Cour d’appel d’Amiens, 26 octobre 2021
Cour d’appel d’Amiens, 26 octobre 2021

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Amiens

Thématique : Statut de journaliste : la rémunération, un critère clef

Résumé

Le statut de journaliste professionnel est conditionné par une activité principale dans une entreprise de presse, générant la majorité des ressources. Dans une affaire, un contributeur, également écrivain et musicien, n’a pas pu prouver qu’il tirait principalement ses revenus de son activité journalistique. Malgré des publications régulières, il n’a pas démontré l’existence d’un lien de subordination, essentiel pour établir un contrat de travail. La cour a donc conclu qu’il ne pouvait revendiquer le statut de journaliste professionnel, entraînant le rejet de ses demandes de rappels de salaires et d’indemnité de rupture.

Le statut de journaliste ne peut être reconnu à celui qui ne démontre pas avoir eu pour activité principale une contribution à une publication quotidienne et périodique ou agence de presse et en avoir tiré le principal de ses ressources.

Contributeur non journaliste à un titre de presse

En l’occurrence, un contributeur à un titre de presse était également écrivain, pianiste de jazz, journaliste, enseignant et conférencier. Ces éléments permettent de corroborer l’exercice d’autres activités lui procurant une large part de ses revenus. L’intéressé ne démontrait pas avoir eu la qualité de journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail.

Existence d’un contrat de travail

Pour rappel, il appartient à celui qui revendique l’existence d’un contrat de travail, d’en apporter la preuve, à savoir par la démonstration de l’existence d’une prestation de travail contre rémunération effectuée dans un lien de subordination juridique.

Présomption de contrat de travail

Au sens de L’article L. 7112-2 du code du travail énonce « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».

Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprise de presse, publication quotidienne et périodique ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources (L. 7111-3).

Dans le cas où l’employeur n’est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel ne peut être retenue que si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale.

Au regard des textes précités, l’existence d’une convention écrite entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel n’est pas érigée en condition de fond permettant l’application de la présomption. Dès lors, le salarié peut invoquer dans son principe le bénéfice de la présomption s’il établit que les conditions sont réunies, nonobstant l’absence de convention écrite. L’absence de contrat écrit n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat de travail.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 26 OCTOBRE 2021

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N° RG 20/05566 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H5DA

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 22 OCTOBRE 2020 (référence dossier N° RG 19/00520)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SELARL B-PECOU anciennement dénommée S.E.L.GR.L. DE BOIS-B, prise en la personne de Me A B ès qualités de liquidateur de la SARL VELVET

125 terrasse de l’Université

[…]

Me Antoine PILLOT, avocat au barreau D’AMIENS, postulant

représentée, concluant et plaidant par Me Isabelle ROY MAHIEU de la SCPA PIERREPONT ET ROY MAHIEU, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Monsieur C Y

[…]

[…]

représenté, concluant et plaidant par Me E HEMBERT, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Sonia HOUZE, avocat au barreau D’AMIENS

Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) IDF EST

[…]

92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX

non comparante et non constituée

DEBATS :

A l’audience publique du 21 septembre 2021, devant Monsieur E F, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

— Monsieur E F en son rapport,

— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Monsieur E F indique que l’arrêt sera prononcé le 26 octobre 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur E F en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur E F, Président de Chambre,

Madame Corinne BOULOGNE, Présidente de chambre,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 26 octobre 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur E F, Président de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

En mars 2016, M. C Y proposait ses services à M. X, rédacteur en chef du mensuel JAZZ News détenu par la société Velvet (SARL) et les parties convenaient que M. Y rédigerait une chronique mensuelle sur les liens entre le jazz et la philosophie.

Cette chronique rédigée par M. Y a été publiée dans l’ensemble des 30 numéros de la revues.

En août 2016, M. Y a été sollicité pour la rédaction d’une seconde rubrique mensuelle, intitulée « Mieux vaut voir ça que d’être sourd » et la collaboration entre les parties a été régulière Z les trois années de publication.

La société Velvet a fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 24 avril 2019 et la SELARL B-Pecou, prise en la personne de Maître A. B en a été nommée liquidateur judiciaire.

Une difficulté est alors apparue sur le statut de M. Y qui revendiquait auprès du liquidateur judiciaire le statut de journaliste professionnel, l’existence d’un contrat de travail, des rappels de salaires pour les articles qu’il avait rédigés entre février 2019 et avril 2019 sans être payé (3914,25 ‘) et une indemnité de rupture.

M. Y a saisi le 24 octobre 2019 le conseil de prud’hommes d’Amiens qui, par jugement du 22 octobre 2020 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :

« DONNE ACTE au Centre de Gestions et d’Études GG.S. ILE DE FRANCE EST de son intervention ;

RAPPELLE que le Centre de Gestions et d’Études GG.S. ILE DE FRANCE EST ne pourra avancer au titre du régime des créances salariales que le montant des condamnations sus énoncées dans la limite des plafonds applicables et conformément aux dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du travail et L.622-17 et L.625-9 du Code de commerce à l’exclusion de la créance au. titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la garantie de l’AGS est dû dans le cas de l’exécution du contrat de travail ;

Rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L622’28 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;

Inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Velvet, ceci au profit de Monsieur C Y les sommes suivantes :

– 3.914,25 euros au titre de rappels de salaires entre les mois de février 2018 et avril 2019,

– 1.174,27 euros nets à titre de l’indemnité de rupture du contrat de travail.

Déboute Monsieur C Y de sa demande titre de l’article 700 du Code procédure civile,

Condamne la SELARL DE BOIS B es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Velvet aux dépens de la présente instance. »

La SELARL B-Pecou (anciennement la SELARL DE BOIS – B), prise en la personne de Me A. B, liquidateur judiciaire de la société Velvet a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 13 novembre 2020.

La constitution d’intimée de M. Y a été transmise par voie électronique le 9 décembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 septembre 2021.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 septembre 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 6 juin 2021, la SELARL B-Pecou, prise en la personne de Maître A. B, liquidateur judiciaire de la société Velvet demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu le 22 octobre 2020 par le Conseil de Prud’hommes d’Amiens en ce qu’il a inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Velvet au profit de Monsieur C Y les sommes suivantes :

– 3.914,25 ‘ à titre de rappels de salaire entre les mois de février 2018 et avril 2019,

– 1.174,27 ‘ à titre de l’indemnité de rupture du contrat de travail.

A TITRE PRINCIPAL :

DIRE et JUGER que Monsieur C Y ne démontre pas sa qualité de salarié de la société Velvet et que la présomption de salariat (article L7112-1 du Code du Travail) n’est pas applicable,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DIRE et JUGER que Monsieur C Y ne bénéficie pas du statut de journaliste professionnel

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur C Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONSTATER que Monsieur C Y ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’il allègue,

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur C Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 mai 2021, M. Y demande à la cour de :

« Ordonner l’appel recevable mais non fondé,

Débouter la partie appelante de l’ensemble de ses prétentions.

Confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail et ordonné que soit inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Velvet au profit de Monsieur C Y les sommes suivantes :

– 3.914,25 euros à titre de rappel de salaire entre les mois de février 2018 et avril 2019,

– 1.174,27 euros à titre d’indemnité de rupture du contrat de travail

Condamner le CGEA à garantir le paiement des sommes inscrites au passif au bénéfice de Monsieur Y ;

Condamner solidairement la SELARL B Pecou es qualité de liquidateur et le CGEA solidairement au paiement de la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la Société à responsabilité limitée Velvet aux entiers dépens. »

L’Unedic délégation AGS-CGEA IDF EST n’a pas constitué avocat ni n’a fait déposer de conclusions.

Les conclusions de M. Y et du liquidateur judiciaire lui ont été signifiées par exploit d’huissier.

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 26 octobre 2021 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS :

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la demande de requalification des contrats d’auteur en un contrat de travail :

M. Y soutient que :

— toute collaboration avec un journaliste professionnel s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail, peu important l’existence ou non d’une convention écrite n’étant exigée qu’à des fins de preuve ;

— il avait la qualité de journaliste professionnel (art. L. 7111-3 CT) du fait de sa participation régulière s’étendant sur 30 numéros successifs, et rétribuée (pièce salarié n° 6) à la publication Jazz News ; du reste cette activité lui rapportait ses ressources principales et il n’avait pas d’autres revenus (pièces salarié n° 7 et 8) ;

— le contrat de travail est présumé dés qu’il existe une relation de travail avec un journaliste professionnel (art. L. 7112-1 CT) et il bénéficie donc de cette présomption de salariat ;

— cette présomption n’est pas renversée ;

— le lien de subordination est caractérisé par les instructions données par l’employeur et les contraintes notamment de délais et d’écriture qu’il lui imposait ;

— la fourniture par l’employeur des disques et des places de concert, des coordonnées des artistes à interviewer nécessaire à l’exécution des de ses activités contredit l’exercice indépendant que le liquidateur judiciaire lui prête.

Le liquidateur judiciaire soutient que :

— M. Y ne peut se prévaloir de la présomption de salariat instituée par l’article L. 7112-1 du code du travail car il ne revêt pas la qualité de journaliste professionnel au sens des articles L. 7111-4 et L. 7111-3 du même code dès lors qu’il ne peut se prévaloir d’un contrat écrit et qu’il est contestable que l’activité exercée pour son compte était son activité principale ;

— M. Y n’apporte pas la preuve d’un lien de subordination : il ne recevait aucune instruction du rédacteur en chef, il n’était soumis à aucune contrainte temporelle et pouvoir de sanction, n’était pas soumis au respect de délais ;

— M. Y exerçait d’autres activités (pièces liquidateur judiciaire 6, 7,8)

— les paiements effectués en contrepartie des articles et chroniques rédigés par le salarié ne s’analysent pas en des salaires car ils n’intervenaient pas à intervalle régulier et étaient aléatoires, étaient évalués en fonction du nombre de signet et/ou de fiches, que le bulletin édité par la société JAZZ & CIE ne lui est pas opposable, et que les notes d’auteurs ne constituent pas des créances salariales (pièces liquidateur judiciaire 5, 17, 19)

— la pièce adverse 9 est dépourvue de force probante.

Sur le statut de journaliste professionnel et la présomption de l’article L. 7112-1 du code du travail

L’article L. 7112-2 du code du travail énonce « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».

L’article L. 7111-3 du même code dispose « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprise de presse, publication quotidienne et périodique ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources. »

Dans le cas où l’employeur n’est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel ne peut être retenue que si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale.

En l’espèce, il appartient à M. Y de prouver qu’il exécute sa prestation de travail dans les conditions posées par les textes, tel qu’interprétés par la jurisprudence, conditions qui sont cumulatives.

Au regard des textes précités, l’existence d’une convention écrite entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel n’est pas érigée en condition de fond permettant l’application de la présomption. Dès lors, le salarié peut invoquer dans son principe le bénéfice de la présomption s’il établit que les conditions sont réunies, nonobstant l’absence de convention écrite. La cour rappelle au surplus que l’absence de contrat écrit n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat de travail.

Il est constant que la société Velvet, qui a pour activité principale au regard de l’extrait Kbis l’édition de magazine de presse et la commercialisation d’espaces publicitaires, est une société de presse. Cette condition est donc remplie.

Il est tout aussi constant que la société Velvet s’est assurée du concours de M. Y en effectuant des paiements à son profit de manière régulière tel que cela ressort de la pièce 6 du salarié, non utilement contestée. Cette condition est également remplie.

Pour établir la qualité de journaliste professionnel, M. Y produit une attestation mentionnant qu’il a obtenu le diplôme de journaliste en 2010 délivré par le Centre de Formation des journalistes mentionnant et que ce diplôme est visé par le ministère de l’éducation nationale. Il verse encore aux débats des extraits d’articles qu’il a rédigé dans la magazine Jazz News au cours des années 2017, 2018 et 2019, un bulletin de salaire de décembre 2019 édité par la société JAZZ&CIE à son bénéfice d’un montant de 166 euros, des preuves de paiements par la société Velvet ainsi que ses avis d’impôt sur les revenus 2017 et 2018.

C’est cependant en effet en vain que M. Y soutient que ses ressources provenaient principalement de l’activité exercée pour le compte de la société Velvet aux motifs qu’il n’établit pas une correspondance entre le montant des paiements effectués par la société Velvet à son profit au cours des années 2016 et 2017 et ses revenus mentionnés sur ses avis d’imposition sur la même période.

Au contraire la cour relève que les revenus perçus par M. Y de la part de la société Velvet en 2016 ne représentent que 393,33 euros alors qu’il a déclaré la somme de 1949 euros au titre du total de ses revenus perçus en 2016 et qu’en 2017, la société Velvet lui a versé la somme de 1210,71 euros alors qu’il a déclaré les sommes de 2146 euros au titre des salaires et assimilés et 1716 au titre des salaires, pensions, rentes nets.

Ainsi, la correspondance que M. Y invoque entre ses revenus et les paiements effectués par la société Velvet est contredite par les pièces versées aux débats et dont il résulte que M. Y perçoit, comme le liquidateur judiciaire le soutient, d’autres revenus dont il ne précise pas la source.

Le liquidateur judiciaire verse ainsi aux débats la biographie de M. Y qui le présente comme écrivain, pianiste de jazz, journaliste, enseignant et conférencier, et une affiche de concert ou de publicité de livres dont il est auteur, permettant de corroborer l’exercice d’autres activités lui procurant une large part de ses revenus pour l’année 2016 et plus de la moitié de ses revenus pour l’année 2017.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que M. Y ne démontre pas avoir eu pour activité principale la publication quotidienne et périodique ou agence de presse et en avoir tiré le principal de ses ressources.

La cour juge par conséquent que M. Y ne démontre pas avoir eu la qualité de journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail.

Il appartient dès lors à M. Y qui revendique l’existence d’un contrat de travail, d’en apporter la preuve, à savoir par la démonstration de l’existence d’une prestation de travail contre rémunération effectuée dans un lien de subordination juridique.

Sur le lien de subordination

Un contrat de travail existe lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne ou d’une société moyennant rémunération. L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

La cour constate en premier lieu que M. Y n’invoque pas l’exercice à son encontre d’un pouvoir de sanction. Au surplus, la cour considère que ni le décalage naturel entre la remise de l’article et le paiement des droits d’auteur, ni l’éventuel retard dans le paiement ne constituent en tant que tel une sanction.

M. Y produit une pièce 9 constituant une sélection d’échanges de courriels qu’il affirme avoir échangés avec M. Z, directeur de la rédaction, ne mentionnant pas l’identité de l’expéditeur, du destinataire, la date et l’heure des échanges, et dont la forme ne permet pas de considérer qu’ils sont issus d’une messagerie électronique. La force probante de cette pièce est donc toute relative et son contenu au demeurant ne permet pas d’identifier un lien de subordination.

En effet, s’il ressort des éléments produits que la société Velvet a indiqué des consignes à M. Y relatives à la rédaction des articles, ces consignes correspondaient à la commande d’un travail dont il devait respecter l’esprit et le contexte. Aussi se trouve justifiées certaines exigences notamment d’écritures, de nombre de signes, mais également de dates de rendu des articles en lien avec les dates de parution des numéros.

De même, la fourniture par l’employeur des disques et des places de concert et des coordonnées des artistes à interviewerne caractérisent pas un lien de subordination mais la mise à disposition des moyens nécessaires à la bonne exécution d’une prestation par un co-contractant.

Enfin, M. Y n’apporte pas d’éléments permettant de caractériser qu’il n’avait pas de liberté d’organisation.

En conséquence, M. Y, sur qui repose la charge de la preuve, n’établit pas le lien de subordination nécessaire à la reconnaissance d’un contrat de travail. Il s’en déduit qu’il n’y pas lieu à requalification en contrat de travail.

Par conséquent, M. Y est mal fondé en ses demandes de rappels de salaire et d’indemnité de rupture du contrat de travail.

Le jugement entrepris est donc infirme en ce qu’il a ordonné la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Velvet des sommes à titre de rappels de salaire et d’indemnité de rupture du contrat de travail.

M. Y est débouté de l’ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes :

La cour condamne M. Y aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile et M. Y sera débouté de sa demande de ce chef pour la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens du 22 octobre 2020 sauf en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile,

Confirme de ce chef et y ajoutant :

Dit que M. Y n’a pas la qualité de salarié de la société Velvet,

Déboute M. Y de l’ensemble de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne M. Y aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT.

 


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