Cour d’appel de Caen, 17 septembre 2024, RG n° 23/01061
Cour d’appel de Caen, 17 septembre 2024, RG n° 23/01061

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Résumé

Monsieur [B] a confié vingt chevaux à Monsieur [C] pour une pension de quatre mois, mais des problèmes ont rapidement émergé. Le 15 décembre 2022, des alertes concernant l’état des clôtures et l’absence de foin ont été signalées. Un vétérinaire a dû intervenir pour Japi des Islots, souffrant de maigreur et de diarrhée. En janvier 2023, Monsieur [B] a saisi le juge des référés, demandant une expertise sur les conditions de pension. La cour a finalement ordonné une expertise judiciaire, infirmant la décision initiale et condamnant Monsieur [C] aux dépens.

Monsieur [B] a confié vingt chevaux à Monsieur [C] pour une pension du 10 septembre 2022 au 10 janvier 2023, moyennant 1.000,00 €. Le 15 décembre 2022, le conseil de Monsieur [B] a alerté Monsieur [C] sur le mauvais état des clôtures et l’absence de foin. Le 21 décembre, un vétérinaire a constaté l’état préoccupant d’un des chevaux, Japi des Islots, qui a nécessité une hospitalisation. Le 13 janvier 2023, Monsieur [B] a saisi le juge des référés pour demander une expertise sur l’état de ses chevaux, estimant que les conditions de la pension n’étaient pas respectées. Le 20 avril 2023, le juge a débouté Monsieur [B] de sa demande d’expertise, a ordonné le retrait des chevaux dans les 15 jours, et a condamné Monsieur [B] à rembourser des frais vétérinaires et à payer des sommes pour la pension. Monsieur [B] a fait appel de la décision concernant l’expertise, affirmant n’avoir récupéré que 14 chevaux, dont deux en mauvais état. Monsieur [C] a également demandé la confirmation de la décision, sauf pour sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Caen
RG n°
23/01061
AFFAIRE : N° RG 23/01061 –

N° Portalis DBVC-V-B7H-HGMV

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Président du TJ de COUTANCES du 20 Avril 2023 – RG n° 23/00011

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

APPELANT :

Monsieur [O] [B]

né le 27 Novembre 1970 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 2]

représenté par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN,

assisté de Me Aurélie ROCHEREUIL, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [W] [C]

né le 01 Août 1963 à [Localité 5]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représenté et assisté de Me Albane SADOT, avocat au barreau de COUTANCES

DÉBATS : A l’audience publique du 16 mai 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 17 Septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [B] a donné en pension à Monsieur [W] [C], vingt chevaux pour la période du 10 septembre 2022 au 10 janvier 2023, avec foin, herbe, eau à volonté et clôture à la charge du dépositaire, moyennant le règlement de la somme de 1.000,00 €.

Par lettre du 15 décembre 2022, le conseil de Monsieur [B] intervenait auprès de Monsieur [C] afin de lui rappeler les termes de la convention passée entre eux, notamment s’agissant du mauvais état des clôtures et de l’absence de foin.

Le 21 décembre 2022, le Docteur [T], vétérinaire, se rendait à la demande de l’association Pegasus sur le propriété de Monsieur [C], constatait l’état inquiétant du cheval, Japi des Islots, qui présentait maigreur et diarrhée, et lui prescrivait un traitement.

Le 23 du même mois, le cheval était amené par son propriétaire, Monsieur [B] à la clinique vétérinaire de la Sienne en l’absence d’amélioration de son état. Il était hospitalisé le jour même et mis sous perfusion. Il ressortait le 28 décembre suivant avec poursuite d’un traitement.

Par acte de commissaire de justice du 13 janvier 2023, Monsieur [B] estimant que les conditions prévues au contrat de pension (nourriture et clôture), n’étaient pas remplies, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Coutances d’une demande d’expertise, afin notamment de vérifier l’état de chacun de ses chevaux.

Par ordonnance du 20 avril 2023, le juge des référés a :

– renvoyé au principal les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront,

– débouté en l’état Monsieur [B] de sa demande d’expertise judiciaire,

– ordonné à Monsieur [B] de retirer ses chevaux des terres de Monsieur [C] dans le délai de 15 jours suivant la signification de la présente ordonnance,

– dit n’y avoir lieu à assortir ce retrait d’une astreinte,

– condamné Monsieur [B] à rembourser à Monsieur [C] la somme de 152,27 € correspondant à une facture vétérinaire réglée pour les besoins d’un cheval lui appartenant,

– condamné Monsieur [B] à verser à Monsieur [C] la somme de 1.000,00 € au titre de la pension de fait de 20 chevaux qui lui a été imposée entre le 11 janvier et le 11 avril 2023, ainsi que la somme de 500,00 € pour la période allant du 12 avril 2023 au retrait effectif des chevaux, sous condition que ce retrait se fasse dans les conditions énumérées dans le présent dispositif,

– débouté Monsieur [C] de sa demande d’indemnisation fondée sur une procédure abusive,

– rejeté les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné Monsieur [B] aux dépens de l’instance,

– rappelé que la décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 4 mai 2023, Monsieur [B] a formé appel de la décision en ce qu’elle l’a débouté de sa demande d’expertise.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 25 juillet 2023, Monsieur [B] soutient qui n’a pu récupérer que 14 chevaux sur les 20 mis en pension chez Monsieur [C], dont 2 présentaient une maigreur anormale en dehors de Japi des Islots, et il conclut à l’infirmation de l’ordonnance entreprise du chef dont appel, et sollicite l’organisation d’une expertise judiciaire.

Il conclut à sa confirmation pour le surplus, au rejet des prétentions adverses et à la condamnation de l’intimé au paiement d’une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 16 avril 2023, Monsieur [C] conclut à la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’à la condamnation de Monsieur [B] au paiement d’une somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’expertise

L’article 145 du code de procédure civile dispose :

‘ S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.’

En l’espèce, si dans le cadre de la première instance, en l’absence de preuves suffisantes quant au fait que les chevaux n’auraient été nourris que par un herbage pauvre et que la clôture censée les protéger n’aurait pas été édifiée conformément à l’accord convenu entre les parties, Monsieur [B] a été débouté de sa demande d’expertise, il établit en cause d’appel, que ce n’est plus un seul cheval, Japi des Islots qui souffrait de maigreur, mais deux autres chevaux qu’il a récupérés, le 17 mai 2023 en présence de Maître [S], commissaire de justice, ainsi que cela résulte clairement des photographies figurant au procès-verbal de constat établi le même jour.

Ceci est d’ailleurs confirmé par le Docteur Laurent [K], vétérinaire, qui indique dans un certificat établi le 23 mai 2023, que l’état de maigreur de ces deux chevaux, Ugoline des Islots et Farn des Islots, ne peut s’expliquer que par un manque de nourriture.

Monsieur [C] qui conteste le manque de soins qui lui est reproché, ne démontre pas que les chevaux de Monsieur [B], dont il avait la garde dans le cadre du contrat de dépôt, étaient contrairement à ce qu’il ressort des éléments rappelés ci-dessus, correctement entretenus et nourris, le procès-verbal de constat du 8 février 2023 qu’il produit, ne permettant pas de déterminer si les chevaux figurant sur les photographies qui y sont annexées, sont effectivement les chevaux de Monsieur [B].

La cour estime au regard de ces éléments, que ce dernier justifie d’un motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire à ses frais avancés, pour faire vérifier de manière contradictoire notamment ainsi qu’il sera précisé dans le dispositif ci-après, les conditions d’hébergement y compris s’agissant de la nourriture et de l’abreuvement de ses chevaux, ce qui lui permettra le cas échéant, d’agir ensuite au fond, sur le fondement juridique qu’il conviendra.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmé en ce qu’elle a débouté Monsieur [O] [B] de sa demande d’expertise et cette mesure sera ordonnée dans les termes et conditions du dispositif du présent arrêt.

En application des dispositions de l’article 964-2 du code de procédure civile, la mesure d’instruction se déroulera sous le contrôle du juge chargé du contrôle des expertise du tribunal judiciaire de Coutances.

Sur la demande de dommages-intérêts de Monsieur [C] pour procédure abusive

Dès lors qu’il est fait droit à la demande d’expertise judiciaire présentée par Monsieur [B], sans pour autant préjuger du fond, la procédure initiée par lui ne peut être considérée comme étant abusive.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté Monsieur [C] de sa demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de ne pas faire droit aux demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, en cause d’appel, Monsieur [C] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Coutances du 20 avril 2023 en ce qu’elle a débouté Monsieur [O] [B] de sa demande d’expertise,

LA CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder :

Docteur [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

[Courriel 6]

aux fins de :

– se faire communiquer les pièces du dossier et recueillir les observations des parties,

– identifier les équidés qui ont été confiés en dépôt à Monsieur [C] par Monsieur [B], et préciser ceux qui ont été récupérés ainsi que la date de leur restitution,

– dans l’hypothèse où certains équidés n’auraient pas été restitués, inviter les parties à en préciser la cause, et préciser la valeur de chaque équidé concerné par ce défaut de restitution,

– examiner les chevaux Japi des Islots, Ugoline des Islots et Farn des Islots, décrire leur état de santé en distinguant leur état de santé actuel, de leur état de santé au moment où ils ont été récupérés par Monsieur [B] chez Monsieur [C],

– recueillir le cas échéant les déclarations des médecins vétérinaires en charge du suivi vétérinaire de ces trois chevaux,

– décrire les conditions de vie de ces chevaux chez Monsieur [C] (hébergement, nourriture, abreuvement) en se rendant, au besoin sur place pour constater et décrire précisément les installations utilisées par Monsieur [C] et les conditions d’hébergement qu’ils proposaient aux chevaux qui lui ont été confiés en dépôt,

– à défaut de pouvoir se rendre sur place, décrire ces conditions sur pièces,

– déterminer si ces installations et conditions d’hébergement étaient adaptées à la pension des chevaux,

– déterminer le cas échéant, si les lésions, troubles, maladies, ou état de maigreur décelé chez ces trois chevaux peuvent être liés à des conditions d’hébergement,

– déterminer en particulier si l’hospitalisation de Japi des Islots ainsi que les troubles constatés chez cet équidé en décembre 2022 sont liées auxdites conditions d’hébergement,

– pour chacun des chevaux concernés par ces lésions, troubles, maladies ou état de maigreur :

* décrire précisément les troubles, leurs conséquences, les traitements éventuels, l’indisponibilité en résultant et le coût des éventuels traitements,

* dire si les lésions ou troubles sont susceptibles d’amélioration, de modifications ou d’aggravations,

* évaluer leur éventuelle dévalorisation tant au titre sportif que reproducteur,

– évaluer l’ensemble des préjudices subis par Monsieur [B],

– apporter plus généralement tous éléments susceptibles de permettre aux juges de se prononcer sur les responsabilités éventuelles encourues pour le cas où des fautes de gardiennage auraient été commises,

DIT que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport,

DIT que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, et qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu à son remplacement,

DIT que l’expertise est organisée aux frais avancés de Monsieur [O] [B] qui devra consigner à la régie du tribunal judiciaire de Coutances, avant le 31 octobre 2024, une provision de 3.000,00 € à valoir sur la rémunération de l’expert,

RAPPELLE qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque,

DIT que l’expert commencera ses opérations dès qu’il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ou le montant de la première échéance,

DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Coutances avant le 31 janvier 2025, après avoir établi un pré-rapport et recueilli au préalable les observations des parties,

RAPPELLE que l’article 173 du code de procédure civile fait obligation à l’expert d’adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles, à leur avocat,

DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Coutances pour surveiller les opérations d’expertise en application des dispositions de l’article 964-2 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [W] [C] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


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