Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
→ RésuméM. [K] [Y], chef d’exploitation affilié à la MSA depuis 1999, a demandé sa retraite en 2017, déclarant cesser toute activité. Cependant, un contrôle a révélé qu’il avait repris ses fonctions de gérant entre janvier et mars 2018, entraînant la suspension de ses avantages de retraite. Contestant cette décision, M. [Y] a affirmé avoir cessé son activité agricole, mais la cour a conclu qu’il avait continué à gérer l’exploitation. En conséquence, la cour a confirmé le jugement du tribunal de Laval, ordonnant le remboursement des sommes perçues indûment et maintenant son affiliation au régime des non-salariés agricoles.
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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00460 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EXZS.
Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de LAVAL, décision attaquée en date du 30 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00267
ARRÊT DU 19 Janvier 2023
APPELANT :
Monsieur [K] [Y]
[Adresse 8]
[Localité 4]
représenté par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 320121 et par Maître CASSETTE, avocat substituant Maître LAUDIC-BARON, avocat plaidant au barreau de RENNES
INTIMEE :
LA MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE (MSA) [Localité 9] prise en la personne de de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Monsieur VILLERET, muni d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : M. Yoann WOLFF
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 19 Janvier 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [K] [Y] était affilié depuis octobre 1999 en qualité de chef d’exploitation au régime de protection sociale des non-salariés agricoles, géré par la Mutualité Sociale Agricole [Localité 10] (ci-après la MSA), à titre secondaire, exerçant une activité salariée à titre principal.
Depuis le 30 novembre 2012, M. [Y] est l’unique membre et gérant de l’EARL ‘[6]’ exploitant en cultures céréalières un fonds agricole de 47 ha 75 a 25 ca sis à [Localité 7] en [Localité 4].
Le 24 juillet 2017, M. [Y] a déposé une demande de retraite auprès du régime général pour une date d’effet au 1er janvier 2018. À l’appui de sa demande, il a produit une déclaration sur l’honneur du 19 septembre 2017 selon laquelle il cessera toute activité au 31 décembre 2017.
Le 30 janvier 2018, M. [Y], souhaitant bénéficier de ses avantages de retraite au 1er janvier 2018, a transmis à la MSA une copie du procès-verbal de l’assemblée générale de l’EARL ‘[6]’ en date du 30 décembre 2017,constatant sa démission de ses fonctions de gérant à compter du 31 décembre 2017. Celui-ci conservait ainsi uniquement la qualité d’associé non participant aux travaux, et la fonction de gérant était déclarée vacante au sens de l’article L. 324-9 du code rural. Il a déclaré cette cessation d’activité au centre de formalités des entreprises (CFE) et au registre du commerce et des sociétés (RCS) le 8 mars suivant.
Le 15 mai 2018, la MSA a notifié à M. [Y] la liquidation, au titre du non-salariat agricole, de ses avantages de retraite de base et complémentaire avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2018 à raison de 105,27 euros net par mois.
La caisse d’assurance retraite et de santé au travail des Pays de la Loire (CARSAT) gérant les retraites du régime général avait attribué à M. [Y] une pension de retraite le 1er janvier 2018, 1er jour du mois suivant la cessation d’activité, suivant notification à l’intéressé du 22 janvier 2018, sur la base de 166 trimestres cotisés en tant que salarié, pour un montant mensuel net de 1 271,35 euros.
Le 22 juin 2018, la MSA a reçu du centre de gestion auquel adhérait M. [Y], un nouveau procès-verbal d’une assemblée générale de l’EARL ‘[6]’ daté du 1er avril 2018, actant que M. [Y] reprenait ses fonctions de gérant à compter du 1er avril 2018, situation régulièrement déclarée au ‘CFE’ et au ‘RCS’.
La MSA a alors missionné un agent assermenté territorialement compétent pour un contrôle sur place, lequel s’est déroulé du 7 septembre 2018 au 27 décembre suivant. Le contrôleur de la MSA [Localité 10] a considéré que les terres n’avaient jamais cessé d’être exploitées jusqu’à la reprise officielle le 1er avril 2018 et a notifié à M. [Y] le maintien de son affiliation en qualité de chef d’exploitation à titre principal du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018, avec toutes conséquences de droit (maintien de l’assujettissement aux charges sociales personnelles des non-salariés agricoles et suspension rétroactivement au 1er janvier 21018 des avantages de retraite en non-salariat agricole, avec récupération des arrérages indûment versés correspondant à la somme de 877,73 euros).
Le 23 janvier 2019, M. [Y], par l’intermédiaire de son conseil, a adressé au contrôleur une lettre d’observations pour souligner qu’il avait dû reprendre son activité à compter du 1er avril 2018 car son fils avait renoncé à son projet de reprise courant janvier 2018.
Les 8 et 13 mars 2019, la MSA a adressé à M. [Y] une demande de restitution des arrérages de retraite indûment versés, soit la somme de 877,73 euros, ainsi qu’une mise en demeure de régler la cotisation de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (ATEXA) restant due, soit la somme de 229 euros.
Par lettre du 12 avril 2019, M. [Y] a saisi la commission de recours amiable de la MSA en réitérant les arguments exposés dans sa lettre d’observations au contrôleur, sollicitant le rétablissement rétroactif de sa retraite en non-salariat agricole et son dégagement de l’assujétissement aux cotisations d’ATEXA appelées au titre des mois de janvier à mars 2018.
La commission a confirmé la position de la caisse dans sa séance du 21 juin 2019 par décision notifiée par lettre recommandée du 27 août 2019 dont M. [Y] a accusé réception le 30 août suivant.
Le 25 octobre 2019, M. [Y] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Laval le pour contester la décision de la commission.
Le pôle social du tribunal de grande instance de Laval, statuant en matière agricole a, par jugement du 30 novembre 2020 :
– rejeté le recours de M. [Y] et confirmé la décision de la commission de recours amiable de la MSA [Localité 10] ;
– maintenu l’affiliation de M. [Y] au régime de protection sociale des non-salariés agricoles en qualité de chef d’exploitation au-delà du 31 décembre 2017, avec toutes conséquences de droit, à savoir l’assujettissement aux charges de chef d’exploitation sur l’année 2018 et la suspension rétroactive au 1er janvier 2018 du service des avantages de retraite liquidée au titre du non-salariat agricole à la date du 1er janvier 2018 ;
– condamné M. [Y] à rembourser à la MSA [Localité 10] les pensions de retraite déjà versées, soit la somme de 877,73 euros au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 2018 ;
– condamné M. [Y] à payer à la MSA [Localité 10] la somme de 229 euros correspondant au solde de la cotisation d’ATEXA restant due par lui au titre de l’année 2018 ;
– débouté M. [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [Y] aux dépens.
M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 21 décembre 2020 sous le numéro RG 20-460, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.
Le dossier a initialement été convoqué à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 13 juin 2022. Il a donné lieu à plusieurs renvois jusqu’à l’audience du 15 novembre 2022 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [Y], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 19 mars 2021, régulièrement communiquées, reprises oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– le recevoir en son appel et le dire bien fondé ;
– réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Laval en ce qu’il:
– a rejeté son recours et confirmé la décision de la commission de recours amiable de la MSA [Localité 10] ;
– a maintenu son affiliation au régime de protection sociale des non-salariés agricoles en qualité de chef d’exploitation au-delà du 31 décembre 2017, avec toutes conséquences de droit, à savoir l’assujettissement aux charges de chef d’exploitation sur l’année 2018 et la suspension rétroactive au 1er janvier 2018 du service des avantages de retraite liquidée au titre du non-salariat agricole à la date du 1er janvier 2018 ;
– l’a condamné à rembourser à la MSA [Localité 10] les pensions de retraite déjà versées, soit, du 1er janvier au 30 juin 2018, la somme de 877,73 euros ;
– l’a condamné à payer à la MSA [Localité 10] la somme de 229 euros correspondant au solde de la cotisation d’ATEXA restant due par lui au titre de l’année 2018 ;
– l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’a condamné aux dépens.
Puis statuant à nouveau de :
– condamner la MSA [Localité 10] à lui verser les sommes dues au titre de son allocation retraite à compter du 1er janvier 2018 ;
– condamner la MSA [Localité 10] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la MSA [Localité 10] aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, M. [Y] fait valoir qu’il a démissionné de ses fonctions de chef d’exploitation le 31 décembre 2017 et qu’il n’a procédé à aucune activité agricole au-delà de cette date de sorte qu’il était en droit de bénéficier de sa pension de retraite entre le 1er janvier 2018 et le 1er avril 2018 date à laquelle il a effectivement repris ses fonctions de chef d’exploitation de l’EARL de la ‘[6]’.
Rappelant que les actes d’administrations réalisés depuis le 1er janvier 2018 ne relèvent pas d’une activité agricole, il assure par ailleurs que les seuls travaux agricoles qu’il a accomplis sont des travaux de mise en culture intervenus en fin d’année 2017, nécessaires à la valorisation du fonds en vue de sa transmission et conformes à la réglementation en vigueur ce, alors qu’il était affilié à cette période au régime de protection sociale des non-salariés agricoles.
M. [Y] soutient par ailleurs qu’il remplissait les conditions exigées pour bénéficier du cumul emploi-retraite dans la mesure où il était âgé de 62 ans à la date de liquidation de ses droits à la retraite et qu’il avait cotisé une durée suffisante pour lui permettre de bénéficier de ses droits à la retraite (166 trimestres).Il ajoute que l’activité de l’EARL de ‘[6]’ remplissait les conditions de l’alinéa 1er de l’article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime de sorte que sa reprise d’activité en qualité de chef d’exploitation ne l’empêchait pas de bénéficier du cumul de sa pension de retraite agricole.
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La MSA [Localité 10], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 31 mars 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– la recevoir en ses conclusions et l’y dire bien fondée ;
– dire M. [Y] mal fondé en son appel et le débouter purement et simplement de ses demandes ;
– confirmer en tous points le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Laval le 30 novembre 2020 ;
– débouter M. [Y] de sa demande de condamnation de la caisse à lui payer une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses intérêts, la MSA fait valoir qu’elle a diligenté un contrôle à l’encontre de M. [Y] ce, dans le respect du contradictoire.
Elle fait observer en substance que le contrôle de la caisse a mis en exergue que les faits attestaient de la persistance de l’exploitation du fonds par l’appelant au-delà du 31 décembre 2017, sans réelle rupture jusqu’à sa reprise officielle de l’exploitation le 1er avril 2018, et l’ont en définitive maintenu dans son affiliation en qualité de chef d’exploitation au 1er janvier 2018 avec toutes conséquences de droit.
Enfin, la MSA prétend que les avantages de retraite attribués à M. [Y] au titre du non-salariat agricole ne pouvaient lui être servis au regard de la règle générale du non-cumul emploi-retraite applicable à l’appelant.
***
MOTIVATION :
– Sur la cessation par M. [Y] de son activité de chef d’exploitation agricole sur la période du 1er janvier au 1er avril 2018 :
Aux termes de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non-salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous :
1° Exploitations de culture et d’élevage de quelque nature qu’elles soient, exploitations de dressage, d’entraînement, haras ainsi qu’établissements de toute nature dirigés par l’exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou structures d’accueil touristique, précisées par décret, situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci, notamment d’hébergement et de restauration;(…).
L’article L. 722-4 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que sont assujettis, dans les conditions fixées par le présent titre et le titre III du présent livre, au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles :
1° Les chefs d’exploitation ou d’entreprise mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 sous réserve qu’ils dirigent une exploitation ou une entreprise d’une importance au moins égale ou équivalente à celle définie à l’article L. 722-5 (…)’.
L’article L. 722-5 précise que :
‘I.-L’importance minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole requise pour que leurs dirigeants soient considérés comme chef d’exploitation ou d’entreprise agricole au titre des activités mentionnées à l’article L. 722-1 est déterminée par l’activité minimale d’assujettissement. L’activité minimale d’assujettissement est atteinte lorsqu’est remplie l’une des conditions suivantes :
1° La superficie mise en valeur est au moins égale à la surface minimale d’assujettissement mentionnée à l’article L. 722-5-1 compte tenu, s’il y a lieu, des coefficients d’équivalence applicables aux productions agricoles spécialisées ;
2° Le temps de travail nécessaire à la conduite de l’activité est, dans le cas où l’activité ne peut être appréciée selon la condition mentionnée au 1°, au moins égal à 1 200 heures par an ;
3° Le revenu professionnel de la personne est au moins égal à l’assiette forfaitaire, mentionnée à l’article L. 731-16, applicable à la cotisation d’assurance vieillesse prévue au 1° de l’article L. 731-42 lorsque cette personne met en valeur une exploitation ou une entreprise agricole dont l’importance est supérieure au minimum prévu à l’article L. 731-23 et qu’elle n’a pas fait valoir ses droits à la retraite. Cette condition est réputée remplie lorsque le revenu professionnel diminue mais reste au moins supérieur à l’assiette forfaitaire précitée minorée de 20 %.
II.-Si la condition prévue au 1° du I n’est pas remplie, la superficie de l’exploitation ou de l’entreprise agricole est convertie en temps de travail sur la base d’une équivalence entre la surface minimale d’assujettissement et 1 200 heures de travail pour l’appréciation de la condition mentionnée au 2° du même I. Le temps de travail résultant de cette conversion s’ajoute au temps de travail nécessaire à la conduite de l’activité mentionnée au même 2°.
III.-En cas de coexploitation ou d’exploitation sous forme sociétaire, l’activité minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole requise pour que les membres ou associés participant aux travaux soient considérés comme chef d’exploitation ou d’entreprise agricole est égale à celle fixée aux 1° ou 2° du I.
IV.-Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.’
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’importance minimale de l’exploitation agricole requise pour que son dirigeant soit considéré chef d’exploitation au titre des activités mentionnées à l’article L. 722-1, déterminée par l’activité minimale d’assujettissement (SMA), a été fixée en polyculture élevage pour la Mayenne à 10 ha pour le canton de [Localité 3] dont relève la commune de [Localité 4].
L’EARL ‘[6]exploite un fonds de 47ha 75a 25 ca de sorte que M. [Y], unique membre et gérant devait être affilié au régime de protection sociale des non-salariés agricoles en tant que chef d’exploitation, qualité non critiquée jusqu’au 31 décembre 2017.
De surcroît, il résulte des articles L. 731-10-1 et R. 731-57 du code rural et de la pêche maritime, que les cotisations dues par les non-salariés agricoles sont fixées pour chaque année civile et que, pour le calcul de ces cotisations, la situation de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole est appréciée au premier jour de l’année civile au titre de laquelle lesdites cotisations sont dues.
La MSA a diligenté un contrôle de la situation exacte de M. [Y] afin de vérifier la réalité de la cessation de son activité de chef d’exploitation au premier janvier 2018, étant rappelé que celui-ci avait démissionné de ses fonctions de gérant à compter du 31 décembre 2017 en conservant uniquement la qualité d’associé non participant aux travaux, avant de reprendre la gérance le 1er avril 2018.
Ce contrôle s’est déroulé entre le 7 septembre et le 27 décembre 2018 et a révélé que :
– les parcelles étaient exploitées (présence de round ballers de paille sur certaines et de résidus de colza pour d’autres) et M. [Y] a informé le contrôleur que du blé, du colza et des pois avaient été récoltés en 2018, ce qui impliquait nécessairement une mise en culture à l’automne 2017 ;
– M. [Y] avait personnellement accompli des actes de gestion administrative et financières de l’EARL ‘[6]’ entre le 16 janvier et le 26 mars 2018 :
* souscription d’un prêt de 20 000 euros auprès du [5] le 16 janvier 2018 en vue de régler certaines factures ;
* déblocage de fonds pour l’acquisition d’une nouvelle moissonneuse batteuse le 13 mars 2018 ;
* encaissement d’un chèque de 26 200 euros au titre de la cession de l’ancienne moissonneuse batteuse le 23 mars 2018 ;
* achat de gazole non routier et règlement de factures en paiement notamment de travaux de débroussaillage.
Liminairement, il sera relevé que M. [Y] ne prétend plus en cause d’appel qu’il n’aurait pas été en mesure de faire valoir ses observations lors du contrôle et n’excipe pas davantage de sa bonne foi ce, alors que le tribunal avait relevé à juste titre d’une part, que celui-ci avait échangé avec l’agent contrôleur et exposé ses arguments devant la commission de recours amiable et que d’autre part, l’affiliation aux régimes de protection sociale ne dépendait ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles avaient donnée à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles était exercée l’activité.
Si la mise en culture des parcelles et les mouvements de fonds mis en exergue ne sont pas contestés dans leur matérialité par M. [Y], celui-ci soutient encore devant la cour que les seuls travaux agricoles de mise en culture ont été régulièrement et légitimement accomplis à l’autonome 2017 mais aussi, que les actes d’administration relevés ne sont pas des activités agricoles.
Cependant, c’est à juste titre que le tribunal a considéré qu’il ressortait des constats du contrôleur de la MSA confortés par les déclarations de M. [Y] ayant reconnu la gestion effective de l’EARL, que l’exploitation subsistait puisque ce dernier en assurait la maintenance effective et que les actions réalisées à compter du 16 janvier 2018 s’inscrivaient de fait dans la continuité de celles conduites précédemment en sa qualité de gérant. De même, il n’est pas contesté que si certains actes de gestion relevés par la caisse ne faisaient que conclure des engagements pris avant la cessation d’activité du 31 décembre 2017, d’autres avaient été nouvellement réalisés postérieurement, tels que l’acquisition d’une nouvelle moissonneuse-batteuse le 13 mars 2018, acte de disposition manifestant au demeurant une volonté d’investir dépassant le seul entretien du fonds.
En tout état de cause, les seuls actes de gestion relevés par la MSA ont bien été accomplis par M. [Y] pour le compte de l’EARL et de l’exploitation agricole dont il poursuivait ainsi la gestion, peu important qu’il ait agi dans le seul but d’en assurer la pérennité en vue de sa reprise ou de respecter le programme régional d’actions nitrates en vigueur dans les Pays de la Loire à cette période.
De même, l’absence ou le peu d’activité de nature purement agricole exercée durant la période examinée en lien avec le seul caractère hivernal de la saison ce, alors que M. [Y] avait assuré précédemment la mise en culture des terres, qu’il procédera aux récoltes l’été 2018, et que dans l’intervalle, il accomplissait bon nombre d’actes de gestion nécessaires à l’exploitation, ne saurait suffire à dispenser celui-ci de son obligation d’affiliation au régime des travailleurs non-salariés agricoles.
Enfin, il n’est nullement prétendu que M. [Y] bénéficiait d’une dérogation sur autorisation préfectorale permettant de bénéficier de sa retraite tout en poursuivant la mise en valeur de son exploitation dans le cas d’impossibilité de céder son bien en application de l’article L. 732-40 du code rural.
En ayant participé de manière effective aux travaux utiles dans l’intérêt de l’exploitation agricole et consacré son activité pour le compte de l’EARL, M. [Y] a ainsi agi entre le 1er janvier et le 31 mars 2018 en chef d’exploitation agricole et, en l’absence d’autorisation préfectorale, devait donc être affilié au régime des travailleurs non salariés agricoles en application de l’article L. 722-1 précité.
En conséquence, c’est avec raison que le premier juge a conclu que l’exploitation en tant qu’entité économique n’avait pas cessé sans être reprise par un tiers de sorte que c’était donc à bon droit, que la MSA avait retenu la persistance de l’exploitation du fonds par M. [Y] au-delà du 31 décembre 2017 sans réelle rupture jusqu’à la reprise officielle de l’exploitation au 1er avril 2018 et, en conséquence, maintenu son affiliation en qualité de chef d’exploitation au 1er janvier 2018 avec toutes les conséquences de droit en résultant.
– Sur l’absence de cumul emploi-retraite :
L »article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime énonce que :
‘Le service d’une pension de retraite, prenant effet postérieurement au 1er janvier 1986, liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par voie réglementaire, est subordonné à la cessation définitive de l’activité non salariée agricole.
Le service d’une pension de retraite liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est suspendu dès lors que l’assuré reprend une activité non salariée agricole.
Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables aux assurés ayant obtenu, avant le 1er janvier 1986, le service d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 31 mars 1983 dans un des régimes énumérés au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ou d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 30 juin 1984 dans un régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales.
Par dérogation aux deux premiers alinéas, et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité donnant lieu à assujettissement au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles dans les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 722-5 ou en fonction de coefficients d’équivalence fixés pour les productions hors sol mentionnés au 1° de ce même I :
a) A partir de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ;
b) A partir de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code, lorsque l’assuré justifie d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa.
Par dérogation aux deux premiers alinéas et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, les personnes mentionnées à l’article L. 321-5 et au 2° de l’article L. 722-10 du présent code qui justifient des conditions fixées aux a et b du présent article peuvent cumuler leur pension de vieillesse non salariée agricole avec une activité professionnelle non salariée agricole exercée sur une exploitation ou entreprise agricole donnant lieu à assujettissement du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.
La pension due par un régime de retraite légalement obligatoire dont l’âge d’ouverture des droits, le cas échéant sans minoration, est supérieur à l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale n’est pas retenue pour apprécier la condition de liquidation de l’ensemble des pensions de retraite, et ce jusqu’à ce que l’assuré ait atteint l’âge à partir duquel il peut liquider cette pension ou, en cas de minoration, l’âge auquel celles-ci prennent fin.
Elles ne font pas obstacle à l’exercice des activités énumérées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 7° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.
L’arrêté mentionné à l’article L. 722-5-1 détermine, dans la limite maximale des deux cinquièmes de la surface minimale d’assujettissement, la superficie dont un agriculteur est autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur sans que cela fasse obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire.
Les dispositions des deux premiers alinéas du présent article ne sont pas opposables à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre de l’article L. 732-29 du présent code et des articles L. 351-15 et L. 634-3-1 du code de la sécurité sociale.’
Il résulte de ces dispositions qu’un retraité du régime des non-salariés agricoles peut cumuler un emploi et une retraite s’il remplit les trois conditions suivantes:
– avoir liquidé ses droits auprès de tous les régimes de protection sociale français et étrangers obligatoires et complémentaires ;
– avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite et disposer du nombre de trimestres d’assurance requis permettant d’ouvrir un droit à la retraite ou avoir atteint l’âge automatique pour liquider une retraite à taux plein ;
– être affilié en qualité de chef d’exploitation ou de chef d’entreprise agricole dès lors que l’activité est assujettie sur le temps de travail au moins égal à 1200 heures ou en fonction de coefficients d’équivalence fixés pour les productions hors sol.
Il n’est pas contesté que les deux premières conditions permettant le cumul d’un emploi et de la perception d’une pension de retraite sont remplies.
En revanche, tel n’est pas le cas de la troisième condition, dans la mesure où l’assujettissement de M. [Y] résulte de la prise en compte de la surface minimale mise en valeur par l’EARL ‘[6]’ et non pas d’un temps de travail au moins égal à 1200 heures.
En effet, M. [Y] pouvait cumuler sa pension de retraite avec une activité non salariée agricole uniquement si l’activité était assujettie par rapport à un temps de travail ou à un coefficient d’équivalence SMA pour production hors sol, mais en aucun cas si l’activité était assujettie directement à la SMA comme en l’espèce.
Dès lors, il y a lieu de considérer que M. [Y], qui ne pouvait pas cumuler une pension de retraite et une activité de non-salarié agricole exercée en qualité de chef d’exploitation assujettie sur la surface minimale mise en valeur, n’était pas éligible au cumul pension de retraite-reprise d’activité.
C’est donc à juste titre que la MSA a considéré que les avantages de retraite attribués à M. [Y] au titre du non-salariat agricole ne pouvaient lui être servis compte tenu du non-cumul emploi retraite applicable aux chefs d’exploitations agricoles appréciables en superficie.
– Sur la liquidation des avantages retraite au 1er janvier 2018 et la suspension de leur service à cette même date :
Du fait de la non-cessation de l’activité de chef d’exploitation au 1er janvier 2018 et de l’impossibilité de cumuler cette activité avec la retraite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a maintenu l’affiliation de M. [Y] au régime de protection sociale des non-salariés agricoles au-delà du 31 décembre 2017 et écarté le cumul de cette activité avec le service des avantages de retraite ce, avec les conséquences de droit suivantes : l’assujettissement aux charges de chef d’exploitation sur l’année 2018 et la suspension rétroactive au 1er janvier 2018 du service des avantages de retraite liquidée au titre du non-salariat agricole à la date du 1er janvier 2018.
En effet, ainsi que l’indique la MSA, le service des avantages liquidés au 1er janvier 2018 au titre du non-salariat agricole avait été suspendu rétroactivement à cette même date, de sorte que les arrérages versés pour la période du 1er janvier au 30 juin 2018, soit la somme de 877,73 euros, présentait le caractère indu.
Toutefois, il y a lieu de préciser que cette somme a déjà été récupérée au titre de la compensation légale, sur le rappel d’arrérages versés à M. [Y] le 16 décembre 2019, du fait du rétablissement du service de ses avantages à compter du 1er juin 2019, M. [Y] ayant cessé son activité de chef d’exploitation, sans contestation, le 15 mai 2019.
De surcroît, le maintien de l’affiliation de M. [Y] au régime social des non-salariés agricoles en qualité de chef d’exploitation au-delà du 31 décembre 2017 a eu pour effet de maintenir M. [Y] à l’assujettissement aux charges correspondantes, étant précisé que celui-ci demeurait redevable d’une somme de 229 euros au titre de la révision de la cotisation d’Atexa pour 2018.
Ces sommes ne sont pas contestées subsidiairement par M. [Y] même en cause d’appel.
Par suite, le jugement sera également confirmé de ces chefs sauf à préciser que la somme de 877,73 euros a déjà été récupérée par la MSA au titre de la compensation légale.
– Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel, et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du 30 novembre 2020 prononcé par le tribunal judiciaire (pôle social) de Laval en toutes ses dispositions sauf à préciser que la MSA [Localité 10] a déjà procédé à bon droit à la récupération des arrérages indûment versés au titre des pensions de retraite déjà versées du 1er janvier au 30 juin 2018, soit la somme de 877,73 euros, au titre de la compensation légale ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [K] [Y] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [K] [Y] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER
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