Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
→ RésuméLa société Elenko Sports LTDA a engagé une procédure contre le Football Club des Girondins de Bordeaux (FCGB) concernant des paiements liés au transfert d’un joueur brésilien. En vertu d’une promesse de contrat d’agent sportif, le FCGB devait verser une commission de 4 millions d’euros, mais n’a payé qu’un million, invoquant des problèmes de légalité. Après un jugement défavorable en première instance, la Cour d’Appel de Bordeaux a infirmé cette décision, condamnant le FCGB à verser 3 millions d’euros à Elenko, tout en clarifiant les obligations contractuelles des parties.
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 JANVIER 2023
N° RG 21/01477 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7WD
Société ELENKO SPORTS LTDA
c/
S.A. FOOTBALL CLUB DES [3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 février 2021 (R.G. 2020F00246) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 11 mars 2021
APPELANTE :
Société ELENKO SPORTS LTDA, société de droit brésilien, prise en la personne de Maitre Guilherme de Miranda Gonçalves, avocat au barreau de SAO PAULO,domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A. FOOTBALL CLUB DES [3], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Mathieu BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Président,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La société Football Club des [3] (la société FCGB – le Club des Girondins) a conclu à compter de janvier 2016 avec la société Elenko Sports LTDA, société de droit brésilien, des conventions de mission et d’assistance successives pour bénéficier de son assistance juridique dans le cadre du projet de recrutement puis de la prolongation du contrat du joueur [N] [W] [O] [T] jouant à l’origine au sein du club brésilien [5].
Envisageant le transfert dudit joueur vers le FC [1], le Club des [3] a consenti le 27 octobre 2017 à la société Elenko Sports une « promesse de contrat d’agent sportif » stipulant, si l’indemnité de transfert à son bénéfice était comprise entre 40 000 001 et 50 000 000 euros, le paiement d’une commission de 4 000 000 euros payable en quatre termes annuels égaux.
Le joueur [N] a été transféré en juillet 2018 moyennant une indemnité de 41 000 000 euros.
Le Club des Girondins a réglé le 25 septembre 2018 une première facture de 1 000 000 euros en date du 12 septembre et attesté, par affidavit du 08 octobre 2018, devoir à la société Elenko Sports, en application de la promesse, la somme de 3 000 000 euros payable en trois termes annuels de 1 000 000 euros les 1er septembre 2019, 2020 et 2021.
La facture en date du 1er septembre 2019 étant restée impayée malgré mise en demeure, par exploit d’huissier en date du 20 février 2020, la société Elenko Sports a assigné le Club des Girondins devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de le voir condamner au paiement des sommes dues.
Par jugement contradictoire en date du 09 février 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
– débouté la société Elenko Sports de l’ensemble de ses demandes de condamnation de la société FCGB à lui payer la somme de 3 000 000 euros ;
– débouté la société FCGB de sa demande de condamnation de la société Elenko Sports à lui restituer la somme de 1 000 000 euros
– débouté la société Elenko Sports de sa demande de condamnation de la société FCGB à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
– débouté la société FCGB de sa demande de condamnation de la société Elenko Sports à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
– dit l’exécution provisoire de droit
– condamné la société Elenko Sports à payer à la société FCGB la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la société Elenko Sports aux entiers dépens.
La société Elenko Sports a relevé appel du jugement par déclaration en date du 11 mars 2021 énonçant les chefs du jugement expressément critiqués, intimant la société FCGB.
La mesure de médiation judiciaire ordonnée le 04 octobre 2021 n’a pas abouti et a donné lieu à un constat de carence le 19 mai 2022.
Par conclusions déposées en dernier lieu par le RPVA le 08 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Elenko Sports LTDA demande à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
– déboutée de l’ensemble de ses demandes de condamnation de la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 3 000 000 euros
– déboutée de sa demande de condamnation de la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– condamnée à payer à la société Football Club des [3] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société Football Club des [3] de sa demande de condamnation à lui restituer la somme de 1 000 000 euros ;
– débouté la société Football Club des [3] de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusivement diligentée contre elle
statuant à nouveau,
– condamner la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 3 000 0000 euros dont 1 000 000 euros assortis d’intérêts au taux légal à compter du 07 octobre 2019, 1 000 000 euros assortis d’intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2020 et 1 000 000 euros assortis d’intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021 ;
-condamner la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
– débouter la société Football Club des [3] de son appel incident, ses demandes, fins et conclusions
– condamner la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société Football Club des [3] au paiement des entiers dépens d’instance et d’appel.
La société Elenko Sports fait valoir que le Club a confié à Me Guilhermo de Miranda [V], avocat inscrit au barreau de Sao Paulo exerçant au sein de la société Elenko Sports, pris en cette qualité, des missions d’assistance dans le cadre desquelles il a perçu 400 000 euros dans le cadre du contrat du 31 janvier 2016 et 150 000 euros dans le cadre du contrat du 15 septembre 2017 ; qu’ils ont signé le 27 octobre 2017 la promesse litigieuse ; que le club, qui a été approché directement par le club FC [1] pendant l’été 2018 qui souhaitait recruter le joueur [N], l’a sollicitée pour négocier les conditions et modalités du transfert, ce qu’elle a fait sans pour autant avoir signé un mandat d’agent sportif comme prévu par la promesse ; que le transfert s’est réalisé en juillet 2018 au prix de 41 M euros ; que le club a payé la première échéance et a émis un affidavit pour confirmer son accord sur la rémunération ; que lorsqu’elle a adressé la 2ème facture, le Club avait changé d’actionnaires et de dirigeants et a refusé de payer motif pris qu’elle n’était pas autorisée à agir en qualité d’agent sportif ; que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, qui a déclaré le contrat frappé d’une nullité absolue, la promesse n’est pas nulle ; qu’elle était unilatérale et conditionnelle et prévoyait une réitération par la signature d’un mandat d’agent sportif pour le cas où la condition se réaliserait ; que ce mandat n’a pas été signé ; que la promesse ne constitue pas en elle-même un mandat d’agent sportif ; que le seul engagement qu’elle a souscrit était de signer le mandat de négociation présenté par le Club ; qu’elle ne vaut pas contrat, de sorte qu’il ne peut pas lui être reproché de ne pas s’être mise en conformité avec la réglementation française relative à l’activité d’agent sportif au jour de la signature de la promesse ; que la promesse n’ayant pas été réitérée par la signature d’un mandat d’agent sportif comme prévu faute pour le Club des Girondins de lui avoir fourni ce document qu’elle n’a pas réclamé, la promesse n’a pas été mise en oeuvre ; qu’il s’en déduit que le Club a renoncé à réitérer et donc à utiliser ses services en tant qu’agent sportif ; dans la mesure où ce refus lui est totalement imputable, il ne peut s’en prévaloir à son encontre ; qu’il savait parfaitement quand il a signé la promesse qu’elle ne détenait pas la licence ; qu’il ne lui a pas demandé ; que cela aurait été facile puisqu’il lui suffisait de se faire représenter à ce mandat par un agent disposant de l’autorisation d’exercer en France ; que le Club ne peut lui opposer les dispositions du code du sport ; qu’ils ont d’un commun accord modifié les termes de leur convention ; que l’existence d’un accord par lequel le club s’est engagé à lui verser la somme de M d’euros résulte de la promesse confirmée par l’affidavit du 08 octobre 2018 ; qu’il s’agit d’une convention de négociation et d’assistance juridique exclusive de toute mission de mise en relation qui est le propre de l’activité d’agent ; que le fait que par la suite le Club ait payé la première échéance et ait reconnu être débiteur du solde confirme que pour autant sa rémunération n’a pas été remise en question ; qu’aucune nullité n’est encourie au visa des dispositions du code du sport ; que Me [C] [V] n’a pas accompli une mission d’agent sportif mais seulement celle d’avocat mandataire sportif – se distinguent par la mise en relation (activité d’agent sportif définie par l’article L.222-7 du code du sport « l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat en lien avec l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif) s’agit d’une activité de courtage ; alors que celle d’avocat mandataire sportif consiste à représenter en tant que mandataire, faciliter une opération de transfert en apportant conseil et assistance ou en négociant pour le compte d’une des parties (article 6 ter alinéa 1 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 28 mars 2011 autorise les avocats à représenter en tant que mandataires l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un des contrats au premier alinéa de l’article L.222-7 du code du sport) ; en revanche l’activité de courtage lui est interdite ; c’est pourquoi il est dispensé de la licence ; qu’il n’est ni soutenu ni démontré qu’il aurait accompli une mission de mise en relation ; que la cour n’est pas tenue de l’intitulé de la promesse, aux termes de laquelle, en tout état de cause, Me [C] [V] a juste pris l’engagement de signer le mandat qui lui serait proposé en cas de transfert ; le contenu de la promesse ne fait aucune référence à une activité d’intermédiation mais slt de négociation et d’assistance en cas de transfert d’ailleurs article 10 de la loi du 31 décembre 1971 précise que le montt des honoraires ne pt excéder 10 % du contrat – ce dont se déduit que peut s’établir à ce pourcentage par dérogation à l’interdiction du pacte quota litis ; qu’en tout état de cause les dispositions du code du sport ne lui sont pas opposables dès lors qu’elle est de droit brésilien et qu’elle n’est pas intervenue sur le territoire français mais espagnol ; que l’exercice par Me [C] [V] d’une activité d’agent ou d’avocat en France n’entraînerait pas la nullité de la convention mais des sanctions disciplinaires à son encontre ; enfin, qu’en payant la première facture, le FCG a confirmé les termes de la convention et renoncé à se prévaloir des dispositions du code du sport et donc de la nullité ; subsidiairement, que le FCG doit être condamné au paiement au titre de l’obligation de restitution ; que l’exception de nullité ne peut pas faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui a déjà reçu un commencement d’exécution par celui qui l’invoque ; que la restitution d’une prestation de service a lieu en valeur (article 1352-8 du code civil) ; que le paiement de la première échéance et l’affidavit confirment la réalité et l’efficacité de la prestation de services ; qu’elle peut aussi réclamer le paiement en application de la théorie de l’enrichissement injustifié (article 1303 du code civil).
Par conclusions déposées en dernier lieu par le RPVA le 14 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Football Club des [3] demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société Elenko Sports LTDA de l’ensemble de ses demandes de condamnation à lui payer la somme de 3 000 000,00 euros ;
– débouté la société Elenko Sports LTDA de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– condamné la société Elenko Sports LTDA à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la société Elenko Sports LTDA aux entiers dépens ;
infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
– déboutée de sa demande de condamnation de la société Elenko Spora LTDA à lui restituer la somme de 1 000 000,00 euros versée le 25 septembre 2018
– déboutée de sa demande de condamnation de la société Elenko Sports LTDA à lui verser la somme de 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusivement diligentée contre elle ;
statuant a nouveau,
– juger nul le contrat intervenu entre les parties relatif au transfert du joueur [N] [W] [O] [T] vers un club tiers ;
– condamner la société Elenko Sports à lui restituer la somme de 1 000 000 euros qui lui a été versée le 25 septembre 2018, augmentée d’intérêts au taux légal à compter de cette date ;
– condamner la société Elenko Sports à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusivement diligentée contre elle ;
– condamner la société Elenko Sports à lui verser la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
– condamner la société Elenko Sports aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELARL Mathieu Rafy- Michel Puybaraud, avocat aux offres de droits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Football Club des [3] fait valoir que les relations contractuelles qui fondent les demandes en paiement reposent sur la promesse de contrat d’agent sportif selon laquelle Me [C] [V] a exercé une mission d’agent sportif ; qu’en revendiquant l’inopposabilité de cette promesse, la société Elenko Sports prive ses demandes de tout fondement faute pour elle de démontrer l’existence d’un autre accord ; qu’il est établi que bien qu’aucun mandat de négociation conforme à la promesse n’ait été régularisé, c’est bien à cette promesse qu’elle s’est toujours référée notamment dans ses factures et dans l’affidavit du 08 octobre 2018 ; qu’elle a ainsi reconnu qu’il importait peu que le mandat n’ait pas été signé ; qu’elle ne peut se prévaloir d’aucun contrat cadre constitué par les conventions antérieures ni d’une modification de la promesse en mission de conseil et d’assistance juridique faute de rapporter la preuve de l’accord du Club ; que l’absence de signature du mandat ne saurait s’analyser en une renonciation tacite attestant de leur volonté commune de modifier la mission ; que la promesse bien qu’unilatérale est opposable aux deux parties s’agissant d’un contrat ferme et définitif sous condition suspensive de la réalisation du transfert du joueur [N] au sein
d ‘un autre club ; que l’objet de ce contrat est de déterminer les conditions dans lesquelles le Club accepte d’utiliser les services de l’Agent afin de mener une mission de négociation et d’assistance en son nom en cas de transfert définitif du joueur [N] etc pendant la période de mutation fixée par la FIFA à compter du mercato d’été 2018 ; que les éléments essentiels du contrat d’agent sportif (montant de la commission ; modalités de paiement ; durée du contrat ; droit applicable ; juridictions compétentes) étaient d’ores et déjà fixés dans la promesse ; qu’il s’agit en fait d’une promesse d’exclusivité ; que ce n’est pas la signature d’un mandat de négociation mais la réalisation ou non du transfert qui devait conférer un caractère définitif aux engagements ; que la société Elenko Sports a déclaré et garanti connaître et se conformer à la loi française et aux règlements de la FIFA et de la FFF dont en particulier celles du code du sport relatives à l’exercice de l’activité d’agent sportif, condition essentielle et déterminante de son engagement ; qu’il est patent que la société Elenko Sports exerce depuis de nombreuses années une activité régulière d’agence sportive et qu’elle connaît parfaitement la réglementation, qu’elle était tenue de respecter dès le stade de la promesse ; que Me [C] [V] a bien exercé une mission d’agent sportif ; que la notion de mise en rapport ne signifie pas simplement « mettre en contact » mais aussi « mettre en situation de relation réciproque », ce qui répond parfaitement à la définition de la négociation qui s’entend de l’ensemble des démarches pour parvenir à un accord ; que le contrat est intitulé d’agent sportif ; que Me [C] [V] y est désigné en qualité d’agent ; que sa rémunération est une rémunération d’agent sportif puisqu’elle consiste en une commission assise sur le montant de l’indemnité de transfert mais sans excéder 10 % cf art.L.222-17 cs ; que le contrat vise expressément à l’article 4 les dispositions applicables aux intermédiaires sportifs ; que la mission de négociation et d’assistance confiée à Me [C] [V] dans le cadre du transfert définitif était bien la réalisation d’une opération de transfert ; qu’il ne lui a jamais été demandé de rédiger le contrat de transfert ; qu’il soutient sans en rapporter la preuve qu’il serait intervenu après la mise en contact des deux clubs qu’il n’aurait pas effectuée ; qu’il ne justifie pas de ses diligences ; que la promesse excluait tout mandat de représentation (pour engager le Club ou pour signer pour le Club tout contrat ou autre document) (article 2) ; que quelles qu’aient été les conventions passées elles ne peuvent avoir aucune influence sur la qualification de la mission puisque les parties ont clairement choisi de s’en distinguer ; qu’en tout état de cause Me [C] [V] y avait déjà une mission d’agent sportif ; que la société Elenko Sports a violé les dispositions légales impératives relatives à l’activité d’agent sportif auxquelles pourtant elle a déclaré se soumettre, ce qui lui interdit de plus fort de les soutenir inopposables ; qu’il en résulte la nullité absolue du contrat qui ne peut produire aucun effet ; que cette nullité emporte le rejet de toutes les demandes (de paiement du solde comme de dommages et intérêts) et le remboursement de la somme de 1M déjà versée ; que le commencement d’exécution ou la reconnaissance de dette sont inopposables ; que la demande fondée sur l’enrichissement injustifié ne peut être admise pour suppléer une autre action qui se heurte à un obstacle de droit ; à titre subsidiaire, que la société Elenko Sports en la personne de Me [C] [V] ne pouvait pas intervenir en France en sa qualité d’avocat brésilien (ressortissant d’un pays hors UE avec lequel aucun accord n’a été signé) et percevoir des honoraires à ce titre ; que le paiement de la somme de 3 M euros en vertu d’un accord qui s’analyse en un pacte de quota litis prohibé.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 08 novembre 2022 et l’audience fixée au 15 novembre 2022. Compte tenu de l’accord des parties, il a été procédé à la révocation de l’ordonnance de clôture, à l’admission des écritures tardives et, avant les débats, à la clôture à nouveau de la procédure.
MOTIFS DE LA DECISION :
sur la demande principale :
Bien que les parties en débattent abondamment, il est établi que la demande en paiement de la société Elenko Sports se fonde sur la ‘promesse de contrat d’agent sportif’ du 27 octobre 2017 (pièce 5 de l’appelante) à laquelle se réfèrent à la fois les factures, l’affidavit et les diverses relances.
Le Club des Girondins, qui soutient que l’appelante a exercé une mission d’agent sportif en violation des règles d’ordre public des articles 15-2 de la loi 1984 et L.222-7 du code du sport, oppose la nullité absolue de ce contrat, justifant non seulement le débouté mais la restitution du versement de 1 000 000 euros.
La société Elenko Sports soutient quant à elle que cette promesse, unilatérale et conditionnelle, ne constitue pas en elle-même un mandat d’agent sportif ; qu’elle prévoyait une réitération par la signature d’un mandat d’agent sportif pour le cas où la condition se réaliserait ; que ce mandat n’a pas été signé ; que la promesse n’a donc pas été mise en oeuvre ; qu’elles ont d’un commun accord modifié les termes de leur convention ; qu’elle n’a pas accompli une mission d’agent sportif mais seulement celle d’avocat mandataire sportif .
La promesse litigieuse, rédigée en anglais, intitulée ‘promesse de contrat d’agent sportif (agent/club pour la signature d’un accord de transfert définitif)’ (pièce 5 de l’appelante) est rédigée en ces termes :
l’objet de ce contrat est de déterminer les conditions dans lesquelles le Club accepte de recourir aux services de l’Agent en vue de l’assister et de négocier pour son compte dans l’éventualité d’un transfert définitif du joueur [N] (…) au cours de la période de mutation fixée par la FIFA à compter de la période de mutation de l’été 2018. (art 1) ;
dans le cas où cette promesse serait mise en oeuvre, l’agent s’engage à régulariser avec le Club un mandat de négociation fourni par ce dernier, qui incorporera les dispositions prévues aux présentes (art 2) ;
l’agent déclare qu’il connaît et garantit au club qu’il respecte les dispositions de la loi française et des règlements applicables aux intermédiaires sportifs et notamment les dispositions des articles L.222-5 à L.222-22 et R.222-1 à R.222-42 du code du sport ainsi que les réglementations édictées par la FIFA et la FFF ;
le respect des déclarations et garanties énoncées dans la présente section du présent contrat constitue une condition essentielle et déterminante des engagements du Club, y compris ses engagements financiers envers l’Agent, et justifiera, en cas de violation du contrat, la résolution immédiate et intégrale du présent contrat
cet accord est soumis et sera interprété conformément aux reglementations de la FIFA, de la FFF et au droit français. (art 7).
Le Club des Girondins, qui soutient que la promesse, bien qu’unilatérale, est opposable aux deux parties s’agissant d’un contrat ferme et définitif sous condition suspensive de la réalisation du transfert du joueur [N] au sein
d ‘un autre club, fait valoir que le contrat est intitulé d »agent sportif’, que c’est sous ce vocable que la société Elenko Sports est désignée tout au long du contrat, que les éléments essentiels du contrat d’agent sportif étaient d’ores et déjà fixés dans la promesse : le montant de la commission ; les modalités de paiement ; la durée du contrat ; le droit applicable ; les juridictions compétentes ; qu’il s’agit en fait d’une promesse d’exclusivité ; que ce n’est pas la signature d’un mandat de négociation mais la réalisation ou non du transfert qui devait conférer un caractère définitif aux engagements, et que la rémunération prévue n’est pas celle d’un avocat mais d’un agent sportif ; que la société Elenko Sports a déclaré et garanti, de manière mensongère, connaître et se conformer à la loi française et aux règlements de la FIFA et de la FFF dont en particulier celles du code du sport relatives à l’exercice de l’activité d’agent sportif, condition essentielle et déterminante de son engagement, lequel est en conséquence nul.
L’appelante fait valoir quant à elle que la cour n’est pas tenue de l’intitulé de la promesse, laquelle mentionne d’ailleurs qu’elle intervient ‘en qualité d’avocat’ ; qu’il s’agit en tout état de cause d’une promesse, conditionnelle, prévoyant une réitération par la signature d’un mandat d’agent sportif pour le cas où la condition se réaliserait ; que ce mandat n’a pas été signé ; que la promesse ne constitue pas en elle-même un mandat d’agent sportif ; que le seul engagement qu’elle a souscrit était de signer le mandat de négociation présenté par le Club en cas de transfert ; qu’elle ne vaut pas contrat, de sorte qu’il ne peut pas lui être reproché de ne pas s’être mise en conformité avec la réglementation française relative à l’activité d’agent sportif au jour de la signature de la promesse ; que la promesse n’ayant pas été réitérée par la signature d’un mandat d’agent sportif comme prévu faute pour le Club des Girondins de lui avoir fourni ce document qu’elle n’a pas réclamé, la promesse n’a pas été mise en oeuvre ; qu’il se déduit de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, qui précise que le montant des honoraires ne peut excéder 10 % du contrat, qu’il peut s’établir à ce pourcentage par dérogation à l’interdiction du pacte quota litis.
Le contrat est à l’évidence affecté de contradictions et imprécisions qui sont susceptibles d’en entacher la validité. La question centrale reste cependant celle de la nature même de la mission confiée à la société Elenko Sports, le Club des Girondins faisant valoir tenant qu’elle a bien exercé une mission d’agent sportif alors que la société Elenko Sports soutient qu’il s’agit d’une convention de négociation et d’assistance juridique.
L’activité d’agent sportif, définie par l’article L.222-7 du code du sport comme « l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement,’ ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif.
L’activité d’agent sportif se caractérise donc par la mise en relation des parties.
En l’espèce, l’objet du contrat était de déterminer les conditions dans lesquelles le Club des [3] acceptait de recourir aux services de l’Agent en vue de l’assister et de négocier pour son compte dans l’éventualité d’un transfert définitif du joueur [N] (…) au cours de la période de mutation fixée par la FIFA à compter de la période de mutation de l’été 2018. (art 1), l’agent s’engageant, dans le cas où cette promesse serait mise en oeuvre, à régulariser avec le Club un mandat de négociation.
La promesse ne fait donc aucune référence à une mission d’intermédiation ni de mise en rapport, mais de négociation et d’assistance en cas de transfert.
Par ailleurs, comme le revendique l’intimé lui-même, il s’agit d’un contrat conclu sous condition suspensive de la réalisation du transfert du joueur [N] au sein d’un autre club, ce dont il se déduit que la société Elenko Sports avait vocation à intervenir postérieurement au transfert et non à participer aux démarches de transfert.
L’appelante peut donc soutenir utilement que la mission contenue dans la promesse telle que rappelée supra s’apparente à une mission de négociation et d’assistance juridique exclusive de toute mise en rapport.
En l’état de ces stipulations, en l’absence de régularisation d’un contrat d’agent sportif, et alors qu’il ressort des pièces et débats que le FC [1], qui souhaitait recruter le joueur [N], s’est manifesté directement auprès du Club des [3], sans l’intervention de la société Elenko Sports, le Club des [3] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que la mission convenue, et réalisée, est une mission d’agnt sportif, et que la société Elenko Sports a enfreint les dispositions d’ordre public instituant la licence d’agent sportif, ni, par voie de conséquence, que le contrat est nul d’une nullité absolue.
Seule peut être retenue une nullité relative, qui, à la différence de la nullité absolue, peut toujours être couverte par une confirmation, ce qui permet à la société Elenko Sports de soutenir, au visa de l’article 1182 du code civil, que l’exception de nullité ne peut faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui a déjà reçu un commct d’execution, de sorte qu’en payant la première échéance, le Club des Girondins a reconnu être débiteur du solde et renoncé à se prévaloir des dispositions du code du sport et donc de la nullité, les termes de l’affidavit du 08 octobre 2018 (pièce 8 de l’appelante) permettant de considérer qu’elle s’est acquittée de ses engagements à la pleine satisfaction du Club.
Le jugement qui a débouté la société Elenko Sports de sa demande en paiement sera donc infirmé, et la société Football Club des [3] condamnée à lui payer la somme de 3 000 000 euros au titre du solde restant dû.
sur les autres demandes :
Les parties réitèrent devant la cour leur demande de dommages et intérêts pour, respectivement, procédure et résistance abusives.
Le Club des Girondins échouant en ses demandes, sa demande ne peut qu’être rejetée.
Les circonstances du litige ne permettant pas cependant de caractériser de sa part une résistance abusive, la demande de la société Elenko Sports sera elle aussi rejetée, et le jugement confirmé.
sur les demandes accessoires :
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Elenko Sports les sommes exposées par elle dans le cadre de la procédure de première instance et d’appel et non comprises dans les dépens. La société Football Club des [3] sera condamnée à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Football Club des [3] sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 09 février 2021 en ce qu’il a :
– débouté la société Elenko Sports de sa demande de condamnation de la société Football Club des [3] à lui payer la somme de 3 000 000 euros
– a condamné la société Elenko Sports à payer à la société Football Club des [3] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens
Statuant à nouveau,
Condamne la société Football Club des [3] à payer à la société Elenko Sports la somme de 3 000 000 euros restant due majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 1 000 000 euros à compter du 07 octobre 2019, à compter du 1er septembre 2020 sur la somme de 1 000 000 euros et à compter du 1er septembre 2021 sur la dernière échéance de 1 000 000 euros
Le confirme pour le surplus
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires
Condamne la société Football Club des [3] à payer à la société Elenko Sports la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Football Club des [3] aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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