour connaître de sa demande de dommages et intérêts, laquelle ne relève pas des matières citées par l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, de sorte que le jugement sera également confirmé à ce titre.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Liminairement, il sera rappelé que la présente cour est saisie en application de l’article 83 du code de procédure civile de l’appel du jugement rendu par le juge de l’exécution statuant exclusivement sur la compétence.

– Sur la compétence du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux:

* Sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 12 et 28 mai 2020 :

Aux termes de l’article L. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution, ‘même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.’

L’article R.512-2 du même code précise que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur. Toutefois, lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.

Il résulte de ces dispositions que lorsqu’une saisie conservatoire a été pratiquée sur l’autorisation du juge, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure, quand bien même une instance au fond aurait été engagée avant la demande de mainlevée.

En l’espèce, il est constant que les saisies conservatoires des 12 et 28 mai 2020 ont été pratiquées sur autorisation du président du tribunal de commerce de Laval accordée par ordonnances des 22 avril et 20 mai 2020 et ce, avant tout procès au fond, conformément à l’article L. 511-3 du code des procédures civiles d’exécution.

En conséquence, comme l’a relevé le premier juge et ainsi que le soutient l’intimée, s’agissant de mesures conservatoires autorisées par un juge, en l’espèce, le président du tribunal de commerce de Laval, seul ce juge, en application de l’article R.512-2 code des procédures civiles d’exécution, est compétent pour connaître de la demande de mainlevée ce, même si une instance au fond avait été engagée avant la demande de mainlevée.

Si l’appelante vise l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution, ainsi que l’a relevé le premier juge, c’est l’article R.512-2 qui doit s’appliquer, puisque l’objet de la demande tend à voir ordonner la mainlevée d’une mesure conservatoire dont les conditions d’autorisation ne sont plus réunies.

C’est donc à bon droit que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux s’est déclaré incompétent au profit du président du tribunal de commerce de Laval.

*Sur la demande de dommages et intérêts pour maintien de la saisie conservatoire :

A la lecture du jugement entrepris, la société TSC sollicitait du juge de l’exécution l’octroi de dommages et intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait du maintien des saisies conservatoires.

La société TSC demande subsidiairement l’infirmation du jugement en ce qu’il a ‘dit qu’il n’y a plus lieu à statuer sur les demandes au fond et l’a déboutée de ses demandes plus amples ou contraires’, sollicitant le sursis à statuer sur ses demandes indemnitaires jusqu’au prononcé de la décision qui sera rendue par le président du tribunal de commerce de Laval sur sa demande de mainlevée des saisies conservatoires.

Aux termes de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge.

Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

En conséquence, dès lors que le président du tribunal de commerce est compétent en l’espèce pour connaître de la demande de mainlevée des saisies conservatoires qu’il a lui-même autorisées, il doit être considéré également compétent pour connaître de la demande de dommages et intérêts visant à réparer le préjudice causé par les mesures conservatoires, l’entier litige devant lui être soumis.

En définitive, l’ensemble du litige soumis à l’examen du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux relève de la compétence du président du tribunal de commerce de Laval auquel l’affaire sera renvoyée en application de l’article 86 du code de procédure civile.

Il en résulte qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 90 alinéa 2 et 3 du code de procédure civile puisque le jugement entrepris n’a pas statué sur le fond du litige.

De surcroît, la présente cour n’étant pas la juridiction d’appel de la juridiction estimée compétente pour connaître de l’affaire, il n’y a pas lieu non plus à évoquer l’affaire en application de l’article 88 du code de procédure civile.

* Sur les autres demandes :

La cour saisie de l’appel d’un jugement statuant exclusivement sur la compétence n’est pas valablement saisie des autres demandes présentées au surplus pour la première fois devant elle sans avoir été préalablement examinées en première instance ; notamment s’agissant des saisies conservatoires des 7 septembre et 5 octobre 2023.

– Sur les demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement déféré en ce que :

– il s’est déclaré matériellement incompétent et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le président du tribunal de commerce de Laval pour se prononcer sur la demande de mainlevée des saisies conservatoires réalisées les 12 et 28 mai (et non 18 mai) 2020 par Maître [G] à la requête de la société Groupe France Elevage entre les mains de la société Equitechnic sur les paillettes du cheval Kannan ;

– débouté les parties de leur demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens à la charge de la société TSC ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Dit que le litige est renvoyé à la connaissance du président du tribunal de commerce de Laval également compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts sollicitée par la société The Stallion Company en lien avec le maintien des saisies conservatoires des 12 et 28 mai 2020 ;

Rejette les autres demandes formées par les parties à l’instance en ce compris leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société The Stallion Company aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON

 


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