Cour d’appel de Caen, 08 décembre 2022
Cour d’appel de Caen, 08 décembre 2022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Thématique : Télétravail : condamnation de l’employeur pour non respect de l’ANI

Résumé

La SARL Pentabell a été condamnée pour non-respect des obligations liées au télétravail, causant un préjudice à son salarié, M. [J] [H]. Ce dernier a démontré qu’il avait été contraint de télétravailler sans avenant, sans information sur les modalités, et sans remboursement de ses frais. L’ANI du 19 juillet 2005 imposait une rédaction écrite et l’accord du salarié, obligations non respectées par l’employeur. En conséquence, M. [J] [H] a subi un préjudice financier et moral, entraînant une condamnation à verser des dommages et intérêts, confirmée par la cour d’appel.

L’employeur qui ne respecte pas les dispositions légales relatives au télétravail cause nécessairement un préjudice à son salarié.

Mise en place forcée d’un télétravail

Un salarié a fait valoir avec succès qu’il a été contraint de télétravailler, que ce télétravail a été mis en place sans avenant, qu’il n’a pas reçu les informations nécessaires, n’a bénéficié d’aucun suivi et n’a pas été remboursé de ses frais ni dédommagé des sujétions occasionnés par ce télétravail.

La SARL Pentabell a fait valoir qu’elle disposait de bureaux où M.[J] [H] aurait pu travailler (ce que celui-ci conteste), que la rédaction d’un avenant n’était pas nécessaire, qu’il existait une charte dans l’entreprise concernant le télétravail et son encadrement dont M. [J] [H] a ‘nécessairement’ eu connaissance, que M. [J] [H] ne justifie d’aucun préjudice puisqu’il a bénéficié d’un remboursement de ses frais.

L’ANI du 19 juillet 2005

Or, l’ANI du 19 juillet 2005 applicable au moment où le contrat de travail a été conclu imposait la rédaction d’un écrit (art. 2) et l’accord exprès du salarié. L’employeur devait obligatoirement fournir au télétravailleur l’ensemble des informations relatives aux conditions d’exécution du travail.

Le contrat de travail ou son avenant devait préciser les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, les plages horaires pendant lesquelles le télétravailleur pouvait contacter son supérieur hiérarchique.

L’employeur devait prendre en charge les coûts directement engendrés par le télétravail, notamment celui des «matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux ci »( art. L1222 10 du code du travail). La loi imposait alors -et continue d’imposer- l’organisation d’un entretien annuel de suivi des conditions d’activité et de la charge de travail du télétravailleur ( art. L1222 10 du code du travail). Enfin, l’entreprise devait lister l’ensemble des coûts et décider des conditions de leur prise en charge.

Aucune des ces obligations n’a été respectée. En effet, le contrat de travail ne prévoit pas le recours au télétravail et aucun avenant n’a été signé en ce sens, la SARL Pentabell n’a pas recueilli l’accord de son salarié sur cette modalité de travail et aucun entretien de suivi n’a été organisé.

Enfin, contrairement à ce qu’indique la SARL Pentabell, elle n’a pas remboursé de frais liés au télétravail (les remboursements effectués portant sur d’autres types de frais) ou indemnisé les sujétions résultant de ces modalités de travail.

La fourniture par l’employeur d’une charte sur le télétravail non datée, non signée, incomplète et dont rien n’établit qu’elle ait été jointe au contrat de travail de M. [J] [H], à supposer d’ailleurs qu’elle ait existé à cette époque, ne saurait suppléer à ces carences.

Enfin, les factures produites par la SARL Pentabell censées démontrer la possibilité pour M. [J] [H] de travailler dans les locaux de l’entreprise établissent la location d’un seul bureau à [Localité 4] pour une personne du 1er mars au 30 octobre 2017 puis, pour quatre personnes, du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2019. La SARL Pentabell n’établit donc ni qu’elle disposait de bureaux entre le 2 mars 2015 date d’embauche de [J] [H] et le 1re mars 2017 ni qu’une place dans l’unique bureau pour 1 puis pour 4 personnes loué après cette date était disponible pour M. [J] [H]. Elle n’établit donc pas qu’il avait une quelconque possibilité, hors déplacements, de travailler autrement qu’à son domicile.

Préjudice du salarié

Ces manquements ont occasionné au salarié un préjudice, financier puisque ses frais n’ont pas été remboursés et moral puisqu’il a travaillé en télétravail sans avoir reçu d’informations sur les modalités applicables et sans bénéficier d’un suivi notamment par le bais d’un entretien annuel.La somme retenue par le conseil de prud’hommes (correspondant à 120€ par mois) a été confirmée en appel.

AFFAIRE : N° RG 21/02193

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZV3

Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 03 Juin 2021 RG n° F 20/00006

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. PENTABELL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine HILAIRE, substitué par Me MICHEL, avocats au barreau d’ALENCON

INTIME :

Monsieur [B] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 06 octobre 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [J] [H] a été embauché par la SARL Pentabell à compter du 2 mars 2015 en qualité de business unit manager. Le salaire contractuellement prévu rémunérait forfaitairement un temps de travail hebdomadaire de 35H (outre des dépassements dans la limite de 38,5H) et le nombre de jours travaillés ne pouvait dépasser 219 par an.

Le 24 mars 2017, un avenant a prévu une prime d’ouverture de compte de 1000€ et une rémunération variable.

Le 29 juin 2018, M. [J] [H] a démissionné. Il a travaillé jusqu’au 21 septembre 2018.

Le 6 janvier 2020, M. [J] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Caen pour demander : le remboursement de frais professionnels, des rappels de salaire : au titre de la part variable, du bonus, de la prime conventionnelle de vacances et pour heures supplémentaires, des indemnités : au titre de la contrepartie en repos et pour travail dissimulé et des dommages et intérêts à divers titres (pour non respect des durées maximales de travail, à raison du télétravail, du paiement tardif des salaires, de l’absence de mutuelle d’entreprise, du non respect des dispositions relatives aux congés payés, pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité).

Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud’hommes a condamné la SARL Pentabell à verser à M. [J] [H] : 5000€ de dommages et intérêts au titre du télétravail, 2000€ de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, 5000€ de dommages et intérêts pour absence de mutuelle, 503,86€ de remboursement de frais, 47630€ de rappels de salaire pour heures supplémentaires (outre les congés payés afférents), 23384€ à titre de la contrepartie obligatoire en repos, 3726€ de dommages et intérêts pour non respect des dispositions relatives aux congés payés, 1000€au titre de la prime d’ouverture de compte, 10338,38€(outre les congés payés afférents) au titre du bonus, 9424,54€(outre les congés payés afférents) au titre de la prime de vacances, 1200€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, a pris acte de l’accord des parties quant au versement de la somme de 15994€(outre les congés payés afférents) au titre de la part variable et condamné la SARL Pentabell à payer cette somme à M. [J] [H] en tant que de besoin, a ordonné, sous astreinte, à la SARL Pentabell de communiquer à M. [J] [H] les ‘ bulletins de paie et les documents sociaux’ et l’a débouté de ses demandes au titre du travail dissimulé, du non respect des durées maximales de travail, du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité.

La SARL Pentabell a interjeté appel du jugement, M. [J] [H] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 3 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Caen,

Vu les dernières conclusions de la SARL Pentabell appelante, communiquées et déposées le 22 octobre 2021, tendant à voir le jugement infirmé en ce qu’il l’a condamnée au titre du télétravail, du paiement tardif du salaire, de l’absence de mutuelle, du rappel de salaire pour heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire en repos, de la prime de vacances, tendant à voir le jugement confirmé pour le surplus et à voir M. [J] [H] condamné à lui verser 2500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de M. [J] [H], intimé et appelant incident, communiquées et déposées le 20 janvier 2022 tendant à voir le jugement confirmé quant aux condamnations prononcées au titre du télétravail, de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, de l’absence de mutuelle, du remboursement de frais professionnels, du non respect des dispositions relatives aux congés payés, au titre de la prime d’ouverture de compte, au titre du bonus, en application de l’article 700 du code de procédure civile et quant à la remise de documents sous astreinte, tendant à voir réformer le jugement pour le surplus et à voir la SARL Pentabell condamnée à lui verser: 95259,51€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire pour heures supplémentaires, 46767,39€ d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, 43859,95€ d’indemnité pour travail dissimulé, 10000€ de dommages et intérêts à raison du dépassement des durées légales quotidiennes et journalières de travail, 31596€ (outre les congés payés afférents) au titre de la rémunération variable (subsidiairement tendant à voir le jugement confirmé sur ce point), 23427,34€ (outre les congés payés afférents) au titre de la prime de vacances (subsidiairement tendant à voir le jugement confirmé sur ce point), 20000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 10000€ de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, 2500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 14 septembre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le télétravail

M. [J] [H] fait valoir qu’il a été contraint de télétravailler, que ce télétravail a été mis en place sans avenant, qu’il n’a pas reçu les informations nécessaires, n’a bénéficié d’aucun suivi et n’a pas été remboursé de ses frais ni dédommagé des sujétions occasionnés par ce télétravail.

La SARL Pentabell fait valoir qu’elle disposait de bureaux où M.[J] [H] aurait pu travailler (ce que celui-ci conteste), que la rédaction d’un avenant n’était pas nécessaire, qu’il existait une charte dans l’entreprise concernant le télétravail et son encadrement dont M. [J] [H] a ‘nécessairement’ eu connaissance, que M. [J] [H] ne justifie d’aucun préjudice puisqu’il a bénéficié d’un remboursement de ses frais.

L’ANI du 19 juillet 2005 applicable au moment où le contrat de travail a été conclu imposait la rédaction d’un écrit (art. 2) et l’accord exprès du salarié. L’employeur devait obligatoirement fournir au télétravailleur l’ensemble des informations relatives aux conditions d’exécution du travail. Le contrat de travail ou son avenant devait préciser les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, les plages horaires pendant lesquelles le télétravailleur pouvait contacter son supérieur hiérarchique. L’employeur devait prendre en charge les coûts directement engendrés par le télétravail, notamment celui des «matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux ci »( art. L1222 10 du code du travail). La loi imposait alors -et continue d’imposer- l’organisation d’un entretien annuel de suivi des conditions d’activité et de la charge de travail du télétravailleur ( art. L1222 10 du code du travail). Enfin, l’entreprise devait lister l’ensemble des coûts et décider des conditions de leur prise en charge.

Aucune des ces obligations n’a été respectée. En effet, le contrat de travail ne prévoit pas le recours au télétravail et aucun avenant n’a été signé en ce sens, la SARL Pentabell n’a pas recueilli l’accord de son salarié sur cette modalité de travail et aucun entretien de suivi n’a été organisé. Enfin, contrairement à ce qu’indique la SARL Pentabell, elle n’a pas remboursé de frais liés au télétravail (les remboursements effectués portant sur d’autres types de frais) ou indemnisé les sujétions résultant de ces modalités de travail. La fourniture par l’employeur d’une charte sur le télétravail non datée, non signée, incomplète et dont rien n’établit qu’elle ait été jointe au contrat de travail de M. [J] [H], à supposer d’ailleurs qu’elle ait existé à cette époque, ne saurait suppléer à ces carences.

Enfin, les factures produites par la SARL Pentabell censées démontrer la possibilité pour M. [J] [H] de travailler dans les locaux de l’entreprise établissent la location d’un seul bureau à [Localité 4] pour une personne du 1er mars au 30 octobre 2017 puis, pour quatre personnes, du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2019. La SARL Pentabell n’établit donc ni qu’elle disposait de bureaux entre le 2 mars 2015 date d’embauche de [J] [H] et le 1re mars 2017 ni qu’une place dans l’unique bureau pour 1 puis pour 4 personnes loué après cette date était disponible pour M. [J] [H]. Elle n’établit donc pas qu’il avait une quelconque possibilité, hors déplacements, de travailler autrement qu’à son domicile.

Ces manquements ont occasionné à M. [J] [H] un préjudice, financier puisque ses frais n’ont pas été remboursés et moral puisqu’il a travaillé en télétravail sans avoir reçu d’informations sur les modalités applicables et sans bénéficier d’un suivi notamment par le bais d’un entretien annuel.

La somme retenue par le conseil de prud’hommes (correspondant à 120€ par mois) est adaptée et sera retenue.

2) Sur le paiement tardif du salaire et la non remise de bulletins de paie

‘ La seule obligation pesant sur l’employeur quant au paiement du salaire consiste à ne pas dépasser un intervalle d’un mois entre deux payes successives.

Les relevés bancaires discontinus produits par M. [J] [H] n’établissent pas de manquements à ce titre. En effet, les virements y figurant ont été effectués: les 8 décembre 2016, 18 octobre 2017, 9 novembre 2017, 5 décembre 2017 et 6 septembre 2018. Dès lors, les trois seuls virements successifs y apparaissant sont chacun intervenus moins d’un mois avant le virement précédent.

‘ M. [J] [H] indique que lui manquent sept bulletins de paie. La SARL Pentabell ne s’explique pas sur ce point. Il y a donc lieu de lui enjoindre de remettre ces bulletins de paie. Dans la mesure où, M. [J] [H] avait déjà réclamé à plusieurs reprises (7 novembre 2017, 15 décembre 2017 et 19 janvier 2018) l’un de ces bulletins de paie (celui de septembre 2017), vainement puisque le salarié signale toujours ce bulletin de paie comme manquant, cette obligation sera assortie d’une astreinte.

En revanche, M. [J] [H] n’explique pas quel préjudice lui a occasionné l’absence de 7 de ses bulletins de paie. Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera réformé sur ce point.

3) Sur la mutuelle d’entreprise

Il est constant que M. [J] [H] a bénéficié d’une mutuelle à compter de janvier 2016, au moment où les entreprises ont dû se doter d’un contrat d’assurance collectif.

M. [J] [H] reproche toutefois à la SARL Pentabell de ne pas lui avoir fait bénéficier, dès son embauche, d’une mutuelle d’entreprise ‘contrairement à ce qui avait été contractualisé’.

Le contrat de travail prévoit qu’il ‘bénéficiera des régimes de retraite, de prévoyance et de mutuelle en vigueur pour les salariés relevant de sa catégorie et accepte que soit prélevée mensuellement la somme correspondant à la quote-part salariale des cotisations dues au titre des régimes actuels et futurs mis en place.’

Sont ensuite cités les ‘régimes’ en vigueur au sein de la société et les institutions auprès desquels ces assurances sont souscrites. Or, les seuls ‘régimes’ évoqués sont les suivants : caisses de retraite, régime de prévoyance et médecine du travail. Il ne ressort donc pas du contrat de travail qu’au moment de sa signature, il existait une mutuelle d’entreprise. M. [J] [H] ne saurait donc reprocher à la SARL Pentabell de ne pas l’avoir fait bénéficier entre mars et décembre 2015, d’un ‘régime’ de mutuelle puisqu’il n’avait vocation à bénéficier que des ‘régimes’ en vigueur dans l’entreprise.

Faute de manquement de l’employeur, il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera réformé sur ce point.

4) Sur le remboursement des frais

Le jugement, conformément aux demandes concordantes des parties, sera confirmé de ce chef.

5) Sur les heures supplémentaires

L’article 4 du contrat de travail prévoit que le temps de travail de référence de 35H hebdomadaires ‘peut s’accompagner de dépassements’ et que ces ‘dépassements sont couverts par le forfait’ prévu à l’article 5 ‘dans la limite de 38H30 hebdomadaires’. Au-delà, les heures excédentaires ‘seront compensées en repos avec utilisation du compte de temps disponible’. Le nombre de jours travaillés par année civile ne pourra dépasser 219.

L’article 5 du contrat stipule que M. [J] [H] bénéficiera d’un salaire brut mensuel de 3000€ (correspondant à un salaire brut annuel de 36000€).

L’accord du 22 juin 2019, annexé à la convention collective nationale des bureaux d’étude et auquel le contrat de travail se réfère, prévoit cette modalité d’aménagement du temps de travail mais ne permet son application qu’aux ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale. Or, le salaire prévu contractuellement est inférieur à ce plafond qui était en 2015 de 38040€. La SARL Pentabell ne pouvait donc valablement prévoir à la fois un salaire inférieur à ce plafond et cette modalité de décompte du temps de travail. Dès lors, compte tenu du salaire contractuellement prévu -et effectivement payé le premier mois de fonctions-, le forfait (qui en toute hypothèse n’aurait dispensé l’employeur que du paiement des 3,5 premières heures supplémentaires) est inopposable à M. [J] [H].

Le temps de travail doit donc être décompté hebdomadairement.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [J] [H] produit un décompte mentionnant pour chaque jour travaillé ses horaires de travail, ce qui permet à l’employeur de répondre.

Outre des considérations sans portée utile (M. [J] [H] était libre de s’organiser, il ne prouve pas que les heures supplémentaires ont été exigées par l’employeur ni qu’il subissait une surcharge de travail, il répondait avec retard aux clients, annulait des réunions…), la SARL Pentabell fait valoir, d’une part, que M.[J] [H] a indiqué travailler certains jours alors qu’il était en congé, d’autre part, que les courriels échangés ne permettent pas de valider les heures décomptées.

‘ La SARL Pentabell propose un décompte concurrent du temps de travail de son salarié en se basant sur les courriels émanant de M. [J] [H] figurant dans la boîte de réception de son supérieur M. [U], ‘manager directeur’ (du 10 octobre 2016 au 10 octobre 2018) et de M. [V], chef commercial (en 2017).

Ces envois ne couvrent toutefois pas toute la période d’emploi, rien n’établit que tous les courriels envoyés figuraient encore dans la boîte de réception de leur destinataire au moment où cette liste a été établie. M. [U] attestant qu’il était en copie de ‘quasiment chacun des mails de l’équipe’, il s’en déduit qu’il n’a donc pas nécessairement été destinataire, ne serait-ce qu’en copie de tous les courriels émis par M. [J] [H]. Enfin, dans la mesure où le travail de M. [J] [H] ne se bornait pas à échanger des courriels, son temps de travail ne saurait être utilement mesuré à l’aune des courriels reçus et conservés par ses supérieurs.

En conséquence, le décompte proposé par la SARL Pentabell ne saurait être retenu.

‘ Le tableau établi par la SARL Pentabell mentionne diverses périodes de congé. Ces périodes correspondent à celles mentionnées par M. [J] [H] à l’exception des congés suivants :

– du 19 août au 2 septembre 2016 : cette période est bien mentionnée par M.[J] [H] mais n’inclut pas le 19 août. Dans la mesure où le bulletin de paie d’août n’est pas produit par la SARL Pentabell (alors même que M. [J] [H] indique qu’il s’agit de l’un des bulletins de paie manquants), il n’est pas établi que le 19 août n’a pas été travaillé par M. [J] [H]

– les 15, 16 et 19 juin 2017 : le bulletin de paie de juin ne mentionne pas de congés à ces dates, il n’est donc pas établi que M. [J] [H] était en congés pendant ces trois jours

– du 11 au 18 août 2017 : Dans la mesure où le bulletin de paie d’août n’est pas produit par la SARL Pentabell (alors même que M. [J] [H] indique qu’il s’agit de l’un des bulletins de paie manquants), il n’est pas établi que cette période n’a pas été travaillée par M. [J] [H]

– du 16 au 31 juillet 2018 : cette période de congé est bien mentionnée par M. [J] [H] mais n’inclut pas les 30 et 31 juillet. Au vu du bulletin de paie du mois d’août, M. [J] [H] était en congé le 30 mais pas le 31 juillet. M. [J] [H] qui ne s’explique pas sur ce point, a donc à tort mentionné 10,5H de travail le 30 juillet qu’il convient de déduire de son décompte.

En conséquence, le nombre d’heures de travail décomptées par M.[J] [H] sera retenue, après l’exclusion des 10,5 heures mentionnées ci-dessus. La SARL Pentabell ne critique pas le chiffrage du rappel de salaire effectué par M. [J] [H] et ne formule aucune demande reconventionnelle ou tendant à voir exclure certaines heures de ce rappel. La somme due est donc de :

– 9386,75€ pour 2015

– 31254,29€pour 2016

– 32454,70€ pour 2017

– 21656,78€ pour 2018

soit au total : 94752,52€ bruts (outre les congés payés afférents).

6) Sur la contrepartie obligatoire en repos

Hormis sa contestation quant à l’existence même des heures supplémentaires la SARL Pentabell n’émet aucune critique sur ce point, notamment quant aux calculs effectués par M. [J] [H].

Seront donc retenus, conformément à la demande du salarié :

– en 2015, l’exécution de 23 heures supplémentaires au-delà du contingent (220H) ouvrant droit à une indemnité de (23Hx27,87€)=641,01€ correspondant à la rémunération de ces heures auxquels s’ajoutent 64,10€ au titre des congés payés soit 705,11€

– en 2016, l’exécution de 588,57 heures supplémentaires ouvrant droit à une indemnité de (588,67Hx27,91€)=16429,78€ correspondant à la rémunération de ces heures auxquels s’ajoutent 1642,98€ au titre des congés payés soit 18072,76€

– en 2017, l’exécution de 615,25 heures supplémentaires ouvrant droit à une indemnité de (612,25Hx27,91€)= 17087,90€ correspondant à la rémunération de ces heures auxquels s’ajoutent 1708,79€ au titre des congés payés soit 18796,69€

– en 2018, l’exécution de 232,75 heures supplémentaires (après déduction de 10,5H pour la journée du 30 juillet) ouvrant droit à une indemnité de (232,75Hx34,082€)= 7932,58€ correspondant à la rémunération de ces heures auxquels s’ajoutent 793,26€ au titre des congés payés soit 8725,84€

Au total, l’indemnité due est de 46300,40€.

7) Sur les dépassements des durées maximales de travail

M. [J] [H] fait valoir qu’il dépassait 10H de travail quotidien, régulièrement 48H hebdomadaires et n’avait parfois pas de jour de repos hebdomadaire.

Il ressort du décompte du salarié :

– qu’il a habituellement travaillé 10,5H journalières (exceptionnellement 11H à 14H)

– qu’il a habituellement travaillé 52,5H hebdomadaires (exceptionnellement 55, 58 voire 76,5H)

– qu’il a travaillé la semaine du 4 au 10 décembre 2017 sans jour de repos

Il fait valoir que cette situation a généré une fatigue qui a entraîné une dégradation de son état de santé. Il produit un certificat d’un médecin indiquant qu’il présentait, le 6 novembre 2017, un état anxieux qui a justifié la prescription d’un anxiolytique.

En toute hypothèse, le non respect des durées maximales de travail prévues pour préserver la santé, la sécurité et la vie personnelle des salariés occasionne en soi un préjudice au salarié.

Les manquements ayant duré pendant toute la durée du contrat de travail et s’étant reproduit chaque jour et chaque semaine (sauf à de très rares exceptions), il y a lieu de lui allouer en réparation 10000€ de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé de ce chef.

8) Sur le travail dissimulé

Il est constant que M. [J] [H] travaillait à son domicile ou en déplacement, hors la vue de son employeur. Il n’est pas établi qu’il ait signalé avoir exécuté des heures supplémentaires. Dès lors, le seul fait qu’il ait envoyé des courriels tardifs ne saurait suffire à établir que la SARL Pentabell connaissait l’existence de ces heures supplémentaires et aurait sciemment omis de les mentionner sur les bulletins de paie.

M. [J] [H] sera donc débouté de cette demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

9) Sur les congés payés, la prime d’ouverture de compte, le bonus

Le jugement, conformément aux demandes concordantes des parties, sera confirmé de ces chefs.

10) Sur la partie variable de la rémunération

Le salarié réclame un rappel de 31596€soit 8193€pour 2017 et 23403€ pour 2018. La SARL Pentabell demande la confirmation du jugement qui, à ce titre, a alloué 15994€ à M. [J] [H].

Au soutien de sa demande, M. [J] [H] produit une pièce 41 censé correspondre au calcul de la rémunération variable et un échange de courriels entre M. [J] [H] et la directrice financière en août 2019 (pièce 8).

Le tableau produit, difficilement lisible, semble mentionner entre avril et décembre d’une année (sans qu’il soit précisé de quelle année il s’agit) les chiffres d’affaire réalisés grâce à un certain nombre de clients, ventile ce chiffre d’affaires entre différentes personnes dont M. [J] [H] et dégage une marge en valeur et en pourcentage. M. [J] [H] ne commente pas ce tableau et n’explique pas comment, à partir des chiffres qui y figurent, il a calculé le rappel qu’il réclame. Dès lors, ce tableau ne permet pas de fonder sa demande.

Les courriels produits font état de discussion entre M. [J] [H] et la directrice financière notamment sur le montant de la rémunération variable. Les chiffres échangés entre les interlocuteurs ne correspondent pas au montant de la demande, ils ne sont ni commentés ni expliqués par M. [J] [H] et ne permettent donc, pas plus, de fonder sa demande.

En conséquence, le jugement qui a fixé le montant dû à la somme sur laquelle les parties étaient tombées d’accord à l’issue de la discussion engagée en août 2018 sera confirmé, comme le demande la SARL Pentabell et, subsidiairement, M.[J] [H].

11) Sur la prime conventionnelle de vacances

M. [J] [H] réclame, pour l’ensemble de la période travaillée, une prime conventionnelle de vacances qui, aux termes de l’article 31 de la convention collective nationale des bureaux d’étude, est ‘au moins égale à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés’.

Dans son avis du 19 mars 1990, la commission paritaire de la convention collective a indiqué ‘ne pas souhaiter préciser les modalités de répartition de cette prime laissant ainsi à chaque entreprise, compte tenu des particularités de sa politique salariale, toute latitude en ce domaine. Ainsi les entreprises peuvent-elles opter pour les solutions suivantes :

– soit diviser le 1/10ème global par le nombre de salariés et procéder à une répartition égalitaire,

– soit procéder à une répartition au prorata des salaires avec majoration pour enfant à charge,

– soit majorer de 10 % l’indemnité de congés payés de chaque salarié.’

Elle ajoute que des solutions n’ont qu’un caractère indicatif, mais qu’elles doivent être semblables pour l’ensemble des salariés et sont généralement applicables prorata temporis.

M. [J] [H] propose un calcul fondé sur ses propres salaires, la SARL Pentabell demande à ce que le calcul (qu’elle n’a pas estimé utile de faire) soit effectué sur la masse globale de indemnités de congés payés -selon elle de 94245,49€- sur les années 2015 à 2018 divisée par la moyenne des salariés (selon elle 4,33 en 2015, 11,67 en 2016, 13,28 en 2017 et 13,84 en 2018).

Aucune des deux parties ne soutient que l’une ou l’autre de ces modalités aurait été appliquée dans l’entreprise.

Les éléments que fournit l’employeur ne permettent pas de s’assurer de la ‘masse globale des indemnités de congés payés’ qu’il aurait payée. En effet, les extraits de livre de paie qu’il verse aux débats ne sont pas nominatifs et ne permettent donc pas de savoir si les fiches de tous les salariés y figurent. En outre, rien ne permet de vérifier le nombre moyen de salariés employés. Dès lors, il ne saurait être procédé selon la modalité proposée par la SARL Pentabell.

La modalité proposée par M. [J] [H] sera donc retenue. Les chiffres sur lesquels se base le salarié ne sont pas contestés par la SARL Pentabell, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire et seront donc retenus. Toutefois, le calcul opéré est inexact à plusieurs titres :

– au lieu de majorer de 10% l’indemnité de congés payés conformément à la modalité de calcul qu’il a choisie d’appliquer (soit 10% des 10% du salaire que représentent les indemnités de congés payés) il retient 10% du salaire

– cette prime de vacances se calcule sur la masse des salaires constatés au 31 mai. M. [J] [H] ne peut donc prétendre qu’à trois et non quatre primes de vacances à taux plein, la première sur la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, la deuxième du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, la troisième du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 et n’ a droit qu’à un prorata de cette prime pour la période du 2 mars au 31 mai 2015 et pour la période du 1er juin au 21 septembre 2018.

‘ Du 2 mars au 31 mai 2015, M. [J] [H] a perçu un salaire de 11427€ bruts et aucun rappel de salaire pour heures supplémentaires n’est alloué pour cette période. Les indemnités de congés payés dus sont de 1142,70€, la prime de vacances due est de 114,27€.

‘ Du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, M. [J] [H] a perçu un salaire de 50760€. Le rappel pour heures supplémentaires s’élève pour cette période à 22409,37€ (soit la totalité du rappel alloué pour 2015 et 5/12ième du rappel alloué pour 2016). Sa rémunération est donc de 73169,37€. Les indemnités de congés payés dus sont de 7316,94€, la prime de vacances de 731,69€.

‘ Du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, M. [J] [H] a perçu un salaire de 50924,98€. Le rappel pour heures supplémentaires s’élève pour cette période à 31754,46€. Sa rémunération est donc de 82679,44€. Les indemnités de congés payés dus sont de 8267,94€, la prime de vacances de 826,79€.

‘ Du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, M. [J] [H] a perçu un salaire de 55183,47€. Le rappel pour heures supplémentaires s’élève pour cette période à 30963,45€. Sa rémunération est donc de 86146,92€. Les indemnités de congés payés dus sont de 8614,69€, la prime de vacances de 861,47€.

‘ Du 1er juin au 21 septembre 2018, M. [J] [H] a perçu un salaire de 20630,16€. Le rappel pour heures supplémentaires s’élève pour cette période à 9.625,23€. Sa rémunération est donc de 30255,39€. Les indemnités de congés payés dus sont de 3025,54€, la prime de vacances de 302,55€.

Au total, le rappel dû au titre de la prime conventionnelle de vacances s’élève à 2836,77€. Comme l’indique à juste titre l’employeur, cette prime n’ouvre pas droit à congés payés puisqu’elle ne constitue pas une contrepartie du travail du salarié et n’est pas affectée dans son montant par la prise de congé.

Le jugement sera réformé de ce chef.

12) Sur le harcèlement moral

Il appartient à M. [J] [H] d’établir la matérialité d’éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par M. [J] [H] seront examinés ceux, contraires, apportés par la SARL Pentabell quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, il appartiendra à la SARL Pentabell de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [J] [H] soutient avoir télétravaillé sans connaître les modalités appliquées, de n’avoir pas été affilié à une mutuelle contrairement aux affirmations de son employeur, d’avoir vu son compteur de congés payés diminuer lorsqu’il a voulu bénéficier de jours de RTT, d’avoir subi un paiement tardif de son salaire, de ne pas avoir reçu tous ses bulletins de paie, de n’avoir pas été payé de ses heures supplémentaires, de ne pas avoir pu prendre ses congés payés et son congé paternité, d’avoir dû gérer les carences de son employeur, d’avoir travaillé dans des conditions difficiles (comportement odieux, insultes, pressions), d’avoir subi une dégradation de son état de santé et d’avoir rencontré des difficultés y compris après la fin de son contrat.

Les développements précédents établissent que : M. [J] [H] n’a pas été informé des modalités de mise en oeuvre du télétravail, n’a pas reçu tous ses bulletins de paie, n’a pas été payé des heures supplémentaires accomplies, n’a pas pris tous les congés payés auxquels il avait droit. Ils démontrent également que l’employeur n’a pas manqué à ses obligations quant à l’affiliation à une mutuelle avant janvier 2016 et quant au paiement du salaire.

D’autres manquement sont invoqués qui n’ont pas fait l’objet de demandes spécifiques.

‘ Sur la diminution indue du compteur des congés payés

Il ressort des courriels produits que M. [J] [H] s’est interrogé à plusieurs reprise sur ses RTT et a signalé, le 18 mars 2016, que lors des derniers congés pris, son compteur de congés payés avait été diminué alors qu’il s’agissait de jours de RTT.

Toutefois, il n’est pas établi qu’un décompte de jours de RTT ait été mis en place le concernant. En effet, aucune mention ne figure sur ses bulletins de paie à ce propos et son supérieur hiérarchique lui a indiqué dans un courriel en réponse que les RTT n’avait vocation à s’appliquer qu’en cas de dépassement de 35H hebdomadaires sous-entendant que tel n’était pas son cas.

En toute hypothèse, le forfait contractuel qui aurait pu générer un droit à RTT ne lui est pas opposable.

En conséquence, faute de droit à RTT, M. [J] [H] ne saurait utilement se plaindre que son compteur de jours de congés payés ait diminué lorsqu’il a pris des jours de congé.

‘ Sur le congé paternité

Il est constant que M. [J] [H] n’a pas pris le congé paternité auquel il pouvait prétendre en avril 2017. Toutefois, le mail qu’il produit démontre que c’est lui qui a pris l’initiative de ne pas en bénéficier sans pression ou incitation de son employeur en ce sens au vu des éléments produits et sans qu’il soit établi que sa charge de travail imposait cette mesure. En conséquence, ce fait n’est pas significatif.

‘ Gestion des carences de son employeur

Il ressort des couriels échangés et des attestations produites que la SARL Pentabell pouvait tarder à payer consultants ou clients. M. [J] [H] justifie avoir reçu des relances alors que les paiements ne relevaient pas de ses fonctions. Un de ses collègues, M. [S], écrit que toutes les plaintes de consultants remontaient vers les commerciaux, qu’ils essayaient à la fois de défendre la société auprès des consultants et de ‘remonter les soucis’ auprès de la société si bien qu’ils se trouvaient ‘entre le marteau et l’enclume’.

M. [J] [H] produit un échange de courriels avec son supérieur en avril 2018. Il s’y plaint notamment des ‘loupés’, indique qu’il serait ‘épuisant’ d’en faire la liste et réclame ‘un peu de bonne foi de temps en temps côté back office’. Son supérieur lui répond ‘pas de débats du résultat (…) Si ça te fatigue c’est pas mon PROBLÈME’. Si la réponse de son manager est brutale, en revanche, faute de contextualisation rien n’établit la nature et la réalité des problèmes dont le salarié fait état.

‘ Conditions de travail difficiles

M. [J] [H] fait état de comportements odieux, d’insultes et de pressions.

Outre le mail de son supérieur, M. [U], précédemment évoqué, il produit deux attestations.

M. [S], outre les difficultés évoquées ci-dessus et celles qu’il a personnellement rencontrées, écrit qu’on lui a demandé de travailler sur les comptes de M. [J] [H] derrière son dos, que M. [U] a ‘sorti’ un des commerciaux de l’équipe de M. [J] [H] et lui a ordonné de travailler sur les comptes de M. [J] [H] pendant les vacances de celui-ci, enfin, lors du départ de M. [J] [H] -comme de celui d’autres salariés- il avait été pratiquée une ‘nuisance de leurs réputations auprès des autres collaborateurs pour justifier leurs départs et que l’on allait être mieux sans eux’ Il indique que M. [U] était un manager absent qui ne les apportait pas de ‘support’ et se bornait à leur ‘mettre la pression de temps à autre’ (sans toutefois expliquer en quoi consistait cette pression). Il ajoute qu’il avait une communication insultante voire humiliante et rapporte que lors d’une réunion d’équipe il a ainsi diffusé l’introduction d’une chanson d’Orelsan : ‘parce que j’vais dire des trucs simples parce que vous êtes trop cons….’ Cette anecdote est également rapportée par M. [T], commercial.

‘ Dégradation de son état de santé

Le salarié produit un certificat d’un médecin indiquant qu’il présentait, le 6 novembre 2017, un état anxieux qui a justifié la prescription d’un anxiolytique.

M. [J] [H] n’apporte aucun élément (attestations ou autres) permettant de rattacher à son travail cet état anxieux, constaté seulement en novembre 2017.

‘ Difficultés après la rupture du contrat de travail

Il indique avoir dû écrire pour obtenir ses documents de fin de contrat, avoir dû dénoncer le reçu pour solde de tout compte et explique que sa ligne téléphonique a été captée par son employeur et ne lui a pas été restituée à la fin du contrat de travail.

‘ Suite à sa demande faite par lettre datée du 15 octobre 2018, la SARL Pentabell a transmis par courriels à M. [J] [H] le 18 octobre ses documents de fin de contrat.

Il ne saurait être reproché à la SARL Pentabell de ne pas lui avoir envoyé, avant cette date, ces documents. En effet, il appartenait à M. [J] [H] d’aller chercher ces documents et non à la SARL Pentabell de les lui envoyer.

‘ Le fait pour un salarié de ne pas être d’accord avec le reçu pour solde de tout compte établi par l’employeur et de choisir de le dénoncer ne caractérise pas, en soi, un manquement de l’employeur. En l’espèce, il ressort toutefois des développements précédents que, malgré un accord intervenu en août sur la partie variable de la rémunération, la somme convenue n’a effectivement pas été versée au salarié.

‘ Divers courriers échangés entre les parties établissent qu’à la fin de son contrat, M. [J] [H] a réclamé la restitution de sa ligne téléphonique qui avait été intégrée à la flotte des lignes de la société, apparemment contre son gré selon ces courriels. M.[S] confirme ce point et atteste que la société est même allée ‘jusqu’à garder la ligne téléphonique propre’ de M. [J] [H] après son départ. M. [J] [H] n’établit pas, en revanche, avoir protesté au moment où la société s’est approprié son numéro.

Les faits matériellement établis (défaut d’information sur les modalités de mise en oeuvre du télétravail, omission de délivrer tous les bulletins de paie, non paiement des heures supplémentaires, prise seulement partielle des congés payés, répercussion sur son service des carences de paiement de l’employeur, management de M. [U] s’étant révélé à deux reprises soit peu amène à son égard (courriel en avril 2018) soit insultant à l’égard de l’ensemble de l’équipe (introduction musicale lors d’une réunion), non paiement du montant convenu entre les parties lors du solde de tout compte, non restitution d’une ligne téléphonique privée), même pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

M. [J] [H] sera donc débouté de cette demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

13) Sur le manquement à l’obligation de sécurité

M. [J] [H] fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en lui imposant une charge de travail incompatible avec le respect de sa santé et de sa sécurité, en ne contrôlant pas sa charge et sa durée de travail, en ne le faisant pas bénéficier de l’intégralité de ses congés payés, en ne procédant à aucun entretien professionnel pour s’assurer de sa santé et de sa sécurité, ce qui a eu de graves répercussions sur son état de santé.

Il est constant que M. [J] [H] travaillait à son domicile ou en déplacement, hors la vue de son employeur et il n’est pas établi qu’il ait signalé avoir exécuté des heures supplémentaires. L’employeur aurait le cas échéant pu appréhender cette réalité s’il avait réalisé des entretiens professionnels ou organisé un contrôle des heures travaillées, mais, en toute hypothèse, il n’était pas tenu, compte tenu du forfait contractuellement prévu, d’organiser, chaque année, un entretien portant sur la charge de travail. Les éléments médicaux produits qui ne sont complétés par aucune attestation de proches ou de collègues ne permettent pas d’établir un lien entre un état anxieux constaté le 6 novembre 2017 et son travail.

Enfin, si la SARL Pentabell a manqué à ses obligations en ne permettant pas à M. [J] [H] de bénéficier de tous ses congés payés ce qui a justifié l’octroi de dommages et intérêts, ce seul fait ne suffit pas à caractériser un manquement à l’obligation de sécurité.

M. [J] [H] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

14) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter :

– du 10 janvier 2020, date de réception par la SARL Pentabell de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation en ce qui concerne : le remboursement des frais professionnels, le rappel de salaire pour heures supplémentaires, l’indemnité due au titre de la contrepartie obligatoire en repos, du rappel de salaire sur bonus, de la prime d’ouverture de compte, de la rémunération variable, de la prime conventionnelle de vacances

– du 28 juin 2021 date de notification du jugement, confirmé sur ces points, en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués au titre du télétravail et au titre des congés payés

– de la date de l’arrêt en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués au titre du dépassement des durées maximales de travail

La SARL Pentabell devra remettre à M. [J] [H], dans le délai d’un mois à compter de la date du présent arrêt : les bulletins de paie de juin, août et septembre 2016, août et septembre 2017, février et mars 2018 et, passé ce délai, sous astreinte provisoire, pendant quatre mois, de 15€ par jour de retard.

La SARL Pentabell devra également remettre à M. [J] [H] dans le délai d’un mois une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément au présent arrêt et un bulletin de paie récapitulatif par année reprenant les rappels de salaire alloués.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [J] [H] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SARL Pentabell sera condamnée à lui verser, au total, 3000€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

– Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] [H] de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et en ce qu’il a condamné la SARL Pentabell à verser à M. [J] [H]: 5000€ de dommages et intérêts au titre du télétravail, 503,86€ de remboursement de frais, 3726€ de dommages et intérêts pour non respect des dispositions relatives aux congés payés, 1000€au titre de la prime d’ouverture de compte, 10338,38€au titre du bonus outre 1033,84€ au titre des congés payés afférents, 15994€au titre de la part variable, outre 1599,40€ au titre des congés payés afférents

– Y ajoutant

– Dit que les sommes de 5000€ et de 3726€ produiront intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021, les autres sommes allouées par le conseil de prud’hommes à compter du 10 janvier 2020

– Réforme le jugement pour le surplus

– Condamne la SARL Pentabell à verser à M. [J] [H] :

– 94752,52€ bruts de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 9475,25€ bruts au titre des congés payés afférents

– 46300,40€ d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos

– 2836,77€ bruts au titre de la prime de vacances

avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2020

– 10000€ de dommages et intérêts pour dépassements des durées maximales de travail avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

– Dit que la SARL Pentabell devra remettre à M. [J] [H], dans le délai d’un mois à compter de la date du présent arrêt : les bulletins de paie de juin, août et septembre 2016, août et septembre 2017, février et mars 2018 et passé ce délai sous astreinte provisoire pendant quatre mois de 15€ par jour de retard

– Dit que la SARL Pentabell devra remettre à M. [J] [H] dans le délai d’un mois une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément au présent arrêt et un bulletin de paie récapitulatif par année pour les rappels de salaire alloués

– Déboute M. [J] [H] du surplus de ses demandes principales

– Condamne la SARL Pentabell à verser à M. [J] [H] 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamne la SARL Pentabell aux entiers dépens de première instance et d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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