Cour d’appel d’amiens, 28 septembre 2023, N° RG 22/02586
Cour d’appel d’amiens, 28 septembre 2023, N° RG 22/02586

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Amiens

Résumé

M. [C] [I] a signé un bail rural de 30 ans pour des vignes, stipulant que les plantations appartenaient au preneur. Après la résiliation du bail en 2010, M. [C] [I] et Mme [A] [G] ont contesté leur expulsion, mais les tribunaux ont validé le congé. En 2016, M. [H] [D] a pris possession des parcelles. En 2018, les preneurs ont assigné Mme [W] [D] et M. [H] [D] pour obtenir restitution et indemnités. La cour d’appel a confirmé la recevabilité de M. [I] et Mme [G], tout en accordant une indemnité de 2 000 € pour la vendange 2016.

ARRET

[I]

[G]

S.A.R.L. LES PLANTES METARNOU

C/

[R]

[D]

PM/DK/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT HUIT SEPTEMBRE

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/02586 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOR2

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SOISSONS DU DIX SEPT MARS DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [C] [I]

né le 14 Août 1958 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 1]

Madame [A] [G]

née le 29 Novembre 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 1]

S.A.R.L. LES PLANTES METARNOU agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentés par Me Eric CLEMENT, avocat au barreau de SOISSONS

Ayant pour avocat plaidant la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

APPELANTS

ET

Madame [W] [D] épouse [R]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Camille DORE, avocat au barreau d’AMIENS substituant Me Damien DELAVENNE de la SCP EMERGENCE AVOCATS, avocat au barreau de LAON

Monsieur [H] [D]

né le 08 Juillet 1986 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Caroline LETISSIER de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON

Ayant pour avocat plaidant Me Jean Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 15 juin 2023 devant la cour composée de Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Madame Diénéba KONÉ, greffière.

Sur le rapport de M. [O] [E] et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 28 septembre 2023 par sa mise à disposition au greffe.

Le 28 septembre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

*

* *

DECISION :

Le 15 mai 1928 M. [C] [I] a conclu un bail rural de 30 ans avec M. [J] [D] et Mme [P] [F], propriétaires des parcelles ZD [Cadastre 4] et ZD[Cadastre 6] en nature de terres à vigne appellation champagne. Ce bail prévoyait notamment que le bailleur renonçait au droit d’accession à la propriété des plantations et que ces plantations et les droits de plantations correspondants resteront la propriété du preneur.

Les parcelles données à bail et exploitées par M. [C] [I] et son épouse Mme [A] [G] ont été ensuite reçues en nu-propriété de ses parents par Mme [W] [D] épouse [R], qui est devenue, par succession, propriétaire des parcelles le 21 mars 2015.

Le bail a été résilié par congé pour reprise en date du 12 mai 2010 à effet du 31 octobre 2014, contesté par les locataires devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Soissons par saisine du 9 septembre 2010.

Par jugement en date du 21 mars 2014, le tribunal paritaire des baux ruraux de Soissons a reconnu la validité du congé, ordonné l’expulsion des preneur, sa décision étant assortie de l’exécution provisoire.

Les consorts [I]-[G] ont relevé appel de cette décision. Ils ont par ailleurs été déboutés par décision du 22 octobre 2015 de leur demande de suspension de l’exécution provisoire.

Par arrêt du 15 mars 2016, la cour d’appel d’Amiens a validé le congé de la parcelle ZD [Cadastre 6] et ordonné l’expulsion des occupants avec indemnité d’occupation, et ré-ouvert les débats pour la parcelle ZD [Cadastre 4].

Par arrêt du 13 septembre 2016, la cour d’appel d’Amiens a validé le congé de la parcelle ZD [Cadastre 4] et a ordonné l’expulsion des occupants fixant une indemnité d’occupation.

Par acte d’huissier du 30 mars 2016, Mme [W] [D] a fait signifier aux occupants M. [C] [I] et Mme [A] [G] leur expulsion des parcelles avec interdiction d’y pénétrer.

Par acte d’huissier du 22 septembre 2016, Mme [W] [D] a fait signifier aux occupants un commandement de libérer la parcelle ZD[Cadastre 4] pour le 1er novembre 2016.

Par décision du 30 août 2016, confirmée le 27 avril 2017 par la cour d’appel d’Amiens, les consorts [I]-[G] ont obtenu du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Soissons l’annulation du procès-verbal d’expulsion pour défaut de mention du délai dans lequel les occupants pouvaient procéder à l’arrachage des vignes et des piquets.

Le 1er avril 2016, M. [H] [D], nouvel exploitant, a pris possession de la parcelle ZD12 puis a récolté la vendange sur les vignes existantes.

M. [C] [I] et Mme [A] [G] ont procédé à 1’arrachage des plants et piquets en mai 2017.

Par acte extrajudiciaire en date du 22 juin 2018, M. [C] [I] et Mme [A] [G] ont fait assigner Mme [W] [D] et M. [H] [D] devant le tribunal judiciaire de Soissons.

La SARL Des Plantes Métarnou, société crée par M. [C] [I] et Mme [A] [G] à laquelle les terres louées ont été mises à disposition, est intervenue volontairement à l’instance.

Dans leurs dernières conclusions de première instance, les consorts [I]-[G] ont notamment demandé au tribunal judiciaire de :

A titre principal,

– Condamner M. [H] [D] à leur restituer 37,57 hl de vin clair de champagne,

– Condamner Mme [W] [D] à garantir cette condamnation en nature ou par contre-valeur,

Subsidiairement,

– Condamner solidairement Mme [W] [D] et M. [H] [D] à leur payer la somme de 28.458.84 € au titre du préjudice financier lié à la vendange 2016,

– Condamner Mme [W] [D] à garantir cette condamnation en nature ou par contre-valeur.

Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Soissons a :

– Reçu les exceptions d’irrecevabilité concernant les demandes de la SARL Des Plantes Métarnou pour défaut du droit d’agir,

– Déclaré [H] [D] irrecevable en sa demande pour défaut du droit d’agir de M. [C] [I] et Mme [A] [G],

– Déclaré Mme [W] [D] irrecevable en sa demande pour défaut du droit d’agir de M. [C] [I] et Mme [A] [G],

– Débouté M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre du préjudice invoqué en demande principale,

– Débouté M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre du préjudice moral,

– Condamné in solidum M. [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à M. [H] [D] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné in solidum M. [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3000 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné M. [C] [I] et Mme [A] [G] aux entiers dépens,

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 mai 2022, les consorts [I]-[G] et la SARL Des Plantes Métarnou ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 10 août 2022, ils demandent à la cour de :

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– Condamner M. [H] [D] à restituer à Mme [G] et M. [I] 37,57 hl de vin clair de champagne,

– Condamner Mme [W] [D] épouse [R] à garantir cette condamnation en nature ou par contre-valeur,

Subsidiairement,

– Condamner solidairement Mme [W] [D] épouse [R] et M.  [H] [D] à payer à Mme [G] et M. [I] la somme de 28.458,84 € au titre du préjudice financier lié à la vendange 2016,

Très subsidiairement,

– Condamner M. [H] [D] à restituer à la SARL Des Plantes Metarnou 37,5 hl de vin de champagne,

– Condamner Mme [Y] [D] à garantir cette condamnation en nature ou par contre- valeur,

A titre infiniment subsidiaire,

– Condamner solidairement Mme [W] [D] épouse [R] et M.  [H] [D] à payer à la SARL Des Plantes Métarnou la somme de 28.458,84 € au titre du préjudice financier lié à la vendange 2016,

En tout état de cause,

– Condamner en outre solidairement Mme [W] [D] épouse [R] et M. [H] [D] à leur payer à la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral par eux subis,

– Condamner solidairement Mme [W] [D] épouse [R] et M. [H] [D] à leur payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [W] [D] épouse [R] et M. [H] [D] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Eric Clément, avocat.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 9 novembre 2022, Mme [W] [D] épouse [R] demande à la cour de :

– La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes

Par conséquent :

Sur l’appel incident :

– Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré M. [I] et Mme [G] recevable ayant qualité pour agir ;

Statuant à nouveau,

-Déclarer irrecevable M. [I] et Mme [G] en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions pour défaut de qualité et intérêt à agir ;

Sur l’appel principal :

– Confirmer pour le surplus, toutes les dispositions du jugement de première instance en ce qu’il a :

o Reçu les exceptions d’irrecevabilité concernant les demandes de la Sarl Des Plantes Metarnou pour défaut du droit d’agir ;

o Débouté M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre du préjudice invoqué en demande principale ;

o Débouté M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre de leur préjudice moral ;

o Condamné in solidum M [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à Monsieur [H] [D] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

o Condamné in solidum M. [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

o Condamné M. [C] [I] et Mme [A] [G] aux entiers dépens,

o Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision

– Débouter la SARL Des Plantes De Métarnou de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

– Ordonner la compensation des sommes dues entre les parties ;

En tout état de cause :

– Condamner in solidum M. [I] et Mme [G] à verser à Mme [W] [D] épouse [R] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner in solidum M. [I] et Mme [G] aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 15 septembre 2022, M. [H] [D] demande à la cour de :

– Le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a indiqué :

« Déclare [H] [D] irrecevable en sa demande pour défaut du droit d’agir de M. [C] [I] et Mme [A] [G]. »

– Confirmer le jugement entreprisen ce qu’il a indiqué :

« Reçoit les exceptions d’irrecevabilité concernant les demandes de la SARL DES PLANTES METARNOU pour défaut du droit d’agir,

Déboute M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre du préjudice invoqué en demande principale,

Déboute M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leurs demandes d’indemnisation au titre du préjudice moral,

Condamne in solidum M. [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à M. [H] [D] la somme de 3000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [C] [I] et Mme [A] [G] à payer à Mme [W] [D] la somme de 3000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [C] [I] et Mme [A] [G] aux entiers dépens,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision. »

Statuant de nouveau

– Déclarer Mme [A] [G] et M. [C] [I] irrecevables à agir faute d’intérêt,

– Débouter la SARL Des Plantes Metarnou de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner M. [C] [I], Mme [A] [G] et la SARL Des Plantes Métarnou à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 22 mars 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du 15 juin 2023.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur le défaut d’intérêt et de qualité à agir de M. [I], de Mme [G] et de la SARL Plantes Métarnou :

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du même code indique que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il résulte de ces textes qu’en l’absence de restriction légale, l’action est ouverte à tous ceux qui ont intérêt à être entendus sur le fond de leurs prétentions ou à discuter le bien fondé de celles de leurs adversaires.

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action, l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de son action.

La qualité à agir n’est pas subordonnée à la démonstration préalable de la qualité effective à agir en examinant le fond du litige mais uniquement à la démonstration de ce que la loi invoquée n’attribue pas ou n’interdit pas spécifiquement la qualité à agir à des personnes nommément désignées pour agir sur le fondement en cause.

En l’espèce, l’action engagée par M. [I] et Mme [G] tend à obtenir réparation du préjudice qu’ils disent avoir subi du fait de la récolte par le nouveau preneur des parcelles des raisins issus des plants leur appartenant.

Par ailleurs, aucun texte n’interdit à un ancien locataire d’une parcelle de terre agricole d’agir en réparation du préjudice qu’il dit avoir subi du fait des agissements du nouveau preneur.

Enfin, rien n’interdit à une société à laquelle des terres sont mises à disposition d’agir en réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la récolte par le nouveau preneur des parcelles des raisins issus des plants se trouvant sur les parcelles mises à sa disposition.

A l’évidence, M. [I] et de Mme [G] disposent donc d’un intérêt et d’une qualité à agir afin qu’une juridiction se prononce sur le bien fondé de leur demande.

De même, la SARL Plantes Métarnou dispose d’un intérêt et d’une qualité à agir afin qu’une juridiction se prononce sur le bien fondé de sa demande.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. [I] et de Mme [G] recevables à agir mais de l’infirmer en ce qu’il a déclaré la SARL Plantes Métarnou irrecevable à agir, celle-ci étant parfaitement recevable à agir.

Sur la demande d’indemnisation au titre de la responsabilité délictuelle :

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par le fait duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, il est constant que M. [D] a procédé à la récolte 2016 des plantations effectuées par M. [I] et Mme [G].

Il est encore constant que M. [D] a pris à bail les parcelles litigieuses à compter du 1er avril 2016 et qu’à compter de cette date il avait l’obligation d’entretenir ces parcelles.

M. [I] et Mme [G] ne justifient avoir effectué aucune démarche pour récupérer leurs plants et procéder à la récolte 2016 alors pourtant que depuis le 31 octobre 2014, du fait de la validation du congé par le tribunal paritaire des baux ruraux de Soissons à la suite du jugement rendu le 21 mars 2014 et de l’exécution provisoire qui y était attachée, M. [I] et Mme [G] étaient occupants sans droit ni titre des deux parcelles litigieuses, que leur expulsion avait été ordonnée et que par ordonnance du 22 octobre 2015 leur demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement avait été rejetée.

Il ressort des éléments versés aux débats que les consorts [I] [G] ont user de toutes les voies de droit qui leur étant ouvertes pour contester la validité du congé puis celle du procès verbal d’expulsion mais ils n’ont jamais solliciter d’aucune juridiction l’autorisation de procéder à la récolte 2016, ne serait ce qu’à titre conservatoire.

Il en résulte que dans un tel contexte, l’attitude de M. [D] consistant à récolter les fruits des plans se trouvant sur les parcelles qu’il était tenu d’exploiter face à la carence de M. [I] et Mme [G] ne peut être considérée comme révélatrice d’une quelconque mauvaise foi constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 précité tant à l’égard des consorts [I] [G] que de la SARL Plantes Métarnou.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d’indemnisation formée par M. [I] et Mme [G] sur le fondement de la responsabilité délictuelle et il convient de rejeter la demande présentée sur ce fondement par la SARL Plantes Métarnou.

Sur la demande d’indemnisation tirée de la propriété exclusive des fruits de la récolte :

Aux termes de l’article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Selon l’article 553 du code civil, toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu’un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d’un souterrain sous le bâtiment d’autrui, soit de toute autre partie du bâtiment.

En vertu de l’article 549 du code civil, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique, si lesdits produits ne se retrouve pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement.

En outre, l’article 547 du code civil dispose que les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux appartiennent au propriétaire par droit d’accession.

En application de cet article, il est considéré que l’accession est l’expression du fructus, attribut du droit de propriété qui confère au propriétaire la faculté de tirer toutes les utilités de la chose ; que lorsque les fruits ont été perçus par un autre que le propriétaire, celui ci peut en principe en exiger la restitution ; que le retour des fruits suppose que le propriétaire ait la propriété du bien dans son intégralité.

En l’espèce, il est constant qu’aux termes du bail, les parties ont entendu déroger aux dispositions des articles 552 et 553 en prévoyant que les plants restaient la propriété du preneur. Pour autant, rien n’a été prévu quant aux fruits qui sont à la fois le produit des plants mais aussi de la terre.

La clause du bail en question ne permet donc pas de considérer que les parties ont entendu par dérogation aux articles 552 et 553 prévoir que les fruits, produit à la fois des plants et de la terre, resteraient la propriété du preneur.

Par ailleurs, si M. [I] et Mme [G] était propriétaires des plantations se trouvant sur les parcelles en octobre 2016, au moment de la récolte ainsi qu’il a été vu précédemment, ils avaient perdu le droit d’exploiter les parcelles depuis le 31 octobre 2014 et par voie de conséquence la faculté de tirer toutes les utilités de la chose.

En outre, les fruits étant à la fois le produit de la plantation mais aussi de la terre et M. [I] et Mme [G] ayant perdu le droit d’exploiter les parcelles le 31 octobre 2014, ils avaient perdu la faculté de tirer le bénéfice de la terre à compter de cette date et donc ne peuvent pas être considérés comme les uniques propriétaires des fruits produits par les parcelles en 2016, ce qui leur interdit d’en obtenir restitution ou indemnisation sur le fondement des articles 547 ou 549 précités.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d’indemnisation formée par M. [I] et Mme [G] tirée de la propriété exclusive des fruits de la récolte et la SARL Plantes Métarnou qui ne justifie d’aucun droit de propriété sur les fruits n’est pas non plus fondée en ses demandes de ce chef.

Sur la demande formée au titre de l’enrichissement injustifié :

Aux termes de l’article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

Aux termes de l’article 1303-3 du code civil, l’action en enrichissement injustifié est une action subsidiaire qui ne peut être invoquée qu’en l’absence d’ouverture de toute autre action.

En application de ses dispositions, il est considéré que cette action ne peut être introduite pour suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit.

En l’espèce, M. [I], Mme [G] et la SARL Plantes Métarnou disposent manifestement d’autres actions et c’est donc à tort qu’ils invoquent pour la première fois en appel la théorie de l’enrichissement injustifié.

Il convient donc de rejeter leur demande fondée sur l’enrichissement injustifié.

Sur la demande d’indemnisation tirée des dispositions des articles 566 et suivants du code civil :

Aux termes de l’article 566 du code civil, lorsque deux choses appartenant à différents maîtres, qui ont été unies de manière à former un tout, sont néanmoins séparables, en sorte que l’une puisse subsister sans l’autre, le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l’autre la valeur estimée à la date du paiement, de la chose qui a été unie.

L’article 567 de ce code précise qu’est réputé partie principale celle à laquelle l’autre n’a été unie que pour l’usage, l’ornement ou le complément de la première.

L’article 548 du code civil précise que les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais de labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement.

En l’espèce, il ressort des éléments de la cause que les terres sur laquelle les consorts [I] [G] avaient perdu tout droit d’exploitation en 2016, propriété de Mme [R] exploitée par M. [D] et les plants de vigne appartenant aux consorts [I] [G] sont restés unis en 2016 et constituaient un tout, à savoir des parcelles de vignes ayant produit des fruits.

La terre et les plants de vigne sont parfaitement séparables puisque qu’ils ont été séparés en 2017 par l’arrachage des plants de vigne.

M. [I] et Mme [G] invoquent donc utilement pour la première fois en appel les dispositions de l’article 566. Toutefois il ne saurait être considéré que la partie principale qui a produit le fruit est le plant de vigne et non la terre sur laquelle elle est plantée.

S’il est incontestable, en effet, que la nature des plants utilisés participe à la qualité du fruit et du vin qui en résulte, ce qui fait la qualité du fruit et partant du vin, c’est essentiellement la terre sur laquelle le fruit est produit, c’est d’ailleurs pour cette raison que les vins sont répertoriés essentiellement par référence à leur terroir et très exceptionnellement par référence au cépage utilisé et que les terres viticoles renommées telles que celles de champagne atteignent des prix très importants, ce qui n’est pas le cas des plants de vignes.

M. [I] et Mme [G] dont les plants de vigne ont participé accessoirement à la production des fruits récoltés en 2016 sont donc fondés à réclamer le remboursement d’une partie de la contrevaleur de la récolte 2016 qui sera fixée à 20 %.

Par ailleurs, le maître de la chose principale doit être considéré comme étant M. [D] qui s’est vu par son bail conférer le droit d’exploiter la terre et qui a récolté les fruits issus pour partie des plantations des consorts [I]-[G]. En revanche, rien ne saurait justifier que Mme [R], qui n’a pas agit en qualité de maître de la chose au sens de l’article 566, soit tenue à une quelconque condamnation ou garantie au titre de l’article 566 au profit des consorts [I] [G].

Rien ne saurait non plus justifier que la SARL Plantes Métarnou, qui ne justifie que d’une mise à disposition des terres litigieuses et des plantations des consorts [I] [G], reçoive la moindre indemnisation au titre des fruits de la récolte 2016.

Si M. [D] a dû supporter le coût de la récolte des vignes en 2016, il ne fournit aucun élément permettant de chiffrer précisément le coût de cette récolte.

Aucun élément ne permet de justifier les réclamations formées par restitution en équivalent en vin clair par les consorts [I] [G]. L’expert comptable de ces derniers atteste que la perte consécutive à la récolte des parcelles en question s’élèverait au total à 28 458,84 €. Toutefois son chiffrage intègre à hauteur de 1 393,40 € des frais de pressurage que les consorts [I] [G] n’ont pas exposés et intègre une somme de 14 842,89 € au titre d’une ‘perte de résultat pour des quantités de plafond’ à hauteur de 14 842,89 € qui n’est pas justifiée.

La seule perte justifiée s’élève donc à [Cadastre 6]  322,55 €(28 458,84 €- 1 293,40 € -14 842,89 € ) qu’il y a lieu de ramener à 10 000 € pour tenir compte des frais nécessairement exposés par M. [D] pour récolter.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts [I] [G] de leur demande de réparation financière pour la vendange 2016, de condamner M. [D] à payer à ce titre à M. [I] et Mme [G] la somme globale de 2 000€ (20%X10 000 €) et de débouter la Sarl Plantes Métarnou de sa demande de réparation, faute de justifier de l’existence d’un préjudice subi.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :

Celui qui ne procède pas à l’arrachage de ses vignes à la fin de son bail, introduit des procédures pour retarder son expulsion sans jamais solliciter l’autorisation de récolter les fruits arrivés à maturité après l’expiration de ce bail, ne peut prétendre avoir subi un préjudice moral lorsque les fruits de ses plants de vigne sont récoltés par le nouveau preneur.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d’indemnisation formée par M. [I] et Mme [G] au titre d’un préjudice moral.

Par ailleurs, la SARL Plantes Métarnou ne justifie pas non plus de l’existence du préjudice moral qu’elle invoque.

Sur les dépens et des frais irrépétibles :

M. [D] succombant, il convient :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum M. [I] et Mme [G] aux dépens de première instance ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum M. [I] et Mme [G] à payer à chacun des intimés la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance :

– de condamner M.[D] aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commandant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [I], Mme [G] et de la SARL Plantes Métarnou, il convient de les débouter de leur demande de ce chef pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande à ce titre pour la procédure de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré la SARL Plantes Métarnou irrecevable à agir, en ce qu’il a débouté M. [C] [I] et Mme [A] [G] de leur demande d’indemnisation formée à titre principal, en ce qu’il les a condamnés in solidum à payer à M. [H] [D] et Mme [W] [D] épouse [R] la somme de 3 000 € chacun et a condamné M. [C] [I] et Mme [A] [G] aux dépens de première instance.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare la SARL Plantes Métarnou recevable à agir ;

Condamne M. [H] [D] à payer à M. [C] [I] et Mme [A] [G] la somme globale de 2 000 € à titre de réparation financière pour la vendange 2016 ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne M. [H] [D] aux dépens de première instance et d’appel ;

Autorise Maître Clément, avocat à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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