Cour d’appel de Basse-Terre, 20 janvier 2025, RG n° 24/00012
Cour d’appel de Basse-Terre, 20 janvier 2025, RG n° 24/00012

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Basse-Terre

Thématique : Licenciement pour inaptitude : régularité de la procédure et obligations de reclassement en question.

Résumé

Embauche et inaptitude de M. [E]

M. [E] a été embauché par la Sas Sadis’Nov MS en tant que technicien de surface à partir du 24 avril 2019. Le 1er juin 2021, un médecin du travail a déclaré M. [E] apte à exercer ses fonctions. Cependant, le 22 juin 2021, suite à une visite à la demande du salarié, le même médecin a déclaré M. [E] inapte à son poste actuel, tout en le jugeant apte à un poste équivalent dans un environnement différent.

Propositions de reclassement et licenciement

Le 7 septembre 2021, l’employeur a notifié à M. [E] deux propositions de reclassement, que ce dernier n’a ni acceptées ni refusées. Le 28 octobre 2021, la société a informé M. [E] de l’impossibilité de procéder à son reclassement. Finalement, le 4 novembre 2021, l’employeur a notifié à M. [E] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Action en justice de M. [E]

Le 3 juin 2022, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, demandant la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de diverses indemnités. Il a également demandé l’exécution provisoire de ses demandes.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 7 décembre 2023, le conseil de prud’hommes a jugé que la société avait satisfait à son obligation de sécurité, que la procédure de licenciement était régulière et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. M. [E] a été débouté de toutes ses demandes, et a été condamné à payer 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de M. [E]

Le 4 janvier 2024, M. [E] a formé appel du jugement, critiquant plusieurs points, notamment la régularité de la procédure de licenciement et le bien-fondé de son licenciement.

Ordonnances et observations des parties

Le 23 septembre 2023, le magistrat a rejeté une demande de radiation de l’affaire et a renvoyé l’affaire à une conférence virtuelle pour dernières conclusions. La société Sadis’Nov a présenté des observations le 25 novembre 2024, tandis que M. [E] n’a pas réagi.

Prétentions des parties

M. [E] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de lui accorder diverses indemnités, tandis que la société Sadis’Nov a soutenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a demandé la confirmation du jugement initial.

Motifs du jugement

La cour a examiné la régularité de la procédure de licenciement et a noté que l’absence de consultation du CSE ne rendait pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cependant, elle a reconnu une irrégularité dans la procédure et a accordé à M. [E] une indemnité pour cette irrégularité.

Décisions finales

La cour a infirmé le jugement sur le point de l’indemnité pour irrégularité de la procédure, condamnant la société à verser 1376,70 euros à M. [E]. Elle a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et que chaque partie supporterait ses propres dépens.

VS/GB

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 4 DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

AFFAIRE N° : RG 24/00012 – N° Portalis DBV7-V-B7I-DUPZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de POINTE A PITRE du 7 décembre 2023 – section commerce –

APPELANT

Monsieur [U] [Y] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART – Toque 8 –

INTIMÉE

S.A.R.L. SADIS’NOV MS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Maître Charles NATHEY de la SELARL JURINAT, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART – Toque 42 –

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 janvier 2025.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [E] a été embauché par la Sas Sadis’Nov MS par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 avril 2019 en qualité de technicien de surface.

Par avis du 1er juin 2021, suite à une visite de reprise, le médecin du travail déclarait M. [E] apte à l’exercice de ses fonctions.

Par avis du 22 juin 2021, suite à une visite à la demande du salarié, le médecin du travail le déclarait ‘inapte en un seul examen selon la procédure d’inaptitude de l’article R. 4624-42 du code du travail. Inapte au poste actuel mais apte à un poste équivalent dans un environnement différent’.

Par courrier du 7 septembre 2021, faisant suite à un entretien du 12 août 2021, l’employeur notifiait au salarié deux propositions de reclassement, qu’il n’acceptait ni refusait.

Par courrier du 28 octobre 2021, la société Sadis’Nov MS informait le salarié de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Par courrier du 4 novembre 2021, l’employeur notifiait au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de le reclasser.

M. [E] saisissait le 3 juin 2022 le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, aux fins de voir :

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la Sarl Sadis’Nov MS à lui payer les sommes suivantes :

* 2753,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 275,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1741,89 euros au titre des heures supplémentaires,

* 174,18 euros au titre de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 990 euros au titre du solde du 13ème mois,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de déplacement,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de repas,

* 1376,70 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 5506,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8260 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement et travail dissimulé,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcer l’exécution provisoire.

Par jugement rendu contradictoirement le 7 décembre 2023, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– dit que la société avait satisfait à son obligation de sécurité de résultat,

– dit que la procédure de licenciement était régulière,

– dit que le licenciement de M. [E] [Y] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté la partie demanderesse de l’intégralité de ses prétentions,

– condamné la partie demanderesse au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l’instance.

Par déclaration du 4 janvier 2024, M. [E] formait régulièrement appel dudit jugement, en ces termes : ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués :

– dit que la société a satisfait à son obligation de résultat,

– dit que la procédure de licenciement est régulière,

– dit que le licenciement de M. [E] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– déboute la partie demanderesse de l’intégralité de ses prétentions,

– condamne la partie demanderesse au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la partie demanderesse aux éventuels dépens de l’instance’.

Par ordonnance du 23 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

– rejeté la demande de radiation de l’affaire,

– renvoyé l’affaire à la conférence virtuelle de mise en état du 17 octobre 2024 pour dernières conclusions au fond et, à défaut, clôture et fixation,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance principale.

Par ordonnance du 4 novembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et envoyé la cause à l’audience du lundi 18 novembre 2024 à 14h30.

Par avis adressé le 19 novembre 2024, la cour a invité les parties à faire valoir jusqu’au 25 novembre au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office tiré de ce qu’en application du 5ème alinéa de l’article L. 1235-2 du code du travail, lorsque le licenciement intervient pour une cause réelle et sérieuse et qu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement, incluant le défaut de consultation préalable, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

La Sarl Sadis’Nov a présenté des observations le 25 novembre 2024.

M. [E] n’a pas présenté d’observation.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sarl Sadis’Nov MS le 13 mars 2024, M. [E] demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

Statuer à nouveau,

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la Sarl Sadis’Nov MS à lui régler les sommes suivantes :

* 2753,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 275,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1741,89 euros au titre des heures supplémentaires,

* 174,18 euros au titre de congés payés sur les heures supplémentaires,

* 990 euros au titre du solde du 13ème mois,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de déplacement,

* 1500 euros au titre de l’indemnité de repas,

* 1376,70 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 5506,80 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8260 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et travail dissimulé,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcer l’exécution provisoire.

M. [E] soutient que :

– son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que les membres du comité social économique (CSE) n’ont pas été consultés avant la formulation des propositions de reclassement,

– la procédure de licenciement est irrégulière à défaut de mention dans la convocation à l’entretien de l’adresse de la mairie ou de celle de l’inspecteur du travail,

– sa demande de paiement d’heures supplémentaires est justifiée,

– il a droit au solde de l’indemnité de 13ème mois, ainsi qu’à celles de repas et de déplacement,

– il justifie de faits de harcèlement moral,

– il a droit au versement d’une indemnité pour travail dissimulé dès lors que les heures supplémentaires qu’il a effectuées n’ont été ni déclarées, ni payées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 10 mai 2024 à M. [E], la société Sadis’Nov MS demande à la cour de :

– dire que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement,

– dire fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [E],

– dire régulière la procédure suivie,

– dire infondées l’ensemble des demandes de M. [E],

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– débouter M. [E] de toutes ses demandes,

– condamner M. [E] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] aux dépens.

La société Sadis’Nov MS expose que :

– elle a satisfait à son obligation de reclassement, en proposant des postes au salarié conformes aux préconisations du médecin du travail,

– aucun CSE n’a pu être mis en place au sein de l’entreprise et il ne saurait lui être reproché le défaut de consultation de celui-ci,

– les pièces versées aux débats mettent en évidence qu’aucune heure supplémentaire n’est due au salarié, lequel ne démontre pas un accord de l’employeur à ce titre,

– le salarié ne justifie pas le montant ou remplir les conditions d’attribution des primes réclamées,

– les demandes afférentes au harcèlement moral et au travail dissimulé ne sont pas justifiées.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 7 décembre 2023 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre entre M. [E] [Y] et la Sarl Sadis’Nov MS, sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [E] [Y] de sa demande de versement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

– condamné M. [E] [Y] à verser à la Sarl Sadis’Nov MS une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] [Y] aux dépens de l’instance,

Infirmant et statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Condamne la Sarl Sadis’Nov MS à verser à M. [E] [Y] la somme de 1376,70 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes subséquentes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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