Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
Thématique :
→ RésuméLa Cour d’appel de Bordeaux a jugé que les marques VILLA MAGNAN et VILLA MAGNA présentent de fortes ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuelles, entraînant un risque de confusion pour le consommateur moyen. L’INPI a estimé à juste titre que l’identité des services de restauration et d’hôtellerie associés aux marques accentue ce risque. La notoriété de la marque contestée n’étant pas établie, elle ne permet pas de la distinguer de la marque antérieure. En conséquence, le recours de M. [C] [M] a été rejeté, et il a été condamné à verser une indemnité à la société Hotel Villa Magna SL.
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Les deux marques VILLA MAGNAN et VILLA MAGNA désignent une villa qui porte un nom presque identique, la signification latine du mot MAGNA ‘grande’, dans la marque antérieure n’étant certainement pas perçue par le public pertinent, consommateur non latiniste d’attention moyenne, qui n’a pas non plus généralement connaissance des éléments historiques attachés à la VILLA MAGNAN invoqués par le requérant.
Il résulte de ce qui précède que l’INPI a estimé constitué à juste titre le risque de confusion sur l’origine commerciale des services associés aux marques en cause (service de restauration et d’hôtellerie), en considération de leurs fortes ressemblances sur tous les plans examinés ci dessus.
L’identité des services de restauration hôtellerie visés par les marques majore clairement le risque global de confusion entre elles et ni l’antériorité du nom de la marque contestée, ni sa notoriété qui n’est d’ailleurs pas établie pour le public pertinent, ne sont de nature à la distinguer de la marque antérieure, compte tenu des éléments distinctifs et dominants des signes en cause.
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Cour d’appel de Bordeaux, 1ère CHAMBRE CIVILE, 28 mars 2023, 22/02411
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 28 MARS 2023
RP
N° de rôle : N° RG 22/02411 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWR7
[C] [M]
c/
Société HOTEL VILLA MAGNA SL
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : décision rendue le 27 avril 2022 par le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 3] (OPP21-3470) suivant recours en date du 18 mai 2022
DEMANDEUR :
[C] [M]
né le 05 Avril 1961 à [Localité 4]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Yolène DAVID, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Christophe VOITURIEZ, avocat plaidant au barreau de PARIS
DEFENDERESSE :
Société HOTEL VILLA MAGNA SL, société de droit espagnol, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5] (ESPAGNE)
représentée par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Béatrice LAFONT, avocat plaidant au barreau de PARIS
EN PRESENCE DE :
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, pris en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception
représenté par Madame [S] [H], juriste, munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux
Ministère Public :
L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis le 7 février 2023.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [C] [M] a déposé le 6 mai 2021, la demande d’enregistrement n° 21 4 763 943 portant sur le signe verbal VILLA MAGNAN.
Le 27 juillet 2021, la société Hotel Villa Magna SL (société de droit espagnol) a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur le fondement du risque de confusion, sur la base de la marque complexe de l’Union Européenne VILLA MAGNA déposée le 5 juillet 1996, enregistrée sous le n°432 799, dûment renouvelée et dont elle indique être devenue propriétaire par suite d’une transmission de propriété.
Cette marque vise les services suivants:’Assurances; affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières.Construction, réparation; services d’installation. Restauration (alimentation), hébergement temporaire; soins médicaux, d’hygiène et beauté; services vétérinaires et d’agriculture; services juridiques; recherche scientifique et industrielle; programmation pour ordinateurs’.
Au cours de la phase d’instruction, des observations écrites ont été échangées.
Par décision du 27 avril 2022, l’INPI a :
– reconnu l’opposition partiellement justifiée, en ce qu’elle porte sur les services suivants: ‘services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires; mise à disposition de terrains de camping ; services de maisons de retraite pour personnes âgées’,
– rejeté partiellement la demande d’enregistrement pour les services précités.
Par déclaration enregistrée au greffe le 18 mai 2022, M. [C] [M] a formé un recours contre la décision rendue par l’INPI.
Par conclusions déposées le 1er août 2022, il demande à la cour de :
– annuler la décision du directeur général de l’INPI en ce qu’il a rejeté partiellement la demande d’enregistrement de la marque « VILLA MAGNAN »,
En conséquence,
– juger que la marque « VILLA MAGNAN » doit être intégralement enregistrée dans les classes dans lesquelles elle a été originellement déposée,
En tout état de cause :
– condamner la société Hotel Villa Magna SL au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 2 novembre 2022, la société Hotel Villa Magna SL demande à la cour de :
– la recevoir en ses écritures, la dire bien-fondée,
– rejeter dans son intégralité le recours formé M. [M],
En conséquence,
– confirmer la décision du directeur général de l’INPI n° 21-3470 du 27 avril 2022 en ce qu’elle a reconnu partiellement justifiée l’opposition formée par la société Hotel Villa Magna SL en ce qu’elle porte sur les services suivants : « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping ; services de maisons de retraite pour personnes âgées », et a ainsi refusé à enregistrement la demande de marque française VILLA MAGNAN n° 21 4 763 943 pour les services précités,
En tout état de cause,
– condamner M. [C] [M] à verser à la société Hotel Villa Magna SL la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par courrier transmis au greffe le 8 novembre 2022, le directeur général de l’INPI a présenté ses observations concluant au rejet du recours.
Par avis du 7 février 2023, le ministère public a indiqué s’en rapporter à l’appréciation de la cour.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 21 février 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la comparaison des services
Le requérant ne conteste plus devant la cour, l’appréciation de l’INPI sur la similarité des services en cause, mais il fait valoir, au chapitre de la comparaison visuelle des signes, que les titulaires des deux marques exercent des activités différentes, le titulaire de la marque VILLA MAGNA exploitant une chaîne hôtelière tandis que la VILLA MAGNAN est un établissement unique et qu’en matière d’hôtellerie de luxe, l’aspect figuratif de la marque occupe une place fondamentale pour l’identité de l’entreprise, ce qui permettrait de distinguer aisément les signes.
Il y a lieu toutefois de rappeler que la comparaison des marques s’effectue au seul vu des libellés des signes tels qu’ils sont déposés ou enregistrés, quelles que soient leurs conditions d’exploitation de sorte que le moyen invoqué par le requérant sur ce point est sans incidence.
Sur la comparaison des signes
A l’appui de son recours, M.[M] entend démontrer que les deux marques ne sont pas assez similaires sur les plans visuel et phonétique, tout comme sur leur aspect conceptuel pour entraîner une confusion, que le nom et par conséquence la marque «VILLA MAGNAN » revêtent une certaine originalité et qu’en tout état de cause l’appellation « VILLA MAGNAN » qui jouit d’une notoriété certaine, est antérieure au dépôt de la marque « VILLA MAGNA ».
Le directeur général de l’INPI et la société Hotel Villa Magna considèrent au contraire que les signes en cause présentent de fortes ressemblances sur les plans visuel, phonétique et intellectuel, qui créent un risque de confusion sur l’origine commerciale des services associés.
Ils estiment que l’identité des services en cause aggrave ce risque de confusion et précisent que l’existence antérieure du nom de la demeure VILLA MAGNAN est sans incidence sur l’antériorité de la marque invoquée et qu’ainsi, la notoriété du signe contesté, par ailleurs non démontrée, ne peut servir à la distinguer de la marque antérieure.
Il est rappelé que la comparaison des signes se fait par une appréciation globale fondée, s’agissant des similitudes visuelles, auditives et conceptuelles, sur une impression d’ensemble, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants des marques en cause.
Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction identique de la marque antérieure, il convient, pour ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, de se fonder sur l’impression d’ensemble qu’elles produisent, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants afin de rechercher s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen, étant précisé que ce risque de confusion comprend le risque d’association, le consommateur percevant le cas échéant qu’il est en présence de deux marques différentes, mais leur attribue tout de même une origine commerciale commune, considérant qu’elles ne sont que des déclinaisons.
1.Sur le plan visuel
La comparaison porte sur la marque verbale contestée VILLA MAGNAN et la marque antérieure :
Il apparaît manifestement de grandes similitudes visuelles d’ensemble entre ces signes composés de deux termes dont le premier est identique et le second ne se différencie que par un ‘n’ final.
Par ailleurs, c’est en vain que le requérant insiste sur le caractère distinctif, en matière hôtelière, des éléments figuratifs pour la raison exposée plus haut et en tout état de cause, en raison du fait que pour le consommateur d’attention moyenne confronté à une marque semi-figurative, les signes figuratifs apparaissent secondaires par rapport aux éléments verbaux, le consommateur attachant généralement plus d’importance aux éléments qui lui permettent de nommer le produit ou le service.
Au surplus, l’élement figuratif de la marque antérieure, composé d’un V et d’un M entrecroisés, n’est que le rappel des initiales du signe verbal, surmonté d’une couronne et la calligraphie classique en italique ne permet pas non plus de distinguer clairement les signes.
2.Sur le plan phonétique
La similarité phonétique des deux marques apparaît encore plus prononcée que leur similarité visuelle puisque leur prononciation est quasiment identique dans le langage courant, avec une sonorité finale très voisine, la prononciation de la marque antérieure MAGNA en ‘MAGUEUNA’ étant peu usitée et en tout cas, non distinctive au regard des fortes similitudes d’ensemble.
3.Sur le plan conceptuel
Les deux marques désignent une villa qui porte un nom presque identique, la signification latine du mot MAGNA ‘grande’, dans la marque antérieure n’étant certainement pas perçue par le public pertinent, consommateur non latiniste d’attention moyenne, qui n’a pas non plus généralement connaissance des éléments historiques attachés à la VILLA MAGNAN invoqués par le requérant.
Il résulte de ce qui précède que l’INPI a estimé constitué à juste titre le risque de confusion sur l’origine commerciale des services associés aux marques en cause, en considération de leurs fortes ressemblances sur tous les plans examinés ci dessus.
Sur le risque global de confusion
L’identité des services de restauration hôtellerie visés par les marques majore clairement le risque global de confusion entre elles et ni l’antériorité du nom de la marque contestée, ni sa notoriété qui n’est d’ailleurs pas établie pour le public pertinent, ne sont de nature à la distinguer de la marque antérieure, compte tenu des éléments distinctifs et dominants des signes en cause.
Le recours sera en conséquence rejeté et le requérant versera à la société Hôtel Villa Magna SL une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
REJETTE le recours formé par M. [C] [M] à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI n° 21-3470 du 27 avril 2022 ;
CONDAMNE M. [C] [M] à verser à la société Hotel Villa Magna SL la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DIT que l’arrêt sera notifié par les soins du greffe et par lettres recommandées avec avis de réception aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
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