Cour d’appel de Caen, 16 janvier 2025, RG n° 21/00455
Cour d’appel de Caen, 16 janvier 2025, RG n° 21/00455

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Thématique : Réexamen des conditions de transfert de contrat et de la rupture de relations professionnelles.

Résumé

Ordonnance du 2 juin 2022

La société Berto Ouest a été déboutée de sa demande visant à déclarer irrecevables les conclusions d’incident, tandis que M. [X] a également été débouté de sa demande de déclarer irrecevables les conclusions au fond de la société Berto Ouest.

Audience du 5 janvier 2023

L’affaire a été appelée à l’audience, où les parties ont présenté leurs arguments respectifs.

Saisine du conseil de prud’hommes

M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Caen le 25 juillet 2016, estimant que la société KDI n’avait pas respecté la clause de garantie d’emploi et qu’il devait bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi. Après une radiation en 2017, l’affaire a été réinscrite en 2019, et le conseil a débouté M. [X] de ses demandes par jugement du 31 janvier 2022.

Appel de M. [X]

M. [X] a fait appel du jugement le 24 février 2022, et l’affaire a été appelée à l’audience le 9 mars 2023.

Arrêts du 16 mars 2023

La cour a décidé de juger ensemble deux procédures pendantes, ordonnant la réouverture des débats et la jonction des affaires, en raison de leur fondement commun sur le même accord d’externalisation.

Conclusions de M. [X]

Dans ses conclusions du 17 septembre 2024, M. [X] a formulé plusieurs demandes contre la société KDI, notamment le déboutement de ses exceptions d’irrecevabilité, la requalification de la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des demandes d’indemnités. Il a également formulé des demandes contre la société Berto Ouest.

Conclusions de la société KDI

La société KDI a demandé à la cour de juger que les prétentions de M. [X] étaient irrecevables et a confirmé le jugement, sauf en ce qui concerne la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusions de la société Berto Ouest

La société Berto Ouest a également demandé la confirmation du jugement et le déboutement de M. [X] de toutes ses demandes, tout en réclamant des indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

La cour a examiné l’absence de saisine de la cour par des prétentions, l’irrecevabilité des demandes, et les demandes formées contre la société KDI, notamment concernant le transfert du contrat de travail. Elle a conclu que le contrat de travail de M. [X] n’avait pas été valablement transféré à la société Berto Ouest.

Conséquences de l’absence de transfert

M. [X] a soutenu que l’absence de transfert de son contrat a entraîné une rupture de fait, analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a jugé que cette rupture n’était pas prescrite et a alloué des indemnités à M. [X].

Décisions finales

La cour a débouté la société KDI de sa demande de non-saisine, rejeté les exceptions d’irrecevabilité, et a condamné la société KDI à verser des indemnités à M. [X]. Les demandes formées contre la société Berto Ouest ont été rejetées, confirmant ainsi le jugement initial.

AFFAIRE : N° RG 21/00455

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWAB

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 18 Janvier 2021 – RG n° 19/00613

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 16 JANVIER 2025

APPELANT :

Monsieur [P] [X]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

INTIMEES :

S.A.S.U. BERTO OUEST

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentées par Me Dalanda BEN AMMAR, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. KLOECKNER METALS FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 03 octobre 2024, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé en présence de Mme PONCET, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 16 janvier 2025 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 12 décembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Le 1er avril 1982, M. [P] [X] a été engagé par la société KDI en qualité de chauffeur poids lourds.

Par lettre du 20 décembre 2013, la société KDI l’a informé qu’elle confiait à la société Berto l’activité transport de son site à compter du 2 janvier 2014 et que dans ce cadre son contrat de travail sera transféré au sein de la société Berto à compter du 2 janvier 2014 et se poursuivra dans tous ses effets avec cette dernière société.

Un avenant au contrat de travail du 1er avril 1982 a été signé entre M. [X] et la société Berto le 1er janvier 2014.

Par lettre recommandée du 12 novembre 2015, la société Berto, après avoir rappelé que ‘notre contrat commercial avec la société KDI à [Localité 7], sur lequel il était affecté, arrive à terme au 31 janvier 2016 et ne sera plus renouvelé’, lui a proposé, en application de la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail, d’une part deux affectations chez deux clients tous deux au [Localité 8] (72), et d’autre part une affectation chez un client à [Localité 6] (61).

A la suite de son refus, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 janvier 2016 par letter du 15 décembre 2015 et a été licencié par lettre recommandée du 25 janvier 2016. La lettre visant le mise en jeu de la clause de mobilité, a considéré que le refus de mutation constitue une violation des obligations professionnelles et contractuelles.

*

Estimant que la clause de mobilité est nulle, et/ou mise en ‘uvre de manière abusive, et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, estimant également que la société n’a pas respecté la clause de garantie d’emploi, M. [X] a saisi le 2 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Caen contre la société Berto Ouest.

Par jugement rendu le 18 janvier 2021 a dit que la clause de mobilité s’appliquait au salarié, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, a rejeté les demandes reconventionnelles et condamné M. [X] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 18 février 2021, M. [X] a formé appel de cette décision.

L’affaire, appelée à l’audience du 17 mars 2022, a été défixée compte tenu de l’incident initié par M. [X] devant le conseiller de la mise en état.

Par ordonnance du 2 juin 2022, la société Berto Ouest a été déboutée de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d’incident et M. [X] a été débouté de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions au fond de la société Berto Ouest.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 janvier 2023.

*

Estimant que la société KDI n’avait pas respecté la clause de garantie d’emploi, qu’elle était encore son employeur, qu’il devait ainsi bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi qu’elle avait mis en ‘uvre, que la rupture de son contrat était sans cause réelle et sérieuse, M. [X] a saisi le 25 juillet 2016 le conseil de prud’hommes de Caen contre la société KDI.

Après radiation du 4 décembre 2017, l’affaire a été réinscrite le 2 décembre 2019 et par jugement du 31 janvier 2022, le conseil de Prud’hommes a débouté M. [X] de ses demandes.

Par déclaration au greffe du 24 février 2022, M. [X] a fait appel de ce jugement.

L’affaire a été appelée à l’audience du 9 mars 2023.

*

Par deux arrêts du 16 mars 2023, la cour, relevant que le salarié dans ces deux procédures pendantes devant la cour, se fonde sur le même accord d’externalisation et sur le transfert du même contrat, a estimé d’une bonne administration de la justice, de juger ces deux affaires ensemble, et ordonné la réouverture des débats et le renvoi à une audience de mise en état, la révocation de l’ordonnance de clôture et la jonction des deux affaires.

*

Par conclusions n°5 remises au greffe le 17 septembre 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. [X] demande à la cour de :

1) Sur les demandes formulées contre la société KDI

– débouter la société KDI de ses exceptions d’irrecevabilité ;

– réformer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société KDI de ses demandes ;

– dire son action non prescrite ;

– dire que son contrat de travail n’a pas été transféré de la société KDI vers la société Berto, à titre subsidiaire dire qu’il aurait dû être réintégré au sein des effectifs de la société KDI ;

– qualifier la fin des relations contractuelles avec la société KDI en rupture de fait et en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société KDI à lui payer les sommes de 21.614 € au titre de l’indemnité de licenciement,

celle de 4.357,32 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 435,73 € au titre des congés payés y afférents et celle de 78.431 € à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– ordonner à la société KDI de lui remettre sous astreinte les documents de fin de contrat rectifiés

– débouter la société KDI de ses demandes ;

– condamner la société KDI à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

2) Sur les demandes formulées contre la société Berto Ouest

– réformer le jugement ;

– qualifier la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Berto Ouest à lui payer la somme de 1527.60 € au titre de l’indemnité de préavis et celle de 152.76 € au titre des congés payés afférents et celle de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;

– condamner la société Berto Ouest à lui payer la somme de 136 851.42 € en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause de garantie d’emploi ;

– condamner la société Berto Ouest à lui payer la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Berto Ouest aux dépens.

Par conclusions n°4 remises au greffe le 13 septembre 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société KDI (anciennement dénommée Kloeckner Metals France) demande à la cour de :

– juger que la cour n’est pas saisie des prétentions formulées par M. [X]

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– statuant à nouveau,

– juger que les demandes de M. [X] sont irrecevables comme étant contraire au principe de loyauté des débats ;

– juger que le contrat de travail a été régulièrement a été régulièrement transféré à la société Berto Ouest ;

– débouter M. [X] de ses demandes ;

– condamner M. [X] au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°4 remises au greffe le 16 septembre 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Berto Ouest demande à la cour de :

– confirmer le jugement ;

– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [X] à lui payer à une somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute la société KDI de sa demande tendant à voir dire la cour non saisie de prétentions ;

Rejette les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la société KDI ;

Rejette la fin de non recevoir fondée sur la prescription ;

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Caen opposant M. [X] et la société KDI sauf en ce qu’il a débouté la société KDI de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le contrat de travail de M. [X] n’a pas été valablement transféré à la société Berto Ouest ;

Condamne en conséquence la société KDI à payer à M. [X] les sommes suivantes :

– 21 614 € à titre d’indemnité de licenciement ;

– 4357.32 € au titre du complément de l’indemnité de préavis outre les congés payés afférents pour 435.73 € ;

– 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que sera déduite de la condamnation à une indemnité de licenciement le montant de l’indemnité de licenciement obtenue par M. [X] de la société Berto Ouest, et qu’il appartiendra à ce titre à M. [X] de communiquer à la société KDI dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, le montant de cette indemnité ;

Ordonne à la société KDI de remettre à M. [X] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation France Travail) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d’un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai de deux mois à compter de sa signification, sans qu’il soit besoin d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Déboute M. [X] de ses demandes formées contre la société Berto Ouest ;

Confirme en conséquence le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de Caen opposant M. [X] et la société Berto Ouest ;

Condamne la société KDI à payer à M. [X] à la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les sociétés KDI et Berto Ouest de leurs demandes aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l’avis de réception de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société KDI aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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