Cour d’appel de Bourges, 25 octobre 2024, RG n° 24/00191
Cour d’appel de Bourges, 25 octobre 2024, RG n° 24/00191

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Bourges

Thématique : Validité du contrat d’apprentissage et obligations de l’employeur : enjeux et conséquences

 

Résumé

La cour d’appel de Bourges a statué sur la validité du contrat d’apprentissage de M. [M], engagé par la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou, puis transféré à la SAS La Gourmandise. Le contrat a été jugé nul en raison de l’absence de mention d’un maître d’apprentissage, élément essentiel. M. [M] a obtenu des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour violation des dispositions sur le travail de nuit des mineurs. La SAS a été condamnée à verser 660,48 euros pour le salaire d’août 2022 et 1 500 euros pour le préjudice subi, tout en étant déboutée de la demande d’indemnité pour travail dissimulé.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Cour d’appel de Bourges
RG n°
24/00191

SD/CV

N° RG 24/00191

N° Portalis DBVD-V-B7I-DT7M

Décision attaquée :

du 14 février 2024

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de BOURGES

——————–

M. [E] [M]

C/

S.A.S. LA GOURMANDISE

——————–

Expéd. – Grosse

Me MONICAULT 25.10.24

Me CABAT 25.10.24

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2024

N° 101 – 9 Pages

APPELANT :

Monsieur [E] [M]

[Adresse 2]

Représenté par Me Angélina MONICAULT, avocat au barreau de BOURGES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C-18033-2024-1137 du 27/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOURGES)

INTIMÉE :

S.A.S. LA GOURMANDISE

[Adresse 1]

Représentée par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère

Arrêt n° 101 – page 2

25 octobre 2024

DÉBATS : À l’audience publique du 13 septembre 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 25 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 25 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de M. [M] :

En l’espèce, la SAS La Gourmandise soulève la prescription des demandes formées par M. [M] en se fondant sur les dispositions des articles L. 1234-20 alinéa 2 et D. 1234-7 du code du travail. Elle soutient à cet effet que faute pour M. [M] d’avoir dénoncé dans le délai de six mois le reçu pour solde de tout compte qu’il a signé le 2 septembre 2022, les sommes qui y sont précisément répertoriées sont libératoires pour l’employeur et que l’appelant n’est donc plus recevable à agir en paiement des salaires et/ou congés payés afférents.

Le premier de ces textes prévoit que le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

S’agissant de l’article D. 1234-7 du code du travail, le reçu pour solde de tout compte est établi en double exemplaire. Mention en est faite sur le reçu. L’un des exemplaires est remis au salarié.

Le 2 septembre 2022, date de la rupture du contrat d’apprentissage, la SAS La Gourmandise a adressé à M. [M] un chèque de 553,32 euros à titre de solde de tout compte, en précisant que cette somme correspondait à son bulletin de paie du mois de septembre 2022, et en précisant que cette somme lui était versée en paiement des éléments suivants :

salaire de base : 654,80 euros

absence pour entrée/sortie : -594,36 euros

indemnité compensatrice de congés payés : 554,06 euros,

et que passé le délai de six mois pendant lequel possibilité lui était offerte de dénoncer le reçu pour solde de tout compte, il ne pourrait plus ensuite contester les sommes qui y sont mentionnées.

M. [M] réclame que la cour reconnaisse que son contrat d’apprentissage est nul, et qu’elle condamne en conséquence l’employeur à lui verser une somme au titre de son salaire d’août 2022, outre les congés payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé ainsi que des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur aux dispositions relatives au travail de nuit des mineurs.

Ses prétentions sont donc distinctes des sommes mentionnées sur le solde de tout compte.

Or, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée et les demandes formées par M. [M] sont notamment la conséquence de celle portant sur la reconnaissance de la nullité de son contrat d’apprentissage et donc sur ses conditions d’exécution par la SAS La Gourmandise.

S’applique donc en l’espèce, l’article L. 1471-1 du code du travail, prévoyant que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Par ailleurs, l’appréciation du manquement imputé à l’employeur dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle la relation contractuelle dont les conditions d’exécution sont contestées a cessé puisque le salarié n’en a eu pleine et entière connaissance qu’à ce moment (Soc. 11 mai 2022, n° 20-14.421).

La rupture de la relation de travail datant du 2 septembre 2022, et M. [M] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 14 mars 2023, son action n’est pas prescrite.

Il y a lieu dès lors de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SAS La Gourmandise.

Les premiers juges ne l’ayant rejetée que dans leur motivation et non dans le dispositif de leur décision, il sera ajouté à celle-ci.

2) Sur l’exception de procédure tirée de la nullité du jugement :

L’article 455 du code de procédure civile prévoit que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Il énonce la décision sous forme de dispositif.

M. [M], se prévalant des dispositions de ce texte, soutient que le jugement doit être annulé en raison de son défaut de motivation.

Il considère à cet effet que les premiers juges se sont bornés à motiver leur décision sur l’exception tirée de la prescription de sa demande soulevée par l’employeur et sur sa prétention visant à la reconnaissance de la nullité de son contrat d’apprentissage puisque c’est sans un mot d’explication qu’ils ont, notamment, rejeté sa prétention relative à la violation des dispositions sur le travail de nuit des mineurs. Il ajoute qu’à la lecture du jugement, il ne peut qu’ignorer les raisons qui, en droit, les ont conduit à rejeter l’intégralité de ses prétentions et estime qu’un tel manque de motivation fait peser un doute légitime sur leur impartialité.

La SAS La Gourmandise répond que le moyen tiré de la nullité du jugement est irrecevable dès lors que la demande de nullité n’est pas visée dans la déclaration d’appel laquelle vise seulement son infirmation, sollicitée au surplus à titre subsidiaire.

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par le décret n°2022-245 du 25 février 2022, applicable au litige, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.

La déclaration d’appel formée le 28 février 2024 par M. [M] mentionnait :

‘La présente déclaration d’appel a pour objet de demander à la Cour d’appel l’infirmation de la décision de première instance en ce qu’elle a :

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande tendant à voir constater qu’il a exercé les fonctions de Boulanger auprès de la Société La Gourmandise sans contrat d’apprentissage écrit,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande au titre de la nullité du contrat,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande au titre du salaire minimal conventionnel pour le mois d’août 2022, outre les congés payés afférents,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de la Société LA GOURMANDISE aux dispositions légales du travail de nuit pour les mineurs de mineurs de moins de 18 ans,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par Monsieur [M] pour la préparation de son CAP boulangerie,

– Débouté Monsieur [M] [E] de sa demande au tire de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Monsieur [M] [E] aux entiers dépens.

Si elle ne comportait pas de critique sur la motivation adoptée par les premiers juges, l’appelant a énuméré les chefs critiqués, ce qui s’imposait à lui dès lors qu’il réclamait l’infirmation du jugement. L’effet dévolutif a donc opéré.

L’exception de procédure tirée de la nullité du jugement figure dans le dispositif des dernières conclusions de l’appelant remises à la cour si bien que celle-ci en est saisie.

Cependant, l’article 74 du code de procédure civile prévoit que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [M] a mentionné l’exception dans la partie des prétentions formées au fond, qui était précédée in limine litis de la demande visant à ce qu’il soit jugé ‘que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’article L. 1234-20 du code du travail relative au reçu pour solde de tout compte est inapplicable’ et qu’en conséquence, la société La Gourmandise soit déboutée de ses demandes.

Dès lors, l’exception de procédure tirée de la nullité du jugement déféré ayant été insérée dans la défense au fond et non préalablement à celle-ci, elle est irrecevable.

3) Sur la nullité alléguée du contrat d’apprentissage :

L’article L. 6222-4 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008, prévoit que le contrat d’apprentissage est un contrat écrit qui comporte des clauses et des mentions obligatoires. Il est signé par les deux parties contractantes préalablement à l’emploi de l’apprenti.

Il est acquis qu’à défaut d’écrit, le contrat d’apprentissage est nul.

En l’espèce, le 13 juillet 2021, M. [M] et la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou ont signé ensemble un contrat d’apprentissage qui avait pour but la préparation par M. [M] d’un CAP de boulanger et prévoyait que celui-ci suivrait une formation théorique de 800 heures au CFA de [Localité 3] (Cher) du 14 septembre 2021 au 15 juillet 2023, ainsi qu’une formation pratique auprès de la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou, M. [W] [K] étant alors désigné maître d’apprentissage, du 15 juillet 2021 au 14 juillet 2023 moyennant un salaire brut mensuel de 419,74 euros lors de l’embauche.

Le 28 juillet 2022, la SAS La Gourmandise a acquis le fonds de commerce exploité par la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou, ce qui a entraîné le transfert de plein droit de tous les contrats de travail, en ce compris le contrat d’apprentissage de M. [M], ce qui n’est pas discuté.

Celui-ci prétend néanmoins que son nouvel employeur aurait dû régulariser auprès de lui une convention d’apprentissage et procéder à une déclaration auprès de l’autorité administrative en vue de l’emploi d’apprentis en reprenant les mentions obligatoires du contrat d’apprentissage, ce qu’il n’a pas fait. Il en déduit que faute pour lui de pouvoir identifier son nouveau maître d’apprentissage, son contrat d’apprentissage est nul dès lors que la désignation de celui-ci constitue un élément essentiel du contrat.

La SAS La Gourmandise réplique que les démarches administratives et juridiques qui faisaient suite à la cession du fonds de commerce ont été initiées par son cabinet d’expert-comptable, qui les a néanmoins interrompues en raison de la période estivale puis de la démission de l’apprenti le 25 août 2022.

L’article L. 6224-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, prévoit que depuis cette date, le contrat d’apprentissage est transmis à l’opérateur de compétences pour qu’il soit procédé à son dépôt. Il n’est ainsi plus soumis à la formalité d’enregistrement qui était prévue avant cette loi, étant observé qu’une simple formalité de dépôt ne peut pas avoir de conséquence sur la validité du contrat d’apprentissage.

Cependant, selon l’article L. 1224-2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification.

Or, il résulte de l’article R. 6222-3 du code du travail que le contrat d’apprentissage doit comporter des clauses telles que le nom, le prénom et la date de naissance du maître d’apprentissage, et cette mention fait partie de celles qui sont obligatoires ainsi que le soutient M. [M].

Le contrat d’apprentissage conclu initialement le 13 juillet 2021 entre ce dernier et la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou stipulait que M. [W] [K], né le 20 mai 1975, était le maître d’apprentissage de M. [M]. Cette mention est devenue caduque avec le transfert du contrat d’apprentissage à la SAS La Gourmandise, et il n’est pas contesté qu’à la suite de celui-ci, elle n’a pas conclu de nouveau contrat d’apprentissage avec l’appelant, ni aucune autre convention.

C’est à raison qu’elle prétend qu’elle n’était pas tenue de conclure un nouveau contrat d’apprentissage, mais l’article D. 6224-4 du code du travail prévoit que toute modification d’un élément essentiel du contrat doit faire l’objet d’un avenant transmis à l’opérateur de compétences pour dépôt dans les conditions fixées au présent chapitre.

L’identité du maître d’apprentissage constitue un élément essentiel du contrat dès lors notamment que les compétences professionnelles de celui-ci sont définies par convention ou par accord collectif à défaut de quoi elles sont déterminées par voie réglementaire, et que l’article L. 6223-8-1 du code du travail prévoit qu’il doit offrir des garanties de moralité.

Faute pour la SAS La Gourmandise d’avoir conclu avec son apprenti un avenant permettant l’identification de son nouveau maître d’apprentissage ainsi que la vérification qu’il présentait les garanties nécessaires pour dispenser à M. [M] sa formation pratique, le contrat d’apprentissage qui lui a été transféré ne comporte plus les mentions écrites obligatoires prévues par l’article R. 6222-3 du code du travail, ce qui affecte nécessairement sa validité.

C’est de manière inopérante que la SAS La Gourmandise invoque la période estivale pour justifier l’absence d’avenant entre le 22 juillet 2022 et le 2 septembre suivant, date de la rupture du contrat d’apprentissage, puisque d’une part, aucune dérogation à ses obligations n’est prévue par les textes et que d’autre part, elle pouvait à tout moment, quelle que soit la période, conclure un avenant avec son apprenti.

Il en résulte que, comme le soutient ce dernier, la poursuite du contrat d’apprentissage sans maître d’apprentissage entraîne la nullité de celui-ci et sa requalification en contrat de travail de droit commun.

Il est constant que lorsque le contrat d’apprentissage est nul, le jeune travailleur peut prétendre, pour les heures de travail qu’il a accomplies, au paiement des salaires sur la base du SMIC ou du salaire minimum conventionnel s’il est plus favorable, avec les abattements tenant à l’âge prévus par l’article D. 3231-3 du code du travail pour les jeunes de moins de dix-huit ans.

M. [M] s’estime, à ce titre, fondé à réclamer la somme de 1 644,10 euros bruts, outre les congés payés afférents, correspondant à 151,67 heures de travail rémunérées à 10,84 euros de l’heure, selon la rémunération minimale conventionnelle, pour le mois d’août 2022, dont le montant, vérifié par la cour, ne fait pas débat.

Le jeune travailleur avait cependant 16 ans lors de la rupture, de sorte qu’il ne peut réclamer que 80% de cette somme, soit 1 315,28 euros, outre 131,52 euros de congés payés afférents.

M. [M] ayant perçu au mois d’août 2022, selon ce qui résulte du bulletin de salaire produit, la somme de 654,80 euros brut pour 151,67 heures de travail rémunérées à 4,3173 euros de l’heure, cette somme doit être déduite du montant réclamé au titre d’une durée de travail équivalente, de sorte que la SAS La Gourmandise doit être condamnée à lui payer la somme de 660,48 euros, outre 66,04 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de reconnaissance de la nullité de son contrat d’apprentissage et de demande financière afférente.

4) Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail de nuit des mineurs :

Il résulte de l’article L. 3163-1 du code du travail, est considéré comme travail de nuit :

1° pour les jeunes travailleurs de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans, tout travail entre 22 heures et 6 heures ;

2° pour les jeunes travailleurs de moins de seize ans, tout travail entre 20 heures et 6 heures.

L’article L. 3163-2 du même code prévoit encore que le travail de nuit est interdit pour les jeunes travailleurs.

Toutefois, il résulte de la combinaison de ce texte et de l’article R. 3163-1 du code du travail que des dérogations à cette interdiction peuvent être accordées par l’inspecteur du travail dans certains secteurs d’activité, dont la boulangerie.

En l’espèce, M. [M] sollicite la condamnation de la SAS La Gourmandise à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts au motif qu’il l’a fait travailler de nuit en dépit de l’interdiction légale.

Celle-ci ne le conteste pas, mais prétend d’une part, que M. [M] ne démontre pas avoir travaillé avant 6h alors que la preuve lui en incombe, et d’autre part, que lorsqu’elle a repris le fonds de commerce, elle a légitimement pensé que les dérogations précédemment accordées étaient à jour ainsi que les premiers juges l’ont retenu.

Il n’est pas discuté que l’autorisation qui avait été accordée à la SARL Boulangerie Stéphanie Bardou a expiré le 15 juillet 2022. Même si la SAS La Gourmandise n’était pas encore à cette date l’employeur de M. [M], elle devait s’assurer immédiatement lorsque le contrat d’apprentissage lui a été transféré le 28 juillet suivant, qu’une dérogation à l’interdiction du travail de nuit était toujours en cours et qu’elle pouvait faire travailler son apprenti entre 22 h et 6 h. En s’abstenant de le faire, elle a commis une faute et ce alors que pesait sur elle une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes les mesures de prévention pour assurer la sécurité et protéger la santé de M. [M].

Pour autant, il résulte de l’examen des bulletins de salaire que celui-ci a travaillé en juillet 2022 durant 21 heures la nuit et en août 2022, mois pendant lequel il a pris 6 jours de congés précédant un jour férié puis a été placé en arrêt de travail à compter du 25, pendant 14 heures.

M. [M], pour démontrer qu’il a travaillé en dépit de l’interdiction légale, produit le témoignage de M. [Y] [U], pâtissier, qui relate que ‘ [E] arrivait très souvent à 5 h du matin’. Cette attestation n’est pas utilement combattue par l’employeur, qui ne peut rétorquer que M. [M] ne s’est jamais plaint de ses horaires dès lors que l’absence de réclamation ne vaut pas renonciation à se prévaloir d’un droit.

Se trouve donc établie la réalité de la violation par l’employeur des dispositions sur le travail de nuit des mineurs, et elle n’a pu qu’affecter la santé et la sécurité physique de l’appelant, qui était seulement âgé de 16 ans lors de l’exécution du contrat.

Dès lors, il y a lieu, par voie infirmative, de condamner la SAS La Gourmandise à payer à M. [M] la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice résultant dudit manquement.

5) Sur la demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé :

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

L’article L. 8223-1 du même code précise qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [M] réclame, en l’espèce, une indemnité pour travail dissimulé en soutenant que le contrat d’apprentissage n’ayant fait l’objet d’aucun écrit ni de formalités de dépôt et d’enregistrement, la SAS La Gourmandise, qui a par ailleurs fait l’objet d’une fermeture administrative à la suite d’une infraction pour travail dissimulé, a fait preuve d’une intention dissimulatrice.

La SAS La Gourmandise le conteste, en prétendant qu’elle a établi le 29 juillet 2022 une déclaration préalable à l’embauche. Sa pièce n° 6 le confirme, quand M. [M], qui soutient produire une pièce n° 6 annoncée dans son bordereau comme étant un article du Berry Républicain sans qu’elle figure néanmoins à son dossier, ne démontre pas que l’employeur a fait l’objet d’une fermeture administrative.

L’absence d’avenant transmis à l’autorité administrative en vue de son dépôt ne suffisant pas à établir l’intention dissimulatrice alléguée, étant rappelé que la formalité d’enregistrement n’est plus prévue depuis le 1er janvier 2020, la demande en paiement ne peut prospérer. Le conseil de prud’hommes n’ayant pas statué sur ce chef de demande, il sera ajouté à sa décision.

6) Sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, la SAS La Gourmandise, partie succombante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle, et déboutée en conséquence de sa demande d’indemnité de procédure.

M. [M] réclame, dans le dispositif de ses dernières conclusions, une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile, alors que dans le corps de celle-ci, il sollicitait à ce titre qu’il soit fait application de l’article 700 2e du même code.

La cour étant seulement saisie des prétentions figurant au dispositif des dernières conclusions, la SAS La Gourmandise sera condamnée à verser à M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

DÉCLARE irrecevable l’exception de procédure, soulevée par M. [M], tirée de la nullité du jugement critiqué ;

INFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SAS La Gourmandise ;

DECLARE en conséquence l’action de M. [M] recevable ;

DIT que le contrat d’apprentissage de M. [M] est nul ;

CONDAMNE la SAS La Gourmandise à payer à M. [M] les sommes suivantes :

– 660,48 € à titre de rappel de salaire pour le mois d’août 2022, outre 66,04 € au titre des congés payés afférents ;

– 1500 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l’employeur des dispositions relatives au travail de nuit des mineurs ;

DÉBOUTE M. [M] de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;

CONDAMNE la SAS La Gourmandise à payer à M. [M] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS La Gourmandise aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle, et la déboute de sa demande d’indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


 


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