Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Amiens
Thématique : Télétravail : contrôle illicite de la navigation du salarié
→ RésuméL’employeur a violé la vie privée de M. X en produisant en justice ses recherches Google effectuées depuis son domicile avec son ordinateur personnel. Cette action constitue une atteinte grave à son intimité. Selon l’article L.1121-1 du code du travail, toute restriction aux droits des salariés doit être justifiée et proportionnée. Les données de navigation, obtenues via la messagerie professionnelle, n’ont pas été communiquées au salarié, ce qui renforce l’illégalité du contrôle exercé. Par conséquent, la cour a confirmé le jugement initial, condamnant l’employeur à verser des dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée.
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L’employeur porte atteinte à la vie privée du salarié en produisant en justice toutes les recherches google faites depuis son domicile, avec son ordinateur personnel, et ce par une personne dont il ignore les coordonnées. La communication par la SAS MAISONS LES NATURELLES des recherches internet effectuées par un salarié depuis son domicile personnel, constitue une atteinte grave à l’intimité de sa vie privée.
Principe de proportionnalité
Aux termes de l’article L.1121-1 du code du travail, l’employeur ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Moyens de preuve illicites
Il résulte des dispositions des articles 2 et 22 de la loi dite «’informatique et libertés’» du 6 janvier 1978 et 9 du code civil, que constituent des moyens de preuve illicites les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL.
En revanche, un système de messagerie électronique professionnelle qui n’est pas pourvu d’un contrôle individuel de l’activité des salariés et qui n’est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de l’article 24 de cette loi, ne rend pas illicite la production en justice des courriels envoyés par le salarié à partir de cette messagerie, dont il ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés et conservés par le système informatique, dès lors que ces courriels ne font pas état d’une mention leur conférant un caractère personnel.
Information impérative des salariés
Néanmoins, l’employeur ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés.
En l’espèce, les données de navigation dont le salarié a obtenu l’exclusion des débats n’ont pas été obtenues par un système de traitement automatisé de données personnelles mais à partir de sa messagerie professionnelle «lesnaturelles.E@gmail.com’» mise à sa disposition par son employeur. En outre, la nature des données extraites à savoir les sites internet consultés ne peuvent pas par hypothèse comporter de mentions leur conférant un caractère personnel.
Si les données ainsi extraites ne l’ont pas été directement à partir de son ordinateur personnel mais à partie des connexions établies en étant connecté à l’adresse email «lesnaturelles.E@gmail.com’» fournie par l’employeur, ce dernier n’établit ni n’allègue avoir porté à la connaissance du salarié le contrôle ainsi opéré.
Il ne précise pas davantage les conditions de ce contrôle. En outre, l’employeur ne justifie pas le contrôle exercé par un intérêt légitime et que les moyens mis en oeuvre sont proportionnés au but recherché. Par conséquent, l’atteinte à la vie privée est caractérisée dès lors que le mode de preuve utilisé est illicite.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2021
N° RG 20/03441 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HZGW
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 11 JUIN 2020 (référence dossier N° RG 18/00617)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur E X
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
représenté et concluant par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.S. MAISONS LES NATURELLES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[…]
[…]
représentée et concluant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l’audience publique du 15 juin 2021, devant Monsieur F G, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Monsieur F G indique que l’arrêt sera prononcé le 21 septembre 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur F G en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :
Monsieur F G, Président de Chambre,
Madame Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseiller,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 21 septembre 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur F G, Président de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffier.
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* *
DECISION :
La société MAISONS LES NATURELLES (SAS) a employé M. E X, né en 1972, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2005 en qualité de conducteur de travaux.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du bâtiment ETAM.
M. X a démissionné par lettre recommandée reçue le 21 avril 2018 et son contrat de
travail a pris fin le 23 juin 2018.
Réclamant diverses sommes au titre des heures supplémentaires, de la journée du 24 juin 2018, de la journée de solidarité 2018, des primes de réception 2018 et de fondation coulée 2018, M. X a saisi le 28 décembre 2018 le conseil de prud’hommes d’AMIENS qui, par jugement du 11 juin 2020 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :
«’DIT et JUGE M. E X bien fondé à solliciter le retrait de la pièce 10, laquelle porte atteinte au droit au respect de l’intimité de sa vie privée ;
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNE la SAS « MAISONS LES NATURELLES » à verser à M. E H la somme de 500 ‘ à titre de dommages et intérêts ;
DEBOUTE M. E X de l’ensemble de ses demandes salariales et subséquentes ;
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire du présent jugement ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.’»
A la date de rupture du contrat de travail, M. X avait une ancienneté de 12 ans et 4 mois et la société MAISONS LES NATURELLES occupait à titre habituel au moins onze salariés.
M. X a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 8 juillet 2020.
La constitution d’intimée de la société MAISONS LES NATURELLES a été transmise par voie électronique le 21 juillet 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 2 juin 2021.
L’affaire a été appelée à l’audience du 15 juin 2021.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 15 janvier 2021, M. X demande à la cour de :
«’Déclarer M. X recevable et bien fondé en son appel.
CONSTATER que la communication par la SAS MAISONS LES NATURELLES des recherches internet effectuées par M. X depuis son domicile personnel, constitue une atteinte grave à l’intimité de sa vie privée.
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’AMIENS en ce qu’il a ordonné d’écarter des débats la pièce 10 de la SAS MAISONS LES NATURELLES.
INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,
STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNER la SAS MAISONS LES NATURELLES par application des dispositions de l’article 9 du Code de Procédure Civile, à payer à M. X, la somme de 5.000 ‘ à titre de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intimé de sa vie privée, pour la production de sa pièce 10.
CONDAMNER la SAS MAISONS LES NATURELLES à payer à M. X :
– au titre des heures supplémentaires pour l’année 2016 :
* heures supplémentaires à 25% : 8.746,65 ‘
* congés payés y afférents : 874,67 ‘
* heures supplémentaires à 50% : 4.827,23 ‘
* congés payés y afférents : 482,72 ‘
– au titre des heures supplémentaires pour l’année 2017 :
* heures supplémentaires à 25% : 8.757,72 ‘
* congés payés y afférents : 875,77 ‘
* heures supplémentaires à 50% : 4.509,35 ‘
* congés payés y afférents : 450,94 ‘
– au titre des heures supplémentaires pour l’année 2018 :
* heures supplémentaires à 25% : 4.300,17 ‘
* congés payés y afférents : 430,02 ‘
* heures supplémentaires à 50% : 1.494,22 ‘
* congés payés y afférents : 149,42 ‘
– au titre de la journée du 24 juin 2018 : 153,23 ‘
– au titre des congés payés y afférents : 15,32 ‘
– au titre de la journée de solidarité 2018 : 153,23 ‘
– au titre des congés payés y afférents : 15,32 ‘
– au titre des primes de réception 2018 : 1.700 ‘
– au titre des congés payés y afférents : 170 ‘
– au titre des primes de fondation coulée 2018 : 600 ‘
– au titre des congés payés y afférents : 60 ‘
– au titre des dispositions de l’article 700 du CPC devant le CPH : 1.500,00 ‘
– au titre des dispositions de l’article 700 du CPC devant la Cour : 2.500,00 ‘
CONDAMNER la SAS MAISONS LES NATURELLES à remettre à M. X, sous astreinte de 50 ‘ par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir :
– ses bulletins de salaire rectifiés en incorporant les heures supplémentaires au titre des années 2016,2017,2018.
– le certificat de travail faisant apparaître une date de rupture au 24 juin 2018.
– l’attestation POLE EMPLOI prenant en compte l’intégration des heures supplémentaires.
DIRE que le salaire mensuel brut moyen est d’un montant de 4.406,70 ‘.
CONDAMNER la SAS MAISONS LES NATURELLES aux entiers dépens de première instance et d’appel.’»
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 16 octobre 2020, la société MAISONS LES NATURELLES demande à la cour de’:
«’Dire et juger, pour les conséquences sus-énoncées, M. E X mal-fondé en ses fins, moyens et prétentions.
Dire et juger que la demande au titre des heures supplémentaires est injustifiée pour les motifs rappelés ci-dessus, et en considération des pièces produites au débat.
Dire et juger que la pièce n° 10 produite par l’employeur ne saurait porter atteinte à la vie privée du salarié et justifier la condamnation de la concluante à des dommages et intérêts, celle-ci ayant été obtenue en relevant la messagerie professionnelle de M. X à laquelle l’employeur avait librement accès.
Dire et juger que la demande de rappel de salaire au titre du 24 juin 2018 est infondée, cette journée étant un dimanche.
Dire et juger que la journée de solidarité n’a pas été travaillée mais prise en congés payés et que les 3 jours déduits en mai 2018 constituaient eux-mêmes des congés payés.
Dire et juger que la demande au titre des rappels de prime de réception et de fondation coulée devront être rejetées en raison des arguments développés et des pièces produites au débat.
En conséquence, confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes le 11 juin 2020, mais le réformer en ce qu’il a dit et jugé M. E X bien-fondé à solliciter le retrait de la pièce 10 de l’employeur, considérant qu’elle porte atteinte au droit au respect de l’intimité et de sa vie privée et condamné la société SAS MAlSONS LES NATURELLES à verser à M. E X la somme de 500 Euros à titre de dommages et intérêts.
Condamner M. E H aux entiers dépens.
Le condamner également au paiement d’une indemnité de 2.000 Euros à valoir sur les frais et honoraires non compris dans lesdits dépens en vertu des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.’»
Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller
rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 21 septembre 2021 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur les dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée et la demande de retrait des débats de la pièce n°10 employeur
Sollicitant le retrait de la pièce n°10 produite par l’employeur, M. X soutient que l’employeur a porté une atteinte grave à sa vie privée en produisant en justice toutes les recherches google faites depuis son domicile, avec son ordinateur personnel, et ce par une personne dont il ignore les coordonnées. M. X sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’atteinte à sa vie privée et fait droit à sa demande de retrait de la pièce n°10 litigieuse, mais l’infirmation du jugement dans le quantum des dommages et intérêts alloués et demande à la cour de condamner l’employeur à lui verser la somme de 5000 ‘ de ce chef.
S’opposant à cette demande, la société MAISONS LES NATURELLES fait valoir dans un développement consacré aux heures supplémentaires que les données de navigation n’ont pas été obtenues à partir du disque dur de l’ordinateur personnel de M. X mais via sa messagerie professionnelle d’entreprise, de sorte que l’employeur est en droit de la consulter librement dès lors que le salarié n’a pas identifié les fichiers comme personnels.
Sur ce,
Aux termes de l’article L.1121-1 du code du travail, l’employeur ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Il résulte des dispositions des articles 2 et 22 de la loi dite «’informatique et libertés’» du 6 janvier 1978 et 9 du code civil, que constituent des moyens de preuve illicites les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL. En revanche, un système de messagerie électronique professionnelle qui n’est pas pourvu d’un contrôle individuel de l’activité des salariés et qui n’est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de l’article 24 de cette loi, ne rend pas illicite la production en justice des courriels envoyés par le salarié à partir de cette messagerie, dont il ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés et conservés par le système informatique, dès lors que ces courriels ne font pas état d’une mention leur conférant un caractère personnel.
Néanmoins, l’employeur ne peut mettre en ‘uvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés.
En l’espèce, il résulte des pièces produites par les parties et de leurs explications, que les données de navigation dont M. X demande l’exclusion des débats n’ont pas été obtenues par un système de traitement automatisé de données personnelles mais à partir de sa messagerie professionnelle «lesnaturelles.E@gmail.com’» mise à sa disposition par son employeur. Ce point ne fait l’objet d’aucune contestation. En outre, la nature des données extraites à savoir les sites internet consultés par M. X ne peuvent pas par hypothèse comporter de mentions leur conférant un caractère personnel.
Si les données ainsi extraites ne l’ont pas été directement à partir de son ordinateur personnel mais à p a r t i r d e s c o n n e x i o n s i n t e r n e t é t a b l i e s e n é t a n t c o n n e c t é à l ‘ a d r e s s e «lesnaturelles.E@gmail.com’» fournie par l’employeur, ce dernier n’établit ni n’allègue avoir porté à la connaissance du salarié le contrôle ainsi opéré. Il ne précise pas davantage les conditions de ce contrôle. En outre, l’employeur ne justifie pas le contrôle exercé par un intérêt légitime et que les moyens mis en ‘uvre sont proportionnés au but recherché.
Par conséquent, l’atteinte à la vie privée est caractérisée dès lors que le mode de preuve utilisé est illicite.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de retrait des débats de la pièce n°10 produite par l’employeur.
En outre, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a alloué à M. X une somme à titre de dommages et intérêts en son principe et son quantum.
M. X n’établissant pas un préjudice à hauteur de la somme qu’il sollicite, il sera débouté du surplus de ses demandes.
Sur les heures supplémentaires
M. X demande à la cour de lui allouer les sommes suivantes à titre d’heures supplémentaires rémunérées à 25% et à 50% pour les années 2016, 2017 et 2018 :
— pour l’année 2016 : 8.746,65 ‘ + 4.827,23 ‘, outre les congés payés afférents ;
— pour l’année 2017 : 8.757,72 ‘ + 4.509,35 ‘, outre les congés payés afférents ;
— pour l’année 2018 : 4.300,17 ‘ + 1.494,22 ‘, outre les congés payés afférents.
Sur ce,
Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié’; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l’espèce, M. X expose que’:
— Il commençait ses journées de travail entre 7h15 et 7h30 avec l’obligation de passer au bureau afin de justifier de l’heure de début de son activité, et terminait tard le soir ;
— Il disposait d’un secteur géographique l’obligeant à accorder un temps important à la conduite pour se rendre d’un chantier à l’autre et sa charge de travail n’a pas cessé d’augmenter, tel que cela résulte de l’attestation de M. Y ;
— Il n’a pas utilisé son temps de travail pour effectuer des recherches personnelles sur internet, les éléments issus de la pièces n°10 de l’employeur ayant été obtenus par l’employeur à partir de son
adresse mail professionnelle qu’il utilisait depuis son domicile avec son ordinateur personnel, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer qui des membres de sa famille consultait ces sites, ni si ces consultations intervenaient durant le temps de travail ;
— L’employeur ne démontre pas qu’il prenait 1h30 de pause déjeuner par jour et 30 minutes le samedi ;
— Le système de géolocalisation mis en place par l’employeur à compter d’avril 2018 aurait dû lui permettre de décompter de manière précise les horaires effectivement réalisés par les salariés et par suite l’accomplissement d’heures supplémentaires ;
— L’employeur ne lui a pourtant rémunéré aucune heure supplémentaire sur la période litigieuse.
Pour étayer ses dires, M. X produit notamment’:
— Deux attestations de M. Y et de Mme Z-A ;
— Ses agendas des années 2016, 2017 et 2018 et les récapitulatifs des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées au cours de cette période, éléments faisant apparaître les horaires de travail pour jour travaillé, les temps destinés au déjeuner et les différents lieux de chantier du salarié ;
— Une note de service du 25 avril 2018 relative à la mise en place de géolocalisation dans les véhicules de l’entreprise et un courrier de demande d’informations le concernant adressé à son employeur le 31 juillet suivant.
M. X produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
En défense, la société MAISONS LES NATURELLES expose que’:
— M. X n’a jamais revendiqué d’heures supplémentaires préalablement ;
— L’examen de l’historique de navigation et de recherche sur le moteur de recherche google a révélé que M. X a procédé à de nombreuses recherches pendant son temps de travail à des fins strictement personnelles, ces résultats ayant été obtenus par l’exploitation non pas de son disque dur personnel mais via sa messagerie professionnelle d’entreprise ;
— Des clients se sont plaints de l’absence de M. X sur les chantiers ou de son absence de réponse ;
— M. X était soumis à l’horaire collectif de travail (7h30-12h00 et 13h30- 17h00 et 8h00-11h00 le samedi), sans obligation de passer à l’agence à partir de 7h15 et il disposait d’une grande autonomie dans l’organisation de son temps de travail eu égard à ses fonctions ;
— Les relevés produits par le salarié démontrent que très peu de rendez-vous dans la journée les justifient et que le kilométrage journalier semble faible rapporté à la durée de travail revendiquée ;
— Il convient en toute hypothèse de déduire des heures sollicitées par le salarié 1h30 par jour sur 4 jours par semaine et 30 minutes le samedi au titre des pauses déjeuner, ainsi que les temps de trajet pour regagner son domicile en fin de journée dès lors qu’il ne repassait pas à l’entreprise et partait directement du chantier avec le véhicule de l’entreprise ;
— L’attestation de M. Y est vague et celle de Mme Z-A de pure complaisance.
A l’appui de ses moyens, la société MAISONS LES NATURELLES produit’:
— Les attestations de M. B et Mme C ;
— Les recherches faites par M. X à partir de google (pièce 10 employeur) ;
— Des courriels et lettres de réclamations de clients de l’entreprise ;
— Le jugement relatif au litige intervenu entre l’employeur et Mme Z-A attestant en faveur de M. X, ainsi que ses fiches de frais.
La cour rappelle que la pièce n°10 produite par l’employeur de laquelle il déduit que le salarié s’adonnait à des recherches personnelles sur internet durant son temps de travail a été écartée des débats.
Il résulte de l’ensemble des pièces produites et des moyens débattus que l’employeur ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par le salarié, lequel produit au contraire des éléments de nature à révéler qu’il commençait le travail le plus souvent à 7h15 et au maximum à 7h30, pour terminer sa journée de travail à des horaires variés mais le plus souvent au-delà de l’horaire collectif renseigné par l’employeur, soit 17h00, ce qui n’est pas contredit par des éléments objectifs versés par ce dernier. A cet égard, il y a lieu de considérer que l’existence d’un horaire collectif ne fait pas présumer des horaires effectivement réalisés personnellement par le salarié, l’employeur admettant au demeurant que M. X en qualité de conducteur de travaux disposait d’une autonomie dans l’organisation de son temps de travail. Dans le même sens, l’employeur n’apporte aucun élément de nature à justifier les temps de pause déjeuner qu’il attribue au salarié, tandis que ce dernier verse aux débats ses agendas révélant qu’il prenait tout au plus 45 minutes de pause lorsqu’il en prenait, l’attestation de M. Y suffisamment précise corroborant ces dires. S’agissant des temps de trajets domicile-travail, si l’employeur affirme qu’il convient de les soustraire des heures revendiquées par M. X qui utilisait le véhicule de l’entreprise pour regagner son domicile, il n’établit pas cette circonstance, ni que M. X les ait incluses dans les horaires qu’il revendique.
En outre, le fait que des clients se soient plaints auprès de l’entreprise de certaines malfaçons sur les maisons individuelles construites en mettant parfois en cause M. X et l’absence de réponse de sa part n’est pas de nature à remettre en cause l’accomplissement par le salarié de ses horaires normaux voire d’heures supplémentaires dès lors que ces éléments renseignent uniquement sur la qualité de travail du salarié et non sur le temps passé à l’exécution de ses tâches.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. X a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à une rémunération de 10.852,87 ‘.
Il y donc lieu de faire droit à la demande de M. X formée à hauteur de 10.852,87 ‘ et de 1.085,28 ‘ au titre des congés payés afférents.
Le surplus des demandes formées du chef des heures supplémentaires est mal fondé.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société MAISONS LES NATURELLES à payer à M. X’:
— la somme de 10.852,87 ‘, au titre des heures supplémentaires,
— la somme de 1.085,28 ‘ au titre de l’indemnité de congés payés sur les heures supplémentaires.
Sur les demandes de rappels de salaire
M. X demande la somme de 153,23 ‘ outre 15,32 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour la journée du 24 juin 2018 ainsi que les mêmes sommes pour la journée de solidarité.
Sur la journée du 24 juin 2018
M. X fait valoir qu’il a démissionné le 19 avril 2018, portant ainsi son préavis jusqu’au 21 juin suivant, mais qu’en raison de trois jours de congés déjà acquis, son contrat de travail devait prendre fin le 24 juin 2018. Il soulève que l’employeur ayant considéré que le contrat avait pris fin le 23 juin 2018, il lui est redevable d’une journée de travail, peu important qu’il s’agisse d’un dimanche dès lors que la mensualisation implique que le versement d’un salaire mensuel lissé indépendamment d’un nombre de jours effectivement travaillés dans le mois.
La société MAISONS LES NATURELLES s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation, que le 24 juin 2018 était un dimanche.
Sur ce,
La cour considère au regard des moyens déployés par le salarié que ce dernier n’entend pas spécifiquement solliciter le paiement de la journée de travail du 24 juin 2018 mais d’un jour de congé payé acquis au jour de sa démission, ayant pour effet de reporter d’autant la fin de son préavis.
L’employeur ne conteste pas spécifiquement que trois jours de congés payés avaient été acquis par M. X préalablement à la notification de sa démission le 21 avril 2018 et ne conteste pas davantage que ces jours lui étaient dus puisqu’il a repoussé la rupture du contrat devant en principe intervenir le 21 juin 2018.
L’employeur n’a pas versé de salaire pour le 24 juin considérant qu’il s’agissait d’un dimanche.
Or, indépendamment du jour de fixation de la date de fin du préavis, il n’est pas contesté qu’un jour de congé payé était acquis par le salarié et qu’il devait en recevoir le paiement.
L’employeur a ainsi privé le salarié du paiement d’une journée de travail acquise au titre d’un jour de congés payé.
L’employeur ne conteste pas spécifiquement les sommes sollicitées par M. X.
Il sera fait droit à sa demande par infirmation du jugement entrepris et la société MAISONS LES NATURELLES sera condamnée à lui verser la somme de 153,23 ‘ outre 15,32 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire.
Sur la journée de solidarité
M. X fait valoir que l’employeur a déduit à deux reprises la journée de solidarité sur les bulletins de paie des mois de mai et juin 2018, de sorte qu’il est bien fondé à demander le remboursement de cette journée.
La société MAISONS LES NATURELLES s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation, que les sommes déduites sur le bulletin de paie du mois de mai correspondent à trois jours de congés payés et non à la journée de solidarité.
Sur ce,
Il résulte de la lecture du bulletin de paie des mois de mai et de juin 2018 que des congés payés du 9 au 12 mai 2018 «’dont une journée de solidarité’» ont été déduits par l’employeur et que 7 heures d’absences pour la journée de solidarité ont également été déduites au mois de juin 2018.
L’employeur n’établit pas tel qu’il l’allègue que les sommes déduites sur le bulletin de paie du mois de mai correspondent à trois jours de congés payés exclusion faite de la journée de solidarité, étant précisé qu’il fait état de trois jours alors que la période comprend un jour férié, le 10 mai, de sorte que la journée de solidarité mentionnée correspond manifestement à un jour de congé déduit par l’employeur.
Par conséquent, la journée de solidarité a été déduite à deux reprises par l’employeur.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société MAISONS LES NATURELLES à lui verser la somme de 153,23 ‘ outre 15,32 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire.
Sur le rappel de primes de réception et de fondation coulée
M. X demande la somme de 1700 ‘ à titre de prime de réception ainsi que la somme de 600 ‘ à titre de prime de fondation coulée pour l’année 2018, outre des congés payés afférents. M. X fait valoir qu’au titre de l’année 2017, il a perçu à la fois des primes de 100 ‘ pour chaque réception de chantier et du même montant pour chaque fondation coulée, conformément aux engagements pris par la direction de l’entreprise lors d’une réunion mensuelle en janvier 2017. Il soutient que de manière unilatérale et sans en avoir avisé les salariés, l’employeur a décidé de supprimer ces primes pour l’année 2018. M. X soutient qu’elles revêtent pourtant la nature d’usage d’entreprise en raison de leur généralité, constance et fixité.
La société MAISONS LES NATURELLES s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation, que ces primes ne sont ni prévues par le contrat de travail, ni par la convention collective, que le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un usage d’entreprise, et que ces primes ont été accordées uniquement au titre de l’année 2017 n’engageant nullement l’employeur tel que cela ressort de l’attestation de M. B, directeur de travaux.
Sur ce,
Les gratifications sont dites bénévoles si l’employeur peut décider en toute liberté de l’opportunité de leur versement et de leur montant. Elles constituent alors une libéralité et n’ont pas le caractère juridique d’un salaire.
Les gratifications sont obligatoires et présentent donc le caractère juridique d’un salaire si elles sont prévues par le contrat de travail ou les conventions et accords collectifs de travail, si elles ont été instaurées par un engagement unilatéral de l’employeur ou si leur versement résulte d’un usage d’entreprise.
Le versement d’une prime revêt le caractère d’un usage lorsqu’elle réunit les trois critères de généralité, constance et fixité.
La charge de la preuve du caractère obligatoire d’une gratification appartient, en sa qualité de demandeur, au salarié.
En l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que le caractère obligatoire du versement de la prime de fin d’année résultait du contrat de travail. Il n’est ni soutenu ni établi que cette prime ait été prévue par la convention collective applicable.
Pour créer un véritable usage, la gratification doit être constante dans son attribution, c’est-à-dire qu’elle doit être versée un certain nombre de fois.
En l’espèce, le salarié établit par la production de ses bulletins de salaire que ces deux primes lui ont chacune été versée à plusieurs reprises durant l’année 2017. Elle doit en conséquence être considérée comme constante.
Pour remplir la condition de fixité, la gratification doit en principe être déterminée selon un mode de calcul constant et prédéterminé ou au moins selon des critères fixes et précis. Il est toutefois admis le caractère de fixité aux gratifications dont le montant est fixe depuis plusieurs années ou a évolué chaque année et n’a jamais diminué.
En l’espèce, il ressort des éléments produits que les montants des primes de réception et de fondation coulée étaient fixes en ce qu’elles étaient fixées à la somme de 100 euros chacune, M. B confirmant d’ailleurs cette fixité aux termes de son attestation.
Pour être considérée comme générale, la gratification doit être attribuée à l’ensemble du personnel ou, au moins, à une catégorie de personnel bien déterminée.
En l’espèce, si le salarié établit que ces deux primes ont été versées à un autre salarié de la société en la personne de M. Y attestant en ce sens, il ne ressort pas des éléments produits qu’elles aient été versées à l’ensemble des salariés de l’entreprise, ou qu’elles aient été attribuées à une catégorie de personne bien déterminée.
Le critère de généralité n’étant pas rempli, le versement de la prime de fin d’année ne peut être qualifiée d’usage.
En conséquence, M. D sera débouté de ses demande de rappel de primes de réception et de fondation coulée.
Le jugement déféré est donc confirmé.
Sur la demande de fixation du salaire
Aux termes du dispositif de ses écritures, M. X demande à la cour de dire que son salaire mensuel brut moyen est d’un montant de 4.406,70 euros sans articuler de moyens et arguments de ce chef.
L’employeur ne formule aucune demande de ce chef.
M. X ne justifiant pas du mode de calcul de son revenu mensuel brut moyen permettant d’aboutir à cette somme, il en sera débouté.
Le jugement entrepris est confirmé.
Sur la délivrance de documents sous astreinte
M. X demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) incluant le montant des salaires, les rappels d’heures supplémentaires ainsi qu’une date de rupture au 24 juin 2018 sous astreinte.
Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu’ils ne sont pas conformes au regard des dispositions du présent arrêt. Il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. X.
Rien ne permet de présumer que la société MAISONS LES NATURELLES va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n’y a donc pas lieu d’ordonner une astreinte.
Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la société MAISONS LES NATURELLES de remettre M. X le certificat de travail, les bulletins de paie et l’attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.
Sur les autres demandes
Succombant principalement, la cour condamne la société MAISONS LES NATURELLES aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne les dépens.
De même, le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société MAISONS LES NATURELLES à payer à M. X la somme de 500 ‘ en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement mais seulement en ce qu’il a dit M. X bien fondé à solliciter le retrait de la pièce 10 de l’employeur, laquelle porte atteinte au droit au respect de l’intimité de sa vie privée, condamné la société MAISONS LES NATURELLES à payer à M. X la somme de 500 ‘ à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, et l’a débouté de ses demandes de rappels de prime de réception et de fondation coulée,
Infirme le jugement pour le surplus
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Ordonne le retrait des débats de la pièce n°10 employeur dénommée
« Recherches google’» comme étant illicite,
Condamne la société MAISONS LES NATURELLES à payer à M. X les sommes suivantes :
— 10.852,87 ‘, au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 1.085,28 ‘ au titre de l’indemnité de congés payés sur les heures supplémentaires ;
— 153,23 ‘ outre 15,32 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour la journée du 24 juin 2018 ;
— 153,23 ‘ outre 15,32 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour la journée de solidarité ;
Ordonne à la société MAISONS LES NATURELLES de remettre à M. X le certificat de travail, les bulletins de paie et l’attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,
Condamne la société MAISONS LES NATURELLES à verser à M. X une somme de 500 ‘ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne la société MAISONS LES NATURELLES aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.
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