Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
→ RésuméLa société Anjou Design Pro, fondée en avril 2017, est spécialisée dans le commerce d’habillement. M. [K] [C], détenant 24% des parts, signe un contrat d’agent commercial avec une commission de 30%. En janvier 2018, il démissionne et, en juillet 2018, annonce sa volonté de rompre son contrat de travail, invoquant des manquements de l’employeur. Après la liquidation judiciaire de la société, il saisit le conseil de prud’hommes, demandant la reconnaissance d’un contrat de travail et des indemnités. Cependant, en janvier 2021, le tribunal rejette ses demandes, concluant à l’absence de lien de subordination.
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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00148 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EZBB.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’ANGERS, décision attaquée en date du 22 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00468
ARRÊT DU 25 Mai 2023
APPELANT :
Monsieur [K] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Alexandre BEAUMIER, avocat au barreau d’ANGERS
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. ATHENA ès qualité de mandataire ad’hoc de la SARL ANJOU DESIGN PRO (Maître [J] [F])
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante – ni représentée
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
Association déclarée
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseillère chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 25 Mai 2023, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Christine DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Anjou Design Pro, immatriculée le 24 avril 2017, avait pour activité principale le commerce et la fabrication de détail de l’habillement, des articles textiles et de matériels, personnalisation, broderie et impression numérique sur tout type de support.
Ses statuts désignaient M. [U] [O] comme gérant et associé majoritaire avec 52% des parts sociales détenues, M. [S] [C] ainsi que son frère [K] [C] détenant chacun 24% des parts sociales.
Le 4 avril 2017, MM. [S] et [K] [C] ont signé avec la société Anjou Design Pro un ‘contrat d’agent commercial-mandat commercial’, aux fins d’assurer la promotion et la commercialisation des produits confectionnés par la société moyennant un commissionnement de 30%.
M. [K] [C] a démissionné de son mandat d’agent commercial le 17 janvier 2018.
Par courrier du 20 juillet 2018, M. [C] a informé la société Anjou Design Pro qu’il entendait prendre acte de la rupture de son contrat de travail compte tenu des graves manquements qu’il imputait à la société et rendant impossible la poursuite de la relation de travail.
Par requête reçue au greffe le 4 juillet 2019, M. [K] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers.
Par jugement du tribunal de commerce d’Angers du 18 septembre 2019, la société Anjou Design Pro a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl Athena prise en la personne de Me [J] [F] désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Dans le dernier état de ses prétentions, M. [C] sollicitait que soit reconnue l’existence d’une prestation de travail et d’un lien de subordination avec la société Anjou Design Pro, et que cette relation soit qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Il demandait également au conseil de juger que la société Anjou Design Pro avait violé ses obligations de décompte de la durée du travail et de paiement des heures de travail, et constatant le caractère grave et répété de ces violations, de juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait en conséquence la condamnation de Me [J] [F], ès qualités, à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement, des rappels de salaire, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, il demandait la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Anjou Design Pro sous garantie du CGEA-AGS de [Localité 5].
Par jugement du 8 juillet 2020, le tribunal de commerce d’Angers a clôturé la procédure collective pour insuffisance d’actif et la société Anjou Design Pro a fait l’objet d’une radiation du registre du commerce et des sociétés le 11 août 2020.
Par ordonnance du président du tribunal de commerce d’Angers du 8 septembre 2020, la Selarl Athena prise en la personne de Me [J] [F] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société Anjou Design Pro dans le cadre de la procédure prud’homale.
Suivant procès-verbal du 21 juillet 2020, le conseil de prud’hommes d’Angers s’est déclaré en partage de voix.
Par jugement de départage en date du 22 janvier 2021, le conseil de prud’hommes d’Angers a :
– dit le jugement commun au CGEA de [Localité 5] mandataire de l’AGS ;
– révoqué l’ordonnance de clôture du 17 décembre 2019, accueilli les conclusions déposées postérieurement par les parties (29 septembre 2020 pour le CGEA et 27 novembre 2020 pour M. [K] [C]) et fixé à l’audience de départage la clôture des échanges ;
– débouté M. [K] [C] de sa demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail ;
– débouté M. [K] [C] du surplus de ses demandes ;
– condamné M. [K] [C] au paiement des entiers dépens.
M. [C] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 25 février 2021, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
Le CGEA de [Localité 5], unité déconcentrée de l’Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l’AGS, a constitué avocat en qualité d’intimé le 10 mars 2021.
Par ordonnance du président du tribunal de commerce d’Angers en date du 19 mai 2021, la Selarl Athena, prise en la personne de Me [J] [F], a été désignée en tant que mandataire ad hoc, avec pour mission de ‘représenter la société Anjou Design Pro devant la chambre prud’homale de la cour d’appel d’Angers et si nécessaire, d’établir les bordereaux au CGEA-AGS pour le règlement des créances salariales restant dues à M. [K] [C]’.
La Selarl Athena, prise en la personne de Me [J] [F], ès qualités, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 6 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [C], dans ses dernières conclusions récapitulatives n°2, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 9 mai 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé dans son appel, d’infirmer le jugement et, statuant de nouveau, de :
– constater l’existence d’une prestation de travail et d’un lien de subordination entre la société Sarl Anjou Design Pro et lui ;
– qualifier sa relation avec la société Sarl Anjou Design Pro de contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
– constater la violation par la société Anjou Design Pro de son obligation de décompte de la durée du travail et de son obligation de paiement des heures de travail, ainsi que le caractère grave et répété de ces violations ;
– constater l’existence de travail dissimulé par dissimulation totale d’activité ;
– juger la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail imputable à la société Anjou Design Pro et constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamner la Selarl Athena, représentée par Me [J] [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sarl Anjou Design Pro, à lui verser les sommes suivantes, sous la garantie de l’AGS :
– 32 846,55 euros à titre de rappel de salaire, ainsi que la somme de 3284,66 euros au titre des congés payés afférents, – 2189,77 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 218,98 euros au titre des congés payés afférents,
– 638,68 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, – 13 138,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l’article L. 1235-3 du code du travail, – 13 138,62 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail ;
– juger que l’application du barème résultant des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écartée comme non conforme aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail en son article 10, la Charte Sociale Européenne du 3 mai 1996 en son article 24 et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales en son article 6 ;
– dire que les sommes dues produiront intérêts au taux légal, en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil pour les salaires à compter de la date de saisine et prononcer la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
En toute hypothèse,
– déclarer la décision à intervenir opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 5] ;
– condamner la Selarl Athena, représentée par Me [J] [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sarl Anjou Design Pro, à lui verser la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Selarl Athena, représentée par Me [J] [F], ès qualités de mandataire ad hoc de la Sarl Anjou Design Pro, aux entiers dépens outre les éventuels frais d’exécution.
A l’appui de son appel, M. [C] fait valoir que les conditions nécessaires à la reconnaissance d’un contrat de travail sont parfaitement réunies et que parallèlement à son activité d’agent commercial, il a bien exercé une activité salariée pour le compte de la société Anjou Design Pro afin d’assurer la confection et la livraison des articles promus.
Il affirme ainsi qu’entre les mois d’avril 2017 et juillet 2018, son frère et lui ont assuré l’entière activité de la société Anjou Design Pro, de la création à la commercialisation, en passant par la fabrication de la marchandise, ce qui dépassait très largement sa mission d’agent commercial. Il estime encore qu’il aurait dû percevoir une rémunération en contrepartie de sa prestation de travail, laquelle ne lui a jamais été versée. Il entend ainsi démontrer l’existence d’un lien de subordination résultant de l’exécution de son travail au sein d’un service organisé ce, alors qu’il recevait des instructions précises de son employeur.
Il sollicite en conséquence un rappel de salaire indiquant que l’activité de la Sarl Anjou Design Pro se rattache à la convention collective nationale de la sérigraphie (industrie et procédés d’impression numérique connexes) et qu’il aurait dû être classé en position F.
Il estime que le délit de travail dissimulé est caractérisé puisque M. [O] le faisait délibérément travailler sans pour autant lui verser les salaires correspondant à la réalité de sa prestation du travail.
Enfin, M. [C] considère que les violations graves et répétées de la société Anjou Design Pro à son obligation de décompter le temps de travail et de payer les salaires dus justifient que la prise d’acte de la rupture, imputable aux fautes ainsi commises par l’employeur, produise les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
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Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 12 août 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, le CGEA de [Localité 5], unité déconcentrée de l’Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l’AGS demande à la cour de :
– donner acte à l’AGS de son intervention par le CGEA de [Localité 5] ;
– confirmer le jugement entrepris ;
– dire et juger irrecevables les demandes de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Anjou Design Pro ;
– débouter M. [K] [C] de l’intégralité de ses demandes ;
– subsidiairement, dire que les éventuelles condamnations prononcées à l’encontre de la société Anjou Design Pro, représentée par son mandataire ad’hoc, ne seront garanties par l’AGS que dans les limites prévues par l’article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code ;
– le condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses intérêts, le CGEA-AGS de [Localité 5] fait d’abord valoir que toute demande de fixation d’une créance au passif de la Sarl Anjou Design Pro, n’est pas recevable puisque la clôture pour insuffisance d’actif a été prononcée selon jugement du 8 juillet 2020.
Sur le fond, l’organisme expose que lors de la création de la société Anjou Design Pro, les trois associés avaient choisi de ne pas employer de salarié et de répartir les tâches pour le bon fonctionnement de l’entreprise en fonction de leurs compétences. Il affirme ainsi que si M. [C] démarchait les prospects de la société Anjou Design Pro dans le cadre de son contrat d’agent commercial, il réalisait les travaux litigieux en sa seule qualité d’associé.
Le CGEA-AGS de [Localité 5] conclut encore à l’absence de tout lien de subordination, M. [C] travaillant à son domicile et quand il le souhaitait.
Il souligne que le dernier élément d’une relation salariée fait aussi défaut puisque M. [C] reconnaît ne jamais avoir perçu ni réclamé la moindre contrepartie financière à la réalisation des commandes. Il ajoute qu’au contraire, il procédait lui-même au paiement des charges de la société, acceptait de maintenir chez lui le matériel nécessaire à l’activité et conservait de surcroît le statut d’entrepreneur individuel en facturant directement des prestations effectuées grâce aux moyens mis à disposition par la société.
En définitive, il assure que M. [C] a accepté cette situation dans l’intérêt de la société dont il était associé.
Subsidiairement, le CGEA-AGS de [Localité 5] fait observer que M. [C] sollicite le paiement de 15 mois du salaire minimum conventionnel sur la base de 35 heures par semaine sans établir qu’il a réellement travaillé pendant cette période à la réalisation de tâches de broderie et d’impression au profit de la société ce, alors qu’une bonne partie de son temps était occupée par son activité de mandataire commercial pour laquelle il percevait des commissions, ou par celle d’indépendant pour laquelle il était rémunéré directement par ses clients.
Enfin, le CGEA-AGS de [Localité 5] soutient qu’il ne peut être reproché à la société, dont M. [C] était lui-même l’un des associés, d’avoir dissimulé une activité salariée dans la mesure ou il a attendu la prise d’acte de rupture de son contrat de travail le 20 juillet 2018 pour évoquer pour la première fois l’existence d’un contrat de travail.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur l’existence d’un contrat de travail :
L’existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Si c’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence et le contenu, en présence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.
Il convient de préciser que les fonctions de gérant d’une société ou d’associé ne sont pas incompatibles avec la qualité de salarié, à condition que le salarié exerce des fonctions techniques distinctes du mandat social, dans un lien de subordination et moyennant une rémunération distincte de celle versée au titre du mandat social.
En outre, l’ article L. 8221-6 I du code du travail dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2023, instaure une présomption de non-salariat à l’égard, notamment, ‘des personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales’.
Il est ajouté au II de cet article que ‘l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.’
En l’espèce, M. [C] ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail écrit ni de bulletins de paie de nature à caractériser un contrat de travail apparent.
En outre, il est constant que M. [K] [C] a créé avec son frère et M. [O], la Sarl Anjou Design Pro, dont il détenait 24% des parts et qu’il avait donc la qualité d’associé minoritaire.
Il est tout aussi établi, que M. [C] a signé avec la société, le 4 avril 2017, un ‘contrat d’agent commercial-mandat commercial’ lui confiant ‘la promotion et la commercialisation des produits de la société’. En contrepartie, la société s’engageait à lui verser 30% des commissions sur les ventes.
Un extrait d’immatriculation au registre spécial des agents commerciaux à jour du 13 avril 2017 annexé au contrat, mentionne que M. [C] a été immatriculé sur ce registre à compter du 11 avril 2017 et que son adresse professionnelle correspondait à celle du siège social de la société Anjou Design Pro.
Il n’est pas contesté par les parties que le contrat d’agent commercial a reçu exécution jusqu’à la démission de M. [C] par courrier du 17 janvier 2018 reçu par la société le 20 janvier suivant, avec un préavis prenant fin le 17 février 2018.
Enfin, diverses factures versées par M. [C] lui-même permettent de constater que celui-ci exerçait concomitamment une activité d’entrepreneur individuel dans ‘l’ennoblissement textile par impression numérique, sérigraphie et sublimation’ sous un numéro siren distinct et au sujet duquel M. [C] ne dit rien.
Par suite, au regard de l’absence de contrat de travail apparent comme de la présomption de non-salariat applicable à M. [C] et résultant de ses inscriptions aux registres précités, il appartient à celui-ci, qui se prévaut d’un contrat de travail, de rapporter la preuve de son existence et le cas échéant de son contenu.
En particulier, M. [C] doit renverser la présomption de non-salariat en démontrant avoir été placé quant à l’organisation de son travail, dans une situation de dépendance quelconque, avoir reçu des instructions, et disposé d’une faible latitude quant à l’exécution de ses missions.
Liminairement, la cour relève que si le contrat d’agent commercial signé entre la société Anjou Design Pro et chacun des associés minoritaire avait pour objet unique ‘la promotion et la commercialisation de ces produits’, il apparaît que les associés n’avaient pas entendu engager de salariés ni avoir recours à la sous-traitance pour la confection des produits, la réalisation de ces prestations constituant pourtant le préalable nécessaire et inhérent à l’activité exercée tant par la société que par les agents commerciaux dans la limite des missions confiées.
Il n’est pas contesté que M. [C] accomplissait dans son propre domaine de compétence, des prestations techniques d’impression et de borderie et procédait à la livraison des travaux réalisés, alors que ces tâches ne figuraient pas expressément parmi les missions confiées dans le cadre du contrat d’agent commercial.
Cependant, M. [C] ne démontre nullement que les parties avaient convenu d’une quelconque rémunération financière ou autre contrepartie au titre de ces prestations et il est constant qu’aucune rémunération n’a été versée entre avril 2017 et juillet 2018 à ce titre ce, sans que l’associé-agent commercial n’émette la moindre réclamation ni protestation jusqu’à sa lettre de prise d’acte de la rupture le 20 juillet 2017. Ainsi, lors de sa démission de ses fonctions d’agent commercial six mois auparavant, M. [C] se limitait à réclamer le versement de commissions sans évoquer le non-paiement de salaire en contrepartie de la confection ou la livraison des articles, ni aborder le devenir de sa prétendue relation salariale en suite de sa démission d’agent commercial, ou encore plus généralement l’existence d’un quelconque contrat de travail.
Il apparaît ainsi que la condition liée à l’existence d’une contrepartie financière, nécessaire à la reconnaissance d’un contrat de travail, fait défaut.
Il reste que l’absence de contrepartie n’est pas un motif permettant à lui seul d’écarter la qualification de contrat de travail en présence d’une prestation de travail et d’un lien de subordination.
Il convient en conséquence d’examiner l’existence d’un lien de subordination, condition nécessaire et déterminante à la caractérisation d’un contrat de travail. A cette fin, le juge recherche s’il existe un faisceau d’indices pouvant établir un lien de subordination. Il doit vérifier dans quelles conditions ou circonstances réelles s’exerçaient les fonctions ou l’activité de celui ou de celle réclamant la reconnaissance d’un contrat de travail.
Il est également de principe que l’absence d’indépendance dans l’organisation et l’exécution de la mission caractérise l’existence d’un lien de subordination et que l’intégration du travailleur dans un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution peut constituer un indice de subordination.
Pour tenter de démontrer l’existence d’un tel lien, M. [C] fait valoir qu’il accomplissait les prestations litigieuses au sein d’un service organisé, en ce qu’il utilisait les machines d’impression et des stocks de vêtements appartenant à M. [O], leur employeur de fait, ce, à son domicile tel qu’assigné par son employeur, et que la clientèle était bien celle de la société Anjou Design Pro. Il invoque l’absence de toute autonomie dès lors qu’il n’a jamais reçu de délégation de pouvoir ni signature bancaire et que par ailleurs, il était destinataire d’ instructions précises et ordres reçus de son employeur.
Il est constant que M. [C] exécutait les prestations litigieuses à son propre domicile mais celui-ci n’établit pas que la société Anjou Design Pro, ou M. [O], lui aurait imposé un tel lieu de travail. Ses seules affirmations énoncées dans sa lettre de prise d’acte de la rupture ne sauraient constituer une telle preuve.
De plus, il n’est pas contesté que M. [C] disposait d’une liberté totale d’organisation de son temps de travail et qu’aucun horaire de travail ne lui était imposé.
Dans ce contexte, l’usage de machines appartenant à M. [O] ne saurait suffire à caractériser l’exercice d’une activité au sein d’un service organisé dont l’employeur aurait déterminé unilatéralement les conditions d’exécution.
De surcroît, les quelques courriels ou SMS échangés avec M. [O] ne démontrent nullement que celui-ci recevait des ordres de la part de la société Anjou Design Pro ou que celle-ci en aurait contrôlé l’exécution. Ainsi, les deux seuls mails adressés les 17 et 25 décembre 2017 par M. [O] depuis l’adresse de la société, considérés par M. [C] comme les plus significatifs d’un lien de subordination, sont ainsi rédigés :
‘ [K], Récap : pour les pinks : (…) Pour les noms, en rose, le même rose que sur les cagoules et l’écusson.
[S] a-t-il avancé sur le visuel (recto verso) pour que je montre au gars’
Tu as eu mon message pour le badaboum circus’
Je devrais récupérer 6 vestes d’un client qui seront à broder (6 coeurs).
[G] a-t-il récupéré les parasols’ Est-il content’
Pour aléas solutions, je devrais avoir un retour en début de semaine pour les trois polos (2 hommes et une femme), modèle star pour les femmes, c’est ça’
Bonne soirée’.
‘ Salut, je viens de faire le point avec les gars et la prochaine op est le 7 janvier, je vais donc avoir besoin au minimum des polos suivants pour le 6 janvier : (…) Bonne soirée’.
Ces courriels ont pour objet d’apporter des informations sur les commandes à venir ou de recueillir des informations sur la satisfaction de clients ce, dans un style concis et efficace.
D’autres courriels, révèlent que M. [C] y répondait de la même manière : ‘ [U], préviens moi demain quand tu recevras les casquettes et quand tu auras fini le dossier de [W] (…).
Ces messages ne révèlent pas l’exercice d’un quelconque pouvoir hiérarchique de la société Anjou Design Pro ou de M. [O].
Plus généralement, et ainsi que l’analysent avec justesse les premiers juges, les échanges de courriels entre les parties manifestent avant tout des échanges normaux entre les associés, ou/et entre la société et ses mandataires commerciaux sans directive pour l’organisation du travail quotidien au sens du droit du travail.
Au surplus, M. [C] n’apporte aucune pièce de nature à établir que la société Anjou Design Pro, par l’intermédiaire de son gérant, disposait du pouvoir de le sanctionner en cas de manquements, ou qu’il devait régulièrement rendre des comptes de son activité.
Enfin, l’absence de délégation et le défaut de signature bancaire au regard de la proximité des relations unissant les trois associés au sein d’une petite structure et, alors que par ailleurs, M. [C] avait mandat pour représenter la société Anjou Design Pro dans l’exercice de ses fonctions d’agent commercial, ne sont pas suffisantes pour constituer un faisceau d’indices permettant de conclure à l’existence d’un lien de subordination juridique permanent.
En définitive, M. [C] échoue à démontrer qu’il a réalisé les prestations techniques d’impression et de broderie comme la livraison des travaux effectués moyennant rémunération et sous la subordination de la société Anjou Design Pro ou au sein d’un service organisé dont les conditions d’exécution du travail auraient été déterminées unilatéralement par la société.
Les éléments ci-dessus rappelés confirment au contraire, ainsi que l’a considéré le conseil de prud’hommes, que les trois associés, lors de la création de la société Anjou Design Pro, avaient librement décidé d’une part, d’organiser leur rémunération au-delà de la répartition des bénéfices par la signature d’un contrat de mandataire commercial et d’autre part, de répartir les tâches pour le bon fonctionnement de l’entreprise en fonction de leurs compétences respectives sans autre rémunération supplémentaire.
Le mail intitulé ‘demain et collaboration’ adressé à M. [O] le 19 avril 2017 par M. [C] atteste de l’insatisfaction de l’associé minoritaire très vite apparue concernant les bases de leur collaboration sans que M. [C] ne démontre pour autant qu’un changement suscité par sa réclamation ait pu modifier ou faire évoluer la nature de leurs relations et les modalités de leur collaboration. En réalité, le conseil de prud’hommes a conclu avec raison à une problématique liée avant tout à des rapports conflictuels entre associés.
C’est en conséquence à bon droit que le conseil de prud’hommes a jugé qu’aucun contrat de travail ne liait M. [C] à la société Anjou Design Pro et débouté celui-ci de toutes ses demandes pécuniaires afférentes à l’existence d’un contrat de travail.
Cette décision sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement doit être confirmé sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
M. [C], partie perdante, sera débouté de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel et condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
CONFIRME le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 22 janvier 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [K] [C] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
CONDAMNE M. [K] [C] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER
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