Cour d’appel de Bourges, 22 décembre 2023
Cour d’appel de Bourges, 22 décembre 2023
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Bourges Thématique : Pression maximale sur le rédacteur en chef : le manquement à l’obligation de sécurité retenu

Résumé

La situation du rédacteur en chef du Journal du Centre illustre un manquement grave à l’obligation de sécurité de l’employeur. En dépit de ses multiples alertes concernant sa charge de travail excessive et son isolement, l’employeur n’a pris aucune mesure pour remédier à ses difficultés. Les témoignages révèlent une souffrance psychologique croissante, aggravée par des humiliations publiques et un manque de soutien. Ce contexte a conduit à un état dépressif, justifiant une demande de dommages et intérêts. L’employeur, conscient de la détérioration de la santé de son salarié, a ainsi failli à sa responsabilité, entraînant un préjudice significatif.

Face à une situation de détresse du rédacteur en chef, ne pas réagir peut emporter condamnation de l’employeur pour violation de son obligation de sécurité.

L’article L. 4121-1 du code du travail

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments permettant d’établir d’une part, la réalité du manquement et d’autre part, l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

Preuve à la charge de l’employeur

L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en démontrant qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.

Affaire Le Journal du Centre

En l’occurrence, il ressort de l’ensemble des pièces produites, que le rédacteur en chef du Journal du Centre devait assumer de multiples tâches, y compris celles qui ne relevaient pas d’un emploi de rédacteur en chef, que sa charge de travail était très lourde, qu’il s’est retrouvé face à ‘une absence totale de direction’ et ‘a beaucoup souffert de l’absence systématique ou quasi de la direction lors de sollicitations de sa part’, et qu’en diligentant un audit social, l’employeur a cherché à lui porter un coup de grâce que les autres salariés n’ont pas compris ou seulement comme une volonté de ‘lâcher’ ou d’humilier le salari.

Les témoignages relatent également l’isolement et la souffrance grandissante, au fil des mois, de l’appelant, les éléments versés aux débats établissant par ailleurs qu’il en a informé à plusieurs reprises son employeur, et pour la première fois le 13 juillet 2018, date à laquelle il lui a envoyé un mail.

Les pièces du dossier établissent également que le rédacteur en chef a été violemment dénigré au printemps 2018 par M. [X], journaliste qu’il a déchargé de la rubrique ‘faits divers’, puis insulté publiquement par un élu local en juillet 2018 et qu’il en à chaque fois informé son employeur, en réclamant son soutien.

La SA Le Journal du Centre n’allègue même pas avoir pris de mesures pour résoudre les différentes difficultés que lui signalait son salarié, et ce alors même qu’elle savait sa santé altérée en raison de ses conditions de travail.

Elle a donc bien manqué à son obligation de sécurité, ce qui a causé à son salarié un important préjudice, dont l’existence et l’étendue sont amplement établies par les témoignages précités, notamment celui de Mme [N], assistante de M. [C], qui relate que lorsqu’il arrivait le matin au travail, elle voyait ‘très bien qu’il allait mal’ qu’elle percevait ‘son mal-être’ et qu’elle ‘a vu au fil des années les conditions se dégrader’, mais également par celui de son épouse, qui fait état de son état psychologique dégradé, ainsi que l’ensemble des éléments médicaux produits, établissant son état dépressif à compter de décembre 2018 et la prescription d’un anxiolytique d’un somnifère et d’un anti-dépresseur (15 000 euros de dommages et intérêts).

 

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