Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
Thématique : Nullité de contrat de vente et de prêt : décision de la Cour d’Appel de Bordeaux
→ RésuméLa Cour d’Appel de Bordeaux, dans son arrêt du 25 janvier 2024, a confirmé le jugement du 30 avril 2021, prononçant la nullité du contrat de vente entre M. [S] et Mme [B] et la société IC Group, ainsi que celle du contrat de prêt consenti par la société Cofidis. La cour a constaté des irrégularités dans le bon de commande, notamment l’absence de caractéristiques essentielles des biens et des erreurs concernant le droit de rétractation. En conséquence, Cofidis a été condamnée à rembourser les mensualités versées par les emprunteurs et à les radier du fichier FICP.
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 JANVIER 2024
N° RG 21/03430 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFEJ
S.A. COFIDIS
c/
[C], [W], [F] [B]
[U], [P], [N] [S]
S.E.L.A.S. ALLIANCE MISSION
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 avril 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 19-001340) suivant déclaration d’appel du 15 juin 2021
APPELANTE :
S.A. COFIDIS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 7]
représentée par Maître COMBEAU substituant Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOËT, avocat plaidant au barreau D’ESSONNE
INTIMÉS :
[C], [W], [F] [B]
née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
[U], [P], [N] [S]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 5] (47)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
représentés par Maître Josiane MOREL-FAURY, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Annick BATBARE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.S. ALLIANCE MISSION, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IC GROUPE anciennement dénomée IMMO CONFORT, inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 798 133 989, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
non représentée, assignée selon dépôt de l’acte à l’étude d’huissier
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Paule POIREL
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Conseiller : M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier : Mme Véronique SAIGE
ARRÊT :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Le 20 juin 2017, M. [U] [S] et Mme [C] [B] ont signé un bon de commande établi par la société IC Group, anciennement dénommée Immo Confort, portant sur la vente et la pose d’une centrale photovoltaïque, d’un ballon thermodynamique et d’une unité de gestion au prix de 24 500 euros, sur leur maison d’habitation sise [Adresse 3].
Le même jour, ils ont signé une offre de prêt de la SA Cofidis d’un montant équivalent, destinée au financement de cette opération, remboursable en 120 mensualités d’un montant de 239,19 euros au TEG de 2,96 % l’an.
Par courrier recommandé du 22 août 2018, la société Cofidis a prononcé la déchéance du terme à la suite de mise en demeure du 9 août 2018 adressées aux consorts [S]-[B] aux fins de rembourser les sommes prêtées.
Par acte d’huissier du 22 mars 2019, la société Cofidis a fait assigner les consorts [S]-[B] devant le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins, notamment, de les voir condamner solidairement au paiement de la somme prêtée.
Par acte d’huissier du 16 décembre 2019, les consorts [S]-[B] ont fait assigner la SELAS Alliance Mission, es qualités de liquidateur judiciaire de la société IC Group, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, notamment, de voir prononcer l’intervention forcée du liquidateur à la procédure précédente et de voir annuler le contrat de vente.
Le 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux, se substituant au tribunal d’instance en vertu des dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, a ordonné la jonction des deux procédures.
Par jugement contradictoire du 30 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Alliance es qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Group, anciennement dénommée Immo Confort,
– rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Alliance es qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Group, au titre de la demande tendant à voir prononcer la nullité ou la résolution d’un contrat au regard des dispositions de l’article L622-21 du code de commerce,
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 20 juin 2017 entre la société la société IC Group, anciennement dénommée Immo Confort et M. [S] et Mme [B] portant sur l’installation de panneaux photovoltaïques,
– prononcé la nullité du contrat de prêt affecté consenti le 20 juin 2017 par la société Cofidis à M. [S] et Mme [B],
– dit que la société Alliance es qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Group pourra reprendre le matériel vendu,
– dans cette hypothèse, l’a condamnée à remettre l’immeuble de M. [S] et Mme [B] dans son état d’origine,
– dit que passé un délai de trois mois à compter de la signification dudit jugement, la centrale photovoltaïque sera réputée abandonnée par elle,
– dit n’y avoir lieu à restitution du capital prêté à la société Cofidis par M. [S] et Mme [B],
– débouté la société Cofidis de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. [S] et Mme [B],
– condamné la société Cofidis à rembourser à M. [S] et Mme [B] la totalité des sommes versées au titre des mensualités du contrat de crédit,
– ordonné à la société Cofidis de procéder à la radiation de l’inscription de M. [S] et Mme [B] du fichier FICP/Banque de France dans le délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement,
– dit qu’à défaut, passé ce délai, la société Cofidis sera condamnée à verser à M. [S] et Mme [B] une astreinte de 100 euros par jour de retard, limitée pendant une période de soixante jours,
– dit que la présente juridiction se réserve le droit de liquider cette astreinte,
– débouté M. [S] et Mme [B] du surplus de leurs demandes,
– condamné la société Cofidis à verser à M. [S] et Mme [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Cofidis et la société Alliance es qualité de leurs demandes en paiement émises de ce chef,
– condamné la société Cofidis et la société Alliance es qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Group, anciennement dénommée Immo Confort, aux dépens de l’instance.
La société Cofidis a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 juin 2021 et par conclusions déposées le 14 septembre 2021, elle demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– déclarer M. [S] et Mme [B] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,
– condamner solidairement M. [S] et Mme [B] à payer à la société Cofidis la somme de 27.756,11 euros au taux contractuel de 2,65% l’an à compter des mises en demeure du 22 août 2018 et à titre subsidiaire à compter de l’assignation,
– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l’anatocisme,
A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer la nullité des conventions :
– condamner solidairement M. [S] et Mme [B] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d’un montant de 24.500 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées en l’absence de faute de la société Cofidis et en l’absence de préjudice et de lien de causalité,
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. [S] et Mme [B] à payer à la société Cofidis la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – les voir solidairement condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 13 novembre 2023, les consorts [S]/[B] demandent à la cour de :
– juger mal fondé l’appel interjeté par la société Cofidis,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– débouter la société Cofidis de toutes ses demandes dirigées à l’encontre de M. [S] et de Mme [B],
– condamner la société Cofidis au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel,
Pour le cas où la cour jugerait n’y avoir lieu à annulation des contrats et/ou à priver le prêteur du droit à restitution de sa créance :
– juger l’action engagée par la société Cofidis irrecevable en l’état, faute d’une créance liquide et exigible et l’enjoindre à mieux se pourvoir,
– débouter la société Cofidis de toute demande de restitution des fonds au motif du faux en écriture privée sur le document « attestation de livraison et d’installation de panneaux photovoltaïques demande de financement »,
A titre subsidiaire :
– prononcer la déchéance des intérêts du crédit en l’absence de prérogative du démarcheur en violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation.
La société Alliance a été régulièrement assignée. Elle n’a pas déposé de conclusions.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 30 novembre 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu de constater qu’en l’absence de constitution de la SELAS Alliance Mission es qualités de mandataire liquidateur de la société IC Groupe, l’incompétence du juge civil au profit du juge judiciaire et l’irrecevabilité des demandes de nullité ou de résolution du contrat au regard des dispositions de l’article L622-21 du code de commerce qu’elle soulevait en première instance ne sont plus discutées en appel.
Sur la dénégation d’écriture
Les consorts [S]/[B] demandent à la cour, avant toute prétention au fond, de procéder à la vérification d’écritures de l’attestation de livraison du 15 juillet 2017 dont se prévaut la société COFIDIS, attestation qu’ils nient avoir écrite et signée.
La société COFIDIS se fonde sur cette attestation notamment pour contester toute faute lors de la libération des fonds et pour soutenir que ce document manuscrit signé de l’emprunteur, établit la livraison conforme des biens, la réalisation complète des travaux et par conséquent le raccordement de l’installation au réseau EDF et sa mise en service, ce qui implique réitération du consentement des emprunteurs en cas de nullité relative du contrat de vente et exclut tout préjudice des intimés au cas où le contrat de crédit affecté serait résolu ou annulé avec le contrat de vente.
Le premier juge n’a pas expressément procédé à la vérification d’écritures de l’attestation arguée de faux mais il a nécessairement rejeté la dénégation d’écritures puisque, pour écarter la confirmation du contrat de vente annulé, il a jugé que la preuve n’était pas rapportée de ce que les consorts [S]/[B] ‘avaient connaissance de l’irrégularité du bon de commande au moment de la conclusion du contrat et qu’ils entendaient ainsi la réparer en signant l’attestation de fin de travaux’.
L’article 1373 du code civil dispose : « La partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d’écriture. »
Aux termes de l’article 287 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l’écrit contesté.
L’article 288 du même code dispose : « Il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture.
« Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux. »
En l’espèce, les intimés dénient leur écriture et leur signature sur l’attestation manuscrite signée le 15 juillet 2017 par laquelle M.[S] confirme la livraison sans réserves des marchandises, la réalisation de tous les travaux et prestations prévues et demande le déblocage des fonds par la société Cofidis directement entre les mains de la société Immoconfort.
Ils versent aux débats comme pièce de comparaison, le texte de l’attestation qu’ils ont repris, écrit et signé par chacun d’eux ( pièce 8).
Il convient d’abord de relever que l’attestation contestée est établie au seul nom de M.[S] et non de Mme [B].
Par ailleurs, à l’examen de ces documents, s’il apparaît de notables différences entre l’écriture de l’attestation litigieuse et celles des pièces de comparaison ainsi qu’entre la signature apposée sur l’attestation et celle de Mme [B], en revanche, la cour constate la quasi-identité et en tout cas la forte similitude de la signature litigieuse avec celle de M.[S] telle qu’elle figure non seulement sur le texte de comparaison qu’il produit mais aussi avec celles qu’il ne conteste pas, apposées par lui sur les contrats de vente et de crédit (ses pièces 1 et 2 ).
En conséquence, même si l’attestation de fin de travaux paraît avoir été rédigée par un tiers, elle apparaît bien avoir été signée par M.[S] de sorte que ce document lui sera bien attribué.
L’action en dénégation d’écriture sera donc rejetée.
Sur la validité du contrat de vente
Le contrat principal conclu entre les intimés et la société Immo Confort l’a été le 20 juin 2017 à l’occasion d’un démarchage à domicile. Il relève par suite du régime des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, recodifiée à compter du 1er octobre 2016.
Selon l’article L. 221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Aux termes de l’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à l’espèce, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement.
La violation des dispositions susvisées, d’ordre public en application de l’article L. 111-7 du même code, emporte la nullité du contrat ainsi vicié.
Dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, l’article L. 221-9 du code de la consommation prévoit que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties, que ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5 et qu’il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5.
Enfin, aux termes de l’article L. 242-1 du même code, les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, la société Cofidis reproche au premier juge d’avoir prononcé la nullité du contrat pour absence de désignation des caractéristiques essentielles des biens vendus et erreur de visa des textes applicables en matière de rétractation alors que, selon elle, la description des matériels et prestations vendues répond aux exigences de précision des textes précités et que le visa des textes du bon de commande est conforme aux modalités de rétractation applicables en l’espèce qui font courir le délai de rétractation à compter de la conclusion du contrat et non de la livraison des marchandises, s’agissant d’un contrat conclu hors établissement.
Comme relevé toutefois par le premier juge, le bon de commande critiqué décrit le matériel livré de manière trop succincte et générale faute d’indication de son origine, des références des produits vendus, de caractéristiques techniques précises des panneaux en terme de surface, de rendement, de capacité de production et de performance, élements déterminants de l’engagement des parties pour leur permettre d’apprécier le rapport qualité/prix des produits vendus par rapport à l’offre du marché.
Cette description est aussi insuffisante au regard des exigences de l’article L. 111-1 1° précité, en ce qu’elle ne mentionne pas les caractéristiques techniques précises du chauffe-eau thermodynamique dont seules la marque et la contenance sont indiquées et de l’unité de gestion dont seule la marque est précisée.
Ces informations incomplètes ne permettent pas de définir l’objet précis de la commande et de renseigner suffisamment les acheteurs pour leur permettre de réaliser une étude comparative et de donner un consentement éclairé.
L’analyse du bon de commande révèle également que les modalités d’exercice du droit de rétractation sont erronées puisqu’en vertu de l’article L. 221-8 du code de la consommation, applicable à l’espèce, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement à compter soit de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de service et ceux mentionnés à l’article L. 221-4, soit de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente.
Or, il est constant qu’en application de l’article L. 221-1, II du code de la consommation, le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.
Le bon de commande conclu par les parties portant sur la fourniture de panneaux photovoltaïque, d’un chauffe-eau thermodynamique, d’une unité de gestion ainsi que sur l’installation de ces matériels et leur mise en service après raccordement, a donc pour objet à la fois la livraison de biens et la fourniture d’une prestation de services destinée à leur installation et mise en service, ce qui constitue un contrat de vente faisant courir le délai de rétractation de quatorze jours à compter de la réception du matériel par les acquéreurs et non à compter de la conclusion du contrat.
Dès lors, la mention d’un délai de rétractation ‘au plus tard le 14ème jour à partir de la commande à Immo Confort ‘ dans le formulaire de rétractation du bon de commande par les conditions générales de vente était erronée et était susceptible de faire croire aux acheteurs qu’il était expiré avant même la livraison des biens intervenue 25 jours après la conclusion du bon de commande.
En conséquence, les irrégularités affectant le bon de commande sont pleinement démontrées et c’est à bon droit que le tribunal en a prononcé la nullité sur le fondement de l’article L. 242-1 du code de la consommation.
En effet, si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation et qui a pour finalité la protection des intérêts des acquéreurs démarchés, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle ils peuvent renoncer par une exécution volontaire, il résulte cependant des dispositions de l’article 1182 du code civil que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
En l’espèce, aucun élément ne permet d’envisager une volonté de ratification du contrat par les intimés. Il n’est en effet pas démontré qu’en leur qualité de personnes non averties en matière juridique, ils avaient connaissance des vices affectant le contrat de vente d’autant plus que ce contrat se réfère à des dispositions erronées du code de la consommation et le fait d’attester la livraison et de conclure d’autres contrats (emprunt) ne suffit pas à établir la volonté de couvrir les irrégularités affectant le contrat de vente.
Par ailleurs, à la lecture du constat d’huissier établi le 13 septembre 2022 à la requête des intimés et produit en appel ( leur pièce n°16 ), confirmant les attestations produites devant le premier juge (pièces 10 et 14 ), il est maintenant établi que l’installation n’a pas été raccordée et qu’elle ne fonctionne pas, contrairement à ce que soutient la société Cofidis sur la foi de l’attestation de fin de travaux du 15 juillet 2017, pour conforter son argumentaire relatif à la réitération du consentement des emprunteurs.
Il en résulte en outre qu’en l’absence de raccordement au réseau EDF et donc d’obtention du contrat de rachat de l’électricité, il y aurait lieu, en tout état de cause à la résolution du contrat pour inexécution de ses obligations par la société Immo Confort.
Sans qu’il y ait lieu d’entrer davantage dans le détail de l’argumentation des parties, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente du 20 juin 2017.
Sur les conséquences de la nullité du contrat principal sur le contrat de prêt
Sur la nullité du contrat de crédit à la consommation
En application de l’article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Compte tenu de l’annulation du contrat de vente, c’est à bon droit que le premier juge a annulé de plein droit le contrat de crédit affecté au financement de l’opération.
Sur la faute de la société Cofidis
La nullité du contrat de prêt emporte en principe remise en l’état antérieur et obligation pour les emprunteurs de restituer le capital emprunté qui a été versé pour leur compte entre les mains du vendeur-installateur, et pour le prêteur l’obligation de restituer les échéances versées, sauf faute du prêteur le privant de sa créance de restitution.
Comme il a été relevé ci-dessus, le contrat de vente était affecté de plusieurs irrégularités relatives à l’absence de mention précise quant aux caractéristiques essentielles des biens livrés et au formulaire de rétractation, sanctionnées par la nullité.
Or, commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder préalablement, auprès du vendeur et de l’emprunteur, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d’une cause de nullité.
C’est donc à juste titre que les intimés soutiennent que la société Cofidis a commis une faute en finançant un contrat dont la nullité était apparente, en rendant ainsi possible une opération qui n’aurait pas dû recevoir exécution.
Il sera rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n°19-14.908).
En l’espèce, il a été établi plus haut que si les biens commandés ont été livrés et installés, en revanche le raccordement au réseau EDF n’a pas été fait, l’installation ne fonctionne pas, situation à laquelle la société Immo Confort devenue IC Groupe n’est plus en mesure de remédier en l’état de sa liquidation judiciaire, de sorte que le préjudice des intimés, dotés d’une installation inutile, est entier .
Il y a ainsi lieu de confirmer intégralement le jugement sur les mesures de restitution ordonnées, sur l’absence de droit à restitution à la société Cofidis du capital prété par elle, sur la condamnation de celle ci à rembourser aux intimés la totalité des mensualités versées au titre du prêt et sur les mesures annexes relatives à leur radiation du fichier FICP/Banque de France.
Il sera enfin alloué aux intimés une indemnité de 2.500 euros au titre des frais hors dépens exposés en appel.
L’appelante qui succombe en ses demandes, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette l’incident de faux soulevé par les consorts [S]/[B];
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris;
Y ajoutant;
Condamne la société Cofidis à verser à M. [S] et Mme [B] ensemble, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
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