Cour d’appel de Basse-Terre, 20 janvier 2025, RG n° 23/00932
Cour d’appel de Basse-Terre, 20 janvier 2025, RG n° 23/00932

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Basse-Terre

Thématique : Licenciement contesté pour motif économique et ses implications financières

Résumé

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [C] [I], infirmière libérale, a embauché son époux, M. [P] [N], en tant que responsable d’exploitation par contrat de travail à durée indéterminée le 17 février 2005. Le 27 janvier 2021, elle a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable à un licenciement économique. Le licenciement a été notifié le 13 février 2021, effectif le 25 février 2021, en raison de l’adhésion de M. [P] [N] à un contrat de sécurisation professionnelle.

Le 28 mars 2022, M. [P] [N] a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des salaires non perçus entre septembre 2020 et février 2021. Le 13 juin 2022, le conseil a jugé en sa faveur, condamnant Mme [C] [I] à lui verser des sommes pour salaires non perçus et congés payés. Le 18 février 2022, M. [P] [N] a contesté son licenciement et demandé des indemnités.

Le 6 septembre 2023, le conseil a débouté M. [P] [N] de ses demandes et l’a condamné à payer à Mme [C] [I] une somme au titre de la cession de créance. M. [P] [N] a fait appel le 26 septembre 2023, demandant l’infirmation de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [N] demande l’infirmation du jugement, soutenant que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et réclame des indemnités pour licenciement abusif ainsi qu’un rappel de salaire. Il argue que Mme [C] [I] n’a pas justifié de difficultés économiques et n’a pas respecté son obligation de reclassement.

Mme [C] [I] demande la confirmation du jugement, affirmant que le licenciement était justifié par des difficultés économiques. Elle conteste les demandes de M. [P] [N], les jugeant infondées et excessives. Elle réclame également le remboursement de sommes versées à M. [P] [N] au titre d’une cession de salaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal examine la légitimité du licenciement. Il conclut que Mme [C] [I] n’a pas prouvé l’existence de difficultés économiques justifiant le licenciement de M. [P] [N]. La lettre de licenciement manquait de motivation, et les éléments fournis par Mme [C] [I] ne démontraient pas une situation financière suffisamment dégradée pour justifier la rupture du contrat.

En conséquence, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. M. [P] [N] se voit attribuer une indemnité de 11 775,76 euros pour licenciement abusif.

Concernant les demandes de rappel de salaire, M. [P] [N] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ses prétentions, et sa demande est rejetée.

Mme [C] [I] est fondée à réclamer le remboursement de sommes versées pour le compte de M. [P] [N] dans le cadre d’une cession de salaire, s’élevant à 15 177,58 euros.

CONCLUSION

Le jugement du conseil de prud’hommes est partiellement infirmé. Le licenciement de M. [P] [N] est déclaré sans cause réelle et sérieuse, et il reçoit une indemnité. Mme [C] [I] obtient le remboursement des sommes versées pour la cession de salaire. Les demandes de frais irrépétibles sont rejetées, et chaque partie conserve la charge de ses dépens.

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 3 DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

AFFAIRE N° : N° RG 23/00932 – N° Portalis DBV7-V-B7H-DTPI

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section activités diverses – du 6 Septembre 2023.

APPELANT

Monsieur [P] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Yanick LOUIS-HODEBAR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Madame [C] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Chantal BEAUBOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 4 Novembre 2024 , en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,

Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 janvier 2025

GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCEDURE.

Par contrat de travail à durée indéterminée de 35 heures hebdomadaires en date du 17 février 2005 à effet du même jour, Mme [C] [I], infirmière libérale, a embauché son époux, M. [P] [N], en qualité de responsable d’exploitation, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 500,43 euros.

Par lettre en date du 27 janvier 2021 remise en main propre contre décharge, Mme [C] [I] a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement économique.

Par lettre remise en main propre contre décharge en date du 13 février 2021, Mme [C] [I] a licencié M. [P] [N] pour motif économique. Son licenciement a été effectif le 25 février 2021 en raison de l’adhésion du salarié au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.

Le 28 mars 2022, M. [P] [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Point-à-Pitre en paiement de salaires pour la période de septembre 2020 à février 2021 outre l’incidence des congés payés.

Par ordonnance en date du 13 juin 2022, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– déclaré M. [P] [N] recevable et bien fondé en son action,

– condamné Mme [C] [I] à payer à M. [P] [N] les sommes suivantes :

– 4 196,04 euros au titre des salaires non perçus,

– 445,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

– 200 euros au titre de l’article 700 du code de proécdure civile,

– débouté Mme [C] [I] de l’ensemble de ses demandes,

– prononcé l’exécution provisoire,

– mis les dépens à la charge de Mme [C] [I].

Le 18 février 2022, M. [P] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre au fond à l’effet de contester la mesure de licenciement prononcée à son égard et de réclamer des indemnités et un rappel de salaire.

Par jugement en date du 6 septembre 2023, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– débouté M. [P] [N] de toutes ses demandes,

– condamné M. [P] [N] à payer à Mme [C] [I] la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créance,

– débouté Mme [C] [I] de toutes ses autres demandes,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [N] aux entiers dépens.

Le jugement a été notifié à M. [P] [N] le 15 septembre 2023.

Par déclaration notifiée par le réseau privé virtuel des avocats le 26 septembre 2023, M. [P] [N] a relevé appel de la décision, sollicitant son infirmation totale en ce qu’elle l’avait débouté de l’intégralité de ses demandes et en ce qu’elle l’avait condamné au paiement de la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créances.

Par acte notifié par le réseau privé virtuel des avocats le 6 octobre 2023, Mme [C] [I] a constitué avocat.

Par décision en date du 10 octobre 2024, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et renvoyé la cause et les parties à l’audience du 4 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été retenue et mise en délibéré.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Vu les dernières conclusions de M. [P] [N] notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 avril 2024, par lesquelles il demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a :

‘- débouté de toutes ses demandes,

– condamné à payer à Madame [C] [I] la somme de 22 766 euros au titre de la cession de créance,

– condamné aux entiers dépens.’

Et statuant de nouveau,

– de déclarer sa demande recevable et bien fondée,

– de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– de juger que son licenciement est dépourvu de motifs économiques.

En conséquence,

– de condamner Mme [C] [I] au paiement des sommes suivantes :

– 14 375,84 euros au titre des rappels de salaires pour la période de septembre 2020 à février 2021,

– 37 565,97 euros au titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 100 000 euros au titre du préjudice moral,

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de rejeter toutes les demandes de Mme [C] [I].

M. [P] [N] soutient, en substance, que le licenciement économique dont il a fait l’objet est sans cause réelle et sérieuse au regard de l’absence de motifs dans la lettre de licenciement. Il ajoute que Mme [C] [I] ne fournit, par ailleurs, aucune indication sur l’évolution de sa situation économique qui aurait rendu inéluctable le prononcé de la mesure. Il poursuit en indiquant que l’employeur n’a pas davantage satisfait à son obligation de reclassement.

Estimant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [P] [N] demande, au visa des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail une indemnité outre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

M [N] réclame, par ailleurs, un rappel de salaire motif pris que Mme [C] [I] n’aurait pas satisfait à son obligation à cet égard entre le mois de septembre 2020 et le mois de février 2021.

Il s’oppose, au visa des dispositions de l’article 1303 du code civil, à la demande reconventionnelle de Mme [C] [I] portant sur la somme de 22 766,37 euros, estimant que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il l’ait réglée au titre de la cession de salaire consentie et qu’il lui appartenait de la retenir sur son salaire. M [P] [N] s’oppose aux délais de paiement sollicités par l’employeur dès lors qu’il s’agit de créances salariales.

Vu les dernières conclusions de Mme [C] [I] notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2024, par lesquelles elle demande à la cour :

– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de la demande reconventionnelle au titre du remboursement du trop perçu de salaire.

En conséquence,

– de dire que le licenciement de M. [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– de débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes,

– de condamner M. [N] à lui verser :

– 22 766,37 euros au titre de la cession de créances,

– 3 612,64 euros au titre des versements effectués sur son compte et qui ne correspondaient à aucun salaire,

– d’ordonner, le cas échéant, la compensation des condamnations réciproques,

A titre subsidiaire,

– de lui accorder des délais de paiement sur 24 mois pour s’acquitter des condamnations prononcées à son encontre eu égard à la persistance de ses difficultés économiques et à son état de santé,

– de condamner M. [N] à lui verser 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’essentiel, Mme [C] [I] soutient que la situation financière désastreuse dans laquelle l’a placée M. [P] [N] a justifié qu’elle mette fin à son contrat de travail pour motif économique dans le respect des dispositions de l’article L 1233-3 du code du travail. Elle ajoute que la dimension de son entreprise empêchait tout reclassement. Elle dénie toute absence de motivation dans la lettre de licenciement et affirme que ses difficultés étaient sérieuses et objectives. Mme [C] [I] s’oppose aux demandes financières de M. [P] [N] qu’elle juge injustifiés dans leur principe s’agissant du rappel de salaire et de la réparation du préjudice moral et excessive dans son montant s’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [C] [I] articule deux demandes financières à l’encontre de M. [P] [N] estimant qu’il a réalisé des virements injustifiés à son profit en sus de son salaire mensuel et qu’elle a effectué pour son compte de nombreux versements au titre d’une cession de salaire sans que ceux-ci ne soient pris en compte sur les fiches de paie alors même qu’il s’agissait d’une dette qui était personnelle au salarié. Mme [C] [I] sollicite en tout état de cause une compensation entre les sommes qui seront dues respectivement par les parties et subsidiairement des délais de paiement.

Pour le surplus de l’exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre en date du 6 septembre 2023 sauf en ce qu’il a estimé le licenciement pour motif économique de M. [N] fondé et excepté sur le montant dû par M. [P] [N] au titre de la cession de salaire,

L’infirme de ces chefs,

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement économique de M. [P] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme [C] [I] à payer à M. [P] [N] la somme de 11 775,76 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [P] [N] à payer à Mme [C] [I] la somme de 15 177,58 euros au titre des sommes réglées par l’employeur dans le cadre de la cession de salaire,

Y ajoutant,

Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties et condamne M. [P] [N] à payer la différence à Mme [C] [I],

Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens en cause d’appel.

Et ont signé

La greffière, La Présidente,

 


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