Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Caen
→ RésuméEn décembre 2015, plusieurs parcelles de terre ont été vendues à M. [R] [Z] sous conditions suspensives. En juillet 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux a reconnu un bail en faveur de M. [R] [Z] sur certaines parcelles, tout en déboutant sa demande pour d’autres. Les consorts [M] ont été condamnés à verser des dommages-intérêts. M. [R] [Z] a interjeté appel pour élargir ses droits et augmenter les indemnités, tandis que les consorts ont contesté la décision. La cour d’appel a confirmé le bail et augmenté les dommages-intérêts à 13.500 euros, reconnaissant un préjudice économique et moral.
|
Par acte sous seing privé du 23 décembre 2015, plusieurs parcelles de terre ont été vendues à M. [R] [Z] par Mme [P] [A] veuve [M], M. [V] [M] et son épouse Mme [X] [D], avec des conditions suspensives liées à des échanges de parcelles et à la conclusion de baux ruraux. Les actes authentiques de vente et d’échange ont été réalisés en juillet 2016. M. [R] [Z] a ensuite saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Coutances, alléguant que les vendeurs n’avaient pas respecté leurs obligations, ce qui l’empêchait d’accéder aux parcelles. Le tribunal a rendu un jugement en juillet 2023, reconnaissant un bail rural en faveur de M. [R] [Z] sur certaines parcelles, tout en déboutant sa demande concernant d’autres parcelles et en condamnant les consorts [M] à verser des dommages-intérêts. M. [R] [Z] a interjeté appel, demandant la reconnaissance d’un bail sur d’autres parcelles et une augmentation des dommages-intérêts. Les consorts [M] ont également fait appel, contestant la décision du tribunal. La cour a confirmé en partie le jugement initial, augmentant le montant des dommages-intérêts à verser à M. [R] [Z].
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Caen
RG n°
23/01954
ARRÊT N°
NLG
ORIGINE : DECISION en date du 07 Juillet 2023 du Tribunal paritaire des baux ruraux de COUTANCES
RG n° 21/00012
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
BAUX RURAUX
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
APPELANT :
Monsieur [R] [W] [Z]
né le 16 Juin 1991 à [Localité 36]
[Adresse 1]
[Localité 35]
Représenté par Me Laurence MARTIN, avocat au barreau de CAEN
INTIMEES :
Madame [X] [K] [J] [D] épouse [M]
née le 20 Juin 1953 à [Localité 36]
[Adresse 23]
[Localité 37]
Madame [L] [E] [T] [M] épouse [C]
née le 05 Février 1975 à [Localité 36]
[Adresse 8]
[Localité 33]
Madame [S] [I] [B] [H] [M] épouse [U]
née le 27 Octobre 1976 à [Localité 36]
[Adresse 34]
[Localité 22]
Représentées par Me Albane SADOT, avocat au barreau de COUTANCES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 23 mai 2024
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRET prononcé publiquement le 12 septembre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* *
Par acte sous seing privé du 23 décembre 2015, Mme [P] [A] veuve [M], M. [V] [M] et son épouse Mme [X] [D] ont vendu à M. [R] [Z], jeune agriculteur désirant s’installer, plusieurs parcelles de terre situées commune d'[Localité 35] cadastrées B[Cadastre 2], B[Cadastre 3], B[Cadastre 4], B[Cadastre 5], B[Cadastre 6], B[Cadastre 7], B[Cadastre 9], B[Cadastre 10], B[Cadastre 11], B[Cadastre 12], B[Cadastre 20] et AC [Cadastre 19], d’une surface totale de 3 ha 16a 11ca.
Cette vente était notamment assortie des conditions suspensives suivantes :
– que M. et Mme [N] [Z], parents de M. [R] [Z], propriétaires de la parcelle sise à [Localité 37] cadastrée ZD [Cadastre 24], échangent avec M. [V] [M] la parcelle sise à [Localité 35] cadastrée AI [Cadastre 14], ledit partage devant intervenir avant la régularisation de la vente par acte authentique ;
– qu’un bail rural de 9 ans soit conclu par acte sous seing privé entre le vendeur et M. [R] [Z] concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique, portant sur les parcelles situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21] moyennant un loyer de 250 euros/ha ;
– qu’une promesse de bail rural de 9 ans soit conclue par acte sous seing privé entre le vendeur et le bailleur concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique portant sur les parcelles situées à [Localité 37] cadastrées ZD[Cadastre 24] (échange) , ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD [Cadastre 32] moyennant un loyer de 250 euros/ha, ledit bail devant être signé le jour de la mise à la retraite de Mme [X] [M] ;
– que le vendeur s’engage envers l’acquéreur a conclure, concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique, deux compromis de vente reçus en la forme authentique par notaire portant :
* sur les parcelles situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21], à réaliser dans les 5 ans de la signature du compromis de vente, moyennant un prix provisoire à réévaluer au jour de la régularisation par acte authentique ;
* sur les parcelles situées à [Localité 37] cadastrées ZD[Cadastre 24] (échange), ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD[Cadastre 32], à réaliser dès que le vendeur, ou ses ayants droit, le souhaiteront avec une durée maximale de 30 ans, moyennant un prix provisoire à réévaluer ;
– qu’un pacte de préférence soit conclu entre le vendeur et l’acquéreur, concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique, pour les parcelles de terre sises à [Localité 37] cadastrées ZD[Cadastre 24], ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD[Cadastre 32], d’une durée de 30 ans.
Par acte authentique des 13 et 15 juillet 2016, les parties ont réitéré la vente, objet du compromis du 23 décembre 2015.
Par acte authentique du 13 juillet 2016, l’échange de parcelles de terre est intervenu.
Par acte authentique du 13 juillet 2016, les parties ont signé une promesse synallagmatique de vente des parcelles situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21], l’acte authentique de vente devant être régularisé au plus tard dans les cinq ans. Cet acte stipule qu’en cas de réalisation de toutes les conditions suspensives, l’acquéreur aura la propriété du bien vendu à compter du jour de la régularisation de la vente par acte authentique; que l’entrée en jouissance aura lieu le même jour par la réunion sur sa tête des qualités de fermier et de propriétaire ; qu’en effet le vendeur a conclu avec l’acquéreur, ce jour, un bail rural portant sur les mêmes parcelles.
Estimant que les consorts [M] n’avaient pas respecté les obligations découlant de ces actes, l’empêchant d’entrer en possession des parcelles situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21], et qu’ils n’avaient pas régularisé de bail sur les parcelles situées à [Localité 37] cadastrées ZD[Cadastre 24] (échange), ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD[Cadastre 32], malgré plusieurs mises en demeure restées sans effet, M. [R] [Z] a, par requête du 20 décembre 2020, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Coutances, aux fins notamment de voir dire que les promesses de baux consenties par les consorts [M] valent bail, que le jugement à intervenir vaudra bail s’agissant des différentes parcelles, et obtenir des dommages-intérêts.
A l’audience de conciliation en date du 2 février 2021, les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord.
Par jugement du 7 juillet 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Coutances a :
– dit que M. [R] [Z] bénéficie, depuis le 13 juillet 2016, d’un bail rural soumis aux dispositions du statut du fermage sur les parcelles appartenant à Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21] moyennant un loyer de 250 euros/ha ;
– dit que pour les autres conditions du bail, il convient de se référer au « contrat type Bail à ferme » arrêté par le Préfet de la Manche en vigueur à la date du jugement ;
– débouté Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité dudit bail ;
– enjoint les consort [M] à libérer l’accès aux parcelles situées à [Localité 35] cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37] cadastrée ZD[Cadastre 21] et à permettre leur jouissance paisible par M. [R] [Z] dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
– débouté M. [R] [Z] de sa demande tendant à se voir reconnaître un bail rural sur les parcelles appartenant à Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] situées à [Localité 37] cadastrées ZD[Cadastre 24], ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD [Cadastre 32] ;
– condamné Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] à payer à Monsieur [R] [Z] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
– condamné Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] à payer à M. [R] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
– condamne Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 14 août 2023 adressée au greffe de la cour, M. [R] [Z] a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 17 novembre 2023 et oralement soutenues à l’audience, M. [R] [Z] demande à la cour de :
– Réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de voir consacrer un bail rural sur les parcelles de [Localité 37], cadastrées ZD[Cadastre 24], ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD[Cadastre 32] et a limité le montant des dommages intérêts lui étant attribués,
Statuant à nouveau,
– Dire et juger que la promesse de bail consentie par les consorts [M] vaut bail,
– Dire et juger que le présent arrêt vaudra bail, ce bail portant sur les parcelles ZD42, [Cadastre 25], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29], [Cadastre 30], [Cadastre 31] et [Cadastre 32], pour 5ha 53a 69ca, ledit bail ayant commencé à courir à compter du départ à la retraite de Mme [M], à charge pour elle de justifier de la date de départ ou du 13 juillet 2016 si cette dernière n’a pas pris sa retraite et a néanmoins aliéné les parcelles le tout moyennant un fermage de 250 euros l’hectare,
– Condamner solidairement les consorts [M] à payer la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– Condamner les consorts [M] à garantir à M. [R] [Z] la jouissance paisible des terres louées et notamment à retirer tout obstacle physique empêchant l’accès aux parcelles dans le délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir, passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
– Condamner les consorts [M] à payer à M. [R] [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 15 mars 2024 et oralement soutenues à l’audience, Mme [X] [D] épouse [M], Mme [S] [M] épouse [U] et Mme [L] [M] épouse [C] demandent à la cour de :
– Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
A titre principal,
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu, depuis le 13 juillet 2016, un bail rural soumis aux dispositions du statut du fermage à M. [R] [Z] sur les parcelles appartenant à Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] situées à [Localité 35], cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18] et B[Cadastre 13] et à [Localité 37], cadastrées ZD[Cadastre 21] moyennant un loyer de 250 euros/ha,
– Confirmer le entrepris en ce qu’il a débouté M. [R] [Z] de sa demande tendant à se voir reconnaître un bail rural sur les parcelles appartenant aux consorts [M] situées à [Localité 37], cadastrées ZD[Cadastre 24], ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD [Cadastre 32],
En tout état de cause,
– Dire et juger que la parcelle ZD [Cadastre 28] est expressément exclue du présent litige,
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [X] [M], Mme [L] [M] et Mme [S] [M] à payer à M. [R] [Z] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– Dire et juger qu’il n’y a aucun préjudice subi par M. [R] [Z],
A titre subsidiaire,
– Prononcer la nullité du bail rural portant sur des parcelles agricoles cadastrées section B n°[Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18] sises sur la commune de [Localité 35] et ZD n°[Cadastre 21] sise sur la commune de [Localité 37] (50),
– Prononcer la nullité du bail portant sur des parcelles de terre agricole cadastrées section ZD42 (échange) sises sur la commune de [Localité 37],
En tout état de cause,
– Condamner M. [R] [Z] à payer à Mme [X] [M], Mme [L] [C] et Mme [S] [U] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [R] [Z] aux entiers dépens.
Il convient de se référer aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
I. Sur l’existence d’un bail rural portant sur les parcelles cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 13] sises à [Localité 35] et ZD[Cadastre 21] sise à [Localité 37]
Le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en jugeant, au visa des actes régularisés les 23 décembre 2015 et 13 juillet 2016, que la preuve était suffisamment rapportée de ce que les consorts [M] et M. [Z] avaient conclu un bail rural verbal portant sur les parcelles susvisées.
Les intimés ne peuvent sérieusement se prévaloir d’un défaut d’exploitation et de paiement d’un fermage par M. [Z] pour remettre en cause cette analyse, dès lors que ce défaut est imputable à l’inexécution par eux de leurs engagements notariés tenant à l’absence de mise à disposition des parcelles litigieuses au profit de l’appelant.
Par suite, le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu’il a ordonné le libre accès aux parcelles.
II. Sur l’existence d’un bail rural portant sur les parcelles cadastrées ZD[Cadastre 24], ZD[Cadastre 25], ZD[Cadastre 26], ZD[Cadastre 27], ZD[Cadastre 28], ZD[Cadastre 29], ZD[Cadastre 30], ZD[Cadastre 31] et ZD [Cadastre 32] sises à [Localité 37]
La cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en jugeant que la condition suspensive prévue dans le compromis de vente du 23 décembre 2015 tenant à la conclusion au profit de M. [Z] d’une promesse de bail sur les parcelles susvisées ne constituait pas en elle-même une promesse de bail, que dès lors ce dernier ne pouvait pas se prévaloir du principe selon lequel la promesse de bail vaut bail et donc prétendre au bénéfice d’un bail rural à ce titre.
Le moyen développé par M. [Z] en cause d’appel selon lequel la mise à disposition de ces parcelles était déterminante de son projet d’acquisition et d’installation agricole et qu’il était prévu qu’un pacte de préférence soit conclu sur ces parcelles, l’ensemble de ces éléments traduisant la volonté des parties de régulariser d’abord un bail rural puis de céder les terres, est inopérant.
En effet, il incombait à M. [Z] de ne pas signer la vente si la réalisation de la condition suspensive litigieuse était déterminante de son consentement. En réitérant la vente par acte authentique malgré l’absence de conclusion de la promesse de bail, il a renoncé implicitement à l’accomplissement de cette condition.
Les consorts [M] ne se sont pas engagés à conclure un contrat de bail rural par cette simple condition suspensive qui n’a pas été levée.
Par suite, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de ce chef.
III. Sur la demande subsidiaire de nullité du bail rural portant sur les parcelles cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 13] sises à [Localité 35] et ZD[Cadastre 21] sise à [Localité 37]
Les consorts [M] sollicitent la nullité du bail rural sur le fondement des articles L 331-2, L 331-4 et L 331-6 du code rural et de la pêche maritime au motif que M. [Z] ne justifie pas d’une autorisation d’exploiter actualisée.
Cependant, au vu des éléments fournis par M. [Z], non utilement remis en cause par les intimés, notamment du courrier du préfet du 20 avril 2018, des relevés parcellaires des 17 janvier 2022 et 9 février 2023 et de l’arrêté préfectoral du 19 mars 2021 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Normandie, il apparaît que l’appelant n’est pas soumis à une autorisation au titre du contrôle des structures, compte tenu de la surface des terres par lui exploitées qui est inférieure au seuil de soumission des demandes d’exploiter au contrôle des structures fixé par le SDREA (70 ha).
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité.
IV. Sur le préjudice
M. [Z] a subi un préjudice lié à l’impossibilité d’entrer en possession des terres cadastrées B[Cadastre 15], B[Cadastre 16], B[Cadastre 17], B[Cadastre 18], B[Cadastre 13] sises à [Localité 35] et ZD[Cadastre 21] sise à [Localité 37], d’une surface de 2 ha 96 a 92ca, et de les cultiver, du fait du défaut d’exécution par les consorts [M] de leurs obligations nées du bail rural reconnu sur ces parcelles.
Au vu des pièces produites, le premier juge a justement évalué à 12.000 euros le dommage économique occasionné, caractérisé par la perte sur une durée de 7 ans de récoltes de luzerne que M. [Z] avait envisagé de planter sur lesdites terres.
Il convient d’y ajouter une indemnité de 1.500 euros en réparation du préjudice moral lié aux tracas subis pendant toutes ces années où l’appelant n’a pas pu, malgré les démarches amiables entreprises, exploiter les parcelles litigieuses qu’il avait intégrées dans son projet d’installation et au temps passé à gérer la présente procédure.
V. Sur les demandes accessoires
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.
Les consorts [M] succombant, sont condamnés aux dépens de l’appel, à payer à M. [Z] la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et sont déboutés de leur demande formée à ce titre.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en sa disposition relative à l’indemnisation du préjudice subi ;
Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée et y ajoutant,
CONDAMNE solidairement Mme [X] [D] épouse [M], Mme [S] [M] épouse [U] et Mme [L] [M] épouse [C] à payer à M. [R] [Z] la somme de 13.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices économique et moral ;
CONDAMNE Mme [X] [D] épouse [M], Mme [S] [M] épouse [U] et Mme [L] [M] épouse [C] à payer à M. [R] [Z] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [X] [D] épouse [M], Mme [S] [M] épouse [U] et Mme [L] [M] épouse [C] de leur demande formée à ce titre ;
CONDAMNE Mme [X] [D] épouse [M], Mme [S] [M] épouse [U] et Mme [L] [M] épouse [C] aux dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY
Laisser un commentaire