Cour d’appel de Basse-Terre, 16 janvier 2025, RG n° 23/00022
Cour d’appel de Basse-Terre, 16 janvier 2025, RG n° 23/00022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Basse-Terre

Thématique : Congé de vente et contestation de capacité : enjeux d’une expulsion locative

Résumé

Contrat de bail et congé de vente

Par contrat du 1er juillet 2004, Mme [D] [E] a loué une villa à Mme [C] [T] épouse [Z] pour un loyer mensuel de 533,27 euros. Le 22 octobre 2021, Mme [O] [D] [E] a signifié à Mme [T] un congé avec offre de vente du logement pour 120.000 euros, effectif au 30 juin 2022.

Procédure d’expulsion

À la date du 1er juillet 2022, Mme [T] n’avait pas quitté les lieux. Le 12 juillet 2022, Mme [O] [S] [A] [D] [E] a assigné Mme [T] devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour obtenir son expulsion. Le jugement du 15 décembre 2022 a rejeté les objections de Mme [T], déclaré le congé régulier, constaté l’absence de droit de Mme [T] sur le logement, et ordonné son expulsion avec astreinte de 100 euros par jour.

Appel et interventions

Mme [T] a interjeté appel le 5 janvier 2023, contestant le jugement. La procédure a été mise en état, et Mme [E] a constitué son intervention le 20 février 2023. Après le décès de Mme [O] [E] le 16 février 2024, Mme [J] [K] [E], fille unique de la défunte, a intervenu dans l’instance.

Arguments des parties

Mme [T] soutient que Mme [E] n’avait pas la capacité d’agir en justice en raison de sa maladie d’Alzheimer et que le jugement ne mentionne pas son acceptation du congé. Mme [K] [E] conteste cette capacité, affirmant que sa mère souffrait de la maladie de Parkinson, sans altérer ses facultés mentales, et que l’offre de vente n’a jamais été acceptée par Mme [T].

Recevabilité de l’appel

La cour a déclaré l’appel de Mme [T] recevable, ayant été interjeté dans le délai légal. Cependant, elle a constaté que la déclaration d’appel ne critiquait pas expressément les chefs du jugement, ce qui a conduit à l’absence d’effet dévolutif.

Décision finale

La cour a déclaré l’intervention de Mme [K] [E] recevable en tant qu’héritière. Elle a constaté qu’aucun chef du jugement n’avait été déféré à la cour, condamnant Mme [T] aux dépens et à verser 3.500 euros à Mme [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET N° 10 DU 16 JANVIER 2025

N° RG 23/00022 –

N° Portalis DBV7-V-B7H-DQVY

Décision attaquée: jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 15 décembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 22/01160

APPELANTE :

Madame [G] [T] épouse [Z]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick Erosie, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE:

Madame [O] [E] (décédée le 12 février 2024)

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Madame [K] [J] [E], ès qualités d’héritière de feue [O] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Nicolas Gonand, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Assistée par Me Michel Bayeron, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Annabelle Clédat et Madame Aurélia Bryl, conseillères, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Frank Robail, président de chambre,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Aurélia Bryl, conseillère.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 janvier 2025.

GREFFIER

Lors des débats et lors du prononcé :Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRET :

– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat du 1er juillet 2004, Mme [D] [E] a donné à bail d’habitation à Mme [C] [T] épouse [Z] une villa sise [Adresse 4], moyennant un loyer mensuel de 533,27 euros.

Par acte d’huissier du 22 octobre 2021, Mme [O] [D] [E] a fait signifier à Mme [T] épouse [Z] un congé à effet du 30 juin 2022 valant offre de vente du logement, moyennant le prix de 120.000 euros net vendeur.

A la date du 1er juillet 2022, Mme [T] épouse [Z] n’avait pas quitté les lieux.

Le 12 juillet 2022, Mme [O] [S] [A] [D] [E] a assigné Mme [T] épouse [Z] devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en vue d’obtenir son expulsion des lieux loués avec, au besoin, le concours de la force.

Par jugement du 15 décembre 20222, le jugedes contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a :

– rejeté la fin de non recevoir formulée par Mme [T] épouse [Z] pour défaut de base légale,

– déclaré Mme [O] [E] recevable et bien fondée en ses demandes,

– jugé régulier le congé délivré par Mme [O] [E] le 22 octobre 2021,

– constaté l’existence de l’offre de vente soumise à Mme [T] épouse [Z] le 22 octobre 2021,

– constaté l’absence de droit et de titre de Mme [T] épouse [Z] sur le logement visé dans le bail du 1er juillet 2004,

– ordonné l’expulsion de Mme [T] épouse [Z] et de tous occupants de son chef, avec au besoin, le concours de la force publique, des lieux visés par le bail du 1er juillet 2004,

– prononcé une astreinte de 100 euros par jour à l’encontre de Mme [T] épouse [Z] pour chaque jour de retard dans l’exécution de son obligation de quitter les lieux à compter de la signification du jugement,

– condamné Mme [T] épouse [Z] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté le surplus des demandes des parties.

Mme [T] épouse [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 5 janvier 2023, en indiquant que son appel portait ‘sur tout le jugement’.

La procédure a fait l’objet d’une orientation à la mise en état.

Mme [E] a remis au greffe sa constitution d’intimée par voie électronique le 20 février 2023.

Par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 février 2024, Mme [T] épouse [Z], a sollicité la ‘réouverture des débats’ aux motifs que Mme [O] [D] [E] était décédée le 16 février 2024 et qu’il appartenait ‘à la partie adverse’ de produire un acte de décès.

Par ordonnance en date du 13 mars 2024, le conseiller de la mise en état a:

– constaté l’interruption de l’instance enrôlée sous le numéro RG 23/00022 depuis le 4 mars 2023 en suite du décès de l’intimée,

– révoqué l’ordonnance de clôture de la mise en état du 20 novembre 2023,

– dit que l’instance ne serait pas reprise, à la demande de la partie la plus diligente, qu’après mise en cause du ou des ayants-droits de la défunte, feue Mme [O] [E].

Par conclusions remises au greffe par RPVA le 26 avril 2024, Mme [J] [K] [E], se disant fille unique de [O] [E], est intervenue volontairement à l’instance.

Par ordonnance en date du 7 mai 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la reprise de l’instance enrôlée sous le numéro de RG 23/00022, renvoyé la cause et les parties à la mise en état virtuelle du 17 juin 2024, et enjoint Mme [T] épouse [Z] à conclure au fond avant cette date.

La procédure a été à nouveau clôturée par ordonnance en date du 17 juin 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 28 octobre 2024, à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

Suivant avis adressé aux avocats des parties par RPVA le 28 octobre 2024, la cour les a invités à faire valoir leurs observations avant le 15 novembre 2024 sur le moyen de pur droit, qu’elle envisageait de relever d’office, tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel remise au greffe le 5 janvier 2023, en l’absence d’énumération des chefs de jugement expressément critiqués, alors que l’appel ne tendait pas à l’annulation du jugement.

Par message adressé via le RPVA le 15 novembre 2024, l’avocat de l’intimée a indiqué qu’il n’avait aucune observation à formuler s’agissant du moyen que la cour envisageait de relever d’office.

Par message du 15 novembre 2024, l’avocat de l’appelante a indiqué que son appel avait bien entraîné la dévolution de l’ensemble des chefs de jugement, puisque la déclaration d’appel mentionnait ‘ sur tout le jugement’ italique et que par ailleurs, ses conclusions d’appelante sollicitaient l’annulation du jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Mme [C] [T] épouse [Z], appelante :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2023 par lesquelles l’appelante demande à la cour de :

– ‘ recevoir Mme [T] épouse [Z] dans toutes ses demandes,

– juger que compte tenu des déclarations du Conseil de Madame [E] qui a lourdement insisté sur le fait que sa cliente souffre de la maladie d’Alzheimer, que cette dernière n’a pas la capacité d’agir en justice,

subsidiairement

– juger que le jugement présentement querellé ne constate pas que Mme [T] a accepté ou refusé le congé valant vente,

– juger en conséquence, ce jugement nul et non-avenu,

– condamner Mme [E] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’.

Mme [T] épouse [Z] reproche à la décision déférée d’avoir jugé le congé délivré par Mme [E] régulier alors que, d’une part, celle-ci étant atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle ne dispose pas de la capacité à agir en justice et que, d’autre part, le jugement déféré, qui ne mentionne pas dans son dispositif que Mme [T] épouse [Z] n’a pas accepté l’offre de vente, est dénué de fondement légal.

2°/ Mme [E] [J], intervenante volontaire :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 avril 2024 par lesquelles Mme [K], [J] [E], se disant fille unique de feue Mme [E], intervenante volontaire à l’instance, demande à la cour :

– de constater son intervention volontaire et la déclarer recevable et bien fondée,

– d’ordonner la reprise d’instance,

– de déclarer Mme [T] épouse [Z] irrecevable et mal-fondée en son appel,

– d »infirmer l’ensemble des demandes de Mme [G] [T] épouse [Z]’,

– de confirmer le jugement du 15 décembre 2022 déféré à la cour en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

– de condamner Madame [C] [T] épouse [Z] au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [E] [K] expose à ces fins qu’elle est bien fondée à intervenir volontairement à l’instance suite au décès de sa mère, [O] [P], en sa qualité d’unique héritière.

Sur l’exception de nullité fondée sur le défaut de capacité d’ester en justice, elle fait valoir que Mme [O] [E] souffrait de la maladie de parkinson, pathologie qui n’est pas de nature à altérer les facultés mentales, de sorte que sa capacité à agir en justice ne faisait aucun doute. Elle ajoute que cette dernière ne bénéficait d’aucune mesure de protection au sens de l’article 117 du code civil, son état de santé ne le justifiant pas.

Elle expose également que Mme [T] épouse [Z] n’a jamais accepté l’offre de vente formulée par sa mère dans le congé délivré en octobre 2021 puisque celle-ci a contesté le prix de vente fixé ce qui ne saurait constituer une acceptation pure et simple au sens l’article 1118 du code civil. Elle fait valoir enfin que l’offre de vente n’a par conséquent jamais été acceptée, raison pour laquelle elle est bien fondée à solliciter l’expulsion de Mme [T] épouse [Z], désormais occupante sans droit ni titre du bien ayant appartenu à sa mère.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l’appel formé par Mme [C] [T] épouse [Z] recevable,

Déclare recevable l’intervention volontaire de Mme [K] [J] [E] en sa qualité d’héritière de feue Mme [O] [E], décédée le 12 février 2024,

Constate qu’aucun des chefs du jugement critiqué n’a été déféré à la cour,

Condamne Mme [C] [T] épouse [Z] à payer à Mme [E] [K] [J] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La déboute de sa propre demande à ce titre,

Condamne Mme [C] [T] épouse [Z] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Et ont signé,

La greffière, Le président

 


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