Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
Thématique : Insulter un titre de presse
→ RésuméInsulter un titre de presse constitue une infraction au regard de la loi sur la liberté de la presse. Dans une affaire récente, un maire a été condamné pour avoir qualifié un article de « torchon » et son auteur d’ »ordure » lors d’une séance publique. Ces propos, jugés injurieux, ont été considérés comme une atteinte à la réputation du titre de presse. Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute expression outrageante sans imputation de fait est une injure. Le maire aurait dû utiliser les voies légales pour exprimer son désaccord, plutôt que de recourir à des insultes.
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Insulter un titre de presse tombe sous le coup des délits de presse, les personnes morales bénéficiant, au même titre que les personnes physiques, de protection de leur réputation.
Action d’un titre de presse
Un titre de presse a obtenu la
condamnation d’un maire qui, à l’occasion d’une séance publique du conseil
municipal, s’est exprimé en ces termes « Et
la personne qui a signé l’article, une ordure ! Et je pèse mes mots, une
ordure, une ordure ! La personne qui a signé l’article est une ordure parce
qu’elle a inventé toute une histoire dans ce dossier qui n’existe pas et qui en
plus porte atteinte à la vie privée d’élus, en la déformant qui plus est … Donc
je le dis cette personne pour moi est une ordure, pas plus (… ) Boycottons ces
torchons; Et ça j’appelle ça
une presse totalitaire. Alors je sais comment la famille … a récupéré [Titre de
presse] après la guerre! Franchement ils peuvent se donner des grands prix de
vertu mais soyons sérieux, il y a un moment leur manière de traiter
l’information c’est vraiment à vomir et je leur vomis dessus ! Je le dis très
clairement ! ».
Validité de l’assignation
Le seul visa de l’article 33 de
la loi du 29 juillet 1881 était suffisant pour rendre valide la citation alors
qu’il n’existait aucune ambiguïté sur les propos visés. Par ailleurs, l’assignation délivrée par la
société demandait de manière précise au TGI de voir dire et juger que les
passages suivants constituent des injures publiques à l’encontre de la société
X. au sens des dispositions de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse «une
presse totalitaire; leur manière de traiter l’information est vraiment à
vomir et je leur vomis dessus; Staline aurait été heureux d’avoir [le
correspondant local de presse auteur] comme collaborateur de la propagande;
quand je dis Staline, j’aurais pu citer quelqu’un d’autre du XX e siècle ; boycottons
ces torchons».
Catégories d’injures
L’article 33 sanctionne
effectivement des infractions distinctes et il édicte des peines différentes
pour chacune d’entre elles. Il dispose que i) l’injure commise par les mêmes
moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de
la loi est punie d’une amende de 12 000 euros; ii) l’injure commise de la
même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de
provocations, est punie d’une amende de 12 000 euros; iii) est punie de
six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende l’injure commise envers
une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée; iv) est punie des mêmes peines l’injure commise envers
une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur
orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap.
Intérêt légitime à agir du titre de presse
Si le journaliste non cité
nominativement était traité d’ordure et était seul à pouvoir se plaindre en
justice de cette désignation injurieuse, la désignation de ‘presse totalitaire’
dont la façon de traiter l’information serait ‘à vomir’ visait sans ambiguïté le
titre de presse.
Injure constituée
Au sens de l’article 29 de loi du 29 juillet 1881, toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure. En traitant le journal de torchon, de totalitaire, dont la manière de traiter l’information serait à vomir, ceci lors de réunions publiques, le Maire n’a pas usé dans des conditions convenables de son droit d’expression et de libre critique. A supposer qu’il estime inexacts et tendancieux les articles de presse du journal, écrits à son propos, il lui appartenait de contacter le journal pour exposer son point de vue en usant s’il l’estimait opportun du droit de réponse. En aucun cas, le droit à liberté d’expression ne peut justifier l’injure. Télécharger la décision
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